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Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N° : |
33-17-1999 |
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DATE : |
8 septembre 2017 |
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LE COMITÉ : |
Me Daniel M. Fabien, avocat |
Vice-président |
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Mme Marie-Andrée Dupras, courtier immobilier M. Michel Liboiron, courtier immobilier |
Membre Membre |
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ROBERT DESCHAMPS, ès qualités de syndic adjoint de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec
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Partie plaignante |
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c.
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JESSICA LARIVIÈRE, (G1261)
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Partie intimée |
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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION |
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[1] En date du 23 août 2017, le Comité de discipline de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (« le Comité ») est réuni pour disposer de la plainte disciplinaire logée contre l’intimée dans le présent dossier.
[2] Lors de l’audition, M. Robert Deschamps, ès qualités de syndic adjoint, est présent et représentée par Me Isabelle Martel.
[3] Quant à l’intimée Jessica Larivière, elle est présente et représentée par son procureur, Me Françoise Roy.
I. La plainte et le plaidoyer de culpabilité
[4] Dans sa plainte du 27 février 2017, le syndic adjoint Robert Deschamps reproche ce qui suit à l’intimée :
« 1. Le ou vers le 26 janvier 2015, concernant la demande de financement hypothécaire des emprunteurs, Chantal Monette et Vincent Théobald, en vue de l'acquisition de l'immeuble sis au [...] à Joliette, l'Intimée a transmis ou permis que soit transmis à MCAP une lettre de don, alors qu'elle savait ou ne pouvait ignorer que ladite lettre de don ne représentait pas la réalité, commettant ainsi une infraction aux articles 5, 62 et 69 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.
2. Le ou vers le 17 juin 2016, dans le cadre d'une enquête tenue par Robert Deschamps, syndic adjoint, concernant la demande de financement hypothécaire des emprunteurs, Chantal Monette et Vincent Théobald, en vue de l'acquisition de l'immeuble sis au [...] à Joliette, l'Intimée a faussement déclaré que le don devant servir à la mise de fonds desdits emprunteurs provenait de leur famille, commettant ainsi une infraction à l'article 106 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. »
[5] Mes Martel et Roy nous confirment que madame Larivière plaide coupable à l’ensemble de la plainte.
[6] Rappelons que ce plaidoyer de culpabilité engendre une reconnaissance par l’intimée que les faits reprochés constituent des fautes disciplinaires[1].
[7] Séance tenante, le Comité a donc pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée et cette dernière fut déclarée coupable des infractions reprochées.
[8] Quant au chef 1, l’intimée est déclarée coupable d’avoir contrevenu à l’article 69 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. Cet article stipule ce qui suit :
« Art. 69. Le courtier ou le dirigeant d'agence ne doit participer à aucun acte ou pratique, en matière immobilière, qui puisse être illégal ou qui puisse porter préjudice au public ou à la profession. »
[9] Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions réglementaires invoquées au soutien du chef 1 de la plainte.
[10] Relativement au chef 2, l’intimée est déclarée coupable d’avoir contrevenu à l’article 106 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. Cette disposition prévoit que :
« Art. 106. Le courtier ou le dirigeant d’agence ne doit pas faire d’exagération, de dissimulation ou de fausse déclaration lorsqu’il fournit des renseignements ou des documents lors d’une inspection, d’une enquête tenue par le syndic ou le syndic adjoint, par le service d’assistance ou par le comité d’indemnisation ou lors d’une procédure de médiation, d’arbitrage ou de conciliation menée par l’Organisme. »
II. La preuve conjointe des parties et le témoignage de l’intimée
[11] Les parties conviennent de déposer en preuve les pièces documentaires P-1 à P-23.
[12] Un résumé conjoint des faits est également déposé sous la cote P-24.
[13] Le résumé des faits P-24 nous permet de saisir ce qui suit :
«1. L’Intimée est titulaire d’un permis de courtier immobilier depuis le 24 octobre 2011, le tout tel qu’il appert de l’attestation d’usage, pièce P-1 ;
Devenir Proprio inc.
