Houle et Québec (Ministère des Transports) |
2015 QCCFP 2 |
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COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER No : |
1301332 |
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DATE : |
23 janvier 2015 |
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DEVANT LE COMMISSAIRE : |
Me Robert Hardy |
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NORMAND HOULE
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Appelant |
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Et
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MINISTÈRE DES TRANSPORTS
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Intimé |
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DÉCISION |
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(Article 33, Loi sur la fonction publique (RLRQ, c. F-3.1.1) |
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[1] Le 1er mai 2014, monsieur Normand Houle, cadre, classe 7, au ministère des Transports du Québec (ci-après le « MTQ ») a été congédié de son emploi. Il occupait alors un poste de chef des opérations de nuit au Centre de services d’Anjou, à Montréal.
[2] La lettre de congédiement (A-2), qui lui a été remise de main à main le même jour, mentionne les motifs suivants :
Je vous avise par la présente, de ma décision de vous congédier de vos fonctions, et ce, à compter d’aujourd’hui, soit le 1er mai 2014 à 16 h 30.
Cette mesure vous est imposée pour les motifs suivants :
· Depuis le ou vers le mois de décembre 2012, à plusieurs reprises, vous avez favorisé l’entrepreneur, M. Vincent Boulay, en demandant à l’équipe de travail, sous votre supervision, d’effectuer le transport et l’enlèvement de la neige dans la bretelle « Sortie Rockland » de l’autoroute 15 sud, contrat 8507-12-4621, pour lequel le Ministère a rémunéré l’entrepreneur pour effectuer ces travaux.
· Pour avoir favorisé l’entrepreneur, M. Vincent Boulay, en l’aidant dans la gestion de ses opérations de déneigement pour le contrat 8507-12-4506.
Vous avez été avisé par votre supérieur hiérarchique, M. Rémi Sylvain, le ou vers le 5 novembre 2013, lors d’une rencontre de début de saison, de ne pas vous immiscer dans le contrat 8507-12-4621, de même qu’à plusieurs reprises par votre supérieur immédiat, M. Borislav Milisav.
En agissant ainsi, vous contrevenez à la Loi sur la fonction publique et aux règles d’éthique régissant le personnel de la fonction publique. La gravité de vos fautes est accentuée de par les fonctions d’encadrement que vous exercez et la figure d’autorité que vous détenez. Le gestionnaire se doit d’appliquer et de faire appliquer les règlements et les directives en vigueur au Ministère et d’être un exemple pour les employés. Les actes reprochés sont d’une gravité telle que l’employeur a perdu définitivement confiance en vos capacités à assumer vos fonctions en toute intégrité.
Cette mesure tient également compte des mesures antérieures à votre dossier, soit une suspension de 5 jours, le 4 novembre 2004, pour s’être approprié un tuyau, avoir utilisé le personnel, l’outillage et la machinerie du Ministère et en avoir fait don à un organisme externe ainsi qu’une suspension de 7 jours, le 23 mai 2013, pour avoir dormi dans un véhicule du Ministère. Dans les circonstances, je n’ai d’autre choix que de vous imposer la présente mesure.
[3] Quatre jours après son congédiement, M. Houle faisait appel (A-3) de cette décision. Voici l’essentiel de son appel :
Le 13 janvier 2014, mon employeur m’a relevé de mes fonctions et affecté à des tâches administratives, m’avisant que j’étais sous enquête. Vous trouverez ci-joint une lettre du 11 février 2014 confirmant cette mesure.
Par une lettre datée du 1er mai 2014, dont copie est également jointe, mon employeur m’a informé de sa décision de me congédier.
Dans les circonstances de la présente affaire, je considère que cette mesure est abusive. J’en appelle donc de cette décision et demande à la Commission de la fonction publique :
- De faire droit à mon appel
- D’annuler la décision du 1er mai 2014
- D’ordonner à l’employeur de me réintégrer dans mes fonctions de cadre 7 au ministère des Transports, avec tous mes droits et avantages et ce, rétroactivement au 1er mai 2014
- D’ordonner à l’employeur de me verser des dommages-intérêts pour les préjudices subis.
[4] Quant à l’avis du 11 février (A-1), il se lit comme suit :
La présente se veut la confirmation écrite de l’avis verbal donné le 13 janvier 2014 à l’effet que vous êtes relevé de vos fonctions de chef des opérations à compter du 13 janvier 2014 et affecté à des tâches administratives.
Votre port d’attache demeure au […] à Anjou.
M. Houle dira qu’il a plutôt, durant son relevé provisoire, été transféré à la Direction de l’Île-de-Montréal, au 500, boul. René-Lévesque.
[5] En matière disciplinaire, la pratique est qu’il revient à l’employeur de prouver le bien-fondé de la mesure qu’il a prise. La preuve de l’employeur a consisté en les témoignages dans l’ordre de M. Houle, puis d’un de ses chefs d’équipe, M. Dominique Cyr, de M. Milisav, son supérieur immédiat et chef du Centre de services d’Anjou, de M. Vincent Boulay, entrepreneur, et enfin de M. Sylvain, supérieur hiérarchique de M. Houle et chef du Service de l’exploitation du réseau, de la Direction de l’Île-de-Montréal.
