Décision

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Droit de la famille — 162829

2016 QCCS 5685

JJ0379

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

N° :

200-12-085621-150

 

 

 

DATE :

21 novembre 2016

 

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

DENIS JACQUES, j.c.s.

______________________________________________________________________

 

 

M... L...

Demandeur

c.

N... G...

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

[1]          Le demandeur présente une demande en divorce et requiert du Tribunal de se prononcer sur les mesures qui y sont accessoires.

[2]          La demande n’est pas contestée par la défenderesse et les parties ont convenu de l’ensemble des mesures accessoires, sauf quant au partage de la résidence familiale.

[3]          Le mariage des parties a été célébré le 27 août 2005 à Wendake (Québec).

[4]          Aucun enfant n’est né de leur union.

[5]          Le 28 août 2012, les parties se séparent.

[6]          Selon la preuve présentée, il n’y a pas eu reprise de vie commune.

[7]          En l’absence de collusion et en raison de l’impossibilité de reprise de la vie commune, le Tribunal estime que le motif de divorce est prouvé à sa satisfaction.

[8]          À l’audience, les parties ont fait état de leur entente sur les mesures accessoires suivantes :

-       il y aura partage en parts égales du REER FTQ détenu par le demandeur d’une valeur de 994,99 $ (P-4);

-       les meubles et les véhicules automobiles ont été séparés à la satisfaction des parties à la fin de la vie commune;

-       le REER détenu par la défenderesse au montant de 43 789,33 $ sera partagé en parts égales (D-7);

-       il y aura aussi partage des gains accumulés à Retraite Québec selon les dispositions de la Loi;

-       les parties se déclarent autonomes et ne font aucune réclamation l’un à l’autre pour un support alimentaire.

[9]          Tel que mentionné précédemment, seul le partage de la résidence familiale demeure en litige.

[10]       En effet, la résidence familiale est située sur le territoire A et la défenderesse est membre de la Nation Huronne-Wendat.

[11]       Elle affirme qu’étant assujettie à la Loi sur les indiens (L.R.C., ch. I-5), et ayant contracté un prêt auprès du Conseil de la Nation Huronne-Wendat pour la construction de la résidence familiale, celui-ci demeure propriétaire de l’habitation jusqu’à parfait paiement.

[12]       Elle allègue qu’il subsiste un solde aux emprunts effectués auprès du Conseil de la Nation Huronne-Wendat et qu’en conséquence, elle n’est pas propriétaire de la résidence familiale, raison pour laquelle elle demande de la soustraire au partage du patrimoine familial.

[13]       À l’examen, le Tribunal ne peut donner raison à la défenderesse.

[14]       Les résidences de la famille font partie du patrimoine familial, tel que le prévoit spécifiquement l’article 415 du Code civil du Québec.

[15]       Par ailleurs, selon l’article 416 C.c.Q., la valeur du patrimoine familial des époux est divisée à parts égales.

[16]       Même si un solde de l’emprunt contracté par la défenderesse demeure dû au Conseil de la Nation Huronne-Wendat, il est indéniable que la défenderesse détient une valeur dans la résidence familiale sujette à partage.

[17]       La situation de la défenderesse est semblable à celle de tout propriétaire qui effectue un emprunt dans une institution financière en contrepartie d’une garantie hypothécaire.

[18]       Dans le jugement Droit de la famille - 2885, notre collègue, le juge Paul Corriveau, en arrive aux mêmes conclusions :

En effet, en matière de partage de patrimoine, il faut retenir que le législateur a décidé que ce partage concernait la valeur du patrimoine familial des époux. On parle donc de valeur et aucune exception n’intervient à l’effet que lorsqu’un bien est inclus dans le patrimoine familial et qu’il est situé sur une réserve indienne que la valeur dudit bien est exclue du partage patrimonial. Le Tribunal conclut que le défendeur a le droit à sa part de la valeur de la résidence conjugale fixée par le Tribunal à 75 000.00 $.[1]

[19]       Mais il y a plus.

[20]       En 2013, le législateur fédéral a adopté la Loi sur les foyers situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux (L.C. 2013, chapitre 20).

