Consortium Mr Canada ltée et Groupe Mélimax

2013 QCCLP 7288

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Salaberry-de-Valleyfield

11 décembre 2013

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

449483-62C-1109

 

Dossier CSST :

137095956

 

Commissaire :

Richard Hudon, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Consortium Mr Canada ltée

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Groupe Mélimax

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

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[1]           Le 19 septembre 2011, Consortium Mr Canada ltée (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 7 septembre 2011, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 13 juillet 2011 et déclare que le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi le 12 octobre 2010 par monsieur Daniel Guindon (le travailleur) doit être imputé au dossier de l’employeur.

[3]           À l’audience tenue le 19 avril 2013, à Salaberry-de-Valleyfield, l’employeur est représenté par Me Jean-Frédéric Bleau, madame Sophie Brière représente Groupe Mélimax (l’employeur tiers) et Me Annick Marcoux représente la CSST. Un délai est accordé aux parties pour produire des documents, faire certaines vérifications et produire des argumentations écrites, l’échéancier final étant fixé au 25 juin 2013.

[4]           Les documents demandés ont été produits. L’employeur tiers et la CSST ont produit une argumentation écrite dans le délai fixé. L’employeur n’a pas produit son argumentation écrite dans le délai fixé et aucune demande d’extension de délai n’est faite. En conséquence, le dossier est mis en délibéré le 25 juin 2013. Un procès-verbal complémentaire est rempli et expédié aux parties le 26 juin 2013, par télécopieur.

[5]           En ce même 26 juin 2013, le représentant de l’employeur présente une demande d’extension de délai pour produire une argumentation écrite, laquelle est produite le même jour. Le dossier ayant déjà été mis en délibéré, les documents sont retournés au représentant de l’employeur.

[6]           Toujours le 26 juin 2013, le représentant de l’employeur dépose une requête en révision et une demande de réouverture d’enquête.

[7]           La Commission des lésions professionnelles, le 28 juin 2013, refuse de donner suite à la demande de révision puisqu’elle ne vise pas une décision au sens de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[8]           Le 18 juillet 2013, une lettre est expédiée au représentant de l’employeur, une copie conforme étant expédiée à l’employeur tiers et à la CSST, l’avisant des étapes à suivre en ce qui a trait à sa demande de réouverture d’enquête.

[9]           La CSST, le 31 juillet 2013, s’oppose à la demande de l’employeur et demande à la Commission des lésions professionnelles de rejeter la demande de réouverture d’enquête.

[10]        Le 16 août 2013, la Commission des lésions professionnelles est avisée que l’employeur tiers ne consent pas à la demande de réouverture d’enquête.

[11]        Le 17 septembre 2013, la Commission des lésions professionnelles tient une conférence téléphonique pour discuter de la demande de réouverture. Les parties sont avisées que la conférence constitue l’audience sur la demande de réouverture d’enquête.

[12]        Le représentant de l’employeur mentionne que le seul but de sa demande de réouverture d’enquête est que l’argumentation écrite, déjà produite le 26 juin 2013, soit acceptée.

[13]        La Commission des lésions professionnelles fait droit à la requête de l’employeur pour rouvrir l’enquête. En contrepartie, elle accorde un délai à l’employeur tiers et à la CSST pour produire une réplique.

[14]        La réplique de l’employeur tiers est reçue le 30 septembre 2013 et celle de la CSST, le 2 octobre 2013. Le dossier est remis en délibéré à cette date.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[15]        L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi par le travailleur, le 12 octobre 2010, doit être imputé à l’unité à laquelle appartient l’employeur tiers car l’imputation de ce coût à son dossier financier a pour effet de l’obérer injustement, l’accident du travail étant attribuable à un tiers.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[16]        La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’employeur a droit au transfert d’imputation demandé en vertu du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi.

[17]        Le travailleur exerce un emploi de manœuvre. Le 12 octobre 2010, il subit un accident du travail. Le 3 novembre 2010, la CSST accepte la réclamation du travailleur, décision qui n’a pas été contestée.

[18]        Le 10 mars 2011, l’employeur fait une demande de transfert partage d’imputation en vertu de l’article 326 de la loi puisqu’il est d’avis que l’accident est attribuable à un tiers. Ses prétentions sont, notamment, les suivantes :

[…]

 

Le 12 octobre 2010, monsieur Guindon a donc été impliqué dans une opération de remorquage d’un conteneur de rebut. Avant de débuter les manœuvres, celui-ci s’est entendu avec le conducteur du camion, Monsieur Marcel Raymond de la compagnie Groupe Mélimax, sur la méthode de travail.