LES FAITS
Selon M. Houle
[6] M. Houle expose d’abord son cheminement de carrière au MTQ. Il est entré en service au ministère en 1988 comme ouvrier de voirie à Boucherville. Trois ans plus tard environ, il est devenu chef d’équipe. Il l’était toujours, mais à Montréal, notamment fin 1997, début 1998, au moment de la crise du verglas. Puis en 2001, il est devenu cadre, soit chef des opérations au Centre de services Turcot jusqu’en 2004. Il était maintenant chef des opérations au Centre de services d’Anjou depuis dix ans.
[7] En hiver, les opérations consistent, pour deux tronçons de route dont le MTQ s’occupe en régie, à déneiger l’autoroute 40 et l’autoroute 15, dite Des Laurentides, ainsi qu’à transporter la neige de l’autoroute 15. En été, il supervisait principalement une équipe d’entretien de glissières[1] et de clôtures et une autre qui réparait les tuiles dans le tunnel Ville-Marie.
[8] M. Houle explique la différence entre le déneigement et le transport de la neige. Le déneigement consiste, lors de précipitations, à déplacer la neige sur le côté de la route avec une charrue, pour dégager les voies, et à appliquer des abrasifs et parfois de la « petite pierre » au besoin. Ces travaux se réalisent sur l’autoroute 40, d’est en ouest, à partir du pont d’étagement Champ-d’Eau, situé juste voisin de la sortie Langelier, jusqu’à environ Côte de Liesse, situé non loin de l’entrepôt de sel du Centre de services Turcot, incluant les bretelles, et sur l’autoroute 15 à partir du pont Médéric-Martin, au nord, jusqu’à la jonction avec l’autoroute 40. M. Houle supervisait quatre équipes au déneigement qui pouvait se réaliser 24 heures par jour.
[9] Le transport de la neige implique quant à lui qu’elle est soufflée dans des camions qui vont la porter ailleurs. Sur l’autoroute 15, le transport était fait en régie par le MTQ, par une des équipes de M. Houle, celle dirigée par M. Cyr, alors que pour l’autoroute 40, le transport était effectué par un sous-contractant.
[10] À partir d’une carte sommaire de l’Île-de-Montréal (I-1), intitulée Circuits d’entretien d’hiver 2013-2014, datée de novembre 2013, M. Houle, parmi plusieurs numéros et descriptions de contrats, en identifie deux : le 8507-12-4506 (ci-après le « 4506 ») et le 8507-12-4621 (ci-après le « 4621 »), qui avaient été confiés à l’entreprise de M. Boulay.
[11] Relativement au contrat 4506, d’est en ouest, du Pont Charles-de-Gaulle jusqu’au pont d’étagement Champ-d’Eau, ainsi que pour partie sur l’autoroute 25, du Centre de services d’Anjou jusqu’à l’extrémité sud du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine (ci-après « LHF »), avec une portion de l’avenue Souligny jusqu’à Dickson, l’entrepreneur devait déneiger (pousser la neige et mettre du sel) et transporter la neige. Pour ce contrat, c’est l’entrepreneur qui décide lui-même de son intervention de transport. Il envoie un message au Service d’entretien du réseau pour les aviser du moment où il compte commencer son transport et il lui est indiqué si l’heure à laquelle il veut débuter est appropriée.
[12] Le contrat 4621, par ailleurs, ne confiait à l’entrepreneur que le transport de la neige, « quand on le lui demande », de préciser M. Houle, et ce, du pont d’étagement Champ-d’Eau jusqu’à Côte-de-Liesse, en incluant les sorties. Avant, c’était lui qui avait le mandat d’aviser l’entrepreneur, mais à partir de 2014, c’est le Service d’exploitation du réseau (ci-après « SER ») qui devait le faire.
[13] Dans ce même contrat 4621, l’entrepreneur devait également faire le transport de la neige sur une courte portion de l’autoroute 15, autrement déneigée par le MTQ. La partie où la neige devait être transportée par l’entrepreneur courait depuis un virage en U, situé au nord de l’autoroute 40, et, d’après un agrandissement de la carte routière de ce secteur (I-2), plus ou moins à la hauteur de la rue Mazurette, jusqu’à l’autoroute 40. Le virage en U, devait préciser M. Houle, n’est à la disposition que des véhicules d’urgence, même les véhicules de déneigement ne peuvent l’emprunter, détail qui sera précisé plus loin. La Commission note que cette portion de l’autoroute 15 n’apparaît pas dans la reproduction du contrat 4621 de la pièce I-1 qui fournit une vue générale des divers contrats accordés pour les circuits d’entretien d’hiver de l’Île-de-Montréal.
[14] Relativement au mode de paiement des contrats, M. Houle se rappelle qu’auparavant, le transport de neige du contrat 4621 était payé 40 $ la tonne, maintenant il pense que, depuis un an ou deux, il est payé à forfait, mais il n’en est pas sûr. Pour le contrat 4506, il croit que tout est inclus dans le contrat, mais il n’en sait pas davantage.
[15] À la question de la procureure du MTQ, s’il était exact qu’il avait demandé à son chef d’équipe, M. Cyr, d’effectuer le transport de neige pour la petite portion de l’autoroute 15, du virage en U jusqu’à l’autoroute 40, M. Houle répond par la négative et s’en explique.
