Plastiques Balcan ltée |
2012 QCCLP 2923 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Québec |
30 avril 2012 |
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Région : |
Montréal |
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Dossier CSST : |
133563197 |
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Commissaire : |
Martin Racine, juge administratif |
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Partie requérante |
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[1] Le 9 juin 2011, Plastiques Balcan ltée (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 6 mai 2011, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 9 janvier 2011 et déclare que l’employeur doit être imputé de la totalité du coût des prestations versées à monsieur Parmamand Ramdihal (le travailleur).
[3] Une audience est tenue à Montréal le 24 avril 2012 en présence du représentant de l’employeur. L’affaire est mise en délibéré le même jour.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le coût des prestations d’indemnité de remplacement du revenu ainsi que celui des soins et traitements reçus par le travailleur après le 10 mai 2009 soient transférés à l’ensemble des employeurs.
[5] Il demande également d’être désimputé d’une partie du coût des indemnités pour préjudice corporel soit d’un déficit anatomo-physiologique de 4 % et que le tribunal déclare que les limitations fonctionnelles qui ont été retenues sont reliées à la capsulite de l’épaule gauche qui constitue une nouvelle lésion résultant de l’omission de soins.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer quels sont les coûts des prestations qui doivent être imputées aux employeurs de toutes les unités.
[7] En effet, dans une décision rendue le 27 janvier 2010, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour une lésion survenue le 19 août 2009, soit une capsulite de l’épaule gauche. Considérant que cette nouvelle lésion « est survenue par le fait ou à l’occasion d’une activité prescrite dans le cadre des traitements médicaux » reliée à l’accident du travail dont le travailleur a été victime le 18 juin 2008.
[8] Ce jour-là, il subit une fracture ouverte de l’avant-bras et de l’humérus gauches alors qu’il occupe un poste d’assistant-opérateur chez l’employeur où il œuvre depuis 1986. C’est en plaçant un tube de carton entre deux rouleaux que son bras gauche est coincé. Il est transporté en ambulance à un centre hospitalier où il est opéré le même jour par l’orthopédiste Martin Lavigne qui devient son médecin qui a charge.
[9] À la suite de la chirurgie, il porte une orthèse puis il est référé en physiothérapie et en ergothérapie où il reçoit des traitements trois jours par semaine.
[10] À compter du 13 janvier 2009, le travailleur fait l’objet d’une assignation temporaire autorisée par son médecin qui a charge.
[11] Une note évolutive complétée par le physiothérapeute le 24 mars 2009 indique que le travailleur rapporte un craquement à l’épaule gauche à la mobilisation et qu’il doit voir son médecin le 1er avril 2009. Ce jour-là, le docteur Lavigne fait état dans son rapport d’un craquement douloureux à l’épaule gauche et prescrit une échographie dynamique de l’épaule gauche. Cet examen est réalisé le 19 mai 2009. La radiologiste constate l’aspect « légèrement atrophique du supra-épineux » et suspecte une légère atrophie des muscles de la coiffe des rotateurs, ce qui l’amène à la conclusion suivante :
Cliniquement, je suspecte de légers phénomènes de capsulite. Au besoin, ce patient pourrait bénéficier d’une infiltration cortisonnée de l’articulation glénohumérale à raison de 2 à 3 injections espacées de 4 à 6 semaines. Nous demeurons disponibles pour effectuer ces infiltrations à notre clinique.
[12] Malgré la teneur de ce rapport, il ressort du dossier que le travailleur n’a jamais reçu les infiltrations recommandées.
[13] Le 19 juin 2009, le travailleur est évalué à la demande de l’employeur par le docteur Pierre Major, orthopédiste. Après avoir révisé le dossier et examiné le travailleur, il conclut ainsi en regard du diagnostic :
Je retiens les diagnostics de fracture ouverte de l’avant-bras gauche avec fracture de l’humérus gauche. J’assume que ces lésions présentent une consolidation osseuse car les traitements de physiothérapie ont débutés et que le patient n’a aucune orthèse de protection quelconque.
