S.L. et Compagnie A |
2011 QCCLP 5990 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Sherbrooke |
12 septembre 2011 |
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Région : |
Estrie |
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Dossier CSST : |
126468420 |
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Commissaire : |
Jacques Degré, juge administratif |
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Membres : |
Nicole Girard, associations d’employeurs |
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Daniel Robin, associations syndicales |
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Partie requérante |
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[Compagnie A] |
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Partie intéressée |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
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[1] Le 6 janvier 2011, monsieur S... L... (le travailleur) dépose une requête à l’encontre d’une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 24 novembre 2010 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une première décision rendue le 29 juin 2010 et déclare que puisqu’une enquête a révélé que le travailleur a fourni des renseignements inexacts à la CSST, à son médecin traitant, ainsi qu’aux médecins consultants, relativement à sa condition physique, les indemnités de remplacement du revenu sont suspendues à compter du jour même.
[3] La CSST considère le travailleur capable d’exercer son emploi de camionneur depuis le 10 octobre 2006 en utilisant le coussin déjà octroyé. Comme le droit de retour au travail du travailleur était expiré le 10 octobre 2006, ce dernier est en droit de recevoir l’indemnité de remplacement du revenu pendant au plus un an, soit jusqu’au 9 octobre 2007, ce qui est par ailleurs déjà fait. En conséquence, comme toutes les indemnités versées du 9 octobre 2007 au 29 juin 2010 l’ont donc été sans droit, la CSST réclame la somme de 104 246,11 $.
[4] De plus, étant considéré capable d’exercer son emploi depuis le 10 octobre 2006, le travailleur n’aurait pas dû recevoir de services de réadaptation physique et professionnelle. La CSST lui réclame donc la somme de 5 285,10 $ représentant les sommes déboursées dans le cadre de son plan de réadaptation. Enfin, les sommes déboursées pour les frais de déplacement avec accompagnateur ainsi que celles relatives aux repas doivent être remboursées et s’élèvent à 2 953,85 $, pour une réclamation totale de 112 485,06 $, exigible à la fin du délai de contestation.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande de déclarer qu'il n’a pas à rembourser la somme de 112 485,06 $ à la CSST, sa lésion professionnelle du 21 septembre 2004 n’étant pas consolidée en date du 29 juin 2010 puisqu’il n’a pas bénéficié de toutes les options thérapeutiques pour essayer de traiter sa problématique, et ce, tel que le soutient le docteur Watier, gastro-entérologue, dans une opinion datée du 19 mai 2011.
[6] Une audience se tient le 6 juillet 2011 devant la Commission des lésions professionnelles à Sherbrooke en présence du travailleur et de son épouse, de même qu’en présence de la représentante de la CSST, madame Lorraine Labbé, et sa procureure.
LES FAITS
[7] Le travailleur est au service de [la Compagnie A] à titre de camionneur depuis le mois de février 2004. Il effectue presque exclusivement des transports aux États-Unis, mais quitte le matin et, sauf exception, revient le soir. Il effectue plus particulièrement le transport de fermes de toit dont il doit lui-même assumer le déchargement une fois rendu à destination, et ce, à l’aide d’une petite grue qu’il transporte avec son chargement au moment de son départ le matin.
[8] Le 21 septembre 2004, le travailleur subit une lésion professionnelle lorsqu’il perd le contrôle de son véhicule en prenant une courbe le faisant ainsi se renverser sur le côté droit.
[9] Il consulte le docteur Dandurand le même jour et ce dernier diagnostique alors une plaie au niveau occipital dont il doit retirer les points de suture cinq jours plus tard. Il est noté qu’une « feuille de trauma » est remise au travailleur.
[10] Le 27 septembre suivant, la docteure Laflamme, qui assurera le suivi du travailleur à compter de ce moment, diagnostique une lacération à la tête, des étourdissements et une cervicalgie pour laquelle des traitements de physiothérapie sont prescrits à raison de trois à cinq traitements par semaine.
[11] Le 5 octobre 2004, une radiographie simple du sacrum et du coccyx du travailleur démontre une subluxation postérieure sacro-coccygienne de 6 à 6,5 mm, mais aucune fracture.
[12] Le 14 octobre 2004, la docteure Laflamme diagnostique une subluxation au coccyx pour laquelle elle prescrit des traitements d’ostéopathie. Elle indique que la cervicalgie est améliorée de l’ordre de 50 %.
[13] Le diagnostic de la lésion professionnelle reconnu par la CSST est une lacération à la tête, une cervicalgie postaccident et une subluxation du coccyx.
[14] Le 28 octobre, la docteure Laflamme parle d’une amélioration partielle de la luxation du coccyx, ce qu’elle chiffrera à 30 % le 9 novembre suivant, mais le 22 du même mois, elle écrit que les traitements d’ostéopathie n’amènent aucune amélioration. Elle recommandera l’arrêt des traitements et demandera une consultation en orthopédie. Quant à la cervicalgie, les traitements cessent à sa demande le 14 décembre.
[15] Le 31 janvier 2005, le docteur Lacasse, orthopédiste, examine le travailleur et note que l’examen démontre une sensibilité au coccyx et une douleur à la mobilisation de l’articulation sacro-coccygienne. Comme les symptômes persistent malgré un traitement conservateur, le docteur Lacasse, après discussion avec le travailleur, décide de procéder à une coccygectomie, laquelle est réalisée le 18 mars 2005.
[16] Le 16 mars 2005, la CSST informe le travailleur qu'elle autorise un tarif de 0,13 $/km pour les déplacements.
[17] Le travailleur demeure au repos à la suite de la chirurgie du 18 mars et le 4 avril 2005, la docteur Laflamme fait mention d’une douleur importante pour laquelle elle prescrit Empracet. Deux jours plus tard, le docteur Lacasse note que la douleur diminue lentement, mais les 28 avril et 19 mai, la docteure Laflamme écrit de son côté que la douleur persiste.
[18] Le 17 mai 2005, à l’occasion d’un premier contact avec un agent de réadaptation de la CSST, les notes de ce dernier font mention que le travailleur indique sentir presque continuellement la présence d’une douleur au niveau de son coccyx. Il dit notamment pouvoir s’asseoir sur une chaise rigide en s’appuyant sur le côté d’une fesse, qu’il adopte souvent la position couchée, qu’il peut faire un peu de marche sans trop de difficulté et que la conduite de son véhicule peut se faire sur de courtes distances, car la position assise est difficile à conserver plus de quelques minutes.
[19] Le 21 juin, le docteur Lacasse note que la douleur diminue « très lentement » et prévoit consolider la lésion lors de la prochaine consultation. Deux jours plus tard, la docteure Laflamme fait état d’une condition stable et suggère une consultation et un suivi en ergothérapie.
[20] À compter du 11 juillet 2005, sur recommandation de la docteure Laflamme, le travailleur obtient une aide technique en raison de ses douleurs, soit la fabrication et l’adaptation d’un coussin d’automobile, lequel lui sera livré en décembre suivant, selon ses spécifications.
[21] Le 23 août 2005, le docteur Lacasse complète un Rapport final et consolide une subluxation sacro-coccygienne avec séquelles permanentes, ce avec quoi la docteure Laflamme se dit en accord dans une Information médicale complémentaire écrite qu’elle signe en date du 12 septembre 2005 ainsi qu’avec le fait que le docteur Lacasse procède à la production du Rapport d’évaluation médicale. Cependant, le 15 novembre, le docteur Lacasse écrit à la CSST et l’informe que puisque le travailleur « considère fermement que sa lésion n’est pas consolidée » et qu’il n’est pas d’accord avec ce dernier, il préfère ne pas procéder au Rapport d’évaluation médicale.
[22] Le 23 novembre 2005, le travailleur consulte le docteur Dumont, lui aussi orthopédiste, qui suggère de procéder à des blocs facettaires au niveau L5-S1.
[23] Le 9 décembre 2005, un agent de la CSST note que l’ergothérapeute du travailleur l’informe que le travailleur considère que le coussin ne change presque rien au niveau de sa capacité de conduire.
[24] Le 20 décembre 2005, le travailleur informe un agent de la CSST qu’il n’est pas capable d’endurer la route plus de 30 minutes en auto, mais est motivé à refaire son travail de camionneur car il ne se voit pas dans autre chose, ce que l’agent note le même jour.
[25] Le 1er février 2006, l’opinion du radiologiste à la suite d’une imagerie par résonance magnétique de la colonne lombosacrée du travailleur requise par la docteure Laflamme se lit ainsi :
Anomalies de signaux dans l’extrémité distale du coccyx qui apparaît quand même en position normale. Le signal hyper intense en pondération T2 avec saturation graisseuse suggère un phénomène d’œdème ou d’inflammation. Pourrait-il s’agir d’un phénomène contusionnel résiduel? Il n’y a pas d’élément actuellement pour me faire pencher en faveur d’un processus infectieux sous jacent.
Pas d’évidence de récidive de luxation cependant.
[26] Comme les blocs facettaires prescrits par le docteur Dumont s’avèrent inefficaces, celui-ci pose donc le diagnostic de douleur chronique au coccyx, réfère le travailleur à la clinique de la douleur et suggère la consolidation de la lésion le 12 avril 2006.
[27] C’est le 1er août que le docteur De Médicis, anesthésiologiste, voit le travailleur en clinique de la douleur et il pose alors le diagnostic de coccyalgie chronique et de fibromyalgie post-traumatique. Il ne procède à aucune infiltration et prescrit Lyrica, lidocaïne, ainsi que des traitements de physiothérapie. En raison de la présence de sang dans les selles du travailleur, il prescrit une colonoscopie, laquelle sera réalisée le 28 septembre et s’avèrera négative.
[28] Le 29 août, la docteure Laflamme indique qu’il y a peu d’amélioration de la condition du travailleur sous Lyrica.
[29] Le lendemain, 30 août 2006, le travailleur informe un agent de la CSST qu’il présente toujours une intolérance à rester assis ou à conduire et doit être souvent accompagné en auto.
[30] Le 14 septembre 2006, la condition du travailleur est décrite comme stable par la docteure Laflamme et celle-ci consolide donc la lésion avec séquelles permanentes en signant un Rapport final par lequel elle réfère le travailleur au docteur Morcos afin qu’il procède au Rapport d’évaluation médicale, ce qu’il fera le 10 octobre 2006 avec précisions et corrections apportées plus tard le 16 avril 2007 à la suite d’un Bilan téléphonique avec le médecin régional de la CSST.
[31] Le 10 octobre 2006 donc, le travailleur dit au docteur Morcos, orthopédiste, éprouver des douleurs sacro-coccygiennes permanentes et importantes qui l’empêchent de s’asseoir normalement, mais il y parvient à l’aide de son coussin pour des périodes de 30 minutes à la fois. Il doit ensuite se lever pour une période de dix à 20 minutes avant de se rasseoir. Il précise que c’est lors de la conduite automobile qu’il éprouve le plus de douleur. Il doit alors immobiliser son véhicule, s’en extirper, marcher un peu, et reprendre ensuite la route. Les flexions de la colonne lombosacrée augmentent ses douleurs et il a de la difficulté à mettre ses bas et attacher ses souliers. Il lace d’abord ses souliers sur une table pour ensuite y glisser ses pieds. Tous les traitements reçus à ce jour ne l’auraient pas amélioré.
[32] L’examinateur note que le travailleur demeure debout tout au long de l’interrogatoire, mais qu’il n’accuse aucune boiterie. L’examen de la colonne dorso-lombo-sacrée et de la région sacro-coccygienne est normal, mais au moment d’y exercer une certaine pression, le travailleur arrête immédiatement le médecin en raison de la douleur. L’examen par palpation du sacrum et de la région coccygienne ne peut donc être réalisé. Le reste de l'examen est normal. De plus, une récente colonoscopie s’est avérée elle aussi normale.
[33] Une radiographie simple du sacrum réalisée le jour de l’examen démontre :
Hypoplasie des vertèbres coccygiennes.
Il n’y a pas de lésion osseuse traumatique récente décelée.
[34] Au niveau des limitations fonctionnelles, le docteur Morcos conclut que le travailleur :
Ne peut travailler en position assise.
Ne peut pas faire de flexions répétitives.
Ne peut pas soulever des poids excédant 10 kg à la fois.
[35] Le docteur Morcos suggère de plus que le docteur Forget, chirurgien général, examine le travailleur.
[36] Il écrit enfin qu’actuellement, le travailleur est très souffrant et incapable de travailler. Il accorde une atteinte de 1 % en vertu du code 202550 du Règlement sur le barème des dommages corporels[1] pour une excision du coccyx.
[37] Le 1er novembre 2006, un agent de la CSST se rend chez le travailleur afin de réaliser une évaluation initiale de ses besoins, rencontre à laquelle assiste la conjointe de ce dernier selon les notes de l’agent. Le travailleur doit rencontrer le docteur Forget et ensuite le docteur Watier, gastro-entérologue, si nécessaire. L’agent note de plus que le travailleur dit ne pouvoir reprendre un travail de camionneur pour l’instant en raison de son problème de douleurs chroniques au niveau du coccyx. L’agent conclut qu’il est convenu d’attendre la consultation avec le docteur Forget avant de décider des prochaines démarches de réadaptation.