[21]       Dans son préambule, le législateur explique qu’il est nécessaire de traiter certaines questions qui se posent en matière de droit de la famille dans les réserves des Premières Nations, en raison du fait que les lois provinciales et territoriales régissant ces questions ne s’appliquent pas dans celle-ci et que la Loi sur les indiens n’en traite pas.

[22]       Le préambule fait aussi état qu’il est nécessaire de prendre des mesures pour accorder aux époux ou conjoints de fait pendant la relation conjugale ou en cas d’échec de celle-ci ou de décès de l’un d’eux, des droits et des recours en ce qui touche notamment le partage de la valeur des droits ou intérêts qu’ils détiennent sur les constructions et terres situées dans les réserves.

[23]       De façon plus particulière, l’article 28 de cette Loi prescrit la règle du partage de la valeur du foyer familial en cas d’échec de la relation conjugale.

[24]       Dans la Loi, le foyer familial y est défini comme suit :

La construction à caractère permanent ou non, située dans la réserve, où les époux ou conjoint de fait résident habituellement ou, en cas de cessation de la cohabitation ou de décès de l’un d’eux, où ils résidaient habituellement à la date de la cessation ou du décès…

[25]       L’article 28 prévoit spécifiquement le partage à parts égales de la valeur du foyer familial et ce notamment, lorsque l’époux n’est pas membre de la première nation :

28 (1)   En cas d’échec de la relation conjugale, chaque époux ou conjoint de fait a droit, sur demande présentée en vertu de l’article 30, à une somme égale à la moitié de la valeur, à la date d’évaluation, du droit ou intérêt qu’au moins l’un d’eux détient sur le foyer familial et aux sommes visées aux paragraphes (2) et (3).

28 (3)   L’époux ou conjoint de fait qui n’est pas membre de la première nation dans la réserve de laquelle sont situées une ou plusieurs des constructions et terres sur lesquelles l’autre époux ou conjoint de fait détient des droits ou intérêts a en outre droit à une somme égale au total des montants suivants :

a)    la moitié de la valeur, à la date d’évaluation, des droits ou intérêts matrimoniaux visés aux alinéas a) et b) de la définition de droits ou intérêts matrimoniaux au paragraphe 2(1) que détient l’autre époux ou conjoint de fait sur les constructions situées dans une réserve de cette première nation;

[26]       À l’examen, il n’est que juste que la valeur de la résidence familiale soit partagée à parts égales, conformément aux dispositions de la Loi.

[27]       Il n’y a aucune raison dans les circonstances d’appliquer l’article 29 de la Loi qui permet au Tribunal de modifier la somme qui serait due si celle-ci est injuste selon les facteurs mentionnés.

[28]       En l’espèce, les parties ont convenu qu’en cas de partage de la résidence familiale, conformément à la Loi, la valeur payable au bénéfice du demandeur est de 10 572,48 $.

[29]       Par ailleurs, les parties ont aussi demandé au Tribunal, dans l’éventualité du partage, d’entériner leur entente à l’effet que la somme due sera payée en 6 versements à compter du 1er juillet 2017 au montant de 1762,08 $ aux 6 mois, sans intérêts, et ce, jusqu’à parfait paiement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[30]        PRONONCE le divorce des parties dont le mariage a été célébré le 27 août 2005 à Wendake (Québec), jugement qui entrera en vigueur le trente et unième jour suivant sa signature;

[31]        ENTÉRINE et REND EXÉCUTOIRE l’entente sur mesures accessoires convenue entre les parties telle que reproduite au paragraphe 8 du présent jugement et leur ORDONNE de s’y conformer;

[32]        ORDONNE à la défenderesse de payer au demandeur un montant de 10 572,48 $ en guise du partage de la valeur de la résidence familiale, montant qu’elle devra payer en 6 versements à compter du 1er juillet 2017 au montant de 1762,09 $ aux 6 mois, le tout sans intérêts, et ce, jusqu’à parfait paiement;

[33]        SANS FRAIS DE JUSTICE.

 

 

__________________________________

DENIS JACQUES, j.c.s.

 

Me Marie-Josée Gingras
Aide juridique de Charlesbourg (casier 174)

Procureurs du demandeur

 

Me Kathia Gauvin-Sormany
Arseneault & Associés (casier 164)

Procureurs de la défenderesse

 

Date d'audience: 17 novembre 2016

 



[1]     Droit de la famille - 2885, AZ-98021196.

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