Je mets en évidence également chez ce patient une capsulite à l’épaule gauche, capsulite qui n’a pas eu de traitement spécifique jusqu’à présent. [sic]
[14] Le docteur Major est d’opinion que la capsulite de l’épaule gauche n’est pas consolidée en raison du manque de force et d’endurance et de l’atrophie musculaire associée. Il suggère la poursuite des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie en vue d’un renforcement musculaire « ainsi que l’obtention d’une arthrographie distensive avec cortisone au niveau de l’épaule gauche » afin d’améliorer la mécanique de l’épaule et aussi pour résorber des symptômes inflammatoires présentés par le patient.
[15] Il est d’avis que c’est la douleur que le travailleur ressent à l’épaule gauche, qui découle de la capsulite, qui retarde l’amélioration au niveau du bras et de l’épaule gauches.
[16] Dans la note médico-administrative qu’il complète le 19 juin 2009, le docteur Major constate qu’aucun diagnostic de capsulite n’a été posé jusqu’à présent et qu’aucun traitement spécifique n’a été effectué de sorte que « cette condition est en train de se chroniciser et est responsable des symptômes » que le travailleur présente.
[17] Il ajoute que c’est l’omission de soins à l’épaule gauche qui provoque des symptômes majeurs chez le travailleur et qui entraîne un retard dans les traitements de physiothérapie. Il est aussi d’avis que l’ankylose pourrait être difficile à résorber et que le travailleur pourrait demeurer avec des séquelles permanentes et des limitations fonctionnelles particulièrement reliées à la capsulite qui n’a pas été traitée de façon optimale.
[18] Le 19 août 2009, le travailleur revoit le docteur Lavigne qui ajoute au diagnostic de fractures et de lésion au nerf radial gauche celui de capsulite à l’épaule gauche. Il indique que la condition du travailleur s’améliore et qu’il y a lieu de continuer les traitements.
[19] S’appuyant sur l’expertise du docteur Major, l’employeur dépose à la CSST, le 10 septembre 2009, une demande de transfert d’imputation fondée sur l’article 227 de la loi. Il y allègue que les coûts de l’indemnité de remplacement du revenu et ceux reliés aux soins et traitements depuis le 8 juin doivent être imputés aux employeurs de toutes les unités.
[20] Une radiographie simple de l’avant-bras gauche effectuée le 14 octobre 2009 révèle que le « matériel d’ostéosynthèse (est) bien toléré ». De plus, le radiologiste indique que les axes anatomiques normaux sont conservés.
[21] Le docteur Lavigne revoit le travailleur le même jour. Il autorise l’augmentation de la prestation de travail dans le cadre de l’assignation temporaire et prévoit un rendez-vous ultérieur dans environ trois mois.
[22] Le travailleur est évalué à la demande de la CSST, le 4 août 2010, par le docteur Jacques E. Des Marchais, chirurgien orthopédiste, dans le but d’obtenir son opinion sur la consolidation de la lésion, la nature, nécessité, suffisance des soins ainsi que la présence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
[23] Après avoir révisé le dossier et questionné le travailleur, qu’il examine, il conclut ainsi en ce qui a trait à la date de consolidation de la lésion : « Le patient est consolidé depuis fort longtemps et sûrement en date de l’examen du 10 mai 2009, tel que proposé par le docteur Lavigne[1] et en date d’aujourd’hui définitivement ». Il est aussi d’opinion qu’il n’y a aucun traitement à prévoir étant donné que le travailleur n’a plus de traitement depuis sept à huit mois et que sa condition ne s’améliore pas.
[24] Le docteur Des Marchais considère aussi qu’il n’y a pas lieu de retenir de limitations fonctionnelles puisque « étant donné l’excellent résultat, malgré la persistance d’une légère ankylose, il n’y a pas de justificatif pour l’attribution de limitations fonctionnelles étant donné le retour d’une bonne fonction nonobstant les ankyloses légères ».
[25] Le tribunal note que l’évaluation du docteur Des Marchais est effectuée en fonction des diagnostics suivant : fracture ouverte à l’avant-bras gauche, fracture à l’humérus gauche et capsulite de l’épaule gauche.
[26] Le 15 septembre 2010, le docteur Lavigne complète un rapport final dans lequel il consolide la lésion en fonction des trois diagnostics précités. Il indique qu’une atteinte permanente résulte de la lésion et fait état de limitations fonctionnelles sans les préciser. Dans un rapport complémentaire faisant suite à l’expertise du docteur Des Marchais, le docteur Lavigne indique qu’il prévoit compléter le rapport d’évaluation médicale dans la semaine qui suit le 15 septembre 2010.