2. La compagnie Devenir Proprio Inc. (ci-après « Devenir Proprio ») a été fondée en 2012, tel qu’il appert de l’État des renseignements d’une personne morale au registraire des entreprises du Québec, pièce P-2 ;
3. Joffrey Bélanger (ci-après « Bélanger ») est président de Devenir Proprio;
4. Devenir Proprio offre la formule suivante, et ce, afin qu’un éventuel acheteur devienne propriétaire d’un immeuble :
a. L’éventuel acheteur « choisi » une maison ;
b. Devenir Proprio trouve un investisseur qui achètera la maison et gère ladite maison pour celui-ci et signe un contrat de location avec l’éventuel acheteur, « afin de l’aider à bâtir sa mise de fonds et son crédit » ;
c. L’éventuel acheteur achète la maison de l’investisseur, et ce, avec la mise de fonds accumulée durant la location ;
le tout tel qu’il appert notamment des extraits du site web de Devenir Proprio pièce P-3 ;
Immeuble sis au [...] à Joliette (ci-après « l’Immeuble »), index aux immeubles, pièce P-4
5. Le 17 mars 2013, un contrat de courtage est confié par Lucienne et Mario Morin (ci-après « Vendeurs ») aux courtiers immobiliers Lydia Soczniew et Sylvain Leclerc de Re/Max Lanaudière visant l’Immeuble, tel qu’il appert de la fiche Centris no 10197744, pièce P-5;
6. Tel qu’il appert de la pièce P-5:
a. le prix demandé est de 154 000 $ ;
b. l’occupation est immédiate ;
c. vente sans garantie légale, aux risques et périls de l’acheteur ;
7. Le 20 août 2013, Bélanger représenté par le courtier immobilier Jocelyne Douville (ci-après « Douville »), signe une promesse concernant l’Immeuble, tel qu’il appert de la promesse d’achat PA 29552, pièce P-6;
8. Tel qu’il appert de la pièce P-6 :
d. le prix offert est de 137 500 $ ;
e. emprunt hypothécaire de 110 000 $ ;
f. l’acheteur a visité l’immeuble le 17 août 2013 ;
g. conditionnelle à une inspection dans les 8 jours ;
h. la section 12 stipule que l’acheteur s’engage à entreprendre à ses frais les démarches nécessaires pour obtenir dans les 20 jours suivant l’acceptation un engagement d’un assureur à assurer l’immeuble, et que, dans le cas où il ne pouvait obtenir un tel engagement, il aura 4 jours suivant l’expiration du délai pour en aviser le vendeur par écrit ;
9. Le 25 août 2013, les Vendeurs soumettent une contre-proposition à la promesse d’achat pièce P-6, laquelle est répondue par une autre contre-proposition stipulant notamment que le prix sera de 146 000 $, laquelle est acceptée le 27 août 2013 par les Vendeurs, tel qu’il appert en liasse des contre-propositions CP 19722 et 13714, pièce P-7 ;
10. Le 2 septembre 2013, un formulaire de modifications stipule que la promesse d’achat pièce P-6 est conditionnelle à une inspection le ou avant le 8 septembre 2013, tel qu’il appert dudit formulaire de modifications MO 32492, pièce P-8 ;
11. Le 3 septembre 2013, un courriel de Douville est transmis au courtier immobilier Lydia Soczniew stipulant notamment que :
« Chantal et Vincent, les gens pour qui Devenir Proprio achetaient la maison ont demandé à être qualifiés à nouveau pour pouvoir acheter par eux-mêmes, sans passer par Devenir Proprio. Il y a des chances qu’ils puissent se qualifier. Nous aurons des nouvelles au plus tard demain à ce sujet et par la suite nous serons en mesure de savoir qui achètera la maison au final. Entretemps, j’ai produit une modification pour prolonger le délai pour l’inspection »
tel qu’il appert dudit courriel pièce P-9;
12. Le 9 septembre 2013, une promesse d’achat est signée par 9266-9530 Québec inc. représenté par Julien Priqueler (ci-après «Priqueler») via Douville visant l’Immeuble, tel qu’il appert de la promesse d’achat PA 33147, pièce P-10, laquelle est acceptée le 11 septembre 2013 ;
13. Tel qu’il appert de la promesse d’achat pièce P-10:
a. le prix offert est de 146 000 $ ;
b. une hypothèque de 116 800 $ devra être obtenue dans les 10 jours suivant l’acceptation de la promesse d’achat;
c. l’acheteur a visité l’immeuble le 7 septembre 2013 ;