[16] Le MTQ exécute en régie le déneigement de toute l’autoroute 15 depuis le Pont Médéric-Martin jusqu’à l’autoroute 40, incluant les sorties dont la bretelle Rockland, située à la jonction des autoroutes 15 et 40. Sur presque toute la longueur de la portion de l’autoroute 15 visée par le contrat de l’entrepreneur pour le transport de neige, celle-ci est poussée « dans le champ parce qu’il n’y a pas d’obstacle », de dire M. Houle. Soit par les charrues de déneigement du MTQ, en régie, en dehors des voies, sur la bordure gazonnée qui longe l’autoroute, incluant pour la section de la bretelle Rockland qui mène à la voie de service qui longe l’autoroute 40, direction ouest. Cette surface gazonnée apparaît effectivement sur la carte I-2. Et M. Houle de dire :
Moi, ce que j’ai demandé à M. Cyr, quand il fait l’opération de transport de neige, je lui ai dit : « Quand tu vas descendre, j’aimerais que tu me donnes un coup de souffleur ici [en indiquant le passage sur le viaduc au-dessus de la rue Gince], où il y a une glissière, un muret de béton. » Je jugeais que ce serait plus sécuritaire.
[17] Il dira qu’il n’était pas là lorsque M. Cyr et son équipe ont réalisé l’opération, mais qu’il était lui-même passé là avant et avait vu qu’il y avait de la neige.
[18] M. Houle évalue que la section pour laquelle il avait demandé à M. Cyr de donner un coup de souffleur pouvait représenter une distance d’environ 150 pieds. Il explique également que lorsque l’équipe arrive sur la fin de son trajet nord-sud sur l’autoroute 15, depuis le Pont Médéric-Martin, elle quitte celle-ci pour aller passer plus loin sous l’autoroute 40, arrête habituellement prendre un café dans le secteur, avant de reprendre son trajet sur la section de l’autoroute 15, direction nord, cette fois depuis l’autoroute 40 jusqu’au Pont Médéric-Martin.
[19] M. Houle indique encore que sur la portion de l’autoroute 15 du contrat 4621 de l’entrepreneur, se trouvent également deux arches, supportant des panneaux de signalisation, dont les piliers sont protégés par une glissière de métal. Il estime que la première, la plus éloignée de l’autoroute 40, mesure environ 24 pouces de haut et environ 100 pieds de long. Il dit que, lorsque les charrues passent à ces endroits, les glissières font légèrement obstacle, et il peut retomber un peu de neige. Quant à la seconde, également en métal, elle vient cependant rejoindre la glissière en béton du viaduc qui passe au-dessus de la rue Gince pour une mesure globale des deux glissières d’environ 250 pieds.
[20] Et M. Houle de conclure ses explications en disant :
J’avais demandé à M. Cyr de donner le coup de souffleur pour éviter, je sais que le contracteur est supposé venir la faire, mais pour enlever le plus gros et éviter que si jamais il y avait une accumulation de neige, ça pourrait créer une rampe de lancement et pour pas qu’il y ait de danger qu’une auto tombe en bas [du viaduc sur la rue Gince]. C’est tout simplement ça pourquoi je le lui ai demandé.
[21] Une fois, M. Cyr lui aurait dit qu’au lieu de commencer à souffler au début de la glissière de béton, il avait commencé avant, au début de la glissière de métal et qu’il avait « shooté la neige » dans le champ, peut-être pour 200 pieds de plus. M. Houle rapporte qu’il lui aurait répondu qu’il n’y avait pas de problème, qu’on passe là de toute façon, que lorsque la neige est poussée vis-à-vis une glissière de sécurité, de toute façon il en reste moins et qu’il lui avait demandé cela pour une question de sécurité, qu’il ne voulait pas qu’il perde de temps là mais qu’au moins, s’il arrivait un accident à cet endroit, ils seraient protégés.
[22] M. Houle raconte qu’il y a un certain nombre d’années, il y avait eu un accident au cours duquel une automobile avait glissé le long d’un muret, était tombée en bas du boulevard Métropolitain, une personne était décédée et le MTQ avait été tenu responsable.
[23] Revenant aux évènements récents, M. Houle signale qu’il n’a pas demandé de faire ça partout, mais il s’est dit que si on passait devant et qu’on pouvait éviter cela en enlevant un peu de neige, c’était tant mieux. Il ajoute que si on n’avait pas passé là, il ne l’aurait pas demandé. Il dira plus tard que s’il avait réellement voulu s’immiscer dans le contrat de l’entrepreneur, il aurait aussi bien pu demander de passer le souffleur sur toute la courte section de l’autoroute 15 et pas juste vis-à-vis le viaduc au-dessus de la rue Gince.
[24] Et M. Houle d’ajouter qu’il tenait à dire qu’il n’avait jamais retiré de faveur de qui que ce soit pour ça.
[25] À son souvenir, il a fait cette demande-là à M. Cyr deux fois en 2013-2014; il ne se rappelle pas l’avoir demandé en 2012-2013.
[26] Le transport de neige se fait la nuit, habituellement entre 22 h et 6 h du matin.
[27] M. Houle reconnaît qu’il n’en avait pas parlé à ses supérieurs avant de demander à M. Cyr de passer le coup de souffleur. Mais, il souligne qu’à une autre occasion en particulier, il l’avait fait. On lui avait demandé d’aller faire une intervention dans le tunnel LHF pour laquelle le MTQ payait un entrepreneur en signalisation, mais il y avait tout de même un problème de sécurité, car on fermait deux voies sur trois. Il y avait une partie, qui devait être assumée par l’entrepreneur et qui n’était pas bien signalée; il avait demandé à M. Milisav s’il pouvait le faire à sa place et son supérieur lui avait dit oui. Cette fois-là, il dit qu’il a demandé la permission parce qu’on procédait à une opération majeure : on fermait deux voies sur trois dans le tunnel.
