Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Villeneuve et Ressort Idéal ltée

2012 QCCLP 4923

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

31 juillet 2012

 

Région :

Montréal

 

Dossiers :

468094-71-1204      472225-71-1205

 

Dossier CSST :

136927662

 

Commissaire :

Michel Larouche, juge administratif

 

Membres :

Claude St-Laurent, associations d’employeurs

 

Luce Beaudry, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Michel Villeneuve

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ressort Idéal ltée

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 468094-71-1204

[1]           Le 5 avril 2012, monsieur Michel Villeneuve (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 28 mars 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]           Dans le cadre de cette décision, la CSST en confirme deux qu’elle a rendues initialement le 2 mars 2012, à la suite de l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale émis le 27 février 2012. La première décision détermine que la lésion est consolidée au 10 novembre 2011 et que le travailleur ne nécessite aucun traitement au-delà de cette date. Compte tenu de l’absence de limitations fonctionnelles, le travailleur est apte à reprendre son emploi et le versement des indemnités de remplacement du revenu prend fin au 1er mars 2012. La seconde décision détermine que le travailleur conserve un pourcentage d’atteinte permanente à son intégrité physique de 1,5 % en raison des séquelles de fracture costale.

Dossier 472225-71-1205

[3]           Le 17 mai 2012, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 3 mai 2012 par la CSST, à la suite d’une révision administrative.

[4]           Dans le cadre de cette décision, la CSST en confirme une rendue initialement le 19 mars 2012, déclarant que le travailleur est redevenu apte à exercer son emploi après l’expiration de son droit de retour au travail et que l’emploi n’est plus disponible chez Ressort Idéal ltée (l’employeur). Il a donc droit à la poursuite du versement des indemnités de remplacement du revenu jusqu’au 2 mars 2013.

[5]           Une audience s’est tenue le 10 juillet 2012, à Montréal, en présence du travailleur et de son représentant. L’employeur n’y avait délégué aucun représentant. Le dossier a été mis en délibéré à la même date.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

Dossier 468094-71-1204

MOYEN PRÉALABLE

[6]           Le travailleur soumet que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale est irrégulier compte tenu qu’il n’existait pas de litige entre la position adoptée par le médecin du travailleur et celle du médecin désigné par la CSST, ce dernier ne s’étant jamais prononcé sur les diagnostics de fracture costale et de contusion lombaire. Le membre du Bureau d’évaluation médicale ne pouvait donc être saisi de ces questions et son avis est donc irrégulier.

[7]           De façon subsidiaire, le travailleur souligne que sa condition n’est toujours pas consolidée puisqu’il est toujours en investigation pour déterminer la nature exacte du problème lombaire et costal qui l’affecte et perturbe son fonctionnement quotidien. La décision de capacité de reprendre son emploi est donc prématurée.


[8]           Le travailleur soumet également que la Commission des lésions professionnelles devrait se référer à l’avis du médecin traitant, tel qu’exprimé à l’intérieur du rapport complémentaire écrit en date du 22 décembre 2011 et de reconnaître que le travailleur est porteur de limitations fonctionnelles le rendant incapable d’exercer ses tâches.

Dossier 472225-71-1205

[9]           Le travailleur soumet que la décision portant sur la capacité à exercer l’emploi est prématurée, compte tenu du fait que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale est irrégulier et que la lésion n’est pas consolidée puisque le travailleur est toujours en investigation.

LES FAITS

[10]        La Commission des lésions professionnelles ayant décidé de prendre sous réserve le moyen préliminaire soulevé par le travailleur quant à la légalité de l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, il apparaît approprié pour cette dernière de rapporter les faits propres à la résolution de l’ensemble des litiges.

[11]        Le travailleur témoigne à l’audience. Il est mécanicien spécialisé dans la suspension de véhicules lourds.

[12]        Le 16 juillet 2010, il devait faire la réparation de la direction d’un camion servant au transport des ordures. Pour déverrouiller les pièces de la direction, il a dû monter sur le châssis pour tourner le volant. Alors qu’il tentait de faire cette manœuvre, il a glissé sur une plaque d’huile et est tombé à la renverse d’une hauteur de plusieurs pieds.

[13]        Dans le cadre de sa chute, il a heurté le coin de son coffre à outils, lequel était déposé par terre. Ainsi, il a subi une plaie à la hauteur des quatrième et cinquième côtes droites en latéral. Par la suite, il s’est retrouvé dans le puits de travail. Il avait alors mal au niveau des côtes sous le bras et à tout le côté droit. Il s’est alors présenté à l’urgence à l’hôpital de Verdun.

