COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Chaudière-Appalaches

Québec, le 10 décembre 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

136386-03B-0004-RC

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Carole Lessard

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Aubert Tremblay

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Guy Rousseau

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

114693468-1

114693468-3

114693468-4

AUDIENCE TENUE LE :

23 novembre 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Lévis

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

DÉCISION CORRIGÉE

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FOYER CHANOINE AUDET INC.

(CENTRE DE SANTÉ PAUL GILBERT)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

GINETTE LÉVESQUE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - CHAUDIÈRE-APPALACHES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

Le 30 novembre 2001, la Commission des lésions professionnelles rendait une décision comportant L’AVIS DES MEMBRES, mais qui, malencontreusement, n’apparaît pas au texte expédié aux parties le même jour.

Le texte qui suit est celui qui était prévu après le paragraphe [31] et qui doit se lire .

« L’AVIS DES MEMBRES

[32]      Le membre issu des association syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que la Commission des lésions professionnelles devrait rejeter la requête; en effet, les conditions d’ouverture énoncées par le législateur à savoir, un vice de fond de nature à invalider la décision ou enfin, une erreur manifeste et déterminante, n’ont nullement été démontrées.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION »

 

 

 

 

CAROLE LESSARD

 

Commissaire

 

 

 

 

 

DENIS JOBIN, AVOCAT

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

C.S.N.

(Me Georges-Étienne Tremblay)

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Stéphane Larouche)

 

Représentant de la partie interevenante

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Chaudière-Appalaches

QUÉBEC, le 30 novembre 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

136386-03B-0004-R

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Carole Lessard

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Aubert Tremblay

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Guy Rousseau

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

114693468-1

114693468-3

114693468-4

AUDIENCE TENUE LE :

23 novembre 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Lévis

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE PRÉSENTÉE EN VERTU DE L'ARTICLE 429 .56 DE LA LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES (L.R.Q., chapitre A-3.001)

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FOYER CHANOINE AUDET INC.

(CENTRE DE SANTÉ PAUL GILBERT)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

GINETTE LÉVESQUE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - CHAUDIÈRE-APPALACHES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 20 août 2001, Foyer Chanoine Audet inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision à l’encontre de la décision rendue par cette instance le 18 juillet 2001.

[2]               Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille la requête logée par la travailleuse et infirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 30 mars 2000, à la suite d’une révision administrative; ainsi, déclare-t-elle que la travailleuse est porteuse de limitations fonctionnelles découlant du fait accidentel du 14 mars 1998 et qu’elle est incapable, par conséquent, de reprendre son emploi.  Le droit aux indemnités de remplacement du revenu persiste donc au-delà du 11 février 1999.

[3]               À l’audience, les parties sont représentées.

L'OBJET DE LA REQUÊTE

[4]               Le représentant de l’employeur reproche à la Commission des lésions professionnelles d’avoir ignoré l’effet juridique du rapport final complété par le Dr Denis Jolicoeur, en date du 12 février 1999 qui ne prévoyait, alors, aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitation fonctionnelle.

[5]               Aussi, lui reproche-t-il d’avoir ignoré que le processus d’arbitrage médical était vicié, et ce, du seul fait qu’on ait considéré que le médecin qui a charge pouvait ainsi modifier son opinion postérieurement à l’émission du rapport final.

[6]               Outre cette première erreur qui lui apparaît manifeste, il soulève celle ayant trait à l’appréciation même de la preuve qui conclurait, de façon inexacte, à l’absence de suivi médical pour des problèmes lombaires, avant l’événement du 14 mars 1998.

[7]               À son avis, la requête doit donc être accueillie au motif que la décision est entachée d’erreurs manifestes et déterminantes; il demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision afin de déclarer que la lésion professionnelle subie le 14 mars 1998 était consolidée le 12 février 1999, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

LES FAITS RELATIFS À LA REQUÊTE

[8]               Le 14 mars 1998, la travailleuse effectue une chute dans le stationnement de l’établissement.  Le suivi médical est initié par le Dr Denis Jolicoeur.  Le diagnostic d’entorse lombaire est retenu.

[9]               Le rapport final est complété par ce dernier, le 12 février 1999.  La lésion est consolidée à cette même date, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.

[10]           Aux notes de consultation complétées ce même jour, on peut lire spécifiquement ce qui suit :

« Lombalgie stable

récupération satisfaisante

douleur persistante résultant de pathologie sous-jacente (arthrose)

 

Rapport final

 

Réf. en orthop : limitation fonctionnelle permanente et reprise de son travail actuel ».

 

 

[11]           La travailleuse voit donc le Dr Michel Giguère, en orthopédie, à la demande même de son médecin traitant, le Dr Jolicoeur.

