Décision

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Mayer (Syndic de)

2014 QCCS 3512

JT1367

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

trois-rivières

 

N° :

400-11-004840-145

 

DATE :

Le 10 juillet 2014

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CLAUDETTE TESSIER COUTURE, j.c.s.

 

 

Dans l’affaire de la faillite de :

marie-josée mayer, domiciliée et résidant au […], Trois-Rivières, district de Trois-Rivières, […]

Débitrice

c.

serge lacerte, domicilié et résidant au […], Trois-Rivières, district de Trois-Rivières, […]

Requérant

et

raymond, chabot inc., Syndic, 1610, rue Bellefeuille, bureau 400, Trois-Rivières, district de Trois-Rivières, G9A 1H7

Mise en cause

 

 

JUGEMENT

 

 

[1]          Serge Lacerte demande au Tribunal de l’autoriser à continuer les procédures entreprises devant la Cour du Québec, malgré l’avis de surseoir transmis le 4 février 2013 par la mise en cause, Raymond, Chabot inc., Syndic, en vertu de l’article 69 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

[2]          Pour une meilleure compréhension, il y a lieu de préciser la chronologie des événements :

o       Le 2 novembre 2009, Marie-Josée Mayer, débitrice dans le présent dossier, a fait cession de ses biens;

o       Le 12 février 2010, Serge Lacerte a payé un mondant de 43 513,74$ au Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, suite à une réclamation solidaire contre lui et Marie-Josée Mayer;

o       Le 25 janvier 2013, Serge Lacerte a déposé, devant la Cour du Québec, une Requête introductive d’instance, réclamant une somme de 21 756,87$ à Marie-Josée Mayer;

o       Le 4 février 2013, l’Avis de suspension des procédures a été transmis par la mise en cause.

[3]          Serge Lacerte et Marie-Josée Mayer ont obtenu frauduleusement des prestations du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale par des fausses déclarations sur leur situation et leurs besoins, en prétendant qu’ils ne faisaient pas vie commune, alors qu’effectivement, ils vivaient maritalement.

[4]          S’appuyant sur l’article 178 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, Serge Lacerte soutient que la dette de Marie-Josée Mayer ne peut être annulée en vertu de l’article 178 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité par le jugement de libération de faillite et, ayant acquitté la dette pour laquelle il était tenu solidairement responsable, postérieurement à la cession des biens de la débitrice Marie-Josée Mayer, il avance qu’il est subrogé dans les droits du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, d’où sa réclamation à Marie-Josée Mayer.

[5]          À l’audience, la question de la prescription a été débattue. Or, la prescription n’a pas à être analysée.

[6]          La question soumise au Tribunal est : L’article 178 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité est au bénéfice d’un créancier, cet article de la Loi peut-il bénéficier à un complice d’un acte frauduleux se disant subrogé dans les droits du créancier?

[7]          Les termes «créancier» et «subrogé» se définissent ainsi[1] :

«Créancier» : Personne qui est titulaire d’une créance.

«Subrogé» :    Qui remplace une autre personne par subrogation.

La «Subrogation» étant :       Substitution d’une personne à une autre dans un rapport juridique.

[Notre soulignement]

[8]          Pierre-André Côté, dans son traité sur l’interprétation des lois[2], rappelle, traitant des définitions données dans un texte de loi :

[...] il faut toujours se rappeler que le sens d’un mot est en grande partie tributaire du contexte, [...]

[9]          La fraude, en ne révélant pas leur réelle situation maritale, a été commise d’un commun accord par Marie-Josée Mayer et Serge Lacerte, d’où la solidarité découlant de la Loi.

[10]       L’objectif recherché par le législateur, en adoptant l’article 178, ne peut être de favoriser le complice responsable solidairement de la dette due suite à de fausses représentations ou des représentations frauduleuses que la prescription soit ou pas acquise.

[11]       Le Tribunal considère qu’aucune disposition législative ne justifie un tel résultat.