[27] C’est dans ce contexte que le travailleur est examiné le 9 novembre 2010 par le docteur Thien Vu Mac, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, afin qu’il se prononce sur l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles en relation avec les deux fractures à l’avant-bras gauche et à l’humérus gauche ainsi que la capsulite de l’épaule gauche.
[28] Dans sa discussion, il écrit qu’il y a eu une bonne évolution des lésions et notamment une récupération complète au niveau neurologique. À son examen physique, il note une amélioration des amplitudes articulaires au niveau du poignet et du coude gauche, mais la présence d’une ankylose légèrement plus marquée à l’épaule gauche par rapport à l’examen décrit par le docteur Des Marchais.
[29] En ce qui a trait aux limitations fonctionnelles, le docteur Mac écrit ce qui suit :
Monsieur Ramdihal a relativement bien évolué, mais demeure avec des ankyloses au poignet, au coude et à l’épaule gauches, accompagnées de douleurs résiduelles. De plus, les douleurs résiduelles s’expliquent aussi par le fait que monsieur a eu un écrasement des tissus mous lors de l’accident. À l’examen physique, on note aussi une nette diminution de la force de préhension de la main gauche. Je crois qu’il est justifié d’émettre des limitations fonctionnelles pour le membre supérieur gauche.
[30] Dans sa conclusion, le docteur Mac retient les limitations fonctionnelles suivantes :
- Éviter des activités qui impliquent des mouvements répétitifs de l’épaule gauche.
- Éviter de manipuler des charges de plus de 25 lb avec le membre supérieur gauche.
[31] De plus, le membre du Bureau d’évaluation médicale évalue ainsi les séquelles du travailleur :
102 383 Atteinte permanente des tissus mous au membre supérieur gauche. 2%
104 817 Abduction passive de l’épaule gauche à 140o. 2%
104 906 Flexion antérieure passive de l’épaule gauche à 160o. 1%
105 004 Rotation externe passive de l’épaule gauche à 80o. 1%
105 335 Perte de 5o de la flexion du coude gauche. 2%
106 183 Perte de 10o de la dorsiflexion du poignet gauche. 1%
224 233 Cicatrices vicieuses au bras gauche de 2 cm2. 1%
[32] Après avoir contesté la décision rendue par la CSST le 2 décembre 2010 à la suite de l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, l’employeur s’est désisté le 18 janvier 2011 de la demande de révision qu’il avait formulée le 10 décembre 2010 en ces termes :
Nous vous avisons par la présente que l’employeur se désiste de sa demande de révision formulée le 10 décembre 2010 au dossier en rubrique relativement à la décision de la CSST rendue le 2 décembre. Cette décision porte sur les conclusions du Bureau d’évaluation médicale, particulièrement sur les limitations fonctionnelles.
[33] Selon une note évolutive du 1er décembre 2010 où l’on retrouve un résumé du dossier, le travailleur a porté une orthèse au bras gauche jusqu’en septembre 2008. Il a reçu par la suite 139 traitements de physiothérapie, du 12 septembre 2008 au 18 août 2009 puis179 traitements d’ergothérapie, du 29 août 2009 au 21 décembre 2009.
[34] C’est en fonction de ces données que le tribunal doit disposer de la demande de l’employeur.
[35] Au soutien de celle-ci, il a produit une opinion rédigée le 17 juin 2011 par le docteur Pierre Major qui a témoigné à l’audience. Dans celle-ci, il discute des conclusions du docteur Des Marchais sans faire état de celle du membre du Bureau d’évaluation médicale dont l’avis a été complété le 25 novembre 2010. Le docteur Major indique que la capsulite a contribué de façon significative à la poursuite des traitements de physiothérapie :
D’une part pour améliorer l’ankylose au niveau de l’épaule et d’autre part pour augmenter la masse musculaire au niveau du bras et de l’avant-bras gauche en lien avec l’atrophie musculaire de non usage du membre supérieur gauche causée par les douleurs et l’ankylose découlant de la capsulite.