[14]        Le 7 octobre 2010, la docteure Marie-Suzanne Joyal pose un diagnostic de contusion au thorax droit avec plaies.

[15]        Le 21 octobre 2010, la docteure Amélie Phan émet le diagnostic de contusion et plaies au thorax.

[16]        Le 11 novembre 2010, la docteure Phan permet des travaux légers soumettant que le travailleur ne peut soulever plus de 50 livres et ce, pendant une semaine.

[17]        Le travailleur rapporte être effectivement retourné au travail, mais compte tenu de l’impossibilité d’être affecté à des tâches respectant la limitation retenue par la docteure Phan, il a dû arrêter de travailler et a consulté son médecin de famille, le docteur François Perreault.

[18]        Ce dernier voit le travailleur le 7 octobre 2010 et constate, en plus des douleurs au niveau des côtes et du thorax, une douleur à la crête iliaque de même qu’une douleur qui irradie au membre inférieur droit de type sciatique. Il ajoute un diagnostic d’entorse lombaire à celui de contusion au thorax.

[19]        Le 21 décembre 2010, une radiographie de l’hémithorax droit est effectuée. On y note des séquelles de fracture en voie de consolidation au niveau des quatrième et cinquième côtes droites dans la portion axillaire antérieure.

[20]        Le 21 décembre 2010, un scan du rachis lombaire évoque des modifications des disques au niveau L3-L4. Au niveau post-foraminal, le disque étant en contact avec la racine de L3 mais ne semble pas la comprimer de façon significative. Au niveau L4-L5, il y a un minime bombement du disque, un peu plus marqué du côté droit. Le disque est en contact avec l’origine de la racine de L5 mais ne semble pas la comprimer de façon significative, alors qu’en L5-S1, il y a une spondylolyse bilatérale associée à un minime glissement antérieur de L5 par rapport à S1.

[21]        Le 20 janvier 2011, le docteur Perreault complète une attestation médicale qui identifie des contusions au thorax et à la colonne lombaire. Il demande une résonance magnétique de même qu’un électromyogramme.

[22]        Le 24 janvier 2011, une résonance magnétique lombaire est effectuée. On n’y retrouve aucune hernie discale mais un léger bombement circonférentiel du disque avec un complexe disco-ostéophytique au niveau L2-L3.

[23]        Le 23 février 2011, la docteure Christa C. Kratz, médecin régional de la CSST, émet l’avis qu’il existe une relation entre le diagnostic de contusion lombaire et l’événement accidentel du 16 juillet 2010.

[24]        Le 2 avril 2011, le docteur Perreault complète une information médicale complémentaire écrite qui est demandée par la CSST. À la question visant à savoir si les fractures costales sont maintenant consolidées, il écrit qu’en date du 21 décembre 2010, elles ne le sont pas et que les radiographies doivent être refaites car le patient est toujours souffrant. Les traitements sont toujours nécessaires et il est trop tôt pour se prononcer sur l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique de même que sur des limitations fonctionnelles.

[25]        Le 6 avril 2011, la CSST rend une décision reconnaissant la relation existant entre le diagnostic de contusion lombaire et l’événement du 16 juillet 2010.

[26]        Le 28 avril 2011, le docteur Perreault pose un diagnostic de névralgie intercostale et de sciatalgie droite. Il poursuit les traitements de physiothérapie.

[27]        Le 4 octobre 2011, une résonance magnétique de la colonne dorsale s’avère essentiellement normale.

[28]        Le 9 octobre 2011, le docteur Perreault fait état d’un diagnostic de lombalgie. Il recommande le travailleur aux soins du docteur Denis Duranleau, physiatre, pour consultation.

[29]        Le 1er novembre 2011, une nouvelle résonance magnétique lombaire est effectuée et on y révèle une légère dégénérescence discale multi-étagée avec petite hernie discale foraminale gauche au niveau L3-L4, sans atteinte sur la racine L3 dans le foramène.

[30]        Le 7 novembre 2011, une scintigraphie osseuse est effectuée. On n’y relève aucun signe de lésion active au niveau du rachis et du gril thoracique. Il n’y a pas de signe de fracture ou d’écrasement récent.