[28] Quand la procureure du MTQ demande à M. Houle s’il est conscient que le MTQ a payé un entrepreneur pour un travail qu’il n’a pas fait, selon son témoignage, à deux reprises, M. Houle répond d’abord qu’il ne sait pas si l’entrepreneur n’a pas fait son travail, car il ne l’a pas surveillé.
[29] La surveillance de l’exécution des contrats est faite par une autre équipe du SER, à propos de laquelle M. Sylvain devait témoigner plus tard.
[30] Relativement au contrat 4506, M. Houle reconnaît avoir déjà parlé avec M. Boulay qui l’avait appelé. Il se rappelle lui avoir dit, alors que s’annonçait une tempête, que s’il était à sa place, il commencerait par les voies élevées qui doivent être faites dans les 48 heures, alors que pour les voies au sol, son contrat lui accorderait jusqu’à 96 heures. Il nie cependant l’avoir appelé pour lui faire déclencher ses opérations.
[31] Quand il lui est demandé pourquoi il a pu lui-même avoir appelé M. Boulay, M. Houle raconte que le MTQ fournit du sel et qu’à deux reprises il avait dû téléphoner parce qu’il était arrivé un incident entre le conducteur du chargeur de sel du Centre de services Anjou et le chauffeur du camion de M. Boulay qui était venu s’approvisionner en sel.
[32] Une autre fois, une fin de semaine en décembre 2013 au cours de laquelle il y avait eu du verglas, il se rappelle lui avoir téléphoné pour lui signaler qu’il avait relevé de la glace sur les accotements et que cela faisait partie de son contrat de les déglacer eux aussi. Il avait fait cet appel parce que, peu de temps auparavant, M. Milisav lui avait dit : « Oublie pas Normand, les entrepreneurs, dans leur contrat, il faut que les accotements soient déglacés. » Il savait que son supérieur immédiat demeurait à l’est du pont Charles-De Gaulle et qu’il passait par l’autoroute 40, dans le secteur concerné par le contrat 4506 pour venir au travail. Alors, il s’est dit que lorsque l’occasion se présenterait, il aviserait l’entrepreneur en conséquence. Et la fin de semaine en question, il s’était étendu 2000 tonnes de sel.
[33] Lorsqu’il est fait remarquer à M. Houle que cela ne faisait pas partie de sa tâche d’appeler les entrepreneurs, il répond qu’il ne pensait pas qu’il y avait quelque chose de mal à avoir avisé M. Boulay de ce qui était prévu dans son contrat.
[34] À la même époque, M. Boulay avait eu un avertissement. M. Houle dit qu’il ne le savait pas. Ce n’est pas lui qui s’occupe de cet aspect de la gestion des contrats.
[35] Par ailleurs, M. Houle se souvient que M. Sylvain, lors d’une rencontre de planification en vue des travaux d’hiver, en novembre 2013, avait rappelé aux participants de ne pas s’immiscer dans les contrats des entrepreneurs. Il avait dit : « À partir d’aujourd’hui, c’est le SER qui s’occupe de déclencher les opérations de neige. » Il ajoute que cela « faisait son affaire », car parfois il avait des hésitations et avec la nouvelle procédure il n’aurait plus à s’en faire.
Selon M. Cyr
[36] M. Cyr travaille au MTQ depuis 2003. Il a été, jusqu’en 2012, chauffeur de divers types de véhicule, comme des charrues, des souffleuses et d’autres pour des opérations d’atténuation d’impact. Il est devenu chef d’équipe en routes et structures en 2012 et s’occupe à ce titre de transport de neige l’hiver et d’entretien l’été. Il a commencé à travailler avec M. Houle en avril de cette année-là.
[37] M. Cyr explique la composition d’un convoi de transport de neige :
- un chargeur sur roues décolle la neige de la chaussée;
- une charrue fait un andain de neige;
- une souffleuse la ramasse en la projetant soit dans un camion, soit dans un espace libre, le cas échéant, dans le champ;
- une charrue suit et épand du sel;
- deux camions atténuateurs d’impact protègent le convoi à l’arrière;
- des camionnettes ferment les entrées et sorties à l’approche du convoi : il y a la sienne située pas très loin de la souffleuse, une autre et une troisième munie d’un panneau indicateur d’une opération de « soufflage », qui suit environ 500 mètres à l’arrière du convoi;
- un camion-outils, en cas de bris durant l’opération; et enfin
- des camions, soit d’artisans, soit du MTQ, qui transportent la neige.
[38] M. Cyr affirme que M. Houle demandait de continuer, de tout faire jusqu’à la bretelle Rockland, ce qui pouvait prendre, selon la précipitation de neige, entre 30 minutes et une heure. Il estime que la distance entre le virage en U et la sortie Rockland est peut-être entre 500 mètres et un kilomètre.
[39] Selon M. Cyr, M. Houle faisait ses demandes soit par téléphone, ou ils se parlaient d’une camionnette à l’autre lorsqu’il allait les voir sur les lieux de l’opération. Il disait : « Oublie pas, quand tu vas arriver au bout, sors à Rockland, fais-la en passant. » Au procureur de M. Houle qui lui demande de répéter, M. Cyr reprend en disant : « J’ai dit, j’ai dit : Quand il était à côté de moi, oublie pas, quand tu vas arriver au bout, quand tu vas sortir à Rockland, continue et fais la bretelle jusqu’à Rockland. »
[40] Interrogé sur les conséquences de faire cette portion des travaux de transport, M. Cyr mentionne que ça retardait son circuit qui devait le ramener sur le même trajet mais en direction nord. Si cela prenait 45 minutes pour ce tronçon-là, ça retardait le reste et parfois si le temps manquait pour finir, il fallait revenir le lendemain.