d. conditionnelle à une inspection dans la journée suivant l’acceptation ;
e. la vente est faite sans garantie légale, aux risques et périls de l’acheteur ;
f. la section 12 stipule que l’acheteur s’engage à entreprendre à ses frais les démarches nécessaires pour obtenir dans les 20 jours suivant l’acceptation un engagement d’un assureur à assurer l’immeuble et que dans le cas où il ne pouvait obtenir tel engagement, il aura 4 jours suivant l’expiration du délai pour en aviser le vendeur par écrit;
14. Le 10 septembre 2013, un formulaire de modifications MO 36060 à la promesse d’achat P-6, stipule que Bélanger souhaite rendre sa promesse d’achat nulle et non-avenue, tel qu’il appert dudit formulaire MO 36060, pièce P-11 ;
15. Le 20 septembre 2013, un contrat d’option d’achat entre Devenir Proprio et Vincent Théobald et Chantal Monette (ci-après « Éventuel Acheteurs ») visant l’Immeuble est signé, tel qu’il appert de la pièce P-12 ;
16. Ledit contrat, pièce P-12, prévoit notamment :
a. que les acheteurs désirent acquérir l’Immeuble et que Devenir Proprio désire permettre aux acheteurs d’accumuler une mise de fonds qui pourra leur permettre de faire une demande de prêt hypothécaire ;
b. Devenir Proprio appliquera à la mise de fonds des futurs acheteurs l’équivalent de 5% du prix d’achat de la propriété (8 480 $) ;
c. lors de la future vente, la promesse d’achat inclura une disposition à l’effet qu’une somme représentant au minimum 5% du prix d’achat a été versée audit propriétaire ;
17. Toujours le 20 septembre 2013, un bail no 7525994 visant l’Immeuble intervient entre les Éventuels Acheteurs et Priqueler représenté par Devenir Proprio et spécifie que la durée sera du 1er novembre 2013 au 1er novembre 2014 au montant de 760 $ par mois, tel qu’il appert de la pièce P-13 ;
18. Le 21 septembre 2013, un formulaire de modifications à la promesse d’achat pièce P-10 stipule que le délai d’obtention de l’engagement hypothécaire sera le 25 septembre à 23h59, tel qu’il appert dudit formulaire MO 64606, lequel n’est pas signé par Priqueler, mais uniquement par Douville et par les Vendeurs, pièce P-14 ;
19. Le 23 septembre 2013, un formulaire avis et suivi de réalisation de conditions pour la promesse d’achat pièce P-10 est signé par les Vendeurs et Douville afin de confirmer la réalisation de la clause d’obtention d’une police d’assurance pour la propriété par les acheteurs, tel qu’il appert dudit formulaire AS 53080, lequel n’est pas signé par Priqueler, pièce P-15 ;
20. Le 24 octobre 2013, un acte de vente intervient devant Audrey Lachapelle notaire, entre les Vendeurs et Priqueler pour la somme de 146 000 $, tel qu’il appert dudit acte de vente pièce P-16 ;
La revente
21. Le 25 janvier 2015, les Éventuels Acheteurs soumettent une promesse d’achat à Priqueler pour une somme de 170 900 $, tel qu’il appert de la pièce P-17;
22. Le 26 janvier 2015, une demande hypothécaire concernant les Éventuels Acheteurs est complétée par l’Intimée, et mentionne entre autres à titre d’actifs un don de 9 000 $ et à titre de source de la mise de fonds un don des parents au montant de 8 545 $, tel qu’il appert de ladite demande hypothécaire, pièce P-18, laquelle est transmise à MCAP ;
23. Le 4 février 2015, les Éventuels Acheteurs signent un engagement hypothécaire de MCAP, tel qu’il appert de la pièce P-19;
24. Le 6 février 2015, Barbara Théobald signe une lettre de don au montant de 12 000$ en faveur de Vincent Théobald, tel qu’il appert de la pièce P-20, laquelle a été transmise à MCAP par l’Intimée;
25. Le 9 février 2015 :
a. un retrait d’un roprio « sic » mentionnant notamment :
« voici la lettre finale pour le financement de Chantal et Vincent, je leur transmettrais donc la lettre lorsque vous me confirmerais qu’il vous ont redonné le 12 000 tel que demandé. » (sic)
le tout tel qu’il appert en liasse dudit courriel et des relevés bancaires, pièce P-21;