[36] Il écrit qu’il estime que la date de consolidation de la fracture de l’avant-bras gauche et de l’humérus gauche est « à 60 semaines après le fait accidentel ». À cet effet, il constate que les traitements se sont échelonnés sur une période de 112 semaines. Or, en juin 2009, il avait constaté que le travailleur présentait une évolution sur 52 semaines et que l’on pouvait « ajouter 8 semaines de traitements supplémentaires de physiothérapie pour l’atrophie musculaire résiduelle, que j’avais mis en évidence lors de mon évolution, ce qui fait que pour la lésion initiale, soit la fracture de l’avant-bras et de l’humérus gauches, des traitements de l’ordre de 60 semaines auraient été suffisants ».
[37] Le docteur Major conclut son opinion en reconnaissant qu’il est « difficile de départager de façon spécifique un endroit bien précis où tous les traitements se sont terminés en regard des fractures présentées par le patient et de la physiothérapie qui a été accordée en postopératoire ».
[38] À l’audience, le docteur Major témoigne que la consolidation des fractures reliées à l’accident du travail du 18 juin 2008 est survenue 52 semaines plus tard puisque, selon la littérature médicale, en général, il n’y a pas de démonstration d’une utilité quelconque des traitements de physiothérapie plus d’un an après la lésion. Il est donc d’avis que la lésion était consolidée lors de son évaluation de juin 2009 puisque le docteur Des Marchais a lui-même émis l’opinion en rétrospective que la lésion était consolidée le 10 mai 2009.
[39] Il ajoute que si le travailleur avait bénéficié des infiltrations cortisonnées suggérées par le radiologiste, la capsulite à l’épaule aurait été résolue rapidement et l’ankylose aurait été évitée. De plus il considère, comme le docteur Des Marchais, qu’aucune limitation fonctionnelle ne résulte de l’accident du travail, mais que celles-ci sont directement reliées à la capsulite de l’épaule gauche vu notamment l’excellent résultat de la chirurgie et de la consolidation osseuse qui s’en est suivie.
[40] À son avis, les limitations fonctionnelles retenues par le membre du Bureau d’évaluation médicale sont directement reliées à la capsulite de l’épaule gauche puisque l’alignement osseux est normal et que l’articulation n’a pas été impliqué lors de l’accident du travail.
Analyse
[41] Le paragraphe 1 de l’article 327 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) prévoit que la CSST impute aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations « dues en raison d’une lésion professionnelle visée dans l’article 31 ».
[42] Cette disposition énonce qu’une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l’occasion de soins ou d’omission de soins qu’un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle constitue une lésion professionnelle distincte.
[43] À cet égard, notre collègue Watkins rappelle, dans l’affaire Laiterie Chalifoux[3], l’état de la jurisprudence à ce sujet :
[46] Le tribunal n’ignore pas que la jurisprudence a longuement débattu du fait que les dispositions de l’article 31 de la loi ne visent pas les complications de la lésion initiale ou encore les conséquences prévisibles ou indissociables de cette lésion, mais qu’il doit plutôt s’agir d’une nouvelle lésion attribuable aux soins reçus ou à l’omission de tels soins.
[47] À cet égard, le tribunal partage l’opinion du juge Clément lorsqu’il écrit ceci dans l’affaire Structures Derek inc.11:
« [27] La jurisprudence a affirmé à de nombreuses reprises que l’article 327 visait la survenance d’une nouvelle blessure ou maladie bien précise et distincte de la lésion initiale. Ainsi, dans l’affaire Abattoirs R. Roy inc. et Fleury5, la Commission d’appel en matières de lésions professionnelles rappelle la nécessité de la survenance d’une blessure ou d’une maladie bien identifiée dont l’existence même doit être attribuable aux soins ou à l’absence de soins reçus par le travailleur. La Commission des lésions professionnelles a repris ces principes dans plusieurs affaires et notamment dans Commission scolaire Châteauguay et CSST6.
[28] En l’espèce, ce critère est rencontré puisque l’infection diagnostiquée chez le travailleur est une nouvelle maladie différente de tous les diagnostics posés auparavant, lésion qui a nécessité des traitements et des soins spécifiques et particuliers.