[41] En ce qui concerne les camions d’artisans, comme ils sont payés à l’heure, cela allongeait le temps et le coût.
[42] À la question de combien de fois il avait pu informer M. Houle que ça ne faisait pas partie de ses tâches de faire cette portion-là, M. Cyr dit qu’il ne le sait pas exactement, mais il mentionne l’avoir dit à plusieurs reprises. Il dit que M. Houle lui répondait : « C’est pas grave, on passe par là, fais-le. »
[43] Interrogé par rapport à une opération particulière qui serait survenue au cours de la période des fêtes 2012-2013, M. Cyr raconte qu’il y avait eu une forte tempête d’environ 45 centimètres de neige, le 27 décembre, et cela en faisait beaucoup à souffler : « Lorsqu’on est arrivé dans ce coin-là, il m’a dit : "Continue, fais la bretelle quand même." Je lui ai dit qu’on avait déjà beaucoup de neige sur notre propre réseau. » M. Houle lui aurait alors répondu : « Il y a Boulay sur la 40 aussi; il ne réussira pas à finir. »
[44] En contre-interrogatoire, M. Cyr précise qu’il travaillait toujours de nuit, son quart de travail commençant à 20 h 19, pour se terminer à 6 h le lendemain matin. Il explique que c’est une autre équipe qui fait le déneigement, sur un autre horaire de travail. La sienne ne fait que le transport de la neige. Il ne se rappelle pas s’il y avait eu en 2012 d’autres opérations de transport avant celle du 27 décembre, dont il a un bon souvenir pour être resté pris dans sa rue. Par ailleurs, il ne sait pas combien il a pu y avoir d’autres opérations de transport après cette période des fêtes.
[45] Quant à la durée de l’opération globale de transport pour le circuit qu’il couvre, comprendre du Pont Médéric-Martin au virage en U, M. Cyr l’évalue à une nuit s’il est tombé 15 centimètres ou moins de neige et deux nuits si la précipitation a été plutôt de 30 centimètres. À son souvenir, ce n’est que lors de la tempête du 27 décembre 2012 qu’il a fallu plus de deux jours pour compléter l’opération.
[46] Il reconnaît par ailleurs que son évaluation de la distance de 500 mètres à un kilomètre, du virage en U à la jonction avec l’autoroute 40 était approximative, « au pif ».
[47] Il est d’accord que la neige est soufflée sur le terre-plein lorsqu’il n’y a pas d’obstacle, pour l’être plutôt dans un camion lorsqu’on se trouve sur un viaduc comme celui au-dessus de la rue Gince. Quant au nombre de camions nécessaires pour la longueur de ce viaduc, M. Cyr suggère de un à trois camions, selon l’ampleur de la précipitation; si elle est de 15 centimètres, il se peut qu’il ne faille qu’un camion, dit-il.
[48] En ce qui a trait aux pauses, M. Cyr mentionne que durant une opération de transport de neige, les gens n’arrêtent pas manger, mais plutôt, après la sortie de Rockland, peut-être 15 minutes, prendre un café.
[49] Enfin, en matière de temps supplémentaire, M. Cyr affirme qu’à chaque opération de transport, il s’en fait pour organiser l’opération. Par exemple, le souffleur doit être monté sur un fardier pour l’apporter sur les lieux de l’opération; le personnel arrive alors avant 19 heures.
[50] Réinterrogé par la procureure du MTQ s’il avait fait des heures supplémentaires en décembre 2013, M. Cyr répond que oui, en précisant : « On en fait à l’année longue du temps supplémentaire. »
Selon M. Milisav
[51] M. Milisav est ingénieur et cadre, classe 3. Il a commencé à travailler au MTQ en 2002 sur la Côte-Nord et pour la Direction de l’Île-de-Montréal à compter de 2006, toujours à titre d’ingénieur. Il a été promu cadre, classe 4, en décembre 2010, comme chef du Centre d’opérations Anjou, Turcot, tunnels et stations de pompage, où était situé son port d’attache. Depuis le 7 juillet 2014, M. Milisav est chef du Service inventaires et plans.
[52] Il a été le supérieur de M. Houle de décembre 2010 à janvier 2014.
[53] Il était présent lors de la réunion du début de la saison hivernale 2013-2014, tenue au centre-ville à l’initiative de M. Sylvain, alors que ce dernier a demandé, à l’ensemble des gestionnaires sous sa responsabilité, de respecter la hiérarchie au niveau de la gestion contractuelle, de ne pas s’y ingérer. Le groupe de participants à la rencontre comprenait, outre lui-même, sept contremaîtres (les chefs des opérations) et le chef du Centre intégré de la gestion de la circulation.
[54] Il se rappelle avoir répété le même message lors de réunions de gestion de son centre, devant les contremaîtres.
[55] M. Milisav raconte aussi que M. Houle avait l’habitude d’entrer dans son bureau chaque matin et de lui donner les informations sur ce qui s’était passé durant la nuit. Au début de la saison 2013-2014, un matin, M. Houle l’a informé qu’il y avait un andain important de neige le long d’une glissière de béton sur l’autoroute 40, le boulevard Métropolitain, qui méritait, selon lui, du transport de neige.