[12]           Le 23 février 1999, le Dr Giguère écrit une lettre au Dr Jolicoeur par laquelle il confirme l’existence, au niveau lombaire, de limitations de mouvements importantes constatées lors de son propre examen physique.  Aussi, exprime-t-il son avis que la travailleuse souffre de séquelles d’entorse lombaire et qu’elle ne peut reprendre son travail de préposée aux bénéficiaires, en raison des nombreuses limitations qui résultent de cette lésion.

[13]           De l’avis du médecin consulté par l’employeur, le Dr Tremblay, l’entorse lombaire est résolue; aussi, les douleurs persistantes sont attribuables uniquement à l’arthropathie dégénérative visualisée par l’imagerie médicale.

[14]           Le 19 avril 1999, la CSST décide que la travailleuse peut reprendre son travail.  Cette décision est constestée.

[15]           Le Dr Giguère n’est pas du même avis et complète le rapport d’évaluation médicale, en date du 30 avril 1999.  L’entorse lombaire que la travailleuse s’est infligée, lors de la chute du 14 mars 1998, a aggravé une condition préexistante d’arthrose facettaire.  Aussi, croit-il que les douleurs persistantes résultent de cette aggravation d’une condition personnelle préexistante.  Par conséquent, il octroie une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2.2 %, référant au code que le Règlement sur le barème des dommages corporels prévoit pour l’entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées.  De plus, les limitations fonctionnelles suivantes résultent de la lésion :

« 

·           Éviter les activités qui impliquent d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude.

·           Éviter de monter fréquemment plusieurs escaliers.

·           Éviter de marcher en terrain accidenté ou glissant.

·           Éviter de travailler en position accroupie.

·           Éviter de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.

 

Ces limitations sont données pour une durée permanente. »

 

 

 

[16]           La CSST accepte la réclamation, le 12 mai 1999; la lésion professionnelle subie le 14 mars 1998 concerne exclusivement le diagnostic d’entorse lombaire; en effet, les diagnostics de tendinite à l’épaule droite et de synovite du genou gauche sont exclus au motif qu’ils ne sont pas reliés à l’événement en cause.

[17]           Les notes de consultation complétées par le Dr Jolicoeur, le 11 juin 1999, attestent de la persistance des douleurs lombaires; l’examen révèle une augmentation de la symptomatologie lors de l’exécution de certains mouvements.

[18]           Le 28 juin 1999, le formulaire « Information médicale complémentaire écrite (IMC) » est complété par le bureau médical de la CSST; l’opinion révisée du Dr Jolicoeur y est rapportée comme suit :

« Vous ne considériez pas que Mme Lévesque présentait une aggravation permanente de sa condition lombaire préexistante à l’entorse lombaire survenue au travail.

 

Cependant, l’évolution actuelle de Mme Lévesque vous amène à réviser votre opinion.  Il y a eu aggravation permanente selon vous. »

 

 

 

[19]           De l’avis du médecin consulté par l’employeur (Dr Blanchet), aucune limitation fonctionnelle ne peut être attribuée à la lésion subie le 14 mars 1998.  Il reconnaît, toutefois, l’existence même de limitations fonctionnelles dites « classe II » mais en raison de l’arthrose et la dégénérescence lombaire dont la travailleuse était porteuse avant l’accident.  Les limitations fonctionnelles sont énumérées ainsi au rapport complété subséquemment à l’examen du 28 juin 1999 :

« Classe II : Éviter les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 5 à 15 kilos, effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude, monter fréquemment plusieurs escaliers et marcher en terrains accidentés ou glissants. »

 

 

[20]           L’employeur lui-même conteste les conclusions apparaissant au rapport d’évaluation médicale du Dr Giguère; la teneur de la lettre datée du 6 juillet 1999 est sans équivoque et constitue une demande pour initier le processus d’arbitrage médical.

[21]           Le 15 juillet 1999, le Dr Giguère complète un rapport complémentaire, à la demande de la CSST.  Il y réitère les mêmes conclusions qu’au rapport complété le 30 avril 1999 :

« (...)

 

EXISTENCE OU POURCENTAGE D’ATTEINTE PERMANENTE À L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE OU PSYCHIQUE DU TRAVAILLEUR :

 

Suite à sa chute du 14 mars 1998, cette patiente a présenté une entorse lombaire.  Cette chute a également aggravé une condition personnelle préexistante et nous maintenons le même code, soit 204 004, entorse de la colonne dorso-lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées, DAP 2 %.

