Décision

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Petremann et Commission scolaire de la Capitale

2010 QCCLP 3579

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

12 mai 2010

 

Région :

Québec

 

Dossier :

335383-31-0712

 

Dossier CSST :

131462277

 

Commissaire :

Hélène Thériault, juge administratif

 

Membres :

Jean-Guy Guay, associations d’employeurs

 

Pierre Banville, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Claude Sarra-Bournet, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

André-Marie Petremann

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission scolaire de la Capitale

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 13 décembre 2007, monsieur André-Marie Petremann, le travailleur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 3 décembre 2007, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle rendue le 9 juillet 2007 et déclare que le travailleur n’a pas été victime d’une lésion professionnelle et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]                Une audience est tenue à Québec le 19 avril 2010 à laquelle assistent le travailleur et la Commission scolaire de la Capitale, l’employeur, dûment représentée. L’employeur soulève une question préliminaire, le cas échéant, il y aurait lieu de reconvoquer les parties pour une audience sur le fond de la contestation, à une date ultérieure.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître le bien-fondé de sa réclamation et de conclure qu’il a subi une lésion professionnelle lui donnant droit aux prestations prévues par la loi.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d'employeurs sont d’avis qu’il y aurait lieu de rejeter la contestation logée par le travailleur au motif qu’il y a absence d’attestation médicale ou d’un rapport médical d’évolution, de sorte que la réclamation du travailleur est incomplète et irrecevable. Dans les circonstances, la décision rendue le 3 décembre 2007 à la suite d’une révision administrative, est nulle puisque la réclamation soumise par le travailleur est irrecevable, celle-ci ne respectant pas les exigences de la loi.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[6]                Le représentant de l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer nulle la décision rendue par la CSST, en révision administrative le 3 décembre 2007, laquelle confirme celle rendue initialement le 9 juillet 2007 puisqu’il y a absence d’attestation médicale ou de rapport d’évolution médicale exigée par la loi et que, par conséquent, la réclamation du travailleur visant la reconnaissance d’une lésion professionnelle est irrecevable.

[7]                Pour sa part, le travailleur soumet qu’il s’explique mal que la question soumise par l’employeur soit bien fondée eu égard aux démarches qu’il a faits auprès des médecins et que, le cas échéant, il veut démontrer qu’il a bien subi une lésion professionnelle.

LES FAITS ET LES MOTIFS RELATIFS À LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[8]                Le 15 avril 2007, le travailleur soumet une réclamation à la CSST. Il allègue avoir été intoxiqué par des particules et des vapeurs de cuivre dans le cadre de son travail d’aide en laboratoire. Il soutient que cette exposition a entraîné une dermatose, un nodule aux poumons et a affecté son foie.

[9]                À titre d’antécédent, il dépose à la CSST une copie d’un rapport médical CSST daté du 22 juin 2001 relativement à un autre événement survenu le 15 mars 2001. Un diagnostic de parosmie suite à une inhalation de formaldéhyde sur infection virale a alors été posé.

[10]           Le travailleur, âgé de 62 ans, consulte un médecin le 27 novembre 2006 à la clinique de l’urgence du Centre hospitalier Jeffery Hale. Aux notes de triage pour évaluation, l’infirmière précise que la raison de la consultation concerne une éruption cutanée qui est présente depuis le 23 novembre 2006 et généralisée sans prurit. Il est également mentionné que le travailleur dit avoir mangé toutes sortes de choses le 22 novembre 2006 à une fête et qu’il a coupé des plantes chez lui. Le travailleur annote ce document pour mentionner que ces propos rapportés sont faux.

[11]           Le 1er décembre 2006, le travailleur se présente à l’urgence du centre hospitalier pour une rougeur par plaques sur le corps avec une démangeaison qui augmente. Il est alors en attente d’une consultation auprès d’un dermatologue dont le rendez-vous est prévu pour le 8 février 2007.

[12]           Puis, le travailleur consulte notamment le docteur Camil Vallières qui le réfère à un dermatologue.

[13]           Le 23 janvier 2007, le docteur Thibeault, dermatologue, examine le travailleur pour un suivi de psoriasis probable. Il conclut son rapport en ces termes :

« Pt  convaincu du lien de causalité entre incident survenu dans laboratoire et état actuel ie : nodule pulm + éruption cutanée.

Dit aller sur forum internet où on lui confirme que c’est possible… Veut consulter chimiste, etc…

Demande arrêt de travail.

Maintes explications données et résultats de patho expliquée mais pt demeure convaincu de son idée. Explique même que c’est parce que sa sueur est toujours imprégnée du produit et qu’elle s’est écoulée, pour expliquer l’apparition des lésions a/n des aines qui avaient d’abord été protégées par ses sous-vêtements… »   [sic]

 

 

[14]           Le 8 février 2007, le docteur Roger Roy de la Clinique de médecine du travailleur et de l’environnement indique à son rapport de consultation du 8 février 2007 que la biopsie cutanée montre une inflammation de la peau non spécifique.

[15]           Le docteur Yves Poulin, dermatologue, examine le travailleur le 8 février 2007 et produit un rapport de consultation le 7 mars 2007 qu’il transmet au docteur Roger Roy. Il considère que le tableau clinique est celui d’un eczéma non spécifique. Il retient comme diagnostic différentiel celui de syndrome carcinoïde, mais il souligne que l’évolution ne milite pas en faveur de cette possibilité.