[38] Le 13 novembre 2006, le docteur Forget indique être en présence d’un patient qui manifeste son état de souffrance et qu’à l'examen, il existe une douleur à la palpation du coccyx et à la région péri-anale, ce qui semble non spécifique. Il retourne donc le travailleur aux soins du docteur Morcos qui recommandera alors le travailleur aux soins du docteur Watier, gastro-entérologue.
[39] Le 29 novembre, un bilan téléphonique est effectué avec la docteure Laflamme. Celle-ci confirme d’abord la consolidation sans séquelle de la cervicalgie en date du 14 décembre 2006. Quant au diagnostic de fibromyalgie, elle dit ne pas insister sur celui-ci. Elle dit ensuite considérer de remettre en question la date de consolidation établie au 14 septembre 2006, et ce, à la suite de l’évaluation du docteur Morcos. Elle mentionne qu'elle préfère attendre l’opinion du docteur Watier quant aux différentes possibilités pour le traitement de la douleur du travailleur.
[40] Le 25 avril 2007, le docteur Watier examine le travailleur qui demeure debout à cause de sa douleur péri-anale. Il dit être incapable de s’asseoir et ne le fait que sur une fesse. Il y a présence de douleur aussi en position debout, mais de moindre intensité. Il dit avoir un coussin adapté qui lui permet de faire tout au plus 30 minutes d’automobile. Il aurait un problème d’incontinence fécale de type « soiling », plus importante depuis un mois. Le médecin note que le questionnaire est difficile à faire.
[41] L’examen clinique est rapporté normal, mis à part celui du plancher pelvien qui n’a pas été fait. Le niveau de compréhension du travailleur laisse à désirer selon le docteur Watier en raison d’un problème d’anxiété et de stress. Il existe une composante organique en relation avec une hypertonie de son plancher pelvien post-traumatique, mais aussi avec une histoire d’abus sexuel. Il est donc cédulé dans un premier temps pour un examen péri-anal plus exhaustif avec la physiothérapeute le 19 juin suivant avec à la fois ajustement de la médication.
[42] Le 10 octobre 2007, le médecin régional de la CSST effectue un bilan téléphonique avec la docteure Laflamme qui se dit d'avis qu’il serait souhaitable que le travailleur retourne au travail dès qu’il le pourra. Elle est donc d’accord avec une référence à une équipe multidisciplinaire de réadaptation et précise que le travailleur pourra être consolidé lorsque la situation des douleurs sera stable et que le travailleur sera plus apte à s’asseoir normalement.
[43] Le 16 octobre, un bilan est effectué avec le docteur Watier qui est d’opinion que le travailleur n'est pas actuellement consolidable, celui-ci ayant été victime de traumatismes psychologiques en bas âge. Il y aurait présence de problèmes de spasmes au niveau du périnée avant l’accident, accident qui aurait exacerbé une condition préexistante. Une barrière psychologique empêche donc tout examen pour le moment et le travailleur est vu par un sexologue et un physiothérapeute à cet effet. Quant au programme de développement des capacités, le médecin n’y voit aucun inconvénient.
[44] Le 18 octobre 2007, un agent de la CSST note qu’à la suite de l’évaluation du docteur Morcos, des bilans faits avec les docteurs Laflamme et Watier et après discussion avec son chef d’équipe, la CSST considère que le travailleur n’était pas consolidé en date du 14 septembre 2006.
[45] Le 15 novembre 2007, à l’occasion d’une rencontre au domicile du travailleur, un agent de la CSST note que celui-ci est d’accord pour participer à un programme de développement des capacités. Il se demande cependant comment il pourra s’y rendre puisqu’il a de la difficulté à rester assis plus de 30 minutes à la fois et qu’il doit donc prévoir trois heures pour se rendre à Sherbrooke. Des modalités sont donc prévues à cet effet avec lui.
[46] Du 26 au 29 novembre 2007, le travailleur participe à un programme d’évaluation et de développement des capacités fonctionnelles de travail. Sous la rubrique Symptomatologie, le travailleur rapporte une douleur qu’il quantifie entre 3 et 6-7/10 au niveau du coccyx et à l’Analyse, il est noté qu’il présente des capacités fonctionnelles supérieures à ses perceptions. Les mouvements de la colonne dorsolombaire sont complets sauf la flexion qui est légèrement diminuée, mais fonctionnelle. Pour ce qui est de l’endurance et de la manutention de charges, il est noté qu’aucun signe d’effort maximal ou de méthode compensatoire n'est observé. Enfin, sous le titre Posture, il est noté qu'il peut maintenir la position assise pour des durées de 30 à 35 minutes continues avec son coussin. Sans celui-ci, il s’assoit sur un coin de chaise, le bassin en équilibre. Il est noté que le travailleur est allé dîner au restaurant sans son coussin pour une durée de 45 à 55 minutes. Il peut de plus demeurer en position debout statique de 15 à 20 minutes et de façon dynamique pour environ trois heures.
[47] Au terme de l’évaluation, une ergothérapeute et un kinésiologue concluent que le travailleur s’autolimite de façon importante et qu’il n’a en aucun temps démontré un effort juste et valable afin de déterminer ses capacités réelles. Il démontre donc un niveau de capacité limité avec une faible endurance globale, la douleur et sa perception face à celle-ci étant les principaux facteurs limitatifs. Ils indiquent qu’il est évident que le travailleur bénéficierait d’un programme de développement des capacités fonctionnelles afin d’améliorer différents aspects tels que l’endurance musculaire, l’hygiène posturale, la gestion de la douleur, la mobilité articulaire et la perception de ses capacités versus la douleur.
[48] Rejoint le 11 décembre 2007 par un agent de la CSST, celui-ci note que le travailleur n’est pas intéressé à poursuivre la démarche de développement des capacités puisqu’ils ne pourront pas lui enlever son mal, qu’il n’est pas pertinent de payer 600 $ pour aller s’entraîner à Sherbrooke, que son véhicule est en réparation, qu’il ne peut utiliser son coussin dans le véhicule de sa conjointe, que le docteur Watier saura lui enlever son mal, et qu’il ne sert à rien de s’entraîner si le mal persiste. Cette position sera endossée en partie par la docteure Laflamme dans un rapport daté du 21 janvier 2008.
[49] Un nouveau bilan médical réalisé avec le docteur Watier le 13 décembre 2007 révèle que le travailleur refuse de rencontrer les intervenants de son équipe séparément puisque cela lui occasionne plusieurs déplacements. Dans les circonstances, le docteur Watier mentionne qu’il ne reprendra pas contact avec le travailleur, mais attendra plutôt que ce dernier le fasse.
[50] Le 4 février 2008, un agent de la CSST note que le travailleur dit qu’il serait en mesure de faire le trajet ville A—Sherbrooke afin de se rendre rencontrer l’équipe du docteur Watier deux fois par semaine, mais avec un accompagnateur-conducteur puisqu’incapable lui-même de conduire pour un aussi long trajet. L’agent note de plus que puisque les démarches auprès de l’équipe du docteur Watier ont débuté au printemps 2007, et qu’il n’y a toujours aucun avancement au niveau des traitements, il est fortement recommandé au travailleur de contacter la secrétaire du docteur Watier afin de prendre rendez-vous et d’en aviser aussitôt la CSST. Il est noté qu’un tarif au montant de 0,41 $/km est dorénavant autorisé pour ses déplacements.
[51] Le 20 février 2008, le docteur Watier indique qu’il introduit notamment Cesamet à dose progressive ainsi que Quetamine et Ibuprofène, mais qu’il faudra éventuellement faire un examen minutieux du plancher pelvien. Le 12 juin suivant, il écrit que le travailleur ne prend plus Elavil et que sa médication doit être réajustée.
[52] Le 9 septembre 2008, un nouveau bilan médical est effectué avec le docteur Watier qui informe la CSST que le travailleur est actuellement en attente d’admission afin de réaliser un examen du plancher pelvien et une colonoscopie sous anesthésie générale.
[53] Dans l’intervalle, la docteure Laflamme émet des attestations médicales les 18 février, 26 mars, 6 mai, 17 juin, 14 juillet, 25 août, et 1er octobre 2008 où elle fait état essentiellement de la stabilité de la condition du travailleur avec l’utilisation d’expressions telles « état idem, pas de changement, hospitalisation prévue, ajustement de médicaments, état stable, en attente d’examen ».
[54] L’examen du plancher pelvien du travailleur et la colonoscopie ont finalement lieu le 6 novembre 2008 et s’avèrent normaux. Le docteur Watier conclut alors à une coccygodynie secondaire à un syndrome de Drossman, à un traumatisme et à une résection partielle du coccyx. Des traitements de physiothérapie péri-anale débutent donc par la suite ainsi que la prise de suppositoires qui, lors des traitements des 21 janvier et 17 février 2009, apporteraient une légère amélioration sous forme de diminution de la douleur. La condition du travailleur est considérée stable à compter des traitements du 18 mars 2009.
[55] Le 19 mai 2009, dans le cadre d’un autre bilan téléphonique avec le docteur Watier, celui-ci informe le médecin régional de la CSST que le travailleur s’améliore au niveau physique, mais qu’il a toujours une douleur à la palpation du plancher péri-anal et que le seul traitement est actuellement du Valium sous forme de suppositoires, la physiothérapie ayant été cessée récemment. Le docteur Watier dit ne pouvoir consolider le travailleur puisque malgré une évolution lente, celle-ci est progressive et va dans le bon sens. Il est également suivi par un psychologue à l’heure actuelle dont le traitement serait le Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR). Le docteur Watier se dit d’accord pour que le travailleur effectue de petits travaux en vue d’une réadaptation.
[56] Le 11 juin 2009, lors d’une rencontre avec le travailleur, un agent de la CSST note que ce dernier dit que les traitements prodigués par l’équipe du docteur Watier diminuent sa douleur, mais que la conduite automobile sur de longues distances par contre « le détériore ». Le travailleur informe l’agent que ses traitements de physiothérapie péri-anale se poursuivent toujours contrairement à ce qu’aurait mentionné le docteur Watier et qu’il espère qu’ils lui permettront de demeurer assis pour une période d’une à deux heures.
[57] L’agent propose alors au travailleur de reprendre les démarches de réadaptation puisque les démarches médicales vont bientôt se terminer. Celui-ci réitère son intérêt pour l’emploi de grutier, car il pourrait alors passer de la position assise à la position debout après une période continue d’une à deux heures, ce qui ne lui est cependant pas encore possible actuellement. Quant à la conduite d’un camion, comme cela nécessite la position assise durant de longues heures, il se dit d’avis que cela ne lui sera plus possible.
[58] Afin de poursuivre la réflexion en ce sens, il est donc recommandé à une conseillère en emploi, madame Paquet, qu’il rencontre chez lui le 18 juin. À cette occasion, la conseillère indique au travailleur qu’il devra s’assurer d’avoir la capacité de demeurer assis d’une à deux heures avant d’envisager d’occuper l'emploi de grutier et que sa médication ne constitue pas une contre-indication à cet égard.
[59] Le 22 juin 2009, un bilan est dressé avec la docteure Laflamme qui considère que l’amélioration de la condition du travailleur semble très légère, mais progresse quand même à petits pas. Le moral de ce dernier est bon et il ne semble pas préoccupé outre mesure. Elle convient que le travailleur pourrait être consolidé avec séquelles permanentes d’ici au mois de janvier 2010.
[60] Le 6 juillet 2009 se tient une rencontre en présence du docteur Watier, la physiothérapeute traitante, le médecin régional et deux agents de la CSST. Le docteur Watier se dit d’avis que le travailleur ne pourra reprendre un emploi de camionneur puisque cela nécessite le maintien de la position assise durant de longues heures et qu’il est encore trop tôt pour envisager la capacité de ce dernier à occuper un emploi de grutier. Cependant, la médication ne représente pas un empêchement à cet égard. D'ailleurs, le principal problème du travailleur est celui d’un syndrome de stress post-traumatique secondaire à un traumatisme sexuel dans l’enfance, ce qui constitue une condition personnelle, mais que la blessure au coccyx a possiblement ravivé, d’où le traitement par EMDR entrepris. Quant aux traitements de physiothérapie, ceux-ci devraient diminuer graduellement d’ici environ deux mois pour ensuite cesser. Les douleurs et les spasmes devraient alors être améliorés et une consolidation ensuite envisageable.
[61] Les consultations auprès de la docteure Laflamme qui se tiennent au cours de l’année 2009, notamment les 16 février, 23 avril, 6 juillet, 31 août, 28 septembre et 3 novembre 2009, font état de peu de changement dans la condition du travailleur alors que celle-ci y fait état respectivement de « légère amélioration, état stable » et « peu de changement ».
[62] Le 11 novembre 2009, le docteur Watier indique qu’il maintient la médication actuelle malgré les difficultés du travailleur à supporter les suppositoires. Les conseils d’usage sont donnés et le docteur Watier écrit envisager des injections de Botox devant la chronicité de la maladie du travailleur.