 

EXISTENCE OU ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES DU TRAVAILLEUR :

 

Cette patiente nécessite des limitations fonctionnelles à cause de douleurs lombaires persistantes et nous maintenons les mêmes limitations fonctionnelles énumérées à notre REM du 30 avril 1999. »

 

 

 

[22]           Le 29 juillet 1999, la CSST achemine une demande au Bureau d’évaluation médicale; le litige est issu des conclusions opposées des Drs Blanchet et Giguère.  L’avis est rendu par le Dr Jean-Marc Lessard, le 9 août 1999.  Celui-ci reconnaît qu’il faille octroyer un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées; il est d’avis, toutefois, que bien que des limitations fonctionnelles doivent être constatées, elles ne peuvent pour autant être reliées à la lésion comme telle.  Aussi, rejoint-il l’avis du Dr Blanchet voulant que ces mêmes limitations fonctionnelles résultent de la condition personnelle préexistante, soit l’arthrose lombaire telle que visualisée à l’imagerie médicale.

[23]           La CSST rend une décision en respect de cet avis, le 1er octobre 1999.  Donc, seule une atteinte permanente à l’intégrité physique est reconnue.  Le 18 octobre 1999, la décision spécifie qu’un montant d’indemnités de 1 018,60 $ doit être versé en considération d’une atteinte permanente de l’ordre de 2.2 %.  L’employeur ne conteste pas ces décisions.

[24]           Ces deux décisions sont contestées par la travailleuse tout comme celle rendue le 19 avril 1999, et à l’effet que la travailleuse soit alors considérée capable de retourner au travail.  Leur maintien, par la décision rendue le 30 mars 2000 à la suite d’une révision administrative, est source du litige soumis en appel devant la Commission des lésions professionnelles.

[25]           La question de la validité du processus de contestation pour les fins de l’obtention d’un avis du Bureau d’évaluation médicale y est soulevée lors de questions préliminaires; la commissaire en fait spécifiquement mention aux paragraphes 23 à 26 de la décision.  Aussi, on peut y lire très pertinemment :

« (...)

 

[23]      En ce qui concerne maintenant la validité du processus au BEM, la Commission des lésions professionnelles est d'avis qu'il faut replacer le tout dans son contexte.  D'abord, le docteur Denis Jolicoeur émet un rapport final le 12 février 1999 indiquant que la lésion est consolidée sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle.  Ses notes manuscrites, à ce jour, précisent que l'état de lombalgie est stable, que la travailleuse présente une récupération satisfaisante et qu'il subsiste une douleur persistante résultant d'une pathologie sous-jacente d'arthrose.  Suivant ces mêmes notes, il réfère ladite travailleuse en orthopédie pour la question des limitations fonctionnelles et de la capacité de travail.  C'est dans ce contexte de douleur persistante et de référence de la part du médecin ayant charge que la travailleuse consulte le docteur Michel Giguère, le 23 février 1999.  L'on assiste donc, d'une part, à l'émission d'un rapport final indiquant l'absence d'atteinte permanente et de limitations fonctionnelles et, d'autre part, à une référence en orthopédie pour l'existence de limitations fonctionnelles.  Après discussion avec le docteur Giguère, sur cette question des limitations fonctionnelles, le docteur Jolicoeur modifie son opinion et déclare que la travailleuse demeure porteuse de limitations fonctionnelles découlant d'une aggravation permanente de sa condition personnelle, aggravation causée par le fait accidentel.  C'est ce qu'il appert de la preuve documentaire et du témoignage du docteur Jolicoeur.

 

(...)

 

[25]      Dans le cas présent, l'employeur demande au docteur Michel Blanchet d'examiner la travailleuse, et ce, suite au rapport médical du 30 avril 1999 émis par le docteur Michel Giguère.  Le docteur Blanchet fournit son opinion le 28 juin 1999 et l'employeur demande l'intervention du BEM le 6 juillet 1999.  L'avis du BEM fait l'objet d'une décision qui ne sera pas contestée par l'employeur.

 

[26]      La question est de savoir si, dans ce contexte particulier, la réponse du docteur Denis Jolicoeur du 28 juin 1999, à savoir qu'il partage l'avis du docteur Michel Giguère du 30 avril 1999 quant à l'existence d'une aggravation permanente de la condition personnelle d'arthrose, justifie la procédure de contestation au BEM.

 

(...) »

 

 

[26]           La commissaire procède ensuite à une analyse de la jurisprudence tout en émettant la réserve suivante :

« La jurisprudence, quoiqu'elle se soit penchée à quelques reprises sur la question de la procédure au BEM dans un contexte de modification de rapports médicaux ou de production de rapports subséquents, ne discute pas précisément d'un contexte similaire à celui sous étude.  Quoi qu'il en soit, certaines affaires apportent un éclairage suffisamment intéressant pour que la Commission des lésions professionnelles s'en inspire. »

 

 

 

[27]           L’affaire Hôpital de L’Enfant-Jésus & Desmeules[1] rappelle que certaines circonstances peuvent justifier le médecin qui a charge du travailleur de corriger le rapport final lorsqu’il réalise, par exemple, lors d’un autre examen médical, qu’il doit repousser la date de consolidation préalablement envisagée.  La commissaire s’inspire de cet éclairage pour apprécier, dans le cas qui lui est soumis, si des circonstances sérieuses justifient le Dr Jolicoeur de modifier les conclusions déjà énoncées au rapport final complété le 12 février 1999.