[31]        Le 11 novembre 2011, le docteur Michel Germain procède à l’évaluation du travailleur, à la demande de la CSST. À l’examen subjectif, le travailleur lui rapporte que s’il appuie le dos contre un dossier, il a une sensation de crampe qui part de la ligne axillaire de l’hémithorax droit qui irradie sur le sein droit. Cette douleur est située au niveau des neuvième et dixième côtes droites. Lorsqu’il fait cette manœuvre, il y a également une douleur qui descend vers le bassin du côté droit sous la ceinture. Lorsqu’il marche pendant plus de 20 à 30 minutes, sa jambe droite devient chaude et par la suite il a des crampes sous les deux pieds.

[32]        À l’examen objectif, il n’y a pas de déformation au niveau du thorax. La pression à ce niveau donne une douleur dorsale vers les neuvième et dixième côtes para-dorsales droites. Au niveau du rachis lombaire, il n’y a pas de spasme et les amplitudes articulaires sont complètes en flexion et en extension. Au niveau des inclinaisons, l’amplitude se situe à 30 degrés à droite, 35 à gauche et au niveau des rotations, elles sont de 40 degrés à droite et 35 à gauche. Les manœuvres du tripode et de Lasègue sont négatives. Il mentionne que les sacro-iliaques sont silencieuses tant en décubitus dorsal que ventral.


[33]        Compte tenu du moyen préalable soulevé par le travailleur, il y a lieu de reproduire textuellement l’opinion émise par le docteur Germain :

Suite au questionnaire et à l’examen de monsieur Michel Villeneuve à la clinique Médiavis inc. de Greenfield Park le 10 novembre 2011 et suite à l’étude du dossier qui m’a été confié, j’en viens à la conclusion qu’en relation avec une contusion et une plaie thoracique droite survenue le 7 octobre 2010, ce patient a atteint une consolidation de ses lésions au moment du présent examen du 10 novembre 2011.

 

En présence d’un examen clinique normal de l’hémithorax droit et d’une scintigraphie négative, j’estime que monsieur Villeneuve a eu tous les traitements nécessaires à cette condition et qu’il n’y a pas lieu de poursuivre quelque traitement ou investigation.

 

J’estime que monsieur Villeneuve, suite à la blessure subie au niveau de l’hémithorax droit le 7 octobre 2010 ne garde aucune atteinte permanente, aucune limitation fonctionnelle l’empêchant de retourner à ses activités normales de travail.

 

 

[34]        Le 15 décembre 2011, le docteur Perreault produit une attestation médicale où il réitère les diagnostics de lombalgie et recommande les traitements de physiothérapie.

[35]        Le 22 décembre 2011, le docteur Perreault remplit un rapport complémentaire écrit où il donne son opinion à la suite de l’évaluation du docteur Germain. Il indique que le patient présente une douleur persistante et des limitations et qu’il n’est pas consolidé. Il souligne qu’il y a lieu de poursuivre la physiothérapie et le suivi avec le docteur Duranleau. Le travailleur n’est pas en mesure de retourner à son travail puisqu’il ne peut soulever de poids de plus de 10 livres, faire des mouvements de rotation, de flexion dorsale. La contusion au thorax entraîne une atteinte permanente cicatricielle et a également des problèmes de fascia plantaire qui seraient secondaires à la chute. Il faut donc considérer qu’il y a des limitations pour la fracture du thorax.

[36]        Le 12 janvier 2012, le docteur Perreault réitère à nouveau le diagnostic de lombalgie et maintient la nécessité des traitements de physiothérapie.

[37]        Les 1er et 22 février 2012, le docteur Perreault réaffirme le diagnostic de lombalgie.

[38]        Le 6 février 2012, le docteur Faramarze Dehnade, membre du Bureau d’évaluation médicale, procède à l’évaluation du travailleur. Au niveau des plaintes subjectives, le travailleur se plaint d’une douleur à la région thoracique du côté droit avec irradiation vers le sein du même côté. Il se plaint également d’une douleur lombaire avec irradiation vers les deux membres inférieurs intéressant surtout la cuisse à la partie antérieure avec sensation de brûlure.

[39]        À l’examen objectif, il y a une cicatrice en regard des quatrième et cinquième côtes du côté droit, à l’arrière de la ligne axillaire. La palpation des quatrième et cinquième côtes est indolore. Par contre, il existe une douleur à la pression des neuvième et dixième côtes.

[40]        À l’examen du rachis dorsolombaire, les amplitudes articulaires sont complètes, de même que celles des hanches. L’examen neurologique est normal. La sacro-iliaque, lorsque mise en tension, est indolore.