 

Monsieur Guindon devait aider le conducteur à accrocher le conteneur au camion via des crochets. Vu la longueur des chaînes, les crochets ne parviennent pas jusqu’au point d’ancrage au niveau du conteneur. Monsieur Guindon s’est donc penché pour placer les crochets dans l’anneau d’ancrage.

 

Au même moment, le conducteur du camion a mis le camion sur le mode de reculons automatique et le camion s’est mis reculer et ainsi percuter le travailleur.

 

Monsieur Raymond ne pensait pas que le travailleur était sur son chemin et n’a pas pris la peine de vérifier avant de faire la manœuvre.

 

Monsieur Marcel Raymond est le seul responsable de l’événement. Ce dernier travaille pour le Groupe Mélimax :

 

[…]

 

L’employeur n’a donc aucune responsabilité dans cet accident. [sic]

 

[19]        Le 17 avril 2011, l’employeur tiers donne sa version de l’événement :

[…]

 

Lors de l’incident du 12 octobre 2010, lorsque notre chauffeur, Marcel Raymond, est arrivé sur le chantier du […], celui-ci effectuait la 1ère étape nécessaire à la levée d’un conteneur, soit se positionner, en reculant le plus près possible du conteneur afin de pouvoir par la suite, descendre de son camion et aller attacher l’anneau de remorquage sur le crochet du conteneur. A cet instant, un employé du chantier, M. Daniel Guindon, de sa propre initiative, a voulu attacher cet anneau sans en aviser notre chauffeur. M. Guindon s’est donc retrouvé positionné entre le conteneur et le camion, de telle sorte qu’il était impossible pour le chauffeur de l’apercevoir. Nous aimerions porter à votre attention que M. Guindon ne portait pas de dossard. [sic]

 

[…]

 

[20]        Le 13 juillet 2011, la CSST rejette la demande de transfert d’imputation faite par l’employeur pour le motif que « le tiers n’est pas majoritairement responsable de la survenance de l’accident ».

[21]        Dans sa décision du 7 septembre 2011, à la suite d’une révision administrative, la CSST précise ses motifs de refus :

[…]

 

La Révision administrative estime que le chauffeur du Groupe Mélimax est un tiers par rapport à l’employeur et le travailleur.

 

Par ailleurs, la Révision administrative constate que l’employeur n’a pas démontré la responsabilité du tiers dans la survenance de l’accident. En effet, l’accident résulte d’un manque de communication entre le travailleur et le chauffeur du camion et il s’agit de circonstances malencontreuses. De plus, les versions divergentes de l’employeur et du tiers entourant la survenance de l’événement ne permettent pas de conclure que le tiers est majoritairement responsable.

 

De plus, la Révision administrative estime que l’analyse des faits démontre que le risque est inhérent à l’ensemble des activités exercées par l’employeur.

 

[22]        À l’audience du 19 avril 2013, l’employeur fait entendre monsieur Daniel Guindon et monsieur Marcel Raymond témoigne pour l’employeur tiers. De ces témoignages, la Commission des lésions professionnelles retient que, le 12 octobre 2010, il n’y a pas de signaleur sur le chantier, que chacun des témoins tente de minimiser sa responsabilité en accusant l’autre d’être fautif. S’il y a eu communication entre les deux sur la façon de procéder il faut faire le constat que cette communication n’était pas claire.

[23]        Après l’audience, l’employeur tiers produit le rapport d’accident fait par monsieur Raymond le 12 octobre 2010. La version inscrite sur ce rapport est sensiblement la même que celle donnée à l’audience.

[24]        Le 10 mai 2013, l’employeur produit le rapport d’accident rempli le jour de l’accident et le rapport préliminaire de l’enquête effectuée par la suite par le maître d’oeuvre. La Commission des lésions professionnelles constate qu’un manque de communication et un manque de formation du camionneur sont notés dans ce rapport. Cet accident a été discuté lors de la réunion du comité de chantier, tenue le 21 octobre 2010, et il est écrit :

[…] Selon l’analyse de l’accident, les mesures correctrices à prendre pour éviter ce type d’accident est de toujours garder un contact visuel avec le conducteur du véhicule et être placé à l’extérieur des angles morts du véhicule, de ne jamais être placé en arrière lors de la marche arrière.