[29] Il faut aussi que la blessure ou la maladie découle médicalement des soins reçus pour une lésion professionnelle. Il est ici évident que l’infection découle de la chirurgie du 17 décembre 2001. Il s’agit de toute évidence d’une infection postopératoire tel que le mentionne d’ailleurs le docteur André Girard. On constate de plus à la note médicale du 28 décembre 2001 que l’infection est visible au niveau de la plaie laissée par la chirurgie. Il est donc clair, net et précis que l’infection est survenue par le fait des soins reçus, soit la chirurgie du 17 décembre 2001. De plus, cette infection est survenue quelques jours après la chirurgie et plusieurs mois après l’événement initial. Ceci milite donc en faveur de sa relation avec le traitement et non pas avec la lésion initiale elle-même.
[30] La jurisprudence a cependant rappelé que ce n’était pas toutes les complications qui découlaient des soins ou des traitements qui pouvaient être considérées comme donnant ouverture à l’article 327. En effet, bien que plusieurs décisions reconnaissent que l’article 327 permet de répartir les coûts d’une lésion professionnelle augmentés par une complication survenue suite à un traitement prodigué pour cette lésion7 elles exigent aussi que les conséquences pour lesquelles on demande l’application de l’article 327 ne soient pas indissociables de la lésion professionnelle et n’en soient pas la conséquence normale.
[31] Il faut donc faire la distinction entre un phénomène qui est inhérent à la lésion initiale et celui qui est proprement attribuable aux conséquences de son traitement8. Ainsi, si une lésion constitue une conséquence directe et indissociable de la lésion initiale, il n’y aura pas ouverture à l’application de l’article 3279. Cependant, le tribunal estime qu’il y aura lieu d’appliquer l’article 327 lorsque la lésion qui découle des soins reçus pour une lésion professionnelle n’en est pas une conséquence automatique et indissociable et qu’elle constitue plutôt une complication qui ne survient pas dans la majorité des cas.
[32] Ce serait ajouter au texte de l’article 31 que d’en exclure une blessure ou une maladie parce qu’elle est plus ou moins prévisible. En effet, la loi ne précise pas que la blessure ou la maladie doive être imprévisible10. De plus, exiger la non-prévisibilité de la complication aurait pour effet de rendre inopérant le premier alinéa de l’article 327. En effet, la science médicale étant très avancée, pratiquement toutes les complications qui peuvent survenir, même de façon exceptionnelle, sont prévisibles. »
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(5) [1993], C.A.L.P. 1140 .
(6) C.L.P. 105037-72-9807, le 29 avril 1999, D. Lévesque.
(7) Entreprises Bon conseil ltée et Daigle, [1995] C.A.L.P. 1559 (dystrophie réflexe); H.P. Cyrenne ltée, C.L.P. 131759-04B-0002, le 29 juin 2000, A. Gauthier (cicatrice).
(8) Bombardier Aéronautique, [2002] C.L.P. 525 ; Unival (St-Jean-Baptiste) et Gaudreault, [1997] C.A.L.P. 612 .
(9) Brown Boverie Canada inc. et Désautels, C.A.L.P. 55197-05-9311, le 14 août 1995, M. Denis.
(10) H.P. Cyrenne ltée, déjà citée; Bell Canada et CSST, C.L.P. 120568-04B-9907, le 7 septembre 2000, A. Gauthier.
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11 [2004] C.L.P. 902 ; dans le même sens : Sûreté du Québec, C.L.P. 246000-62-0410, 9 mars 2005, L. Couture.
[44] En l’espèce, tel que mentionné précédemment, la CSST a reconnu, dans une décision non contestée, rendue le 27 janvier 2010, que le travailleur a subi une lésion professionnelle, soit une capsulite à l’épaule gauche, le 19 août 2009, en application de l’article 31 de la loi.
[45] Cependant, la preuve révèle que le travailleur a ressenti des symptômes de la capsulite dès la fin du mois de mars 2009, qu’il en a fait état à son médecin au début d’avril et que la radiologiste en a confirmé la présence lors de l’échographie réalisée le 19 mai, tout en suggérant elle-même des infiltrations. De plus, le docteur Pierre Major a confirmé la présence de la capsulite lors de son évaluation du 8 juin 2009. Cependant, le docteur Lavigne n’a pas revu le travailleur avant le 19 août 2009 et c’est à ce moment qu’il complète un rapport diagnostiquant cette pathologie.