26. Le 2 mars 2015, un acte de vente intervient devant Karine Lamarre notaire, entre Priqueler et les Éventuels Acheteurs pour la somme de 170 900 $ , tel qu’il appert dudit acte de vente, pièce P-22;
La mise de fonds
27.L’enquête du Plaignant a révélé que pour la revente de l’Immeuble:
a. Devenir Proprio dépose au compte de l’éventuel acheteur une somme représentant la mise de fonds afin que celui-ci ait la preuve de dépôt ;
b. L’éventuel acheteur remet par la suite cette somme à Devenir Proprio ;
c. Une fausse lettre de don est transmise à l’institution financière afin de confirmer la mise de fonds ;
28. Dans le cadre de son enquête, le Plaignant a obtenu la déclaration de Douville :
a. de façon générale, elle a rencontré Bélanger, président de Devenir Proprio alors qu’il visitait l’une de ses propriétés ;
b. il lui a expliqué qu’il recherchait de bons achats et ils auraient convenu qu’elle lui fasse parvenir les inscriptions de propriété qui pouvaient être intéressantes ;
c. elle visitait les propriétés avec quelqu’un de Devenir Proprio, soit Bélanger ou madame Geneviève Laforest et c’est Devenir Proprio qui soumettait une promesse d’achat ;
d. ladite promesse d’achat, était par la suite cédée à un éventuel acheteur ou remplacée par une nouvelle promesse d’achat en tous points semblables à la première, mais avec le nom dudit éventuel acheteur qui était intéressé à faire l’achat de l’Immeuble ;
e. elle n’a rencontré aucun problème avec les courtiers inscripteurs pour annuler la première promesse d’achat et faire accepter la deuxième qui était semblables à la première promesse d’achat ;
f. elle faisait tout simplement parvenir une nouvelle promesse d’achat avec des conditions semblables, mais au nom d’un acheteur différent ;
g. elle n’a fait affaires qu’avec les gens de Devenir Proprio, elle n’a jamais rencontré ni communiqué avec les éventuels acheteurs qui devaient acquérir « réellement » les immeubles ;
h. ce sont les gens de Devenir Proprio qui se chargeaient de faire inspecter l’Immeuble ;
i. elle croit que c’est probablement Devenir Proprio qui s’occupait du suivi de l’inspection avec les éventuels acheteurs car ce n’était pas elle ;
j. il y avait un courtier hypothécaire de Sherbrooke, Jessica Larivière, qui était impliquée dans les demandes de financement des éventuels acheteurs ;
k. elle agissait selon ce que Devenir Proprio lui demandait de faire ;
29. Dans le cadre de son enquête, le Plaignant a obtenu la déclaration de Simon Alderdice :
a. il était le directeur de Devenir Proprio ;
b. l’Intimée qualifiait les emprunteurs ;
c. l’Intimée connaissait le fonctionnement de Devenir Proprio ;
30. Dans le cadre de son enquête, le Plaignant a obtenu la déclaration de Priqueler, il a déclaré qu’il agissait comme un prête-nom dans cette transaction ;
31. Dans le cadre de son enquête, le Plaignant a obtenu la déclaration des Éventuels Acheteurs :
a. ils ont parlé à l’Intimée ;
b. l’Intimée a transmis leur dossier de financement à MCAP ;
32. Le 17 juin 2016, dans le cadre de son enquête, le Plaignant a obtenu la déclaration de l’Intimée :
a. lorsqu’elle a commencé comme courtier hypothécaire, elle a commencé à collaborer avec Devenir Proprio ;
b. elle a fait 4 dossiers en 3 ans ;
c. Devenir Proprio lui envoyait les documents des clients et elle faisait le suivi pour améliorer leur dossier crédit afin qu’il puisse éventuellement acheter un immeuble ;
d. parfois elle parlait au client, parfois non, cela dépendait du dossier ;
e. pour ce dossier, elle n’a pas rencontré les éventuels acheteurs ;
f. ce n’est pas elle qui suggérait l’utilisation de la lettre de don ;
g. elle ne savait pas que la mise de fonds provenait de Devenir Proprio elle l’a appris après ;
33. L’Intimée a un antécédent disciplinaire tel qu’il appert du courriel du Greffe et de la décision s’y rapportant portant le numéro 33-16-1898, en liasse pièce P-23; »
[14] Me Roy nous avise que sa cliente entend témoigner.