 

[…]

 

[25]        Le 10 mai 2013, la représentante de la CSST avise la Commission des lésions professionnelles qu’aucun inspecteur n’est intervenu sur le site de l’événement à la date de l’accident ou à une autre date rapprochée.

[26]        Le représentant de l’employeur plaide que le témoignage de monsieur Raymond est invraisemblable et que la blessure subie par le travailleur corrobore se version des faits. Il ajoute :

Avec respect, vous n’avez pas à déterminer si M. Guindon est exempt de toute faute mais si le tiers est majoritairement responsable de l’événement. Or, M. Raymond a reculé son camion en écrasant un travailleur qu’il aurait pu voir.

 

Malgré que les activités effectuées constituent des risques inhérents au travail de Consortium MR, cette situation constituait un piège. En effet, M. Raymond a arrêté son camion et M. Guindon s’est alors dirigé à l’arrière pour attacher le crochet. Jamais il n’aurait pu suspecter que le camion allait reculer davantage.

 


[27]        L’employeur tiers soumet plutôt que monsieur Raymond n’a pas demandé l’aide du travailleur et que ce dernier, de sa propre initiative, se précipite pour aller attacher l’anneau de remorquage sur le crochet du conteneur et il trébuche. Monsieur Raymond n’a commis aucune faute.

[28]         La représentante de la CSST reconnaît la survenance d’un accident du travail le 12 octobre 2010 et qu’il y a présence d’un tiers lors de cet accident. Elle est cependant d’avis que ce tiers n’est pas majoritairement responsable de l’accident et que l’activité exercée lors de cet accident fait clairement partie du risque pour lequel l’employeur est assuré. La preuve ne démontre pas la présence de circonstances exceptionnelles, rares ou inusitées. L’initiative du travailleur a été malheureuse et il y a eu un manque de communication entre le travailleur et monsieur Raymond.

[29]        L’article 326 de la loi énonce ce qui suit :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[30]        Ici, c’est le deuxième alinéa qui est invoqué par l’employeur puisqu’il est d’avis qu’il est obéré injustement du fait que l’accident du travail est attribuable à un tiers.

[31]        Les questions concernant la survenance d’un accident du travail et la présence d’un tiers ne sont aucunement mises en doute. Celle concernant la responsabilité du tiers dans la survenance de l’accident est loin d’être évidente.

[32]        La Commission des lésions professionnelles retient cependant qu’il est évident qu’il y a eu un manque de communication entre le travailleur et monsieur Raymond et la responsabilité de ce manque de communication ne peut être attribuée plus à un qu’à l’autre.

[33]        Il est établi, de façon prépondérante, que le travailleur a pris l’initiative d’attacher l’anneau de remorquage au crochet du conteneur et que monsieur Raymond ne s’attendait pas à ce que le travailleur effectue cette manœuvre. C’est, essentiellement, la cause de l’accident puisque le travailleur ne s’attendait pas à ce que monsieur Raymond continue de reculer le camion et monsieur Raymond ne s’attendait pas à ce que le travailleur se retrouve derrière son camion. De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, un accident survenant dans un tel contexte ne peut être attribuable plus à l’un qu’à l’autre et n’est donc pas, majoritairement, attribuable à un tiers.

[34]        La Commission des lésions professionnelles ne reconnait pas que l’accident du travail du 12 octobre 2010 est attribuable à l’employeur tiers et n’a donc pas à décider si l’activité exercée lors de la survenance de cet accident fait partie des risques inhérents aux activités exercées par l’entreprise. Le coût des prestations dues en raison de cet accident du travail subi par le travailleur doit être assumé par l’employeur

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête déposée le 19 septembre 2011 par Consortium Mr Canada ltée;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 7 septembre 2011, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi le 12 octobre 2010 par monsieur Daniel Guindon doit être imputé au dossier de Consortium Mr Canada ltée.

 

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Richard Hudon

 

 

 

 

Me Jean-Frédéric Bleau

Avocat & Médiateur

Représentant de la partie requérante

 

Madame Sophie Brière

Groupe Mélimax

Représentante de la partie intéressée

 

Me Annick Marcoux

Vigneault Thibodeau Bergeron, avocats

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

AVIS :
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