[56] M. Milisav dit lui avoir répondu qu’il allait vérifier, en parler avec M. Sylvain et avoir profité de l’occasion pour le sensibiliser de ne pas s’immiscer dans la gestion de ces contrats-là. Il dit qu’il avait été surpris qu’un seul circuit, celui de M. Houle, ait besoin d’un transport de neige et il avait dit à M. Sylvain d’envoyer ses propres surveillants.
[57] M. Milisav raconte également qu’un autre matin, M. Houle était allé à son bureau pour lui faire part d’un incident entre lui et un entrepreneur en signalisation, sous-traitant de l’entrepreneur Boulay. À cette occasion-là également, il lui avait signalé qu’il n’avait pas à se « chicaner » avec un sous-traitant d’un entrepreneur d’un contrat qui n’était pas sous leur responsabilité. Par ailleurs, M. Milisav reconnaît qu’il n’avait pas vérifié avec l’entrepreneur ce qui s’était passé car ce n’était pas avec lui que le MTQ avait un contrat, c’était un sous-traitant de l’entrepreneur général; il a plutôt avisé M. Sylvain.
[58] Ce sont les occasions dont M. Milisav dit se souvenir avoir informé M. Houle de ne pas s’immiscer dans la gestion des contrats.
[59] M. Milisav résume les échanges survenus lors de la rencontre du 4 avril 2014 avec M. Houle, préalable à son congédiement et à laquelle assistaient M. Sylvain, Mme Line Roussin[2], Mme Isabelle Fournier, représentante de l’Alliance des cadres de l’État et lui-même.
[60] Il se souvient qu’il était question de l’enlèvement et du transport de la neige de la bretelle Rockland. M. Houle avait confirmé que le transport de neige de cette bretelle avait été fait à sa demande expresse, qu’il savait que cette bretelle était visée par un contrat confié à un entrepreneur. Il avait dit avoir agi pour des raisons de sécurité, qu’il n’avait pas trop détaillées et avoir reconnu l’avoir fait sans avertir aucun de ses supérieurs.
[61] M. Milisav se rappelle que M. Houle avait également dit ne s’être jamais immiscé dans la gestion contractuelle des opérations de l’entrepreneur Boulay. Cet entrepreneur, incidemment détenteur des deux contrats 4506 et 4621, a été l’objet d’une réprimande de la part du MTQ. M. Milisav explique que celle-ci avait suivi une rencontre qu’il avait commandée et à laquelle avaient participé M. Yves Trudel, contremaître sous sa gestion, M. Mamoudou Kaba, l’ingénieur responsable de la surveillance des contrats de type 45, et l’entrepreneur, au motif que ce dernier n’avait pas transporté à une occasion la neige sur son circuit.
[62] À la suite de la contestation de la réprimande par l’entrepreneur, M. Milisav a demandé à MM. Trudel et Kaba de rencontrer M. Boulay pour mieux comprendre la situation. Finalement, la réprimande a été retirée parce que M. Boulay avait dit que c’était toujours M. Houle qui déclenchait les opérations et qu’étant donné qu’il n’avait pas reçu d’appel, il n’a pas considéré important d’agir. Pour lui, cela fonctionnait comme cela. On avait alors demandé à l’entrepreneur de réaliser les travaux et il les avait faits.
[63] Considérant les précisions obtenues, après consultation de M. Sylvain, il avait été décidé d’annuler la réprimande. En contre-interrogatoire, M. Milisav confirmera qu’à sa connaissance, la copie de la réprimande n’avait pas été remise à ce moment-là à M. Houle et que ce dernier n’avait pas davantage été informé des suites du dossier, notamment de l’annulation de la réprimande.
[64] Lorsqu’à la même rencontre du 4 avril 2014, il a été demandé à M. Houle s’il déclenchait les opérations, ce dernier a dit que ce n’était pas le cas, mais qu’il était en contact avec cet entrepreneur et qu’il établissait conjointement les priorités des interventions. M. Houle se serait expliqué comme suit : « Vincent m’appelle et me demande s’il faut transporter. Je lui disais : "Je ne sais pas pour toi. Moi, je vais transporter." En contre-interrogatoire, M. Milisav précisera que M. Houle avait dit que M. Boulay l’appelait parfois et qu’il lui était arrivé de l’appeler, mais il n’a pas vérifié cela davantage.
[65] Par ailleurs, au fil des échanges, M. Houle avait dit qu’il n’avait pas eu de contact avec d’autres entrepreneurs. Il avait aussi prétendu qu’il n’avait commis aucune faute, parce qu’il avait fait faire le travail dans la bretelle Rockland pour protéger l’image du ministère.
[66] M. Milisav raconte également qu’il avait interrogé M. Houle au sujet d’un incident relatif à des photos qu’il avait prises de l’ensemble du réseau routier de l’Île-de-Montréal et lui avait remises. Sa prise de photos était survenue le dimanche, 22 décembre 2013, au lendemain du rapport de collègues qui avaient fait un tour d’inspection du réseau le samedi et avaient constaté des problèmes d’état de la route dans un circuit sous la responsabilité de M. Boulay. En lui remettant les photos, M. Houle lui avait dit qu’on voyait bien que l’état du réseau était le même partout. Surpris du fait que M. Houle avait dit que c’était la première fois de sa carrière qu’il prenait des photos, M. Milisav lui avait demandé pourquoi il les avait prises, s’il y avait un lien avec les observations de la veille de ses collègues. M. Houle lui avait répondu qu’il avait juste fait son travail d’inspection. M. Milisav, par ailleurs, va confirmer qu’effectivement, le dimanche en question, M. Houle avait dans ses tâches de faire de l’inspection. La preuve n’a pas révélé quel était finalement cette fois-là l’état du circuit sous la gouverne de M. Houle.
