Décision

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Décision

Immeubles Yelena inc. c. Windsor

2019 QCRDL 20411

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

427583 31 20181112 V

No demande :

2672849

 

 

Date :

19 juin 2019

Régisseurs :

Éric Luc Moffatt, juge administratif

Serge Adam, juge administratif

 

Les Immeubles Yelena inc.

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Megan Ashley Windsor

 

Locataire - Partie défenderesse

 

 

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par un recours introduit le 23 janvier 2019, le locateur demande la révision de la décision rendue le 10 janvier 2019.

[2]      La demande se fonde sur l’article 90 de la Loi sur la Régie du logement qui énonce ce qui suit :

90. La Régie peut réviser une décision lorsque la demande de révision a pour objet la fixation de loyer, la modification d'une autre condition du bail ou la révision de loyer, si la demande lui en est faite par une partie dans le mois de la date de cette décision.

La révision a lieu suivant la procédure prévue par la section I. Le président de la Régie ou le vice-président qu'il désigne à cette fin détermine le nombre de régisseurs qui entendent la demande; ce nombre doit être supérieur au nombre de régisseurs ou de greffiers spéciaux ayant entendu la demande de fixation de loyer, de modification d'une autre condition du bail ou de révision de loyer.

Sauf si l'exécution provisoire est ordonnée, la demande de révision suspend l'exécution de la décision. Toutefois, la Régie peut, sur requête, soit ordonner l'exécution provisoire lorsqu'elle ne l'a pas été, soit la défendre ou la suspendre lorsqu'elle a été ordonnée.

[3]      Selon la décision rendue le 10 janvier 2019, le Tribunal rejette la demande de modification du bail du locateur qui souhaitait ajouter au bail une clause interdisant à la locataire de fumer du cannabis. La demande alors entendue se fondait sur l’article 107 de la Loi encadrant le cannabis (La Loi)[1] qui énonce ce qui suit :

« 107. Un locateur peut, d'ici le 15 janvier 2019, modifier les conditions d'un bail de logement en y ajoutant une interdiction de fumer du cannabis.

À cette fin, le locateur remet au locataire un avis de modification décrivant l'interdiction de fumer du cannabis applicable à l'utilisation des lieux.

Le locataire peut, pour des raisons médicales, refuser cette modification. Il doit alors aviser le locateur de son refus dans les 30 jours de la réception de l'avis. Dans un tel cas, le locateur peut s'adresser à la Régie du logement dans les 30 jours de la réception de l'avis de refus pour faire statuer sur la modification du bail.

En l'absence de refus, l'interdiction est réputée inscrite au bail 30 jours après la réception par le locataire de l'avis de modification. »

[4]      Par la décision rendue le 10 janvier 2019, la juge administrative Linda Boucher a conclu que la locataire a démontré que son refus de la modification du bail était fondé sur des raisons médicales et, partant, que la modification du bail recherchée par le locateur ne pouvait être autorisée par le Tribunal.

[5]      Or, lors de l’audience tenue sur la demande de révision, il ressort clairement que l’intention du locateur n’est pas de procéder à un nouvel examen de la preuve qui a mené la juge administrative à conclure à l’existence de raisons médicales sinon pour le locateur de dire que l’ordonnance médicale de la locataire a expiré depuis la décision du 10 janvier 2019 alors que la locataire démontre que celle-ci a été renouvelée jusqu’au 6 mars 2020. Toutefois, le Tribunal souligne qu’il ne s’agit pas là d’un des motifs allégués à la demande de révision.

[6]      En effet, au soutien de sa demande de révision, le locateur réfère plutôt au fait que son immeuble est un immeuble non-fumeurs et qu’il souhaite qu’il le reste.

[7]      Il ressort de la preuve que le locateur a plutôt pour motif de révision le désir de voir le bail existant respecté et les troubles de jouissance que le fait de fumer peut causer aux autres locataires de l’immeuble.