[12]       Comme le rappelle madame la juge Laberge[3] :

[51]      Selon l'auteur Jacques Deslauriers[4], le créancier qui invoque l'article 178(1)(e) doit démontrer:

«-  que le débiteur a fait une représentation;

-          que cette représentation était fausse;

-          que le débiteur le savait;

-          que le débiteur a fait cette fausse déclaration pour obtenir un bien et qu'effectivement, le créancier lui a fourni ce bien.»

[13]       Comment le complice de la représentation fausse et frauduleuse peut-il maintenant prétendre au titre de créancier en soutenant qu’il «remplace une autre personne (le créancier) par subrogation»?

[14]       Les lois doivent être respectées par tous, c’est une question de responsabilité légale et aussi sociétale.

[15]       La complicité de Marie-Josée Mayer et Serge Lacerte est en contravention de la loi.

[16]       En ne respectant pas la loi, comment Serge Lacerte peut-il maintenant en rechercher les bénéfices pour lui-même?

[17]       La maxime «Celui qui viole la loi recherche en vain son secours» doit s’appliquer.

[18]       Le Tribunal fait siens les propos de madame la juge Lavigne[5] : «[...] le Tribunal deviendrait complice de la supercherie» de Marie-Josée Mayer et de Serge Lacerte, alors qu’ils ont fait des représentations fausses et frauduleuses pour obtenir les bénéfices de prestations.

[19]       Pierre-André Côté écrit[6], sous le titre La raison et la justice :

La présomption favorisant l’interprétation la plus raisonnable et la plus équitable emprunte, dans la jurisprudence, des formulations très diverses. En fait, on s’aperçoit que cette présomption se ramène à une méthode d’interprétation des lois à la lumière de leurs effets ou de leurs conséquences. Maxwell résume ainsi la doctrine admise sur le sujet :

«Avant d’adopter une des interprétations suggérées d’un passage qui se prête à plusieurs, il importe de considérer quels en seraient les effets ou conséquences, car ce sont souvent ces effets ou conséquences qui indiquent la vraie signification des mots. Il y a des résultats que le législateur est présumé ne pas avoir eu l’intention de rechercher. On doit donc éviter toute interprétation qui aboutit à l’un d’eux.»[7]

[...]

Dans la jurisprudence, la présomption apparaît avec une force variable. Sous sa forme la moins insistante, elle exprime simplement qu’entre deux interprétations, dont l’une conduit à des conséquences déraisonnables ou inéquitables et l’autre non, il faut préférer cette dernière. [...]

[Nos soulignements]

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[20]       REJETTE la Requête de Serge Lacerte pour être autorisé à continuer des procédures;

[21]       AVEC FRAIS, contre Serge Lacerte.

 

 

 

________________________________________

CLAUDETTE TESSIER COUTURE, j.c.s.

 

Me Michel Perreault

raymond, chabot inc.

1610, rue bellefeuille, bureau 400

trois-rivières (québec) G9A 1H7

 

Procureurs de la débitrice

 

 

Me Maxim Veillette

legris, michaud, lacoursière

282, radisson, c.p. 662

trois-rivières (québec) G9A 5J3

 

Procureurs du requérant

 

RAYMOND, CHABOT INC., Syndic

1610, rue bellefeuille, bureau 400

trois-rivières (québec) G9A 1H7

 

Mise en cause

 

 

Date d’audience :

Le 10 juin 2014

 



[1] Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2001.

[2] Pierre-André CÔTÉ, Interprétation des lois, 3e éd., Montréal, Les Éditions Thémis, 1999, p. 77.

[3] 2009 QCCQ 218.

[4] Jacques DESLAURIERS, La faillite et l'insolvabilité au Québec, Montréal, Wilson et Lafleur, 2004, p. 520.

[5] 2010 QCCQ 6889, par. 53.

[6] Préc., note 2, p. 563, 564.

[7] Peter St. John LANGAN, Maxwell On the Interpretation of Statutes, 12e éd., Londres, Sweet & Maxwell, 1969, p. 105, passage cité par le juge Martland, dissident, dans le Renvoi relatif à la Loi de 1968-69 modifiant le droit pénal, [1970] R.C.S. 777, 793.

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