[15] Dûment assermentée, l’intimée nous déclare notamment ce qui suit :
· Elle considère que son passage devant le Comité de discipline fut très difficile;
· Elle reconnait qu’elle doit être claire et transparente envers le Bureau du syndic de l’OACIQ;
· Elle nous dit qu’elle voulait aider tout le monde à obtenir une hypothèque, mais elle réalise aujourd’hui qu’elle doit être plus vigilante lorsqu’elle accepte des références;
· Dorénavant, elle entend travailler directement avec ses clients et non pas par l’entremise de tiers ou d’intermédiaires;
· Elle nous affirme qu’elle a beaucoup appris du processus disciplinaire;
· Aujourd’hui, lorsqu’elle a des interrogations, elle s’adresse à son dirigeant d’agence pour des conseils.
[16] Voilà l’essentiel du témoignage de l’intimée.
[17] Par la suite, Mes Martel et Roy nous avisent qu’elles auront des représentations communes à faire valoir quant à la sanction à imposer à l’intimée.
III. Recommandation commune sur sanction
[18] Me Martel nous résume certains des faits et nous fait part également des critères applicables de même que des facteurs objectifs et subjectifs qui doivent guider le Comité pour imposer une sanction qui reflète la gravité des infractions, tout en tenant compte des circonstances particulières du présent dossier.
[19] Selon les procureurs, l’intimée est complètement réhabilitée et le risque de récidive est faible. De plus, la sanction proposée tient également compte du fait que l’intimée a déjà commis des infractions similaires[2].
[20] Les procureurs des parties se sont entendus pour que le Comité impose les sanctions suivantes à l’intimée, à savoir :
[21] À l’appui de cette suggestion commune, Me Martel nous réfère notamment aux précédents jurisprudentiels suivants :
· OACIQ c. Cadet, 2013 CanLII 81873 (QC OACIQ)
· ACAIQ c. René, 2009 CanLII 92386 (QC OACIQ)
· OACIQ c. Flynn, 2015 CanLII 7966 (QC OACIQ)
· OACIQ c. Deb, 2012 CanLII 95117 (QC OACIQ)
[22] Me Roy reconnait que la gravité objective des infractions commises par l’intimée est importante. L’avocate précise toutefois qu’il n’y a pas eu de conséquence fâcheuse et que sa cliente s’est amendée.
[23] Selon Me Roy, la sanction proposée remplit chacun des objectifs de la sanction disciplinaire. L’intimée a bien collaboré au processus disciplinaire et sa réhabilitation est significative.
[24] En terminant, Me Roy nous soumet que la sanction suggérée n’est pas du tout clémente.
IV. Analyse et décision
A) La recommandation commune
[25] Depuis longtemps la jurisprudence a établi l’importance qu’un comité de discipline doit accorder aux recommandations communes.
[26] Dans un arrêt important, R. c. Anthony-Cook[3], la Cour suprême du Canada réitère que les recommandations communes sont essentielles au bon fonctionnement de la justice.
[27] La Cour suprême précise que le critère de l’intérêt public est déterminant et que le tribunal doit faire preuve d’une grande retenue lorsqu’il est saisi d’une recommandation commune.
[28] Aux paragraphes 40 et suivants de cet arrêt, la Cour émet les principes suivants, à savoir :
« [40] En plus des nombreux avantages que les recommandations conjointes offrent aux participants dans le système de justice pénale, elles jouent un rôle vital en contribuant à l’administration de la justice en général. La perspective d’une recommandation conjointe qui comporte un degré de certitude élevé encourage les personnes accusées à enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Et les plaidoyers de culpabilité font économiser au système de justice des ressources et un temps précieux qui peuvent être alloués à d’autres affaires. Il ne s’agit pas là d’un léger avantage. Dans la mesure où elles font éviter des procès, les recommandations conjointes relatives à la peine permettent à notre système de justice de fonctionner plus efficacement. Je dirais en fait qu’elles lui permettent de fonctionner. Sans elles, notre système de justice serait mis à genoux, et s’effondrerait finalement sous son propre poids.