[67] M. Milisav expose ainsi les raisons pour lesquelles il était en accord avec la décision de congédier M. Houle :
- Parce que M. Houle avait confirmé qu’il avait réalisé les travaux de transport de neige rattachés à la bretelle Rockland, sachant que ces travaux étaient prévus dans un contrat;
- Parce qu’il n’avait vu aucun signe de reconnaissance de sa faute par M. Houle lors de la rencontre préalable à son congédiement;
- Parce qu’il y avait déjà des mesures disciplinaires à son dossier;
- Parce qu’il avait agi malgré plusieurs avertissements de ne pas s’immiscer dans la gestion des contrats;
- Parce que lui-même était responsable de sept gestionnaires, dont deux qui travaillent de nuit, et qu’il n’avait plus confiance de voir M. Houle exercer des travaux qui nécessiteraient une grande autonomie et de l’intégrité.
[68] Enfin, M. Milisav se dit aussi pourquoi, si la bretelle Rockland était dans un grand état de dangerosité, on ne l’avait pas fait lors de la première nuit d’opération et pourquoi on n’avait pas demandé au responsable des contrats d’intervenir et d’exécuter les travaux.
[69] De plus, à sa connaissance, cette bretelle n’est pas celle qui est la plus sollicitée, alors qu’il y a aussi d’autres voies surélevées où il y a beaucoup plus de véhicules qui circulent, qui nécessitaient aussi des travaux. M. Houle n’avait pas réussi à le convaincre qu’elle méritait de passer si haut sur la liste des priorités. Enfin, si c’était si problématique, pourquoi il n’en a pas parlé à personne.
La version de l’entrepreneur
[70] M. Vincent Boulay est un entrepreneur de Saint-Hyacinthe et lors des saisons hivernales 2012-2013 et 2013-2014, il détenait les deux contrats 4506 et 4621.
À propos du contrat 4506
[71] Relativement au contrat 4506 qui impliquait le déneigement et le transport de neige sur une section de plusieurs kilomètres notamment de l’autoroute 40 et de l’autoroute 25, la procureure du MTQ lui présente la lettre de réprimande qui lui a été adressée le 30 janvier 2014. Il lui était reproché de ne pas avoir effectué les opérations de transport de neige dans le délai prévu à son contrat et lorsque la procureure lui demande pourquoi, M. Boulay répond :
- Selon moi, il n’y avait pas de quantité de neige suffisante pour faire le ramassage de la neige cette fois-là.
- Est-ce que c’est la seule raison?
- J’ai donné aussi comme raison que normalement, souvent ce qui arrivait dans l’hiver, quand il y avait une quantité de neige, comme celle-là, très basse, il avait tombé 7, 8 centimètres, jusqu’à 10 centimètres on ne savait pas si on devait ramasser ou pas, parce que dans le devis c’est écrit qu’il faut ramasser la neige, selon, pour ne pas mettre en danger la sécurité des usagers de la route. C’est quand même assez…, d’une personne à l’autre, ça peut varier l’interprétation de ça. Ce qui est arrivé souvent, dans ces temps-là où il n’y avait pas beaucoup de neige, j’avais un contact avec quelqu’un du ministère, qui pouvait être M. Houle, Mme Geneviève Marchand, ou quelqu’un qui était sur le terrain, un contremaître, j’ai de la misère à dire si c’était un contremaître ou un surveillant, je lui demandais l’avis : « est-ce qu’il y a suffisamment de neige pour la ramasser. » Quand je n’étais pas sûr. C’est sûr quand il y avait 25, 30 centimètres, on n’avait pas à le demander, on le faisait. C’est juste quand il n’y en avait pas beaucoup. Et cette fois-là, à 7, 8 centimètres, j’avais pas jugé qu’il y avait assez de neige et j’avais pas parlé à personne du ministère.
- Êtes-vous certain que c’est l’explication que vous avez donnée?
[72] On montre alors à M. Boulay la lettre du MTQ du 12 février lui annonçant que la réprimande était annulée et dans laquelle on peut lire :
Considérant votre réaction rapide pour la réalisation des travaux demandés, considérant votre bonne volonté à coopérer pour le suivi des travaux et étant donné que vous aviez l’habitude de recevoir un appel de notre part pour le déclenchement des opérations de transport de neige et que lors des précipitations du 27 janvier dernier, vous n’avez pas reçu d’appel, nous désirons vous informer qu’après analyse du dossier, nous acceptons d’annuler l’avis de réprimande no 3 de votre dossier.
Après lecture et la question de la procureure du MTQ s’il maintenait sa version, M. Boulay répond : « Oui. ». Et à la question additionnelle s’il était sûr que ce qu’il venait de dire était ce qu’il avait dit aux gens du ministère qui l’avaient rencontré à la suite de sa contestation de la réprimande, M. Boulay répète que oui, en ajoutant qu’on n’avait pas alors précisé le nombre de centimètres.
C’est juste quand la précipitation est limite. C’est sûr quand il y a 25 centimètres, on ne se pose pas la question. À 8 centimètres, mon jugement me disait de ne pas la ramasser. C’est sûr que c’est tout le temps bon d’avoir un avis du donneur d’ouvrage qui a plus d’expérience que nous pour savoir si on pense la même chose.