[28]           La motivation de la décision, sur cet aspect, est essentiellement exprimée comme suit :

« (...)

 

[29]      Le commissaire conclut, dans l'affaire Polaszek et Hôpital Reine Elizabeth3, qu'il n'y a rien de nouveau ou d'exceptionnel pour justifier la modification du premier rapport médical final.  En conséquence, c'est celui-là qui lie la CSST.

 

[30]      La Commission des lésions professionnelles partage le point de vue voulant qu'il faille procéder à l'analyse des faits et circonstances ayant mené à la modification d'opinion, pour bien apprécier la validité de la seconde opinion émise par le médecin ayant charge.  Or, dans le cas sous étude, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que les circonstances sont suffisamment sérieuses pour que l'on retienne la seconde opinion du médecin ayant charge quant à l'existence de limitations fonctionnelles en relation avec le fait accidentel.  En effet, ce dernier indique, dans ses notes manuscrites du 12 février 1999, qu'il réfère la travailleuse en orthopédie en raison de limitations fonctionnelles.  Il considère donc, au moment de l'émission de son rapport final en février 1999, que la travailleuse est effectivement porteuse de limitations fonctionnelles.  C'est sur la relation causale qu'il a des doutes.  Par la suite, après discussion avec le spécialiste en orthopédie, il se dit convaincu que lesdites limitations fonctionnelles découlent d'une aggravation de la condition personnelle d'arthrose, aggravation causée par le fait accidentel.  Il précise aussi que cette conviction lui vient du suivi médical effectué après le 12 février 1999.

 

[30]      La Commission des lésions professionnelles estime donc que le médecin ayant charge modifie son premier avis du 12 février 1999 en raison d'éléments sérieux.  En aucun temps, cette modification ne repose sur une quelconque complaisance vis-à-vis la travailleuse.  De plus, ce n'est pas dans un esprit de magasinage que la travailleuse rencontre le docteur Michel Giguère, le 23 février 1999.  Au risque de le répéter, c'est sous la recommandation du médecin ayant charge que la rencontre a lieu entre ladite travailleuse et le docteur Giguère.  C'est cette modification d'opinion au 28 juin 1999 qui devient le véritable rapport final.  Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles déclare que la procédure au BEM est valide et qu'il y a lieu de poursuivre quant au fond.

 

3  Polaszek et Hôpital Reine Elizabeth, 69046-60-9505, le 30 juillet 1996, B. Lemay.

 

(...) »

 

 

 

[29]           Sur le fond, l’analyse de la preuve amène à considérer les différents avis médicaux émis par le biais des Drs Jolicoeur, Giguère, Tremblay, Blanchet et Lessard.  L’appréciation des différentes expertises amène à conclure que des limitations fonctionnelles permanentes doivent être attribuées; la divergence d’opinion subsiste, toutefois, au niveau de leur relation avec la lésion professionnelle subie le 14 mars 1998.  En somme, il s’agit de déterminer si elles découlent ou non d’une aggravation de la condition personnelle, lors de l’événement du 14 mars 1998.

[30]           Une thèse médicale appuie la relation au motif que l’entorse lombaire subie lors de la chute a aggravé la condition préexistante d’arthrose.  L’autre thèse prétend que cette condition personnelle n’a pas été aggravée lors de l’accident et qu’une telle condition, à elle seule et, en raison de son caractère évolutif, peut générer de telles limitations fonctionnelles.

[31]           La Commission des lésions professionnelles a apprécié l’ensemble de la preuve pour conclure que la travailleuse est porteuse de limitations fonctionnelles, telles que décrites par les Drs Giguère et Blanchet; aussi, retient-elle que le contexte ne permet pas de dissocier ce qui appartient au fait accidentel de ce qui découle de la condition personnelle.  Par conséquent, elle s’inspire de l’avis du Dr Giguère, et ce, par le biais de la motivation suivante :

« (...)

 

[57]      La Commission des lésions professionnelles est d'avis que les limitations fonctionnelles identifiées par les différents médecins qui ont examiné la travailleuse découlent des conséquences du fait accidentel du 14 mars 1998.  En effet, il est en preuve non contredite que la travailleuse ne présentait pas de symptomatologie incapacitante avant ledit fait accidentel, et ce, malgré la présence d'une condition personnelle d'arthrose.  Cette condition personnelle est devenue symptomatique suite au fait accidentel.  En cela, le médecin ayant charge a témoigné ne pas avoir traité la travailleuse pour une incapacité reliée à sa condition personnelle d'arthrose avant que ne survienne le fait accidentel du 14 mars 1998.