[41] Cependant, comme je l’ai mentionné, la présentation de recommandations conjointes ne reste possible que si les parties sont très confiantes qu’elles seront acceptées. Si elles doutent trop, les parties peuvent plutôt choisir d’accepter les risques d’un procès ou d’une audience de détermination de la peine contestée. Si les recommandations conjointes en viennent à être considérées comme des solutions de rechange insuffisamment sûres, l’accusé en particulier hésitera à renoncer à un procès et à ses garanties concomitantes, notamment la faculté cruciale de mettre à l’épreuve la solidité de la preuve du ministère public.
[42] D’où l’importance, pour les juges du procès, de faire montre de retenue et de ne rejeter les recommandations conjointes que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Un seuil moins élevé que celui-ci jetterait trop d’incertitude sur l’efficacité des ententes de règlement. Le critère de l’intérêt public garantit que ces ententes de règlement jouissent d’un degré de certitude élevé. »
(nos soulignements)
[29] Or, dans le présent dossier, il est clair que la recommandation commune des parties dans le présent dossier n’est pas contraire à l’intérêt public et qu’elle ne fait pas échec au bon fonctionnement de notre système de justice disciplinaire.
[30] De plus, elle nous apparait juste et appropriée dans les circonstances.
[31] Voilà pourquoi, séance tenante, le Comité a confirmé aux parties que leur suggestion commune serait retenue par le Comité.
B) Décision
[32] Tel qu’établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[4], la sanction disciplinaire doit atteindre les objectifs suivants :
· en premier lieu, la protection du public ;
· ensuite, la dissuasion du professionnel de récidiver; et
· l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables;
· et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.
[33] Conformément au principe de l’exemplarité positive développé par le Tribunal des professions dans l’affaire Blanchette[5], dans la présente affaire, le Comité est d’avis que la sanction tient également compte des gestes concrets posés par l’intimée pour modifier son comportement et se réhabiliter.
[34] Pour le Comité, la sanction est taillée sur mesure pour l’intimée. En fait, la sanction prend en considération le cheminement favorable de l’intimée depuis les faits reprochés. La suggestion commune des parties est donc entérinée sans réserve par le Comité.
[35] Afin de protéger le public, un avis de la décision de suspension sera publié dans un journal local situé à l’endroit où l’intimée exerce la profession. Quant aux frais de l’instance, ceux-ci seront à la charge de l’intimé.
Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :
PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée Jessica Larivière;
DÉCLARE l’intimée coupable du chef 1 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 62 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et la publicité;
PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions réglementaires alléguées au soutien du chef d’accusation susdit;
DÉCLARE l’intimée coupable du chef 2 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 106 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et la publicité;
IMPOSE À L’INTIMÉE JESSICA LARIVIÈRE LES SANCTIONS SUIVANTES :
IMPOSE à l’intimée la suspension du permis de courtier immobilier (G1261) de l’intimée pour une période de 60 jours, à être purgée à l’expiration du délai d’appel si l’intimée est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où elle en redeviendra titulaire ;
Chef 2 :
IMPOSE à l’intimée la suspension du permis de courtier immobilier (G1261) de l’intimée pour une période de 60 jours, à être purgée à l’expiration du délai d’appel si l’intimée est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où elle en redeviendra titulaire ;
ORDONNE que les périodes de suspension sur les chefs 1 et 2 susdits soient purgées de façon consécutive;
CONSIDÉRANT le principe de la globalité de la sanction, RÉDUIT les périodes de suspension susdites à une période de suspension totale de 90 jours;
ORDONNE qu’un avis de la présente décision soit publié, aux frais de l’intimée, dans un journal local où l’intimée exerce la profession et ce, à l’expiration du délai d’appel si l’intimée est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où elle en redeviendra titulaire;
CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés, incluant les frais de l’avis de publication.
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____________________________________ Me Daniel M. Fabien, avocat Vice-président du Comité de discipline
____________________________________ Mme Marie-Andrée Dupras, courtier immobilier Membre
____________________________________ M. Michel Liboiron, courtier immobilier Membre
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Me Isabelle Martel |
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Procureur de la partie plaignante |
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Me Françoise Roy |
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Procureur de la partie intimée |
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Date d’audience: 23 août 2017 |
[1] Pivin c.
Inhalothérapeutes,
[2] Pièce P-23, OACIQ c. Larivière, 2016 CanLII 78375 (QC OACIQ);
[3] 2016 CSC 43 QCTP 5 (CanLII);
[4]
[5] 1996 D.D.O.P 325 (T.P.). Voir aussi Brochu
c. Médecins,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.