[63] Ce même 11 novembre, le travailleur rencontre un agent de la CSST en compagnie de sa conseillère en emploi. Il précise qu’il évalue à 40 % l’amélioration de sa condition au niveau de son coccyx. Diverses avenues sont discutées au niveau professionnel, mais le travailleur dit maintenant envisager de retourner travailler dans le camionnage, mais à son compte. Bien que cela puisse représenter notamment des trajets de plus de huit heures, il croit être en mesure de le faire s’il peut mettre au point un système de harnais à intégrer côté conducteur d’un véhicule et auquel il réfléchit depuis un certain temps, harnais qui lui permettrait de garder la position assise pour des périodes prolongées. Des démarches auprès de l’entreprise ayant fabriqué son coussin et de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) devraient donc être entreprises concernant la faisabilité de ce projet. Il lui est de plus rappelé que démarrer sa propre entreprise nécessite un plan d’affaires, une étude de marché et du financement.
[64] Le 7 décembre 2009, la physiothérapeute traitante du travailleur informe la CSST qu’un plateau devrait être atteint à la mi-janvier 2010 et que les traitements devraient donc cesser au même moment.
[65] Le 21 janvier 2010, la directrice santé-sécurité à la Direction régionale de la CSST de l’Estrie, madame Lorraine Labbé, expédie une demande de filature à l’agence Enquêtes spécialisées de l’Estrie inc. (pièce I-1) afin de surveiller le travailleur à son arrivée et durant le rendez-vous qu’il a avec sa conseillère en emploi le 27 janvier 2010 dans un restaurant de Sherbrooke, pour ensuite le suivre jusqu’à sa résidence située à ville A, la CSST ayant de sérieux motifs de croire que ce dernier a notamment plus de facilité à s’asseoir et demeurer assis que ce qu’il prétend.
[66] Le 27 janvier 2010, le docteur Watier indique que le travailleur évalue à 10 % l’amélioration de sa condition depuis le début. Il lui prescrit donc une injection de Botox comme il a été prévu.
[67] Le rapport de filature du 27 janvier 2010 (pièce I-3) ainsi que la vidéo de surveillance réalisée le même jour (pièce I-4) démontrent ce qui suit :
- À 15 h 14 le travailleur est assis au restaurant sur une banquette de plastique dont le siège n’est pas rembourré;
- il est d'abord filmé de l’extérieur du restaurant de 15 h 14 à 15 h 19 où il est impossible de visualiser convenablement la façon dont il est positionné en raison de l’angle de la caméra et des reflets dans la vitre par laquelle il est filmé;
- à compter de 15 h 19, le travailleur est ensuite filmé de l’intérieur du restaurant et on peut alors le voir assis en porte-à-faux, la fesse droite et le membre inférieur droit légèrement en retrait du rebord de la banquette;
- à compter de 15 h 20, toujours assis en porte à faux sur la fesse gauche, le travailleur a alors la jambe droite croisée par-dessus la jambe gauche qui elle, est positionnée de façon quasi perpendiculaire au rebord de la banquette;
- à compter de 15 h 27, le travailleur est de nouveau filmé de l’extérieur et la façon dont il est positionné est toujours aussi difficile à visualiser pour les mêmes raisons que celles évoquées plus haut, mais il semble malgré tout demeurer assis sensiblement de la même façon que lorsque filmé de l’intérieur, ce qu’il est possible de constater lorsqu’à un certain moment il pose le geste de se frotter la jambe avec la main droite à la hauteur de la table et au moment de se lever lorsqu’il quitte;
- il se lève de la banquette à 16 h 07, soit après une période continue d’environ 53 minutes;
- il quitte le restaurant à 16 h 12, embarque dans son véhicule côté conducteur, seul, et conduit pour une durée d’environ 6 minutes;
- il s’arrête durant environ 4 minutes pour mettre de l’essence;
- il conduit ensuite sans arrêt pour une durée d’environ 34 minutes;
- il effectue un arrêt d’une durée d’environ 2 minutes dans un dépanneur;
- il repart et conduit de façon continue pour une durée d’environ 5 minutes;
- à 17 h 03 il arrive ainsi au chalet de ski du mont Orford afin d’assister à un rassemblement politique;
- dans le stationnement, il change ses bottes pour des souliers tout en demeurant debout à l’extérieur de son véhicule pour ce faire, avant de se diriger vers le chalet de ski et d’y entrer;
- à 21 h 03 le travailleur quitte le stationnement du chalet de ski, soit 4 heures après son arrivée, et ce, toujours seul à bord de son véhicule;
- à 22 h 40 il arrive à sa résidence, soit après une conduite ininterrompue d’une durée d’une durée d’environ 1 heure et 37 minutes.
[68] Le 1er février 2010, la docteure Plante signe un billet médical attestant que le travailleur avait besoin d’accompagnement pour se rendre à Sherbrooke le 27 janvier 2010 (pièce I-2). Le même jour, le travailleur signe une Demande de remboursement de frais (pièce I-2) où il indique que R... A... l’accompagnait lors de ses déplacements des 7 et 8 décembre 2009, ainsi que des 11 et 27 janvier 2010.
[69] Afin de vérifier que le résultat de la filature du 27 janvier ne constitue pas une exception, la CSST requiert une nouvelle filature le 5 février 2010. Le mandat est à l’effet de suivre le travailleur à sa sortie d’un rendez-vous au bureau de la CSST à Sherbrooke, prévu pour le 10 février 2010 à 13 h, et le suivre par la suite jusqu’à sa résidence.
[70] Le 8 février 2010, les notes d’un agent de la CSST relatives à une conversation téléphonique avec la physiothérapeute du travailleur indiquent que celle-ci considère que le travailleur n’a pas beaucoup évolué depuis le début des traitements et qu’un plateau est donc atteint. Elle se dit d'avis que la condition du travailleur ne lui permettra pas de reprendre un emploi de camionneur puisque lorsqu’il se présente à ses rendez-vous, il est déjà souffrant en raison du trajet de ville A à Sherbrooke qui normalement prend une heure, mais que le travailleur dit faire en trois heures à cause des arrêts fréquents qu’il doit faire tout au long du parcours. Elle confirme que lors de ses rendez-vous, le travailleur demeure debout.
[71] Le rapport de filature du 10 février 2010 (pièce I-3) ainsi que la vidéo de surveillance réalisée le même jour (pièce I-4) démontrent notamment ce qui suit :
- à 13 h 16 le travailleur arrive au volant de son véhicule accompagné de sa conjointe pour son rendez-vous de 13 h 00 aux bureaux de la CSST;
- à 13 h 42 son véhicule est filmé stationné devant une lunetterie;
- à 15 h 00 il conduit son véhicule pour une durée d’environ 15 minutes;
- à 15 h 30 il repart au volant de son véhicule et conduit pour une durée d’environ 3 minutes jusque dans le stationnement d’un restaurant;
- il demeure dans ce restaurant pour une durée d’environ 21 minutes;
- à 15 h 54 il repart au volant de son véhicule et conduit pour une période d’environ 15 minutes après quoi il s’arrête afin de mettre de l’essence;
- à 16 h 13 il repart au volant de son véhicule et conduit sans arrêt pour une période d’environ 48 minutes;
- à 17 h 01 il s’arrête environ 1 minute sur le côté de la route afin de se soulager;
- à 17 h 02 il repart au volant de son véhicule et conduit sans arrêt jusqu’à sa résidence pour une période d'environ 13 minutes; ce qui signifie qu’il conduit son véhicule de façon continue pour une période de 61 minutes, à l’exception d’un arrêt d’une minute.
[72] Les notes de l’agent de la CSST concernant le déroulement de la rencontre du 10 février indiquent que celle-ci fut d’une durée de 20 minutes et que le travailleur est demeuré debout tout au long, ce dernier disant que sa condition s’est améliorée de 10 % depuis le début des rencontres avec le docteur Watier. Quant aux démarches de réadaptation, il mentionne notamment qu’il ignore si sa condition va s’améliorer. Il est avisé que lors de la prochaine rencontre, il y aura lieu d’analyser les options d’emplois ciblées par la conseillère et son projet de camionnage à son compte. Cette rencontre est finalement fixée à 13 h 30 le 18 février 2010 dans un restaurant de Sherbrooke.
[73] Le 15 février 2010, la CSST requiert une autre filature (pièce I-1) dont le mandat consiste à surveiller le travailleur à son arrivée et durant un rendez-vous dans un restaurant de Sherbrooke le 18 février 2010, où il doit se rendre pour 13 h 30, et à son départ, le suivre jusqu’à sa résidence.
[74] Le rapport de filature du 18 février 2010 (pièce I-3) ainsi que la vidéo de surveillance réalisée le même jour (pièce I-4) démontrent ce qui suit :
- à 12 h 11 le véhicule du travailleur est stationné devant chez lui à ville A et il existe une accumulation de neige sur le dessus de la roue de secours située à l’arrière du véhicule sur le côté droit;
- à 12 h 19 un appel prétexte logé par un des enquêteurs, auquel répond le travailleur, révèle sa présence à l’intérieur de la résidence;
- 15 h 00 deux personnes âgées se présentent à la résidence du travailleur;
- à 17 h 30, le travailleur n'est toujours pas sorti de chez lui.
[75] La journée du 18 février à 10 h 49, les notes d’un agent de la CSST indiquent que la conseillère en emploi communique avec ce dernier afin de l’informer que le travailleur ne peut se présenter au rendez-vous puisqu’il doit se rendre à Saint-Georges et qu’il serait représenté et accompagné d’un avocat pour les prochaines rencontres.
[76] À 11 h, l’agent de la CSST communique avec le travailleur à la suite de l’annulation de son rendez-vous avec sa conseillère en emploi. Les notes résumant cette conversation indiquent que le travailleur affirme avoir mal dormi la nuit précédente et qu’ils doivent maintenant faire affaire avec son avocate, car il se sent harcelé et que les démarches de réadaptation ne sont pas urgentes tant qu’il n’a pas terminé ses traitements avec le docteur Watier. Il mentionne qu’ils ne comprennent pas qu’il n’est pas capable de se promener en auto, car il a « mal au trou d’cul ». De plus, il fut dans l’impossibilité ce jour d’avoir la présence d’un accompagnateur pour se rendre à Sherbrooke. Enfin, s’il se sent mieux, il ira à Saint-Georges en après-midi pour magasiner un camion et sa conjointe conduira le véhicule.
[77] Le 5 mars 2010, la CSST formule une autre demande de filature (pièce I-3) dont le mandat consiste à surveiller le travailleur à partir de sa résidence le 18 mars 2010 et le suivre jusqu’à Sherbrooke, où il a rendez-vous au bureau de la CSST à 14 h, pour ensuite le suivre jusqu’à sa résidence lors de son départ.
[78] Le 9 mars 2010, la docteure Laflamme signe un billet médical attestant que le travailleur avait besoin d’un accompagnateur les 10 février et 2 mars 2010 (pièce I-2). Le même jour, le travailleur signe une Demande de remboursement de frais (pièce I-2) où il indique que R... A... l’accompagnait lors de ses déplacements des 8 et 10 février 2010, ainsi que des 2 et 8 mars 2010.
[79] Le rapport de filature du 18 mars 2010 (pièce I-3) ainsi que la vidéo de surveillance réalisée le même jour (pièce I-4) démontrent ce qui suit :
- À 11 h 37 le travailleur quitte sa résidence seul et conduit son véhicule pour une période ininterrompue de 50 minutes;
- il s’arrête en rebord de la route sans débarquer pour moins d’une minute et repart pour conduire ensuite pour une période continue de 24 minutes, conduisant donc de façon quasi ininterrompue pour une durée d'environ 74 minutes;
- il arrête ensuite pour une période de 2 minutes puis repart et conduit pour une nouvelle période de 9 minutes;
- à 13 h 03 il s’arrête dans un restaurant où il mange en position assise tout à fait normale puisqu’il est positionné tout au fond d’une banquette près d’un mur, et ce, pour une durée d’environ 15 minutes;
- à 13 h 20 il repart et conduit pour environ 14 minutes afin de se rendre à son rendez-vous aux bureaux de la CSST;
- à 15 h 34 il quitte au volant de son véhicule et conduit pour une période d’environ 29 minutes;
- à 16 h 03 il s’arrête pour une période d’environ 5 minutes afin de gonfler un pneu;
- à 16 h 10 il repart et conduit pour une période continue d’environ 1 heure jusqu’à sa résidence où il arrive à 17 h 11, hormis un arrêt de moins d’une minute en cours de route pour vérifier un pneu.
[80] Lors de la rencontre de ce 18 mars, les notes de l’agent de la CSST indiquent entre autres que le travailleur se considère chanceux d’avoir un accompagnateur en la personne de monsieur R... A... pour ses rendez-vous à Sherbrooke puisque lui-même ne peut conduire plus de 30 minutes. Quant aux infiltrations de Botox à venir, il ignore si elles règleront ses problèmes. Quant aux démarches de réadaptation, le travailleur mentionne que la seule alternative qui lui convient est l’achat d’un camion et qu’à cet égard, il s’est inscrit à la formation « Lancement d’une entreprise » qui se donne à la polyvalente de Lac-Mégantic, formation ayant débuté le 10 mars pour se terminer le 7 juin et dont les heures sont de 18 h à 21 h à raison de deux soirs par semaine. De plus, ce qu’il aimerait, c'est que la CSST lui verse un montant et que son dossier soit fermé sans avoir de comptes à rendre.
[81] Informé que la CSST ne fonctionnait pas de cette façon, il lui est conseillé de continuer les démarches avec la conseillère en emploi afin d’identifier des emplois convenables ne nécessitant pas la position assise prolongée, mais le travailleur refuse d’envisager autre chose que l’achat d’un camion. Il est de plus noté que la rencontre fût d’une durée d’une heure 45 minutes et que le travailleur est demeuré debout en tout temps.