 

[58]      La Commission des lésions professionnelles est d'avis que, dans la mesure ou la preuve documentaire et testimoniale démontre que la condition personnelle d'arthrose était asymptomatique avant le fait accidentel du 14 mars 1998, comme c'est le cas en l'espèce, dans la même mesure il y a lieu de considérer la persistance des limitations fonctionnelles, après le 12 février 1999, en relation avec les conséquences du fait accidentel du 14 mars 1998.  Il n'y a pas lieu, dans ce contexte, de dissocier ce qui appartient au fait accidentel de ce qui découle de la condition personnelle.

 

[59]      La Commission des lésions professionnelles partage l'opinion du docteur Michel Giguère, orthopédiste, voulant que la travailleuse ait aggravé de façon permanente sa condition personnelle d'arthrose par le fait accidentel du 14 mars 1998.  En effet, la Commission des lésions professionnelles estime que la chute sur le dos, au 14 mars 1998, ne constitue pas un geste banal.  Cet accident a été suffisamment important pour avoir placé immédiatement la travailleuse en arrêt de travail et l'avoir maintenue ainsi jusqu'au 12 février 1999, alors que les 2 tentatives de retour au travail se sont soldées par des échecs.  De plus, la travailleuse témoigne ne plus être en mesure d'accomplir les mêmes activités suite à son accident du travail, ce qui milite en faveur d'une aggravation de sa condition antérieure.  Enfin, l'absence de consultation pour la condition lombaire, avant le 4 mars 1998, confirme le tout. »

 

 

 

L'AVIS DES MEMBRES

[32]           La Commission des lésions professionnelles, siégeant en révision, doit décider si l’employeur a démontré un motif donnant ouverture à la révision de la décision rendue le 18 juillet 2001.

[33]           La troisième alinéa de l’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) stipule qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel.  Par cette disposition, le législateur a voulu assurer la stabilité juridique des décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles.  Cet article se lit comme suit :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[34]           Toutefois, l’article 429.56 de la loi permet la révision ou la révocation d’une décision dans certains cas.  Cette disposition se lit comme suit :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

  lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

  lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

  lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[35]           La jurisprudence[3] de la Commission des lésions professionnelles est à l’effet que les termes « vice de fond de nature à invalider la décision » s’interprètent dans le sens d’une erreur manifeste de droit ou de faits qui a un effet déterminant sur l’issue de la contestation.

[36]           Le représentant de l’employeur prétend que le rapport final complété par le Dr Jolicoeur, le 12 février 1999, liait la CSST et que tout le débat qui eut lieu devant la Commission des lésions professionnelles était non fondé.  Aussi, soumet-il que le Dr Jolicoeur, lui-même, concluait à l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, dès le 12 février 1999 et qu’il ne pouvait modifier ultérieurement ces conclusions, comme il l’a fait.  Aussi, tout le processus de contestation d’ordre médical qui s’est enclenché à la lueur de la modification de cet avis et des conclusions du Dr Giguère l’a été contrairement à la loi qui prévoit que le rapport final et les conclusions énoncées lient la CSST.

[37]           La Commission des lésions professionnelles, siégeant en révision, souligne que ce reproche exprimé par le représentant de l’employeur surprend puisque lui-même a sollicité la CSST pour que le processus de contestation d’ordre médical soit initié; aussi, n’a-t-il pas contesté les décisions rendues les 1er et 18 octobre 1999, ces décisions étant l’issue même du processus de contestation, et ce, en respect de ce qu’édicte le législateur à l’article 224.1 de la loi.  Cette disposition énonce, très clairement, que la CSST est liée par toutes et chacune des conclusions énoncées au sein de l’avis du Bureau d’évaluation médicale; aussi, la CSST n’avait-elle pas le choix de disposer autrement de la question de l’atteinte permanente, le Dr Lessard ayant conclu qu’une atteinte permanente de 2.2 % devait être reconnue pour une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles.

[38]           Le représentant de l’employeur invoque, pour la première fois, l’irrégularité du processus ayant abouti à l’avis du Bureau d’évaluation médicale lors de l’appel, logé par la travailleuse, de la décision rendue à la suite d’une révision administrative qui, au même motif que celle initialement rendue, doit se déclarer liée par les conclusions du Dr Lessard.

[39]           Le débat, sur cette question, n’a donc lieu que lors de l’appel devant la Commission des lésions professionnelles, et ce, uniquement parce que la travailleuse s’est prévalue de son droit de contester les décisions rendues par la CSST à la suite de la révision administrative.