[41]        Le docteur Dehnade consolide la lésion au 10 novembre 2011, compte tenu d’un examen normal qu’il qualifie identique à celui du docteur Germain. Il n’y a pas de nécessité de traitements au-delà de cette date. Compte tenu du fait que la cicatrice est non vicieuse, il n’y a pas lieu de lui reconnaître une atteinte permanente pour préjudice esthétique, mais il y a lieu de reconnaître un pourcentage d’atteinte permanente de 1,5 % pour des séquelles de fracture de côte avec persistance de douleur au thorax sous le code 224 359. Par ailleurs, il n’y a pas lieu d’y associer des limitations fonctionnelles.

[42]        Le 20 avril 2012, la docteure Muriel Haziza procède à l’évaluation du travailleur, à la demande du représentant de ce dernier. Elle agit alors à titre de médecin expert et non de médecin traitant de ce dernier.

[43]        À son examen objectif, elle note des limitations de 10 degrés en flexion et extension du rachis dorsolombaire. Elle relève des douleurs à la palpation à la charnière lombo-sacrée, notamment au niveau L5-S1 de façon plus marquée en para-vertébral droit. Par ailleurs, la palpation de la sacro-iliaque est plus douloureuse. Les manœuvres de Gaenslen et Fabere sont positives bilatéralement de façon plus importante à droite qu’à gauche. Il y a des tensions myofasciale au niveau de la musculature fascière plus importante à droite. L’examen neurologique des membres inférieurs est normal mais il y a légère diminution du réflexe rotulien droit tout comme le réflexe achilléen droit qui est légèrement diminué par rapport au gauche.

[44]        La docteure Haziza relève des douleurs à la palpation des régions costo-vertébrales au niveau des quatrième et cinquième côtes droite, associée à des douleurs à la compression de la cage thoracique. La cicatrice est non adhérente ni vicieuse. La docteure Haziza émet des diagnostics de fracture costale droite avec dysfonction costo-vertébrale résiduelle de même que de statut post-entorse des articulations sacro-iliaques plus marqué à droite qu’à gauche. Elle suggère d’éliminer une radiculopathie L3 droite, compte tenu de la présence de lombo-cruralgies. Elle considère que les traitements seraient toujours appropriés dont un EMG pour éliminer la possibilité d’une radiculopathie L3.

[45]        Le travailleur mentionne à la Commission des lésions professionnelles que depuis la décision de la CSST, faisant suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, il n’a pas eu d’autres traitements. Par ailleurs, il dépose lors de l’audience le résultat d’un EMG du 18 avril 2011, lequel ne relève aucune évidence de perte axonale résultant d’une radiculopathie lombaire des niveaux E3 à S1 droits.

L’ARGUMENTATION DU TRAVAILLEUR

Dossier 468094-71-1204

MOYEN PRÉALABLE

[46]        Le travailleur soumet que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale est irrégulier. Il n’existait pas de différend entre l’opinion du docteur Germain et celle du docteur Perreault sur la condition lombaire du travailleur.

[47]        À cet effet, le docteur Germain ne s’est jamais prononcé formellement sur la composante lombaire et, en conséquence, cette question ne pouvait être soumise au Bureau d’évaluation médicale. La lésion ne pouvait donc être consolidée et de ce fait, la décision portant sur l’atteinte permanente, les limitations fonctionnelles et la capacité du travailleur à exercer son emploi, était prématurée. Le dossier doit être retourné à la CSST.

Dossier 472225-71-1205

[48]        De façon subsidiaire, le travailleur soumet que la preuve prépondérante est constituée des opinions des docteurs Perreault et Haziza qui reconnaissent que la lésion professionnelle du travailleur n’est toujours pas consolidée et nécessite une investigation complémentaire. Le travailleur conserve des limitations fonctionnelles qui le rendent incapable de reprendre son emploi, lequel était fort exigeant par ailleurs.

L’AVIS DES MEMBRES

Dossier 468094-71-1204

[49]        La membre issue des associations syndicales de même que le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis d’accueillir en partie le moyen soulevé par travailleur. Ils conviennent que le membre du Bureau d’évaluation médicale n’aurait pas dû être saisi de la question portant sur la condition lombaire puisqu’il n’existait aucun différend entre l’opinion du docteur Germain et celle du docteur Perreault à ce sujet, le docteur Germain n’ayant jamais émis d’opinion.