[82] Le 12 avril 2010, le médecin régional de la CSST dresse un bilan avec le docteur Watier. Ce dernier dit attendre l’effet des injections de Botox prescrites avant de consolider avec séquelles permanentes le travailleur puisqu'il croit que celles-ci pourront faire relâcher le sphincter anal qui serait la cause de la douleur. Le travailleur pourrait alors redevenir fonctionnel.
[83] Le 14 avril, le docteur Lebel procède à une injection de Botox.
[84] Le 20 avril 2010, un agent de la CSST communique avec le travailleur afin de connaître sa condition à la suite de son injection de Botox. Les notes de l’agent indiquent que le travailleur doit revoir le docteur Watier le 27 mai pour le suivi, mais qu’à ce jour, il voit une amélioration de 5 %, ce que le docteur Watier notera à son tour lors de la consultation du 27 mai.
[85] Le 1er juin 2010, les notes d’un agent de la CSST font mention d’une conversation téléphonique en date du jour avec le travailleur où ce dernier rapporte notamment encore une amélioration de l’ordre de 5 % suite à son injection de Botox et qu’il doit encore s’asseoir de travers.
[86] Le 9 juin 2010, la CSST formule une autre demande de filature (pièce I-3) dont le mandat consiste à surveiller le travailleur à partir de sa résidence le 14 juin 2010 et le suivre jusqu’à Victoriaville, où il doit rencontrer un médecin expert à la Clinique médicale Laurier à la demande de la CSST à 11 h 30, pour ensuite le suivre jusqu’à sa résidence lors de son départ.
[87] Le rapport de filature du 14 juin 2010 (pièce I-3) ainsi que la vidéo de surveillance réalisée le même jour (pièce I-4) démontrent ce qui suit entre le moment où le travailleur quitte sa résidence et se présente à la Clinique médicale Laurier de Victoriaville :
- à 8 h 42 le travailleur monte seul dans son véhicule et conduit pour une période d’environ 8 minutes;
- il s’arrête ensuite pour environ 3 minutes;
- à 8 h 53 il remonte dans son véhicule, conduit pour une autre période de 2 minutes, puis s’arrête à nouveau pour une autre période de 2 minutes afin de mettre de l’essence;
- à 8 h 57 il remonte dans son véhicule et conduit pour une période d’environ 19 minutes;
- il s’arrête de nouveau pour une période d’environ 4 minutes à la banque;
- à 9 h 20 il remonte ensuite dans son véhicule, toujours seul, et conduit de façon ininterrompue pour une période d’environ 51 minutes, sauf pour une période d’environ 1 minute où il s’arrête dans un dépanneur;
- à 10 h 11 le travailleur stationne son véhicule à bonne distance de la Clinique médicale Laurier de Victoriaville, y demeure assis, et vers 10 h 26, se dirige à pied en direction de la clinique, étant donc demeuré assis dans son véhicule de façon ininterrompue pour une période totale d’environ 1 heure et 6 minutes.
[88] Le docteur Hould, orthopédiste, examine donc le travailleur le 14 juin à la demande de la CSST afin de se prononcer sur le diagnostic, la période de consolidation, les modalités thérapeutiques ainsi que les séquelles permanentes en lien avec la lésion professionnelle du 21 septembre 2004.
[89] Le travailleur explique au docteur Hould qu’il est encore symptomatique et sévèrement limité par les douleurs au niveau de son coccyx. Il s’agit d’intenses douleurs qui partent du bas du dos et s’étendent jusqu’au cou, résonnent dans la tête et impliquent toute la colonne. Elles s’étendent aussi au niveau des deux fesses et pourraient impliquer l’arrière des deux cuisses. Ces douleurs sont constantes et l’empêchent de s’asseoir, notamment sur une chaise le moindrement rembourrée. Il peut s’asseoir sur une chaise dure, mais en surchargeant en alternance une fesse ou l’autre. Il utilise aussi un coussin spécial. La position assise est tolérée pour un maximum de 15 à 20 minutes et la conduite automobile à 30 minutes. Pour effectuer la distance ville A—Victoriaville, il fut contraint de s’arrêter à trois reprises afin de débarquer et se dégourdir. Finalement, ces douleurs sont augmentées par les mouvements du tronc, étant incapable de se pencher vers l’avant. Il doit par exemple mettre un genou par terre pour ramasser un objet au sol. La levée de poids est limitée à 10 kilos. Le docteur Hould indique que le travailleur demeure debout tout au long du questionnaire et de l’examen subjectif.
[90] L’examen objectif démontre d’abord une douleur à la région interscapulaire à l’extrême des mouvements d’élévation et d’abduction. Ensuite, les douleurs alléguées au coccyx sont localisées comme ressenties par le travailleur à la région supérieure du sacrum. Cette douleur semble plus intense à la palpation de la région supérieure du sacrum et l’examinateur note qu’il est non pertinent de palper plus distalement à la « vraie région coccygienne ». La flexion du tronc est limitée à 30°, mais complète à 90° par test croisé. Le travailleur se dit enfin incapable de contracter les fessiers en raison de l’injection de Botox. Le reste de l'examen est sans particularités.
[91] Le docteur Hould se dit d’avis que la douleur alléguée déborde celle observée dans un contexte de coccygodynie et l’examen démontre de nombreux signes de non-organicité comme par exemple les douleurs provoquées par la palpation qui débordent largement le contexte géographique de la lésion sacro-coccygienne. Une incontinence fécale à la suite d’une injection de Botox est possible, mais peu probable. L’incapacité alléguée de contracter les fessiers en position ventrale en raison d’une injection de Botox est selon lui tout à fait impossible.
[92] Le docteur Hould écrit ensuite avoir pris connaissance des rapports de filature et des vidéos de surveillance des 27 janvier, 10 février, et 18 mars 2010 et que ceux-ci permettent d’affirmer la non-crédibilité du travailleur. Il lui est donc impossible de considérer les limitations d’amplitudes rachidiennes observées comme objectives.
[93] En conclusion, la date de consolidation est celle du jour, mais compte tenu des facteurs non organiques pouvant moduler le comportement du travailleur, la lésion aurait dû être consolidée en date du 23 août 2005 comme il a été déterminé par le chirurgien traitant, le docteur Lacasse. Compte tenu de la stabilité de l’état du travailleur, il n’y a aucune indication de poursuivre toute mesure thérapeutique supplémentaire.
[94] Relativement aux limitations fonctionnelles, le docteur Hould écrit qu’il est impossible de se fonder sur des critères tout à fait objectifs pour les définir. En lien avec les séquelles généralement considérées suite à une coccygectomie, certaines douleurs résiduelles pouvant être tout à fait possibles, il est simplement suggéré que le travailleur n’ait pas à soutenir une position assise de façon très prolongée sur une surface dure. La condition devrait être, selon toutes probabilités, très tolérable sur un fauteuil rembourré, utilisant le coussin spécial confectionné en ergothérapie, ce qui devrait lui permettre de reprendre son travail de camionneur.
[95] Le rapport de filature du 14 juin 2010 (pièce I-3) ainsi que la vidéo de surveillance réalisée le même jour (pièce I-4) démontrent ce qui suit au moment où le travailleur quitte la Clinique médicale Laurier pour retourner à sa résidence :
- à 12 h 39, à sa sortie de la clinique médicale, le travailleur conduit pour une période d’environ 5 minutes et s’arrête dans un dépanneur pour une période d'environ 1 minute;
- à 12 h 44 il repart et conduit ensuite pour une période continue d’environ 33 minutes;
- il arrête ensuite pour une période d’environ 7 minutes en bordure de la route, dont 1 pour se soulager près d’un tracteur de ferme situé dans un champ à proximité de la route, 3 assis dans le tracteur, et enfin 3 autres pour discuter avec l’occupant d’une maison toute proche, vraisemblablement le propriétaire du tracteur;
- à 13 h 27 le travailleur repart et conduit pour une période ininterrompue d’environ 31 minutes;
- il s’arrête ensuite environ 2 minutes afin de mettre de l’essence;
- à 14 h 00 il repart, conduit pour environ 2 minutes, et s’arrête à nouveau pour environ 3 minutes;
- à 14 h 05 il repart et conduit pour une période d’environ 9 minutes jusqu’à sa résidence où il arrive à 14 h 14.
[96] Le 17 juin 2010 se tient une rencontre au bureau de la CSST en présence du travailleur, sa représentante, la conseillère en emploi et un agent afin de discuter des démarches de réadaptation. Les notes de l’agent de la CSST indiquent entre autres que le travailleur rapporte un soulagement de 5 % suite à l’injection de Botox reçue le 14 avril et que malgré cela, il désire faire l’essai d’une autre, mais administrée directement au coccyx cette fois. Quant au démarrage de son entreprise de camionnage, le travailleur dit que cela sera possible en septembre 2010. Relativement à sa capacité de demeurer assis de longues heures lors de la conduite, le travailleur dit n’avoir aucun doute sur le résultat de la prochaine injection de Botox. Pour ce qui est du fait d’explorer d’autres hypothèses d’emplois convenables, le travailleur répond que pour lui, le seul choix est celui de camionneur.
[97] Le 21 juin 2010, la docteure Plante signe un billet médical attestant que le travailleur avait besoin d’un accompagnateur les 14 et 17 juin 2010 (pièce I-2) afin de se rendre respectivement à Victoriaville et Sherbrooke. Le même jour, le travailleur signe une Demande de remboursement de frais (pièce I-2) où il indique que R... A... l’accompagnait lors de ses déplacements des 14 et 17 juin 2010.
[98] Le 28 juin 2010, le travailleur communique avec un agent de la CSST relativement à la réception d’une lettre le convoquant à une rencontre le 29 juin à 10 h. L’agent note qu’il informe alors le travailleur qu’il y aura dépôt des résultats d’une enquête faite à son sujet. Le travailleur rétorque que, pour lui, 10 h c'est tôt compte tenu du temps qu’il doit mettre pour se rendre à Sherbrooke. L’agent note qu’il informe alors le travailleur qu’il sait que le trajet ne lui demande pas trois heures comme il le prétend, sur quoi ce dernier ne formule aucun commentaire.
[99] Le 29 juin 2010, le travailleur se présente à la rencontre au bureau de la CSST où l’y attendent déjà sa représentante, un agent de la CSST ainsi que la directrice santé-sécurité, madame Labbé. Les notes relatives à cette rencontre indiquent que le travailleur est notamment questionné sur la durée pendant laquelle il peut demeurer assis, ce à quoi il répond qu’il peut demeurer assis plus longtemps sur une chaise dure que sur une chaise rembourrée. Quant à son coussin, il ne peut l’utiliser sur des banquettes ou des chaises puisqu’il est fait pour son véhicule. Concernant le voyage à Saint-Georges de Beauce en date du 18 février 2010, le travailleur dit y être allé.
[100] Le travailleur est ensuite informé de la teneur de la décision à être rendue concernant ses agissements. Une copie de la décision lui est remise ainsi qu’à sa représentante, de même que copies de l’évaluation du docteur Hould, des rapports de filatures à l’exception de celui du 14 juin qui n’est alors pas disponible, lequel lui sera expédié par la poste avec copies des vidéos de surveillance. Le travailleur est enfin informé que des plaintes pénales seront déposées sous peu contre lui.
[101] Le 29 juin 2010, la CSST rend la décision par laquelle elle informe le travailleur que puisqu’une enquête a révélé qu’il a fourni des renseignements inexacts à la CSST, à son médecin traitant ainsi qu’aux médecins consultants, relativement à sa condition physique, les indemnités de remplacement du revenu sont suspendues.
[102] La CSST le considère donc capable d’exercer son emploi de camionneur depuis le 10 octobre 2006 en utilisant le coussin déjà octroyé. Comme son droit de retour au travail est expiré en date du 10 octobre 2006, il est en droit de recevoir l’indemnité de remplacement du revenu pendant au plus un an, soit jusqu’au 9 octobre 2007, ce qui est par ailleurs déjà fait. En conséquence, comme toutes les indemnités versées du 9 octobre 2007 au 29 juin 2010 l’ont donc été sans droit, la CSST lui réclame la somme de 104 246,11 $.
[103] De plus, étant considéré capable d’exercer son emploi depuis le 10 octobre 2006, il n’aurait pas dû recevoir de services de réadaptation physique et professionnelle. La CSST lui réclame donc la somme de 5 285,10 $, représentant les sommes déboursées dans le cadre de son plan de réadaptation. Enfin, les sommes déboursées pour les frais de déplacement avec accompagnateur ainsi que celles relatives aux repas doivent être remboursées et s’élèvent à 2 953,85 $, pour une réclamation totale de 112 485,06 $, exigible à la fin du délai de contestation.
[104] Le travailleur demande la révision de cette décision le 30 juin suivant, mais le 24 novembre 2010, à la suite d’une révision administrative, la CSST confirme sa décision du 29 juin, ce que le travailleur conteste le 6 janvier 2011 devant la Commission des lésions professionnelles.
[105] Le 3 août 2010, le docteur Watier écrit notamment que le tableau douloureux du travailleur est « diminué d’à peu près 5 à 10 % » depuis l’injection de Botox du 14 avril précédent. Le docteur Watier écrit qu’à sa première visite, le travailleur évaluait sa douleur de 8 à 9 sur 10 et qu’elle est actuellement de 4 à 5 sur 10, mais que dès qu’il fait de la voiture ou du camion, sa douleur revient aussi importante.