[40]           La tardiveté de la question soumise, par le représentant de l’employeur, ne fait aucun doute.  L’intérêt à soulever cette question naît au moment même que la travailleuse entend en appeler des décisions de la CSST rendues consécutivement à l’avis du Bureau d’évaluation médicale.  Or, cet intérêt était manifestement inexistant antérieurement à l’exercice du recours en appel, par la travailleuse.

[41]           La Commission des lésions professionnelles, compte tenu de la première conclusion à laquelle elle est parvenue quant à la légalité même du processus de contestation des questions d’ordre médical, a exercé pleinement sa compétence aux fins d’apprécier l’ensemble de la preuve médicale et déterminer si la travailleuse était porteuse ou non de limitations fonctionnelles reliées à la lésion professionnelle subie le 14 mars 1998.

[42]           La prémisse, à l’exercice de cette compétence, provient d’un avis du Bureau d’évaluation médicale rendu au terme du processus de contestation initié en raison de conclusions exprimées par le Dr Blanchet de façon totalement contraire à celles du Dr Giguère.  Aussi, considère-t-on que le Dr Jolicoeur lui-même a modifié ses propres conclusions, telles qu’énoncées au rapport final du 12 février 1999, au motif que les limitations fonctionnelles permanentes dès lors constatées n’étaient pas uniquement causées par la condition personnelle à elle seule mais plutôt reliées à l’aggravation de celle-ci, consécutivement à la lésion subie le 14 mars 1998.

[43]           La Commission des lésions professionnelles motive sa décision en s’inspirant pertinemment de décisions préalablement rendues sur l’effet même du rapport final; aussi, n’ignore-t-elle pas alors le principe énoncé par le législateur et voulant que le rapport final, tel que complété par le médecin qui a charge, lie la CSST; or, une brèche doit toutefois être apportée à ce principe si des circonstances exceptionnelles justifient le médecin qui a charge de modifier l’opinion initialement émise par le biais du rapport final.

[44]           Ignorer de telles circonstances expose alors la Commission des lésions professionnelles à l’intervention de la Cour supérieure, et ce, dans le cadre d’une requête en révision judiciaire.  Dans l’affaire Desruisseaux & Commission des lésions professionnelles[4], le juge Bouchard a conclu que la décision rendue était manifestement déraisonnable au motif que la Commission des lésions professionnelles n’a pas permis, en vertu de circonstances exceptionnelles, que le médecin traitant revoit et modifie son rapport final.

[45]           La décision alors attaquée était signée par la même commissaire que celle attitrée au présent dossier, lors de l’appel.  Aussi, s’est-elle davantage attardée, dans la présente affaire, à apprécier l’ensemble de la preuve afin de déterminer si des circonstances permettaient au médecin qui a charge de revoir les conclusions énoncées au rapport final; dans le cas contraire, la règle telle qu’énoncée par le législateur doit bien sûr prévaloir, soit celle voulant que les conclusions énoncées au rapport final lient la CSST, et ce, bien sûr, à défaut de l’obtention d’un avis du Bureau d’évaluation médicale valide sur ces mêmes questions.  Les articles 224 et 224.1 le prévoient en ces termes :

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.

 

Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.

________

1992, c. 11, a. 27.

 

 

[46]           Aussi, l’analyse telle qu’effectuée par la commissaire l’est en respect des dispositions législatives pertinentes et de l’éclairage apporté par le biais de la jurisprudence qui évolue sur la question.

[47]           Le représentant de l’employeur a exprimé son désaccord avec ce courant jurisprudentiel et, plus particulièrement, avec les conclusions énoncées par le Dr Bouchard, dans l’affaire Desruisseaux.  Ses prétentions sont à l’effet que cette décision est manifestement déraisonnable.

[48]           Or, le représentant de l’employeur doit lui-même convenir que cette décision n’a pas été portée en appel et que ses prétentions demeurent présentement non appuyées par des décisions de tribunaux supérieurs.  Aussi, la Cour d’appel n’a encore rendu aucune décision voulant que l’interprétation, retenue par la Cour supérieure, soit elle-même manifestement déraisonnable.

[49]           Quoiqu’il en soit, le législateur, par le biais de l’article 429.56, a requis la démonstration d’un vice de fond de nature à invalider la décision, soit une notion qui correspond, au sens même de la jurisprudence qui a évolué sur cette question, à une erreur manifeste et déterminante.  Aussi, se doit-on de constater que le législateur lui-même n’a pas eu recours à l’usage de l’expression qui guide les tribunaux, en matière de révision judiciaire, et qui est le « manifestement déraisonnable ».

[50]           À la lueur même de cette nuance, la Commission des lésions professionnelles conclut que la décision attaquée ne comporte aucune erreur manifeste et déterminante.