[50]        Par ailleurs, ils sont d’accord que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale est régulier en ce qui a trait à la condition thoracique du travailleur et ils croient opportun de se prononcer sur le fond de cette question.

[51]        La membre issue des associations syndicales de même que le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis de retenir l’opinion du membre du Bureau d’évaluation médicale à l’effet que la lésion au niveau thoracique entraîne une atteinte permanente de l’ordre de 1,5 % mais aucune limitation fonctionnelle. Ils considèrent prépondérantes les évaluations des docteurs Germain et Dehnade. À ce sujet, ils ne retiennent pas l’opinion de la docteure Haziza sur la non-consolidation de cette lésion, son examen objectif étant très peu spécifique.

[52]        Par ailleurs, compte tenu que la lésion lombaire ne peut être considérée consolidée en raison de l’irrégularité de l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale sur cette question, il est prématuré de rendre une décision sur la capacité du travailleur à reprendre son emploi. Le dossier doit donc être retourné à la CSST.

Dossier 472225-71-1205

[53]        Compte tenu du fait que la décision portant sur la capacité du travailleur à exercer son emploi était prématurée, celle portant sur l’application de l’article 48 est sans objet.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Dossier 468094-71-1204

[54]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer la légalité de l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale. La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit les conditions dans lesquelles la CSST peut solliciter l’intervention d’un membre du Bureau d’évaluation médicale. Les articles 204, 205.1 et 206 circonscrivent ce droit :

204.  La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .

__________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

 


205.1.  Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .

__________

1997, c. 27, a. 3.

 

 

206.  La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.

__________

1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

[55]        L’article 205.1 prévoit que lorsqu’il existe un désaccord entre l’opinion d’un professionnel de la santé désignée par la CSST et le médecin qui a charge, la CSST peut diriger le tout devant le membre du Bureau d’évaluation médicale.

[56]        Dans le présent dossier, il existait effectivement un désaccord entre l’opinion du docteur Germain et celle du docteur Perreault sur les questions de la consolidation de la fracture costale, la nécessité de poursuivre les traitements, la présence d’une atteinte permanente de même que sur l’existence de limitations fonctionnelles relatives à ce diagnostic. Il était tout à fait justifié, dans les circonstances, de diriger le dossier au Bureau d’évaluation médicale en fonction de ce diagnostic.

[57]        Par ailleurs, le docteur Germain ne s’est jamais prononcé sur la pathologie lombaire affectant le travailleur.

[58]        Décrivant le mandat que lui a confié la CSST, le docteur Germain écrit :

L’objet de cette expertise médicale est d’établir, en relation avec un événement survenu au travail le 7 octobre 2010, ayant entraîné une contusion et une plaie au thorax droit, les points suivants :

 

Ainsi, bien qu’il ait procédé à l’évaluation du rachis lombaire et constaté des limitations d’amplitude, notamment en flexion latérale et en rotation, le docteur Germain n’émet aucune conclusion par rapport à cette pathologie. Le docteur Perreault, dans le cadre du rapport complémentaire écrit du 22 décembre 2011, n’aborde pas non plus la pathologie lombaire affectant le travailleur.

 

Ainsi, non seulement il n’existait aucun différend entre ces deux professionnels de la santé quant à la pathologie lombaire, ces derniers ne se sont jamais prononcés. C’est à savoir si cette dernière était consolidée, si elle nécessitait toujours la poursuite de traitements, si elle entraînait une atteinte permanente à l’intégrité physique et si elle justifiait l’octroi de limitations fonctionnelles.

 

 

[59]        Dans ces circonstances, il apparaît à la Commission des lésions professionnelles, tout à fait inapproprié que le membre du Bureau d’évaluation médicale se prononce sur cette question en l’absence d’un différend entre les professionnels de la santé et surtout en raison du fait qu’aucun de ces médecins ne s’est prononcé sur cet aspect. Au surplus, la CSST n’a pas jugé à propos de confier le mandat à son médecin désigné d’examiner cette question.

[60]        Bien que le deuxième paragraphe de l’article 221 de la loi permette au membre du Bureau d’évaluation médicale de donner son avis ou si le médecin qui a charge, le professionnel de la santé désigné par la CSST, ne s’est pas prononcé lorsqu’il l’estime approprié, encore faut-il que le membre du Bureau d’évaluation médicale mentionne qu’il utilise ce pouvoir et qu’il énonce ses justifications. L’article 221 de la loi se lit comme suit :

221.  Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.

 

Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.