[106] Le 9 mai 2011, le docteur Watier écrit à la procureure du moment du travailleur. Il indique qu’il s’agit d’un cas complexe de douleurs coccygiennes dont le tableau clinique était compliqué par une histoire d’abus sexuel durant l’enfance. Le médecin indique que le travailleur était très résistant au traitement médical conventionnel, mais n’a pas eu toutes les options thérapeutiques pour traiter sa problématique. Après discussion avec le travailleur, le docteur Watier se dit réticent à poursuivre l’évaluation de la douleur en raison du contexte juridique et d’une récente visite à l’urgence pour tentative suicidaire.
[107] Lors de l’audience du 6 juillet 2011, madame Lorraine Labbé, directrice santé-sécurité à la Direction régionale de l’Estrie de la CSST et responsable des dossiers de longue durée depuis le mois de mai 2009, explique brièvement les raisons qui l’ont incitée à faire les demandes de filature. Les résultats de celles-ci, jumelés aux conclusions de l’évaluation du docteur Hould, l’ont amené à rencontrer le travailleur le 29 juin et prendre la décision rendue par la CSST le même jour. Contre-interrogée par le travailleur, la témoin dira notamment que le docteur Hould avait copie des rapports de filature et des vidéos de surveillance avant de l’examiner le 14 juin 2010.
[108] Monsieur Patrick Hall témoigne ensuite sommairement, et ce, à titre de propriétaire d’Enquêtes spécialisées de l’Estrie inc. Après avoir précisé avoir œuvré 26 ans pour la Sûreté du Québec, entre autres comme responsable à la section du crime organisé, il dit avoir assigné les mandats confiés par madame Labbé à deux agents spécialisés dans la filature, soit messieurs Robitaille et Boyer. Le témoin explique que ceux-ci procèdent à la filature à l’aide de deux véhicules et de deux caméras et qu’ils se remplacent entre eux à tour de rôle dans le but, soit d’obtenir un meilleur angle ou encore pour éviter d’être découverts. Une fois les vidéos réalisées, un mixage est fait à partir des originaux des prises de vue des deux caméras, sans toutefois en retrancher de parties, sauf si la prise de vue ne montre rien, par exemple si un agent omet par inadvertance d’éteindre la fonction d’enregistrement au moment de déposer la caméra lors d’une pause entre deux prises de vue. L’intégrale des originaux demeure cependant disponible et l’est toujours le jour de l’audience.
[109] Messieurs Robitaille et Boyer témoignent ensuite à leur tour : le premier ayant travaillé notamment 30 ans pour la Sûreté du Québec et le second possédant 36 ans d’expérience policière entre autres aux Services de renseignements du Canada. La confection et le contenu des rapports de filature sont expliqués et les vidéos de surveillance sont ensuite visionnées, le travailleur étant alors invité à les commenter tout à la fois.
[110] Le travailleur dira notamment que le 27 janvier 2010, on le voit assis sur une fesse puis sur l’autre sur une banquette rigide et que même s’il y est demeuré pour 45 minutes, il avait hâte que ça finisse. Pour ce qui est des vidéos des 10 et 18 février 2010, le travailleur affirme n’avoir aucun commentaire particulier à formuler à leur égard. En ce qui concerne celui du 18 mars 2010, le travailleur explique que la prise de vue démontre, à l’aide de l’angle de son manteau, qu’il est assis sur le bout de la banquette.
[111] Madame Carole Paquet témoigne également le 6 juillet 2011. Forte d’une expérience d’environ une trentaine d’années dans le domaine de la réintégration professionnelle, elle explique son approche avec des cas comme celui du travailleur, soit ceux où il existe un long délai entre le fait accidentel et le moment où elle est appelée à intervenir. Après avoir pris connaissance du dossier du travailleur, elle le rencontre une première fois le 18 juin 2009, rencontre où elle observe que le travailleur demeure debout en tout temps. Il en fut de même lors d’une seconde rencontre peu de temps après en juillet. Enfin, en novembre 2009, à l’occasion d’une rencontre au bureau de la CSST, elle explique qu'elle se sent mal à l’aise, le travailleur affirmant à la fois vouloir soit conduire à nouveau un camion ou encore occuper un emploi de grutier, deux emplois qui requièrent la position assise, alors qu’il demeure de nouveau debout tout au long de la rencontre.
[112] Madame Paquet dit rencontrer ensuite le travailleur le 8 décembre 2009 dans un restaurant de Sherbrooke. À son arrivée, le travailleur est déjà sur place, est assis cette fois, et aurait mangé selon elle. Cette rencontre dure environ de 45 à 50 minutes et le travailleur demeure assis en tout temps. L’objectif de ce dernier est toujours l’achat d’un camion afin de démarrer sa propre entreprise.
[113] Elle rencontre à nouveau le travailleur le 27 janvier 2010 dans un restaurant de Sherbrooke et à son arrivée, à 14 h 45, celui-ci est déjà sur place et assis. L’objectif premier du travailleur demeure toujours la conduite d’un camion. La rencontre dure cette fois environ 90 minutes. Cependant, au rendez-vous suivant, le 10 février 2010, au bureau de la CSST, le travailleur demeure encore une fois debout en tout temps bien qu’au début de la rencontre, sa conjointe, présente avec lui, l’invite à s’asseoir. Ce qui encore une fois lui déplait d’une certaine façon compte tenu de l’objectif du travailleur qui persiste à vouloir faire l’acquisition d’un camion afin de démarrer son entreprise et donc, être dans l’obligation d’adopter la position assise pour ce faire alors qu’il demeure debout tout au long de la rencontre.
[114] La rencontre suivante devant se tenir le 18 février sera annulée par le travailleur et madame Paquet le revoit plutôt le 18 mars au bureau de la CSST où le travailleur y demeure encore une fois debout en tout temps. Il fera alors état selon elle de problèmes d’incontinence, mais continuera du même coup de caresser le projet de faire l’acquisition d’un camion, s’étant même inscrit à une formation en démarrage d’entreprise. Bien qu’elle considère la démarche louable, elle dit s’interroger compte tenu du fait que le travailleur dit toujours être incapable de demeurer assis sur de longues périodes. Il en sera de même selon elle lors de la dernière rencontre du 17 juin 2010 au bureau de la CSST.
[115] Le travailleur et son épouse, madame D... P..., témoignent par la suite.
[116] Relativement à son rendez-vous à Saint-Georges le 18 février 2010, le travailleur dira qu’il en avait bel et bien un, mais qu’il l’a annulé. Pour ce qui est du rassemblement politique du 27 janvier au chalet du mont Orford, il dira qu’il avait pris des médicaments. Quant à la fois où il s’arrête pour voir un tracteur en bordure de la route, il dira que c’était en prévision d’essais de son système de harnais. Enfin pour ce qui est de l’examen du docteur Hould, il considère que l’examen s’est déroulé correctement, mais que son appréciation est biaisée.
[117] La conjointe du travailleur dira de son côté que c'est elle qui remplissait les demandes de remboursement de frais en sachant toutefois pertinemment bien qu’elles étaient inexactes.
[118] Le travailleur termine en invitant le tribunal à visionner attentivement les vidéos de surveillance. Il demeure debout tout au long de l’audience qui débute à 9 h 30, avec une pause repas de 11 h 40 à 13 h, pour reprendre à 13 h 10 et se terminer à 17 h 20.
L’AVIS DES MEMBRES
[119] La membre issue des associations d'employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales sont d'abord d'avis que la preuve ne laisse aucun doute à l’effet que le travailleur a fourni des renseignements inexacts et que la CSST était justifiée de suspendre ses indemnités le 29 juin 2010.
[120] Les membres sont également d'avis que la preuve disponible démontre qu’il est plus que probable que le travailleur avait la capacité d’occuper un emploi de camionneur à compter du 10 octobre 2006. Sa contestation devrait donc être rejetée et il doit rembourser la somme totale réclamée de 112 485,06 $.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[121] La Commission des lésions professionnelles doit d’abord décider si le travailleur a fourni des renseignements inexacts entre autres à la CSST justifiant ainsi, le 29 juin 2010, la suspension du versement de ses indemnités de remplacement du revenu. Ensuite, elle doit décider si le travailleur a la capacité d’exercer son emploi de camionneur depuis le 10 octobre 2006 et enfin, le cas échéant, si la CSST est justifiée de lui réclamer le remboursement des indemnités de remplacement du revenu versées après le 9 octobre 2007, le remboursement des sommes déboursées dans le cadre de son plan de réadaptation, celles relatives aux frais de déplacement avec accompagnateur, ainsi que celles relatives aux repas.
[122] Les articles suivants de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) sont utiles à la bonne compréhension et la solution de la présente affaire :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;
[…]
« prestation » : une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.
[…]
__________
1985, c. 6, a. 44.
46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.
__________
1985, c. 6, a. 46.
47. Le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi convenable.
__________
1985, c. 6, a. 47.
48. Lorsqu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle redevient capable d'exercer son emploi après l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail, il a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 jusqu'à ce qu'il réintègre son emploi ou un emploi équivalent ou jusqu'à ce qu'il refuse, sans raison valable, de le faire, mais pendant au plus un an à compter de la date où il redevient capable d'exercer son emploi.
[…]
__________
1985, c. 6, a. 48.
57. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants :
1° lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48 ;
[…]
__________
1985, c. 6, a. 57.
129. La Commission peut, si elle le croit à propos dans l'intérêt du bénéficiaire ou dans le cas d'un besoin pressant du bénéficiaire, verser une indemnité de remplacement du revenu avant de rendre sa décision sur le droit à cette indemnité si elle est d'avis que la demande apparaît fondée à sa face même.
Si par la suite la Commission rejette la demande ou l'accepte en partie, elle ne peut recouvrer les montants versés en trop de la personne qui les a reçus, sauf si cette personne :
1° a obtenu ces montants par mauvaise foi; ou
[…]
__________
1985, c. 6, a. 129.
133. La Commission doit recouvrer le montant de l'indemnité de remplacement du revenu qu'un travailleur a reçu sans droit depuis la date de consolidation de sa lésion professionnelle, lorsque ce travailleur :
1° a été informé par le médecin qui en a charge de la date de consolidation de sa lésion et du fait qu'il n'en garde aucune limitation fonctionnelle; et
2° a fait défaut d'informer sans délai son employeur conformément au premier alinéa de l'article 274 .
__________
1985, c. 6, a. 133.
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
1° si le bénéficiaire :
a) fournit des renseignements inexacts;
[…]
__________
1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 145.
278. Un bénéficiaire doit informer sans délai la Commission de tout changement dans sa situation qui peut influer sur un droit que la présente loi lui confère ou sur le montant d'une indemnité.
__________
1985, c. 6, a. 278.
430. Sous réserve des articles 129 et 363, une personne qui a reçu une prestation à laquelle elle n'a pas droit ou dont le montant excède celui auquel elle a droit doit rembourser le trop-perçu à la Commission.
__________
1985, c. 6, a. 430.
[123] La Commission des lésions professionnelles tient à préciser d’entrée de jeu qu’elle a longuement et attentivement pris connaissance tout particulièrement du contenu des rapports de filature ainsi que des vidéos de surveillance déposés en preuve respectivement sous les cotes I-3 et I-4 lors de l'audience du 6 juillet 2011.
Des renseignements inexacts
[124] Point n’est besoin de palabrer sur le sujet. Dire que le travailleur a fourni des renseignements inexacts sur sa véritable condition physique constitue un euphémisme.
[125] La preuve documentaire, vidéo et testimoniale démontre d’une manière on ne peut plus éloquente que le travailleur a fourni des renseignements inexacts à la CSST relativement à sa condition physique ainsi qu’au médecin qui a charge de lui, la docteure Laflamme, aux médecins consultants, dont les docteurs Watier et Hould, à sa physiothérapeute traitante ainsi qu’à sa conseillère en emploi.
[126] De plus, le travailleur n’a offert aucune preuve digne de ce nom pour tenter d’expliquer ou de contredire le contenu des rapports de filature et des vidéos de surveillance réalisées les 27 janvier, 10 et 18 février, 18 mars, et 14 juin 2010. Sa conjointe a, de surcroît, candidement admis à l’audience avoir rempli des demandes de remboursement de frais inexactes, demandes inexactes que le travailleur a ensuite signées, évidemment en toute connaissance de cause.
[127] En conséquence, la CSST était donc pleinement justifiée de suspendre le versement des indemnités de remplacement du revenu du travailleur en date du 29 juin 2010 en application de l’article 142 1 a) de la loi.
[128] Cette même preuve démontre également que le travailleur a aussi, par la même occasion, volontairement omis d’informer sans délai la CSST de changements dans sa situation susceptibles d’influer sur un droit que la loi lui confère et sur le montant d'une indemnité.
La capacité d’exercer un emploi de camionneur
[129] La loi prévoit donc qu’un travailleur a droit au versement d’indemnités de remplacement du revenu s’il devient incapable d’exercer son emploi à la suite d’une lésion professionnelle. Il est de plus présumé incapable de ce faire tant et aussi longtemps que cette lésion n’est pas consolidée. Une fois qu’il redevient capable d’exercer son emploi, son droit au versement de telles indemnités s’éteint, sous réserve des dispositions de l’article 48. Cependant, le cas échéant, un travailleur continuera d’avoir droit au versement d’indemnités de remplacement du revenu une fois sa lésion consolidée tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou d'exercer à plein temps un emploi convenable.