[51]           La motivation de la décision attaquée illustre pertinemment le fait que les circonstances mises en preuve ne s’apparentent nullement à un magasinage effectué par la travailleuse auprès d’autres médecins, et ce, afin d’obtenir les conclusions recherchées.  Il ne s’agit nullement d’un cas dans lequel on tente de contester les conclusions émises par le médecin qui a charge en obtenant, de sa propre initiative, les conclusions d’un autre médecin.

[52]           L’appréciation de la preuve, telle qu’effectuée par la commissaire, soutient la conclusion voulant que le médecin qui a charge lui-même ait constaté l’existence de limitations fonctionnelles permanentes, et ce, dès le 12 février 1999.  À l’appui, référence est faite aux notes de consultation complétées ce même jour, par le Dr Jolicoeur.  Aussi, bien que le rapport final ait ignoré l’existence de limitations fonctionnelles en relation avec la lésion subie le 14 mars 1998, il n’en demeure pas moins que le Dr Jolicoeur convenait au même moment de l’existence de limitations fonctionnelles mais reliées, vraisemblablement, à la condition personnelle préexistante d’arthrose.

[53]           Lorsqu’il effectue alors une demande de consultation en orthopédie, et ce, plus particulièrement auprès du Dr Giguère, c’est spécifiquement en raison de douleurs lombaires persistantes.  Aussi, la lettre datée du 23 février 1999 que le Dr Giguère adresse au Dr Jolicoeur ne comporte aucune ambiguïté; celui-ci lui certifie alors les résultats de son propre examen physique voulant que la travailleuse souffre toujours de séquelles de sa lésion et que celles-ci l’empêchent de reprendre son travail.

[54]           Il n’y a donc pas lieu de retenir les arguments du représentant de l’employeur voulant que cette consultation alors effectuée auprès du Dr Giguère, par le Dr Jolicoeur, l’était d’abord et avant tout pour d’autres problèmes que les malaises lombaires persistants.

[55]           Aussi, la preuve a-t-elle révélé les raisons ayant amené le Dr Jolicoeur à modifier son avis, en juin 1999; le tableau évolutif alors constaté dans le cadre de son propre examen qui, joint à l’avis de l’orthopédiste consulté, appuie la conclusion voulant que la condition personnelle de la travailleuse ait été aggravée, lors de l’accident du 14 mars 1998.  Ainsi, les limitations fonctionnelles telles que constatées, dès le 12 février 1999 et que le Dr Jolicoeur ne croyait pas alors reliées à la lésion subie le 14 mars 1998, s’avéraient maintenant en relation avec celle-ci.  Les doutes entretenus initialement et jusque-là par le Dr Jolicoeur n’avaient plus leur raison d’être.  La relation s’avérait alors évidente.

[56]           De plus, les conclusions telles qu’énoncées par le Dr Giguère au rapport d’évaluation médicale complété le 30 avril 1999, l’ont été à titre de médecin qui a successivement pris charge de la travailleuse.  En effet, la travailleuse est vue par le Dr Giguère à la demande même du Dr Jolicoeur, et ce, pour des douleurs lombaires persistantes qu’il croit alors reliées à la condition personnelle plutôt qu’à la lésion.  Or, de l’avis du Dr Giguère, cette conclusion s’avère inexacte puisqu’il s’avère convaincu que l’événement survenu le 14 mars 1998 a non seulement causé une entorse lombaire mais a également aggravé la condition personnelle préexistante.  Le Dr Giguère constitue, au sens de la loi, un médecin qui a successivement pris charge de la travailleuse et n’a nullement été consulté par la seule initiative de la travailleuse.  La commissaire a conclu, pertinemment, que ce n’était pas par magasinage que le Dr Giguère a été appelé à se prononcer dans le dossier.

[57]           Le Dr Giguère ayant ainsi été introduit dans le cadre du suivi médical effectué en cours d’investigation et de nécessité de traitements pour une prétendue condition personnelle symptomatique, devient le médecin qui a successivement pris charge de la travailleuse, et ce, en définitive pour une aggravation de la condition personnelle préexistante.  Ses conclusions, telles qu’énoncées au rapport d’évaluation médicale complété le 30 avril 1999, lient tout autant la CSST.

[58]           Par conséquent, l’avis du Dr Blanchet qui conclut ensuite contrairement au Dr Giguère permettait d’initier, valablement, le processus permettant l’obtention de l’avis du Bureau d’évaluation médicale.

[59]           La Cour supérieure[5] a récemment réitéré le caractère spécialisé de la Commission des lésions professionnelles et rappelle que les décisions rendues dans le champ de compétence des commissaires, sans erreur manifeste, ne donnent pas ouverture à révision.