[8]      D’ailleurs, les motifs énoncés à la demande de révision sont indicatifs à cet égard, on peut y lire ce qui suit :

« The lease of the tenant hereby states that she is not allowed to smoke in the facility; tenants complained of the cannabis smoke from the apartment of the tenant. »

[9]      Le locateur recherche davantage l’exécution en nature des clauses du bail alléguant préjudice sérieux.

[10]   En effet, lors de l’audience, la présidente du locateur, soit Yelena Mustayeva réfère à des clauses prohibitives du règlement de l’immeuble annexé au bail pour en faire partie intégrante, notamment son article 9 :

« 9. BEHAVIOR

The tenants is required to behave in such a way as not to disrupt the normal enjoyment of the premises by other tenants. »

[11]   Puis, l’article 17:

« 17. SMOKING LAW

It is strictly forbidden to smoke in any communal areas of the building. »

[12]   Yelena Mustayeva fait valoir que la locataire a bel et bien reçu le règlement de l’immeuble tel qu’indiqué au bail et qu’elle doit s’y conformer.

[13]   La mandataire du locateur soutient que la locataire trouble la jouissance paisible des autres locataires et que la décision attaquée du 10 janvier 2019 n’a pas tenu compte de la teneur du bail en référence aux clauses prohibitives au bail initial. « I don’t want cannabis to be around », souligne-t-elle.

[14]   On doit comprendre qu’aucun motif de révision n’est allégué à la demande du 23 janvier 2019 puis établi par la preuve pour permettre au Tribunal de conclure qu’il est justifié d’infirmer la décision du 10 janvier 2019 rendue en application de l’article 107 de la Loi encadrant le cannabis.

[15]   La demande de révision comme l’ensemble de la preuve démontrent que le locateur recherche plutôt le respect par la locataire d’obligations légales et contractuelles sans rapport avec le bien-fondé des motifs de la décision rendue en première instance le 10 janvier 2019 en application de l’article 107 précité, et qui ont mené au refus de la demande de modification du bail.

[16]   Il faut conclure que le locateur n’a pas intenté le recours approprié puisqu’il ressort clairement de la preuve et du présent recours que le locateur cherche à sanctionner ce qu’il considère être un manquement de la locataire. À cet égard, le Tribunal souligne que la juge saisie de l’affaire a cru, par ailleurs, utile d’éclairer les parties sur ce point, lorsqu’elle énonce ce qui suit aux paragraphes 15 et 23 de sa décision.

« [15] Il ne s'agit pas, en l'occurrence, de déterminer de l'à-propos de la légitimité de la modification que souhaite le locateur ou de se prononcer sur l'effet ou du dérangement que produirait chez les autres occupants de l'immeuble, la consommation de cannabis par la locataire.

[…]

[23] Aussi, un locataire pourra voir son bail résilié par le Tribunal, et ce, en dépit de la possession d'une prescription permettant l'usage de cannabis, si cet usage cause un préjudice sérieux(3). »[2]

[17]   Suite à l’introduction d’une demande de modification du bail fondée sur l’article 107 de la Loi encadrant le cannabis, le décideur examinera uniquement si des raisons médicales justifient le refus par le locataire de la modification du bail et non si l’usage du cannabis constitue un défaut d’inexécution des obligations légales ou contractuelles qui incombent au locataire. Dans une affaire récente, le Tribunal se prononçant sur une demande fondée sur l’article 107 de la Loi le soulignait à nouveau :

« La demande ici ne vise donc pas la résiliation du bail découlant des inconvénients ou préjudices reliés à la consommation de cannabis mais simplement l’ajout d’une clause interdisant cette consommation au bail. »[3]

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[18]   REJETTE la demande de révision.

 

 

 

 

 

 

 

 

Éric Luc Moffatt

 

 

 

Serge Adam

 

Présence(s) :

la mandataire du locateur

la locataire

Date de l’audience :  

5 juin 2019

 

 

 


 



[1] RLRQ c. C-5.3.

[2] Les Immeubles Yelena inc. c. Windsor, R.L. Montréal, 427583 31 20181112, 10 janvier 2019, L. Boucher, j.a.

[3] Kwemo c. Liberman (R.L. Montréal), 436942 31 20190115 G, 17 mars 2019, A. Gagnier, j.a.

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