[130] Il y a lieu de rappeler que la consolidation d’une lésion peut signifier sa guérison pure et simple, mais aussi sa stabilisation. Il y aura stabilisation lorsqu’une fois cette dernière constatée, aucune amélioration de l’état de santé du travailleur n’est alors prévisible par la suite. Cela implique qu’un seuil thérapeutique est atteint et que même des traitements additionnels ne peuvent de façon prévisible apporter une amélioration de l’état du travailleur.
[131] Par contre, la consolidation d’une lésion constitue une question distincte de celle de la capacité. Voici ce que disait déjà la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles à cet effet en 1992 dans l’affaire Sabourin et Dominion Textile inc.[3] :
La Commission d'appel doit finalement décider si le travailleur a droit de continuer de recevoir les indemnités de remplacement du revenu en raison de sa lésion professionnelle à compter du 5 août 1989, et ce, jusqu' au 2 octobre 1989 exclusivement, date correspondant à son nouvel emploi de camionneur.
L'article 44 de la loi pose ainsi le principe du droit à l'indemnité de remplacement du revenu:
44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit a une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.
Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.
Bien que non soumise à l'arbitrage, la Commission d'appel estime qu'il est nécessaire de connaître la période de consolidation pour statuer sur la capacité du travailleur à reprendre son emploi, notamment à la lumière de l'article 46 de la loi qui se lit ainsi:
46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.
A cet égard, la Commission d'appel considère que la lésion professionnelle subie par le travailleur est consolidée à la date à laquelle il a fait l'objet d'une tomodensitométrie, laquelle a confirmé la présence d'une hernie discale, soit le 23 octobre 1989.
En effet, à l'instar de ce que la Commission d'appel a déjà décidé dans l'affaire Pibolleau et Marbres 14354-62A-8908 33 Unis Inc. (CALP 13350-60-8908, 21 mars 1990, Micheline Paquin, commissaire): ".... il était impossible de déterminer si la lésion subie par le travailleur était consolidée avant que les derniers tests aient été passés pour confirmer ou infirmer la présence d'une hernie discale. De plus, le Dr Sutton ne jugeant pas opportun, compte tenu de l'état du travailleur, de pousser plus loin l'investigation en refusant de faire passer au travailleur une discographie et en refusant de l'opérer, c'est seulement à compter du 2 août 1989 (date de la tomodensitométrie) qu'il a été possible de savoir de façon définitive qu’il n'y avait plus de possibilité d'amélioration de l'état de santé du travailleur".
Cependant, et la jurisprudence de la Commission d'appel est unanime sur ce point, la consolidation d'une lésion professionnelle est une question distincte de la capacité d'exercer son emploi et ne constitue qu'un des éléments pouvant permettre de déterminer la durée du droit à l'indemnité de remplacement du revenu, lequel est fondé exclusivement sur l'incapacité du travailleur d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle, ainsi que le précise le premier alinéa de l'article 57 de la loi:
57. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants:
1 lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48;
[132] Ensuite, la présomption d’incapacité prévue à l’article 46 de la loi n’existe plus à compter du moment où la lésion professionnelle d’un travailleur est considérée consolidée[4].
[133] Puis, la présomption d’incapacité prévue à l’article 46 n'est pas irréfragable. Ce qui signifie qu’une preuve factuelle, circonstancielle, et évidemment prépondérante, peut permettre de la renverser, malgré qu’aucun rapport final ne fasse état de la consolidation d’une lésion[5].
[134] En l’espèce, outre la lacération à la tête et la cervicalgie, cette dernière consolidée sans séquelles en date du 14 décembre 2004, la subluxation du coccyx est consolidée avec séquelles permanentes pour la première fois par le docteur Lacasse, orthopédiste, le 23 août 2005. Cependant, devant le refus du travailleur de se prêter à l’examen en vue de la production du rapport d’évaluation médicale, soutenant alors que sa lésion professionnelle n’est pas consolidée, ce avec quoi le docteur Lacasse se dit en désaccord, ce dernier suggère que ce rapport soit produit par un autre médecin.
[135] Le docteur Dumont, lui aussi orthopédiste et choisi par le travailleur, suggère une seconde fois de procéder à la consolidation de la lésion professionnelle, le 12 avril 2006, non sans avoir constaté l’inefficacité de blocs facettaires administrés peu de temps auparavant. Il pose alors un simple diagnostic de douleur chronique au coccyx et suggère une consultation en clinique de la douleur.
[136] Cette consultation se tient le 1er août suivant et le docteur de Médicis, anesthésiologiste, qui ne procède alors à aucune infiltration, prescrit notamment Lyrica et conclut à un diagnostic de coccyalgie, soit lui aussi, à l’instar du docteur Dumont, à un simple diagnostic de douleur au coccyx.
[137] Finalement, après avoir constaté l’inefficacité du Lyrica le 29 août suivant, la docteure Laflamme, médecin qui a charge du travailleur, devant la stabilité de la condition de son patient, consolide la lésion professionnelle, elle aussi avec séquelles permanentes, en date du 14 septembre 2006. Elle confie, avec l’assentiment du travailleur, la production du rapport d’évaluation médicale au docteur Morcos, orthopédiste, qui produit ce rapport le 10 octobre suivant.
[138] Le docteur Morcos détermine alors à ce moment certaines limitations fonctionnelles et accorde une atteinte permanente de 1 %, mais en mentionnant tout à la fois que le travailleur est actuellement très souffrant et donc incapable de travailler.
[139] En conséquence, le docteur Morcos réfère le travailleur au docteur Forget, chirurgien général qui, le 13 novembre 2006, parle d’une simple douleur non spécifique à la palpation du coccyx et à la région péri-anale. Il retourne alors le travailleur aux soins du docteur Morcos, qui lui le réfère au docteur Watier, gastro-entérologue.
[140] Le 29 novembre 2006, la docteur Laflamme dira qu’elle remet en question la date de consolidation établie au 14 septembre 2006, et ce, à la suite de l’évaluation du docteur Morcos et préfère attendre l’opinion du docteur Watier.
[141] Or, le docteur Watier n’examine le travailleur que le 25 avril 2007 et son examen clinique objectif se révèle alors normal, mis à part celui du plancher pelvien qui n’a pu être fait. Il existerait cependant selon lui une composante organique en relation avec une hypertonie du plancher pelvien post-traumatique, mais aussi avec une histoire d’abus sexuel. Des examens plus approfondis sont donc prévus pour le 19 juin suivant.
[142] Le 10 octobre 2007, la docteure Laflamme se dit d'avis que le travailleur pourra être consolidé lorsque la situation des douleurs sera stable et qu’il sera plus apte à s’asseoir normalement.
[143] Le 16 octobre suivant, le docteur Watier se dit d’opinion que le travailleur n'est pas actuellement consolidable puisqu’il aurait été victime de traumatismes psychologiques en bas âge, qu’il présentait préalablement à l’accident des problèmes de spasmes au niveau du périnée et que l’accident aurait exacerbé une condition préexistante. Une barrière psychologique empêcherait donc tout examen pour le moment.
[144] C’est sur cette base que le 18 octobre 2007, à la suite de l’évaluation du docteur Morcos et des opinions émises par les docteurs Laflamme et Watier, que la CSST considère que la lésion professionnelle du 21 septembre 2004 n’était pas consolidée le 14 septembre 2006.
[145] La Commission des lésions professionnelles retient tout d’abord de ce qui précède, mis à part la lacération à la tête et la cervicalgie, lésions déjà consolidées, que le seul autre diagnostic de la lésion professionnelle du 21 septembre 2004 qui demeure non consolidé est une simple douleur au coccyx.
[146] Ensuite, le tribunal retient que le docteur Lacasse, dans un premier temps, et la docteure Laflamme, après lui, prévoient tous deux la consolidation de la lésion avec séquelles permanentes.
[147] Enfin, la docteure Laflamme dira se baser sur l’évaluation du docteur Morcos pour finalement considérer que la lésion n’est pas consolidée en date du 14 septembre 2006.
[148] Or à sa face même, les conclusions de l’évaluation du docteur Morcos reposent sur des bases purement et strictement subjectives puisque le 10 octobre 2006, il écrit être dans l’impossibilité d’examiner le travailleur en raison d’allégations de douleurs. De plus, le seul examen objectif réalisé ce jour-là est celui de la colonne dorso-lombosacrée et il s’avère normal à tout point de vue. Pourtant, le docteur Morcos conclura malgré tout que le travailleur ne peut travailler en position assise, qu’il ne peut faire de flexions répétitives, qu’il ne peut soulever plus de 10 kilos, mais surtout, qu’il est trop souffrant pour travailler.
[149] Pourtant, à peine un mois plus tard, le docteur Forget ne constatera à l’examen qu’une simple douleur non spécifique et le 25 avril 2007, le docteur Watier, réalise un examen clinique objectif normal. Qui plus est, une composante d’ordre personnel viendrait interférer dans le tableau, composante personnelle sur laquelle la CSST ne s’est par ailleurs jamais prononcée.
[150] Dans ces circonstances et avec respect, il est difficilement compréhensible que ce soit sur ces bases que la CSST, le 18 octobre 2007, remette en question la stabilité, et donc la consolidation, d’une simple douleur au coccyx.
[151] À ce stade, dans le cadre de son analyse, le tribunal ne retient donc pas les conclusions de l’évaluation du docteur Morcos, mais retient plutôt qu’en date du 25 avril 2007, en lien avec la lésion professionnelle du 21 septembre 2004, le travailleur ne présente toujours qu’une simple douleur au coccyx, tout comme c’était le cas au 14 septembre 2006.
[152] C’est dans ce contexte que le 15 novembre 2007, le travailleur accepte de participer à une évaluation de ses capacités fonctionnelles. Il dira à ce moment ne pas être en mesure de demeurer assis plus de 30 minutes à la fois au volant de son véhicule et que le trajet pour se rendre de sa résidence de ville A à Sherbrooke exige de lui trois heures de route plutôt qu’une en temps normal.
[153] Cette évaluation s’échelonne du 26 au 29 novembre 2007.
[154] Lors de cette évaluation, les mouvements de la colonne dorsolombaire du travailleur sont complets, bien que la flexion, légèrement diminuée, demeure cependant fonctionnelle. Il est de plus noté qu’il n’y a aucun signe d’effort maximal ou de méthode compensatoire observé au niveau de l’endurance et de la manutention de charges. Ensuite, malgré le fait que le travailleur dise pouvoir maintenir la position assise seulement pour des durées de 30 à 35 minutes continues avec son coussin, il est indiqué qu’il fût cependant en mesure de le faire pour près d’une heure lors d’un repas au restaurant. Il peut de plus demeurer en position debout statique de 15 à 20 minutes et de façon dynamique pour environ trois heures (cette dernière situation s’apparentant avantageusement à celle prévalant lors de l’audience du 6 juillet 2011).
[155] Enfin, l’ergothérapeute et le kinésiologue ayant procédé à l’évaluation des capacités fonctionnelles du travailleur ne manquent pas de souligner à l’analyse que de façon générale, celui-ci « s’autolimite de façon importante et qu’il n’a en aucun temps démontré un effort juste et valable afin de déterminer ses capacités réelles ».
[156] Pour les mêmes raisons évoquées en regard de l’évaluation du docteur Morcos effectuée un an auparavant, le présent tribunal estime qu’il ne peut prendre non plus en considération les résultats fortement subjectifs de cette évaluation dans le cadre de son analyse, compte tenu du peu de fiabilité de l’estimation que fait lui-même le travailleur de ses capacités, des observations des intervenants ainsi que de l’effort sous-optimal fourni et rapporté par les intervenants lors des différentes phases de l’évaluation. Il y a donc lieu de s’écarter des résultats de cette évaluation puisque peu fiables, non représentatifs des capacités réelles du travailleur et surtout, empreints d’une trop grande part de subjectivité tout comme les conclusions de l’évaluation du docteur Morcos le 10 octobre 2006.
[157] D’ailleurs, il est fort à propos de constater que le 11 décembre 2007, le travailleur avise la CSST qu’il refuse de participer au programme de développement des capacités faisant valoir que les intervenants ne pourront remédier à ses douleurs, qu’il n’est pas pertinent de payer 600 $ pour aller s’entraîner à Sherbrooke, que son véhicule est en réparation et qu’il ne peut utiliser son coussin dans le véhicule de sa conjointe.
[158] Motifs qui, compte tenu de tout le contexte qui précède, et dans lequel s’est déroulée l’évaluation des capacités fonctionnelles du travailleur, s’apparentent davantage à des prétextes. Ce qui par ailleurs, de l’opinion du tribunal, vient du même coup à ce stade semer le doute sur les capacités réelles du travailleur et sur le véritable état de sa condition physique en novembre 2007.
[159] Quoi qu’il en soit, les motifs mis de l’avant par le travailleur pour refuser de participer à un tel programme ne constituent qu’une raison supplémentaire de s’écarter des résultats de l’évaluation de ses capacités fonctionnelles en novembre 2007.