[60]           La Commission des lésions professionnelles a donc exercé sa compétence d’ordre médical comme le législateur lui permet, et ce, aux fins de disposer de litiges tels que celui soumis en l’espèce.

[61]           Ainsi, la Commission des lésions professionnelles se devait de comparer les expertises des Drs Giguère, Blanchet, Tremblay et Lessard, en les mettant en parallèle avec l’ensemble de la preuve documentaire et testimoniale qui comporte notamment le témoignage du Dr Jolicoeur.

[62]           Son appréciation de la preuve est à l’effet que tous ces médecins s’entendent pour reconnaître l’existence même de limitations fonctionnelles; la divergence d’opinion provient plus exactement des avis énoncés par les Drs Blanchet, Tremblay et Lessard voulant que ces mêmes limitations fonctionnelles puissent être reliées à la lésion professionnelle subie le 14 mars 1998.

[63]           Tout ce contexte confirmait, en définitive, que la modification de l’opinion telle qu’apportée par le Dr Jolicoeur en juin 1999, s’inscrivait dans le cadre d’un suivi ultérieurement effectué par le spécialiste consulté et révélant que les limitations fonctionnelles telles que déjà constatées par le Dr Jolicoeur lui-même, dès le 12 février 1999, puissent, de l’avis du Dr Giguère, être reliées à la lésion professionnelle et ses suites.

[64]           Aussi, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la première commissaire a suffisamment motivé sa décision; celle-ci, lorsque lue dans son intégralité, permet d’en comprendre aisément les conclusions retenues.  Aussi, sont-elles appuyées par la jurisprudence qui a pertinemment analysé la question soumise et par des éléments de preuve révélant des circonstances exceptionnelles.  La motivation est rationnelle et s’inscrit dans le cadre des dispositions législatives.

[65]           Ainsi, faute de démontrer une erreur manifeste et déterminante au sein même de la décision rendue, le présent recours en révision ne peut être accueilli.

[66]           L’employeur aurait souhaité, dans le cadre du recours exercé, qu’on ignore l’analyse de tout le suivi médical et de la preuve soumise au seul motif que le médecin traitant de la travailleuse ne pouvait modifier les conclusions déjà énoncées au rapport final du 12 février 1999.

[67]           Aussi, aurait-il fallu ignorer le contexte exceptionnel qui a justifié une telle modification de cet avis en plus de l’appréciation, telle qu’effectuée par la Commission des lésions professionnelles et voulant que tous les médecins au dossier s’entendaient sur le fait que la travailleuse soit porteuse de limitations fonctionnelles.

[68]           Or, décider contrairement à la preuve soumise et, de manière à ignorer complètement de tels éléments aussi déterminants, aurait justifié l’accueil du recours exercé.

[69]           Faute de démontrer une erreur manifeste et déterminante, le recours exercé s’apparente à un appel déguisé.  Or, la requête en révision est un recours exceptionnel qui ne peut faire échec au principe de la stabilité juridique des décisions spécifiquement prévu par le législateur par le biais de l’article 429.59 de la loi.

[70]           Aussi, la Commission des lésions professionnelles, siégeant en révision, ne peut substituer son appréciation de la preuve à celle effectuée par la Commission des lésions professionnelles, le 18 juillet 2001.

[71]           Or, celle-ci dut, à la lueur même du témoignage du Dr Jolicoeur, exclure certains éléments de la preuve documentaire laissant croire, prima faciae, que la condition personnelle de la travailleuse était déjà symptomatique, lors de la survenance de l’événement, et qu’elle requérait, déjà, des traitements.  L’appréciation de cette même preuve ne peut, au présent stade, être remise en cause.

[72]           Aussi, même si le représentant du travailleur est en désaccord avec cette conclusion, il ne peut, en raison d’une telle insatisfaction, justifier l’exercice du recours en révision.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision déposée par Foyer Chanoine Audet inc. (Centre de santé Paul Gilbert), l’employeur.

 

 

 

 

CAROLE LESSARD

 

Commissaire

 

 

 

 

 

DENIS JOBIN, AVOCAT

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

C.S.N.

(Me Georges-Étienne Tremblay)

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Stéphane Larouche)

 

Représentant de la partie intervenante

 

 

 

 

 



[1]           Hôpital de L’Enfant-Jésus & Desmeules, 21568-03-9008, 15-05-92, M. Carignan.

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve [1998] CLP 733 ; Franchellini et Sousa [1998] CLP 783 .

[4]           Desruisseaux & Commission des lésions professionnelles, Cour supérieure, # 200-05-013595-009, 27/09/00, Juge Jean Bouchard.

[5]           Anyse Létourneau & CLP & CSST, C. Supérieure 200-05-014912-013, 07/09/01, Juge Jean Lemelin.

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