[16]           En ce qui concerne le nodule pulmonaire, le docteur Poulin précise que celui-ci est présent depuis plusieurs années. Il souligne qu’un examen de contrôle est prévu à cet effet.

[17]           Une bronchoscopie est faite le 20 avril 2007 par le docteur Louis-Philippe Boulet, pneumologue.

[18]           De l’ensemble du dossier médical, il appert que le travailleur a été examiné notamment par les docteurs Éric Mongrain, dermatologue; Pierre Verrrette, médecin généraliste, Marc Desmeules, pneumologue, et Nadine Packwood, André Lachance et Yves Ménard, urgentologues.

[19]           D’abord, la Commission des lésions professionnelles constate que de tous les médecins consultés, aucune attestation ou rapport d’évolution médicale n’est produit au soutien de la réclamation du travailleur.

[20]           Or, tel que le précise la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Baucaire et Municipalité St-Joseph-du-Lac[2], le dépôt d’une attestation médicale produite par le médecin du travailleur est un élément essentiel à la prise en considération de toute demande afin d’obtenir les avantages que confèrent la loi conformément à la procédure de réclamation prévue au chapitre VII de la loi.

[21]           À cet égard, les articles 267, 269, 199, 200, 202, 203, 204, 212 et 224 de la loi établissent le mécanisme d’application en ces termes :

267.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion doit remettre à son employeur l'attestation médicale prévue par l'article 199 .

 

Si aucun employeur n'est tenu de verser un salaire à ce travailleur en vertu de l'article 60, celui-ci remet cette attestation à la Commission.

__________

1985, c. 6, a. 267.

 

 

269.  L'employeur transmet à la Commission le formulaire prévu par l'article 268, accompagné d'une copie de l'attestation médicale prévue par l'article 199, dans les deux jours suivant :

 

1° la date du retour au travail du travailleur, si celui-ci revient au travail dans les 14 jours complets suivant le début de son incapacité d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle; ou

 

2° les 14 jours complets suivant le début de l'incapacité du travailleur d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle, si le travailleur n'est pas revenu au travail à la fin de cette période.

 

Il remet au travailleur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.

__________

1985, c. 6, a. 269.

 

 

199.  Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :

 

1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou

 

2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.

 

Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.

__________

1985, c. 6, a. 199.

 

 

200.  Dans le cas prévu par le paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 199, le médecin qui a charge du travailleur doit de plus expédier à la Commission, dans les six jours de son premier examen, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport sommaire comportant notamment :

 

1° la date de l'accident du travail;

 

2° le diagnostic principal et les renseignements complémentaires pertinents;

 

3° la période prévisible de consolidation de la lésion professionnelle;

 

4° le fait que le travailleur est en attente de traitements de physiothérapie ou d'ergothérapie ou en attente d'hospitalisation ou le fait qu'il reçoit de tels traitements ou qu'il est hospitalisé;

 

5° dans la mesure où il peut se prononcer à cet égard, la possibilité que des séquelles permanentes subsistent.

 

Il en est de même pour tout médecin qui en aura charge subséquemment.

__________

1985, c. 6, a. 200.

 

 

202.  Dans les 10 jours de la réception d'une demande de la Commission à cet effet, le médecin qui a charge du travailleur doit fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport qui comporte les précisions qu'elle requiert sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 202; 1992, c. 11, a. 12.

 

 

203.  Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :

 

1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;

 

2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

 

3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

__________

1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

204.  La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .

__________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

212.  L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1° le diagnostic;

 

2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

[22]           Ainsi, la soussignée fait siens les propos du juge administratif dans l’affaire précitée qui se prononce sur cette question en ces termes :

« [21]   Dès l’ouverture d’un dossier à la suite du dépôt d’une réclamation, l’Attestation médicale initiale et le premier rapport du médecin traitant fournissent des informations cruciales pour les parties en cause : d’abord préciser la date à laquelle le fait accidentel allégué est survenu, ensuite identifier la nature de la lésion (c’est le diagnostic), justifier l’absence du travail et en fixer la durée, prévoir la période de consolidation de la lésion, annoncer un plan de traitement et même, si possible, faire un pronostic quant à d’éventuelles séquelles permanentes. Il ne s’agit donc pas d’une exigence de pure forme à laquelle on peut passer outre comme en matière procédurale, selon l’article 353 de la loi. Au contraire, étant donné que les droits et recours dont les intéressés pourront se prévaloir conformément à la loi dépendent largement des informations médicales livrées dès le début du dossier, les documents médicaux d’ouverture représentent une condition de fond substantielle et indispensable à l’exercice du droit de réclamer. »

 

 

[23]           Par conséquent, en l’absence d’une attestation médicale ou de rapport médical d’évolution au soutien de la réclamation du travailleur, celle-ci est donc irrecevable et les décisions rendues par la CSST les 9 et 3 décembre 2007 sont irrégulières et doivent donc être annulées.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur André-Marie Petremann;

DÉCLARE irrecevable la réclamation soumise par monsieur André-Marie Petremann;

DÉCLARE nulle la décision rendue le 3 décembre 2007 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative de même que celle rendue initialement le 9 juillet 2007;

DÉCLARE qu’il n’y a pas lieu de reconvoquer les parties à une audience.

 

 

__________________________________

 

 

HÉLÈNE THÉRIAULT

 

 

Me Simon Kearney

LANGLOIS, KRONSTRÖM, DESJARDINS

            Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           166237-64-0107 et 195115-64-0211, 26 mai 2004, C.L.P., J.-F. Martel.

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