[160] Dans le même ordre d’idées, le tribunal retient que deux jours plus tard, le 13 décembre 2007, le docteur Watier informe la CSST que le travailleur a décidé de façon unilatérale de refuser de rencontrer séparément les membres de son équipe prétextant alors devoir se déplacer à plusieurs reprises. Ce ne sera étonnamment que le 4 février 2008 que la CSST demandera au travailleur de réactiver ses démarches afin de se soumettre aux examens et traitements projetés par le docteur Watier puisqu’aucun avancement au niveau des traitements ne fut réalisé depuis le mois d’avril 2007, soit depuis la première consultation avec ce dernier.
[161] Dans les circonstances, ce sont donc ces réticences que manifeste le travailleur à collaborer et participer aux différents traitements qui lui sont offerts à la fin de l’année 2007 et au début de l’année 2008 que le tribunal retient dans le cadre de son analyse plutôt que de vagues allégations de douleurs incapacitantes purement subjectives qu’aucun examen ni aucune évaluation n’a encore démontré de façon le moindrement objective jusqu’alors.
[162] Quant au reste de l’année 2008, la preuve révèle qu’elle en est une où il n’y a pour ainsi dire aucun avancement tangible au niveau des traitements et de l’évaluation de la condition du travailleur, si ce n’est la prescription et le réajustement occasionnel par le docteur Watier de médicaments tels Cesamet, Quetamine, Ibuprofene et Elavil (lequel sera d'ailleurs éventuellement cessé). Pour le reste, la docteure Laflamme ne fait que produire mensuellement des attestations médicales faisant état de la stabilité de la condition du travailleur. Celui-ci demeure donc de longs mois sans autre forme de traitements en attente de son admission afin que le docteur Watier réalise enfin un examen de son plancher pelvien ainsi qu’une seconde colonoscopie, et ce, sous anesthésie générale.
[163] Ces examens, pratiqués le 6 novembre 2008, se révéleront tous normaux, et le docteur Watier posera alors, tout comme les docteurs Lacasse, Dumont, De Médicis et Forget avant lui, un simple diagnostic de douleur au coccyx.
[164] De l’avis du tribunal, au mois de novembre 2008, aucune preuve ne démontre donc de façon plus que probable que la condition du travailleur soit différente de celle qui prévaut en septembre 2006 au moment de la consolidation de la lésion par la docteure Laflamme.
[165] Débutent alors à la fin de l’année 2008 des traitements de physiothérapie péri-anale ainsi que la prise de Valium sous forme de suppositoires. Bien qu’il soit fait mention d’une légère amélioration sous forme de diminution de la douleur en janvier et février 2009, la condition du travailleur sera considérée stable dès le mois de mars suivant par sa physiothérapeute traitante.
[166] Le 19 mai 2009, le docteur Watier informe le médecin régional de la CSST que le travailleur s’améliore au niveau physique, mais dit ne pouvoir le consolider. Il indique que les traitements de physiothérapie péri-anale sont cessés (ce qui n’est cependant pas le cas selon la preuve documentaire) et souligne que le travailleur a toujours une douleur à la palpation du plancher péri-anal. Le 22 juin suivant, la docteure Laflamme se dit d’avis que l’amélioration de la condition du travailleur « semble très légère ».
[167] Dans l’intervalle, le 11 juin 2009, le travailleur avise la CSST qu’il espère que les traitements de physiothérapie péri-anale lui permettront éventuellement de demeurer assis pour une période d’une à deux heures. Dans cette optique, il aimerait pouvoir occuper un emploi de grutier, mais il se dit d’avis que la conduite d’un camion, qui exige de longues heures de conduite, ne lui sera plus possible. Afin d’explorer cette possibilité et d’autres emplois convenables potentiels, la CSST met une conseillère en emploi, en la personne de madame Paquet, à la disposition du travailleur à compter du 18 juin. Cette dernière le rencontre donc ce 18 juin ainsi qu’une seconde fois en juillet suivant, rencontres au cours desquelles le travailleur demeure alors debout en tout temps selon le témoignage de la conseillère.
[168] Le 6 juillet 2009, le docteur Watier se dit d’avis que le travailleur ne pourra reprendre un emploi de camionneur puisque cela nécessite le maintien de la position assise durant de longues heures et qu’il est trop tôt pour envisager la capacité de ce dernier à occuper un emploi de grutier, quoique la médication ne représente pas un empêchement pour autant à cet égard. Le docteur Watier réitère que le principal problème du travailleur relève d’une condition personnelle préexistante que la blessure au coccyx a possiblement ravivée et que les traitements devraient cesser sous peu avec consolidation possible par la suite.
[169] Quant à la docteure Laflamme, son suivi mensuel tout au cours de l’année 2009 ne démontre toujours aucun changement notable en regard de la condition du travailleur.
[170] De la séquence qui précède, le tribunal retient donc qu’une fois de plus, malgré de nouveaux examens réalisés en novembre 2008 par le docteur Watier, le seul diagnostic qui demeure en lien avec la lésion professionnelle en est un de simple douleur au coccyx et que selon le docteur Watier, le problème principal du travailleur relève d’une condition personnelle dont l’exacerbation par l’événement du 21 septembre 2004 n’a jamais été démontrée ni fait l’objet d’une décision de la part de la CSST.
[171] De plus, la preuve médicale prépondérante démontre que les nombreux traitements administrés entre le mois de novembre 2008 et le mois de novembre 2009 n’ont apporté aucune véritable amélioration de la condition du travailleur, laquelle fut toujours considérée stable par sa physiothérapeute traitante, tout comme par la docteure Laflamme du reste, et ce, tout au long de son suivi mensuel de l’année 2009.
[172] C’est pourquoi, bien que le docteur Watier se dise d’avis les 19 mai et 6 juillet 2009 qu’il ne peut procéder à la consolidation de la lésion, le tribunal considère que la preuve prépondérante démontre encore et toujours qu’au mois de novembre 2009, la condition du travailleur est tout à fait superposable à celle qui prévalait en novembre 2008, novembre 2007 et septembre 2006 en ce sens où celle-ci, en dépit des examens, évaluations et nombreux traitements reçus depuis, est toujours demeurée stable.
[173] C'est donc dans ce contexte que le 11 novembre 2009, le docteur Watier dit envisager des injections de Botox devant la chronicité de la maladie du travailleur.
[174] C’est aussi dans ce contexte que le 11 novembre 2009, à l’occasion d’une rencontre aux bureaux de la CSST en présence de sa conseillère en emploi, que le travailleur dit évaluer l’amélioration de la condition de son coccyx à 40 %. Bien qu’il demeure debout tout au long de cette autre rencontre, à l’instar de celles qu’il a avec madame Paquet en juin et juillet précédents, il dira cette fois, contrairement à ce qu'il affirme le 11 juin, qu’il envisage maintenant de retourner travailler dans le domaine du camionnage, mais à son propre compte, ce qu’il croit possible en mettant au point un système spécial de harnais de son invention.
[175] Puis, le 8 décembre, madame Paquet témoigne à l’effet qu’elle rencontre le travailleur dans un restaurant et qu’à cette occasion, ce dernier demeure alors assis pour une période ininterrompue de près d’une heure.
[176] Le tribunal est d’opinion que la preuve démontre de façon plus que probable que le travailleur sous-estime volontairement sa condition et ses capacités fonctionnelles au moment de rencontrer la CSST le 11 novembre 2009, tout comme c’était le cas par ailleurs au moment de l’évaluation de ses capacités fonctionnelles en novembre 2007, et ce, pour les raisons suivantes.
[177] D’abord parce qu’entre le mois de juin et le mois de novembre 2009, alors que le docteur Watier se dit d’avis qu’il ne pourra reprendre un emploi de camionneur, que sa physiothérapeute traitante considère sa condition stable depuis plusieurs mois, que son propre médecin ne constate aucune amélioration notable de sa condition depuis maintenant près de deux ans et qu’il demeure debout en tout temps lors de rencontres qui se déroulent au cours des mois de juin, juillet et novembre 2009, le travailleur affirme tout à la fois pouvoir reprendre la conduite d’un camion alors qu’au surplus, il estime sa condition améliorée de seulement 40 % depuis l’évaluation du 10 octobre 2006 du docteur Morcos, donc depuis plus de trois ans.
[178] Bien sûr, il est question de l’invention et de l’utilisation d’un vague système de harnais. Or celui-ci n’a jamais vu le jour et le secret en demeure encore aujourd’hui relativement bien gardé! À tout le moins selon la preuve administrée.
[179] Ensuite parce qu’il est étonnant de constater que le 8 décembre 2009, trois semaines seulement après la rencontre du 11 novembre, le travailleur est en mesure de demeurer assis durant une période de près d’une heure à l’occasion d’une rencontre au restaurant en compagnie de madame Paquet, tout comme l’avaient par ailleurs noté les intervenants en novembre 2007. N’ayant aucune raison de douter de la crédibilité de madame Paquet, son témoignage à cet égard n’ayant d’ailleurs pas été contredit, le tribunal le considère fiable, probant, prépondérant et le retient.
[180] Enfin parce que s’il fallait considérer que le travailleur donne l’heure juste au sujet de sa condition physique à la CSST le 11 novembre 2009, il faudrait en conclure qu’il ment au docteur Watier le 27 janvier 2010 lorsqu’il dit à ce dernier que sa condition ne s’est améliorée que de 10 %. Et cela signifierait en outre qu’entre le 11 novembre 2009 et le 27 janvier 2010, alors qu’il bénéficie toujours de traitements, non seulement sa condition ne se serait pas améliorée, mais elle se serait plutôt détériorée de 30 % !
[181] Ce qui est évidemment un non-sens parce qu’il faudrait alors en conclure que cette détérioration se serait faite à l’insu de sa physiothérapeute traitante, ce qui n’est bien sûr pas vraisemblable considérant que celle-ci atteste de la stabilité de la condition du travailleur depuis le mois de mars 2009, qu’un plateau fût atteint en janvier 2010, mais aussi et surtout, parce que le 8 février 2010, elle dira que « le travailleur n’a pas beaucoup évolué depuis le début des traitements », c’est donc dire depuis le mois de novembre 2008, ce qui au surplus rejoint l’opinion exprimée par la docteure Laflamme le 22 juin 2009 lorsqu’elle se dit d’avis que l’amélioration de la condition du travailleur « semble très légère ».
[182] Dans les circonstances révélées par la preuve, le tribunal n’a donc aucune hésitation à écarter totalement l’estimation que fait le travailleur de sa condition physique en date du 11 novembre 2009 et considère qu’elle ne fait pas le poids en regard des observations régulières de sa physiothérapeute traitante qui s’échelonnent sur près d’une année et où cette dernière considère à toutes fins utiles que sa condition est demeurée la même que celle qui prévalait en novembre 2008 au moment de débuter les traitements, opinion qui au surplus rejoint celle de la docteure Laflamme. La physiothérapeute n’ayant par ailleurs absolument aucun intérêt, ou encore de possibilité de gains, à tenter de déformer la réalité, ou encore de carrément mentir sur la condition physique de son patient, contrairement à ce dernier, le tribunal considère donc ses observations d’une grande fiabilité et les retient.
[183] Compte tenu de ce qui précède, le présent tribunal considère donc que la preuve prépondérante démontre qu’avant le 27 janvier 2010, le travailleur fournissait déjà depuis longtemps des renseignements inexacts sur sa condition physique à la CSST, son médecin, les médecins consultants ainsi qu’aux différents autres intervenants, ce que viendront confirmer les images captées lors de la toute première vidéo de surveillance réalisées le 27 janvier 2010.
[184] Les images captées ce jour-là démontrent on ne peut plus clairement que l’estimation que fait le travailleur de sa condition physique est tout à fait farfelue, inventée de toutes pièces, et ne sert en fin de compte qu’à lui permettre de continuer de retirer des prestations auxquelles il n’a pas droit.
[185] Quant au fait qu’il affirme être en mesure de garder la position assise sur de plus longues périodes lorsqu’assis sur une surface dure puisqu’il dit alors s’asseoir sur une seule fesse ou sur le coin d’une chaise, ce que la vidéo de surveillance du 27 janvier 2010 démontre effectivement, le tribunal retient plutôt le fait que la vidéo de surveillance réalisée moins de deux mois plus tard, le 18 mars 2010, le montre assis de façon tout à fait normale non seulement sur le même type de banquette et dans le même restaurant, mais aussi et surtout qu’à cette occasion, le travailleur s’y trouve seul.
[186] Or, bien qu’il n’y demeure que pour une période d’environ 15 minutes, compte tenu que la preuve démontre le peu de fiabilité qu’il est possible d’accorder aux allégations du travailleur en regard de ses véritables capacités, et ce, à maintes reprises sur une période de plusieurs mois, le tribunal est d’avis que les images captées le 18 mars 2010 viennent minimiser et contrebalancer l’impact des images qu’il est possible de visualiser sur la vidéo du 27 janvier 2010 bien qu'elles puissent correspondre en partie à certaines des allégations du travailleur.