[46] Malgré ces constats médicaux, le tribunal considère qu’il ne peut faire rétroagir le transfert des coûts aux employeurs de toutes les unités à une date antérieure à la lésion professionnelle visée à l’article 31 de la loi vu les termes de la décision qui l’a reconnue.
[47] La preuve relatée ci-haut établit de façon prépondérante que tous les soins et traitements prodigués au travailleur à compter du 19 août sont reliés directement à la capsulite de l’épaule gauche.
[48] Qu’en est-il du coût des prestations d’indemnité de remplacement du revenu versées au travailleur à compter du 19 août 2009?
[49] Selon l’article 44 de la loi, le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à ces prestations lorsqu’il devient incapable d’exercer son emploi en raison d’une lésion professionnelle et ce droit s’éteint, tel que prévu à l’article 57 de la loi, lorsque le travailleur redevient capable d’exercer son emploi. En l’espèce, le travailleur est retourné à un travail régulier chez l’employeur le 22 février 2010 à un emploi adapté que lui a offert son employeur, emploi respectant les limitations fonctionnelles retenues par le membre du Bureau d’évaluation médicale et qui possède des caractéristiques semblables à l’emploi qu’il occupait auparavant en ce qui a trait au salaire et au condition de travail.
[50] Pour transférer le coût des prestations d’indemnité de remplacement du revenu à l’ensemble des employeurs, la preuve doit démontrer de façon prépondérante que c’est en raison des limitations fonctionnelles reliées à la capsulite de l’épaule gauche que le travailleur n’a pas pu réintégrer le travail avant le mois de février 2010.
[51] Or, à la révision du dossier, le tribunal est d’avis que les limitations fonctionnelles qui ont été retenues par le Bureau d’évaluation médicale ne résultent pas exclusivement de la capsulite de l’épaule droite.
[52] En effet, le docteur Mac, membre du Bureau d’évaluation médicale, qui a été le dernier expert à évaluer le travailleur considère que le travailleur demeure avec des ankyloses au niveau du poignet, du coude et de l’épaule gauches lesquelles sont accompagnées de douleurs résiduelles et il indique que les douleurs résiduelles s’expliquent en partie par le fait que le travailleur a eu un écrasement des tissus mous lors de l’accident du travail.
[53] Également, son examen physique démontre une diminution nette de la force de préhension de la main gauche, ce qui le justifie d’émettre des limitations fonctionnelles pour le membre supérieur gauche soit d’éviter de manipuler des charges de plus de 25 livres. Cette limitation fonctionnelle est distincte de celle reliée directement à la capsulite de l’épaule gauche, qui consiste à éviter les activités impliquant des mouvements répétitifs de cette articulation.
[54] Dans ce contexte, et considérant que la décision qui fait suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale est finale, le tribunal ne peut conclure que les prestations d’indemnité de remplacement du revenu versées au travailleur après le mois d’août 2009, constituent des coûts dus en raison de la lésion professionnelle visée à l’article 31 de la loi.
[55] De la même façon, le tribunal ne peut conclure, comme le demande l’employeur, que l’ensemble des limitations fonctionnelles retenues résulte de cette dernière lésion.
[56] En ce qui a trait au coût relié à l’indemnité pour préjudice corporel, la preuve prépondérante permet de relier directement un déficit anatomo-physiologique total de 4 %, la capsulite à l’épaule droite pour les séquelles suivantes :
104 817 Abduction passive de l’épaule gauche à 140o. 2%
104 906 Flexion antérieure passive de l’épaule gauche à 160o. 1%
105 004 Rotation externe passive de l’épaule gauche à 80o. 1%
[57] Tel qu’il ressort de l’énonciation même des séquelles et du témoignage du docteur Major, elles ne résultent que la nouvelle lésion professionnelle et le coût relié à ces indemnités doit être transféré à l’ensemble des employeurs.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête de Plastique Balcan ltée, l’employeur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 6 mai 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le coût des traitements et soins reçus par monsieur Parmamand Ramdihal, le travailleur, à compter du 19 août 2009, doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.
DÉCLARE que le coût de l’indemnité pour préjudice corporel équivalent à un déficit anatomo-physiologique de 4 % doit être imputé au dossier de tous les employeurs.
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Martin Racine |
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Me Patrick Essiminy |
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STIKEMAN, ELLIOT |
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Représentant de la partie requérante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.