__________

1985, c. 6, a. 221; 1992, c. 11, a. 23.

 

 

[61]        Dans le présent dossier, le membre du Bureau d’évaluation médicale ne discute aucunement du fait qu’il utilise son pouvoir discrétionnaire et ne justifie pas son intervention. Cette dernière est donc inappropriée et l’avis émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale sur la condition lombaire est irrégulier. Le dossier doit donc être retourné à la CSST afin que cette dernière traite le diagnostic de contusion lombaire qu’elle a accepté comme étant en relation avec la lésion professionnelle conformément à la loi.

[62]        En ce qui a trait à la condition costale, la Commission des lésions professionnelles retient comme prépondérante l’opinion émise par le membre du bureau d’évaluation médicale et considère que la lésion est consolidée au 10 novembre 2011, sans nécessité de traitements au-delà de cette date. Le travailleur conserve un pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique de 1,5 % en raison de cette lésion, mais aucune limitation fonctionnelle.

[63]        L’examen du membre du Bureau d’évaluation médicale est essentiellement superposable à celui réalisé par le médecin désigné par la CSST. L’examen du thorax de la docteure Haziza est succinct et cette dernière ne suggère aucun traitement pour cette condition  et demeure silencieuse quant à ses répercussions.

[64]        La Commission des lésions professionnelles ayant déterminé que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale est irrégulier en ce qui a trait à la condition lombaire, elle est liée par l’avis du médecin traitant conformément aux dispositions de l’article 224 de la loi et doit considérer que cette condition n’est pas consolidée. L’article 224 se lit comme suit :

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

[65]        La loi prévoit que tant qu’une lésion n’est pas consolidée, le travailleur est présumé incapable d’exercer son emploi. Cette présomption est prévue à l’article 46 de la loi :

46.  Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.

__________

1985, c. 6, a. 46.

 

 

[66]        La Commission des lésions professionnelles ne dispose d’aucune preuve permettant de renverser la présomption prévue à l’article 46 de la loi. Ainsi, elle ne peut reconnaître que le travailleur est apte à exercer son emploi. Le dossier doit donc être retourné à la CSST pour que cette dernière traite le diagnostic de contusion lombaire qu’elle a accepté. La décision portant sur la capacité du travailleur est donc prématurée.

Dossier 472225-71-1205

[67]        Compte tenu du fait que la Commission des lésions professionnelles déclare prématurée la décision portant sur la capacité du travailleur à exercer son emploi, la décision portant sur son droit à la poursuite du versement des indemnités de remplacement du revenu, en vertu de l’article 48 de la loi est sans objet. Cet article se lit comme suit :

48.  Lorsqu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle redevient capable d'exercer son emploi après l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail, il a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 jusqu'à ce qu'il réintègre son emploi ou un emploi équivalent ou jusqu'à ce qu'il refuse, sans raison valable, de le faire, mais pendant au plus un an à compter de la date où il redevient capable d'exercer son emploi.

 

Cependant, cette indemnité est réduite de tout montant versé au travailleur, en raison de sa cessation d'emploi, en vertu d'une loi du Québec ou d'ailleurs, autre que la présente loi.

__________

1985, c. 6, a. 48.

 

 

La requête du travailleur est accueillie.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 468094-71-1204

ACCUEILLE EN PARTIE la requête du travailleur, monsieur Michel Villeneuve;

MODIFIE la décision rendue le 28 mars 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE irrégulier l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale portant sur la condition lombaire du travailleur;

DÉCLARE qu’eu égard aux diagnostics de contusion costale et de fracture costale, la lésion est consolidée au 10 novembre 2011 et qu’aucun traitement n’est nécessaire après cette date;

DÉCLARE que le travailleur conserve un pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique de 1,5 % pour une fracture de côtes avec séquelles fonctionnelles mineures, code 104 675;

DÉCLARE que le travailleur ne conserve aucune limitation fonctionnelle des suites de la contusion et des fractures costales;

DÉCLARE prématurée la décision portant sur la capacité du travailleur à exercer son emploi;

DÉCLARE que le travailleur a droit à la poursuite du versement des indemnités de remplacement du revenu; 


RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour que la condition lombaire soit traitée.

Dossier 472225-71-1205

ACCUEILLE la requête du travailleur;

DÉCLARE sans objet la décision rendue le 3 mai 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative.

 

 

 

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Michel Larouche

 

 

 

 

M. Éric Marsan

LÉGER, MARSAN, ASSOCIÉS

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

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