[187] Au surplus, après avoir soutenu, le 20 avril à la CSST, le 27 mai au docteur Watier, et le 1er juin de nouveau à la CSST, que l’injection de Botox reçue le 14 avril 2010 ne lui apportait qu’une amélioration de 5 % et qu’il devait toujours « s’asseoir de travers », le travailleur affirme pourtant, le 17 juin suivant, qu’il sera en mesure de conduire un camion dès septembre après une seconde injection de Botox, ce qui, s’il faut en croire ses allégations relatives aux douleurs qu’il éprouve et les conséquences qu’elles ont sur ses capacités fonctionnelles depuis l’évaluation du docteur Morcos en octobre 2006, semble relever plus du rêve que de la réalité. Par contre, cette incompréhensible volte-face à 180° quant à la possibilité d’une amélioration aussi soudaine qu’inattendue de sa condition et l’efficacité miracle d’un traitement qui n’a produit jusque-là aucun effet notable sur sa capacité à occuper un emploi de camionneur, tout comme l’ensemble des traitements déjà reçus du reste, s’inscrit cependant dans la plus parfaite harmonie avec le portrait global de toute cette affaire.
[188] Qui plus est, et si ce n’était pas suffisant, le tribunal retient également qu’à la suite du dévoilement des informations relatives à la filature dont il fut l’objet entre le 27 janvier et le 14 juin 2010, le travailleur continuera de nier l’évidence, notamment lors de la conversation téléphonique du 28 juin avec un agent de la CSST relativement au temps requis pour se rendre de sa résidence au bureau de la CSST à Sherbrooke, lors de la rencontre du 29 juin au bureau de la CSST quant au pseudo-voyage à Saint-Georges de Beauce du 18 février 2010, de même que par son comportement devant le présent tribunal lors de l’audience du 6 juillet 2011 alors qu’il y demeure debout tout au long.
[189] Cela étant, en fonction de la preuve, il est indéniable qu’en date du 27 janvier 2010, le travailleur est donc dans une condition tout autre que celle qu’il dépeint à qui veut bien l’entendre depuis maintenant de très longs mois, notamment lorsqu’il affirme haut et fort qu’il ne peut maintenir la position assise plus de 20 à 30 minutes, qu’il ne peut conduire son véhicule plus de 30 minutes à la fois sans être dans l’obligation de s’arrêter pour se dégourdir et repartir par la suite et enfin que ses douleurs sont augmentées par les mouvements du tronc.
[190] Le tribunal est donc d’opinion que depuis l’examen du 10 octobre 2006 du docteur Morcos, il n’existe aucune preuve un tant soit peu objective qui vienne corroborer, laisser croire ou même rendre à tout le moins quelque peu crédible les allégations de douleurs incapacitantes du travailleur. Au contraire, la preuve démontre que sa condition est toujours demeurée stable et qu’à de nombreuses occasions, il a plutôt cherché à amplifier l’intensité et l’impact de ses douleurs sur ses capacités et sur sa vie de tous les jours et que lorsque l’occasion se présentait à lui de démontrer la véracité de ses dires, il s’est défilé en faisant valoir des motifs futiles.
[191] Il faut aussi retenir que le travailleur semble aux prises avec une condition personnelle préexistante complètement étrangère à la lésion professionnelle du 21 septembre 2004 et susceptible d’expliquer en partie certains de ses comportements.
[192] Cependant encore là, il est étonnant de constater comment cette condition semble tout à coup avoir très peu de conséquences et être fort peu problématique pour le travailleur.
[193] En effet, puisque tel que mentionné ci-haut, après avoir maintenu et réitéré à trois reprises que la première injection de Botox ne lui apportait qu’une amélioration de 5 %, le travailleur soutient le 17 juin, en dépit aussi de cette condition personnelle donc, qu’il sera en mesure de conduire un camion dès septembre après une seconde injection. Dans ces circonstances, le tribunal est donc d’avis que la preuve est loin de démontrer de façon plus que probable que cette condition personnelle, par ailleurs aucunement documentée, puisse avoir été exacerbée par la lésion professionnelle du 21 septembre 2004, mais aussi et surtout, représenter un empêchement à la capacité du travailleur d’occuper son emploi de camionneur. C’est pourquoi elle ne sera pas retenue ni prise en compte dans l’analyse du tribunal.
[194] Enfin le 14 juin 2010, le travailleur persiste et signe et décrit au docteur Hould l’état de sa condition en des termes semblables et de façon tout à fait superposable à celle qu’il décrit au docteur Morcos le 10 octobre 2006. Or, les plaintes que rapporte le travailleur au docteur Hould le 14 juin 2010 de même que la description qu’il livre de sa condition et de ses capacités physiques sont entièrement contredites par les observations contenues au rapport de filature et par la vidéo de surveillance tournée le même jour.
[195] La Commission des lésions professionnelles tient à souligner à nouveau que c’est après que les docteurs Lacasse et Dumont, tous deux orthopédistes, aient suggéré la consolidation la lésion professionnelle du 21 septembre 2004 en août 2005 et avril 2006, que la docteure Laflamme, après avoir constaté l’inefficacité de blocs facettaires et du Lyrica que, le 14 septembre 2006, elle consolidait la lésion du travailleur compte tenu de la stabilité de celle-ci et confiait le soin au docteur Morcos de procéder au rapport d’évaluation médicale. Stabilité qu'elle ne fera par la suite que constater tout au long de son suivi, et ce, en dépit d’une importante investigation dont les résultats s’avéreront tous normaux, dont les nombreux traitements, aux dires du travailleur, ne lui apporteront pour ainsi dire aucune amélioration, et ce, toujours en fonction d’un simple diagnostic de douleur au coccyx.
[196] Ce qui pour le tribunal, compte tenu de la preuve, ne signifie ni plus ni moins que depuis le 10 octobre 2006, il est plus que probable que le travailleur soit dans la même condition que celle que révèle les images captées par les vidéos de surveillance réalisées plus trois ans plus tard sur une période de près de six mois, soit entre le 27 janvier et le 14 juin 2010.
[197] À cet égard, la volonté exprimée par le travailleur, à l’occasion de la rencontre du 18 mars 2010, de toucher un montant forfaitaire et n’avoir de comptes à rendre à personne, s’inscrit parfaitement dans cette optique.
[198] D’ailleurs, les images révélées par les filatures réalisées entre le 27 janvier et le 14 juin 2010 jumelées aux constatations de l’examen clinique objectif du docteur Hould, démontrent de manière on ne peut plus évidente que le travailleur est en mesure de maintenir la position assise plus de 15 à 20 minutes de façon générale, a la capacité de maintenir la position assise beaucoup plus de 30 minutes au volant de son véhicule, que le mouvement de flexion du tronc, répétitif ou non, ne lui occasionne aucune douleur particulière et qu’il est en mesure de mettre et d’attacher ses souliers de façon tout à fait conventionnelle, le tout, contrairement et en dépit des limitations fonctionnelles octroyées par le docteur Morcos le 10 octobre 2006, sur la base d’allégation purement subjectives du travailleur.
[199] Considérant que le 14 juin 2010, le docteur Hould procède à un examen clinique objectif complet contrairement au docteur Morcos, que cet examen démontre des discordances flagrantes, que le travailleur déclare au moment de témoigner que cet examen s’est déroulé correctement et qu’au surplus, au moment de son examen, le docteur Hould dispose d’une très grande partie de la preuve de filature réalisée depuis le 27 janvier 2010, le tribunal retient son opinion et la considère probante et donc prépondérante, laquelle demeure dans les circonstances malgré tout nuancée et objective.
[200] D’une part, lorsqu’il écrit que les séquelles généralement considérées suite à une coccygectomie sont de simples douleurs résiduelles, ce qui par ailleurs est le seul diagnostic en lien avec la lésion professionnelle du 21 septembre 2004 qui fut retenu par tous les médecins qui ont examiné le travailleur.
[201] Ensuite, lorsqu’il écrit qu’il est alors suggéré de ne pas soutenir une position assise de façon très prolongée sur une surface dure, ce que le travailleur semble pourtant être en mesure de faire contrairement à ce qu’il prétend.
[202] Et d’autre part, lorsqu’il écrit que la condition du travailleur devrait être, selon toute probabilité, très tolérable sur un fauteuil rembourré, utilisant le coussin spécial confectionné en ergothérapie, lui permettant ainsi de reprendre son travail de camionneur.
[203] Ce que la preuve fortement prépondérante démontre effectivement puisque le travailleur ne démontre et ne manifeste au surplus de quelque façon que ce soit absolument aucun signe d’inconfort du fait d’être demeuré assis durant de très longues périodes consécutives, et ce, toujours contrairement à ce qu’il soutient et ce qu’il décrit au docteur Hould le 14 juin 2010.
[204] En fonction de tout ce qui précède, le présent tribunal est donc d’avis qu’il existe une preuve prépondérante et suffisamment d’indices graves, précis et concordants pour lui permettre non seulement de conclure que la lésion professionnelle du 21 septembre 2004 était bel et bien consolidée en date du 10 octobre 2006, mais aussi de conclure au renversement de la présomption d’incapacité de l’article 46 de la loi.
[205] De plus, le travailleur n’a administré aucune preuve tendant à démontrer que sa condition nécessitait d’autres mesures de réadaptation que l’utilisation de son coussin afin de lui permettre de redevenir capable d’exercer son emploi.
[206] Et ce n’est certes pas l’opinion exprimée par le docteur Watier en date du 19 mai 2011 qui permet de conclure autrement lorsqu’il écrit que le travailleur fût « très résistant au traitement médical conventionnel ». Affirmation qui, compte tenu de tout ce qui précède, revêt une tout autre signification. De toute manière, le docteur Watier continue de relier la majeure partie des problèmes du travailleur à une condition personnelle préexistante complètement étrangère à la lésion professionnelle du 21 septembre 2004 dont l’impact sur la capacité du travailleur à occuper son emploi de camionneur a fait l’objet d'une discussion plus avant.
[207] Dans les circonstances très particulières de la présente affaire, le tribunal considère que la CSST était donc justifiée le 29 juin 2010 de considérer le travailleur capable d’exercer son travail de camionneur depuis le 10 octobre 2006.
[208] Il en découle donc qu’en application des articles 57 et 48 de la loi, le travailleur avait droit au versement d’indemnités de remplacement du revenu jusqu’au 9 octobre 2007 et que la CSST était aussi justifiée de réclamer le remboursement de toutes les prestations reçues et/ou fournies après cette date, en application de l’article 430 de la loi.
[209] Enfin, le travailleur n’a administré aucune preuve à l’effet que les sommes qui lui sont réclamées seraient inexactes ou erronées.
[210] Le travailleur n’a ni plus ni moins qu’été l’artisan de son propre malheur et a de façon tout à fait consciente et sans aucune retenue durant près de trois ans bénéficié de généreuses indemnités et de coûteux services alors qu’il n’y avait pas droit et que ces indemnités auraient pu être versées, et ces services offerts, à des travailleurs dont la condition méritait et nécessitait de telles indemnités et services.
[211] Le travailleur a de plus contribué par ses agissements à véhiculer la croyance malheureusement largement répandue, mais néanmoins inexacte, qu’une majorité de travailleurs ayant subi une lésion professionnelle bénéficient pour la plupart de prestations et de services que leur condition ne requiert pas.
[212] La Commission des lésions professionnelles juge donc que le travailleur a fourni des renseignements inexacts à la CSST justifiant cette dernière de suspendre le versement d’une indemnité le 29 juin 2010.
[213] La Commission des lésions professionnelles juge de plus que la preuve prépondérante démontre que la lésion professionnelle du 21 septembre 2004 dont le diagnostic est une douleur au coccyx était de façon plus que probable consolidée le 10 octobre 2006.
[214] La Commission des lésions professionnelles juge également qu’il existe suffisamment d’indices graves, précis et concordants permettant de conclure au renversement de la présomption d’incapacité prévue à l’article 46 de la loi en date du 10 octobre 2006 et à la capacité du travailleur d’exercer son emploi de camionneur en utilisant le coussin déjà octroyé.
[215] Enfin, la Commission des lésions professionnelles juge en conséquence que la CSST était justifiée le 29 juin 2010 de réclamer au travailleur toutes les indemnités versées du 9 octobre 2007 au 29 juin 2010 les sommes déboursées dans le cadre de son plan de réadaptation, les sommes déboursées pour les frais de déplacement avec accompagnateur ainsi que celles relatives aux repas.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la contestation du travailleur, monsieur S... L...;
CONFIRME la décision rendue par la CSST le 24 novembre 2010 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la CSST était justifiée de suspendre le versement d’indemnités à compter du 29 juin 2010;
DÉCLARE que le travailleur est capable d’exercer son emploi de camionneur en utilisant le coussin qui lui a été octroyé, et ce, depuis le 10 octobre 2006;
DÉCLARE que le travailleur avait droit aux prestations prévues à la loi jusqu’au 9 octobre 2007;
DÉCLARE que la CSST est justifiée de réclamer au travailleur le remboursement de la somme de 104 246,11 $ pour toutes les indemnités de remplacement du revenu versées du 9 octobre 2007 au 29 juin 2010;
DÉCLARE que la CSST est justifiée de réclamer au travailleur le remboursement de la somme de 5 285,10 $, représentant les sommes déboursées dans le cadre de son plan de réadaptation;
DÉCLARE que la CSST est justifiée de réclamer au travailleur le remboursement de la somme de 2 953,85 $ pour les frais de déplacement avec accompagnateur ainsi que celles relatives aux repas.
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Jacques Degré |
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Me Marie-José Dandenault |
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VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON |
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Représentante de la partie intervenante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.