[73] Il est présenté alors à M. Boulay une déclaration statutaire qu’il aurait faite le 20 février 2014, dans le cadre de l’enquête du MTQ postérieure au relevé provisoire verbal de M. Houle du 13 janvier 2014. La Commission note que cette déclaration, rédigée sur un formulaire du MTQ, comporte trois pages et son texte a été écrit, selon toute vraisemblance, par la commissaire à l’assermentation qui l’a reçue : le mot « Hyacinthe » en début de déclaration est de la même écriture que celle du même mot dans son affirmation solennelle du bas de la page.
[74] On y apprend les circonstances dans lesquelles M. Boulay est devenu propriétaire des entreprises qui ont obtenu des contrats du MTQ. Son premier remonte à la saison 2006-2007, période où il a connu M. Houle. De la suite, la Commission retient ces passages pertinents (sans en corriger la rédaction):
C’est d’ailleurs pendant cette période que j’ai connu Normand Houle car c’était le gars qu’on voyait le plus. Personnellement, je m’occupe de la planification pour les opérations de transport de neige et je fais affaire avec Normand Houle pour la planification. J’ai plus de contacte avec Normand Houle que les surveillants de contrat du MTQ comme Richard Tanguay ou Guy Bouchard. J’ai parlé à Christian Ouimet et Denis Lapointe et depuis 2-3 semaines que je communique avec Adrien Rochon et plus souvent depuis les dernières semaines avec M. Labeaume qui remplace M. Houle. Je parlais à M. Houle surtout lorsqu’il y avait des opérations à planifier. Je n’ai jamais été prendre un café avec lui on ne se fréquente pas personnellement. Dans les opérations je travaille principalement de nuit tout comme M. Houle et c’est pour cela que je le connais plus que les autres. […] En ce qui concerne les appels du 21 et 22 décembre 2013, à ma connaissance c’était pour planifier les opérations pour le 23 déc 2013 (appels à Normand Houle). Après l’opération de soufflage pour le contrat 4506 j’ai reçu une réprimande pour ne pas avoir souffler dans le délai prescrit. Normalement, Normand Houle m’appelait pour m’aviser si le soufflage était nécessaire sur mon contrat 4506 comme un mentor. Comme il ne m’a pas avisé pour le 27 janvier au 30 janvier 2014 j’ai pensé que cela n’était pas nécessaire. À la suite de la rencontre avec le MTQ pour cette réprimande elle a été annulé. Je me souviens 1X [une fois] que M. Houle m’a téléphoné pour toi dire que mes accottements n’étaient pas propre. Mais les autres fois c’était pour planifier des opérations de transport de neige. Mes appels avec M. Houle étaient pour avoir conseils car ce dernier a plus d’expérience que lui en ce qui concerne le déneigement. Depuis que M. Houle n’est plus en poste, je l’ai téléphoné 1x mais il ne voulait pas me parler. Je trouverais regrettable qu’il perde son emploi parce qu’on parle ensemble.
[75] M. Boulay raconte que la commissaire à l’assermentation qui lui a fait signer cette déclaration était venue le rencontrer à son bureau, avec une autre personne dont il ne se rappelle pas le nom. Ils ont parlé pendant environ une heure, puis elle s’est retirée pour écrire le document qu’elle lui a fait signer ensuite. Certains endroits où apparaissent les initiales de M. Boulay sont des corrections qu’il a paraphées.
[76] M. Boulay mentionne aussi que l’enquêtrice lui avait dit qu’elle avait un relevé téléphonique démontrant que M. Houle l’avait appelé. Selon lui, c’était la fois qu’il lui avait dit que ses accotements n’étaient pas assez nettoyés.
[77] Quand la procureure du MTQ lui demande ce qu’il voulait dire dans sa déclaration par : « les autres fois, c’était pour planifier des opérations de transport de neige », M. Boulay explique que cela revenait à ce qu’il avait déjà expliqué, à savoir que lorsqu’il y avait des accumulations dont il n’était pas certain de « faire le ramassage », souvent il demandait à M. Houle : « On devrait tu souffler? ». « C’est ça que je voulais expliquer quand j’étais pas sûr. »
[78] Quand on indique à M. Boulay le passage où il est dit que M. Houle l’appelait pour l’aviser « comme un mentor », il répond que ce mot a été utilisé par l’enquêtrice, mais que ce n’est pas un mot dans son vocabulaire à lui. Il convient cependant que son idée était que quand il avait des questions, il fallait se référer à des gens qui avaient beaucoup plus d’expérience, M. Houle ou une autre personne, et c’est ça qu’il faisait.
À propos du contrat 4621
[79] En ce qui concerne le contrat 4621 qui ne comporte que le transport de la neige, soit sur une assez longue distance de l’autoroute 40, depuis le pont d’étagement Champ-d’Eau jusqu’à Côte-de-Liesse, ainsi que la section de l’autoroute 15 qui jouxte l’autoroute 40 incluant le viaduc surplombant la rue Gince, il se rappelle avoir réalisé ces travaux, quant à cette seconde partie de son circuit, au moins deux fois à la fin de l’hiver 2014, mais il ne se souvient pas de l’avoir fait en 2012-2013. Voici le contenu de la déclaration écrite à ce sujet :
Dans le contrat 4621 le O.K. pour le déclenchement de l’opération de transport de neige c’est M. Réal Gratton, le 19 décembre 2012 qui me l’a donné. Il y avait un peu moins de mètre cube que la moyenne de neige à transporter mais en regardant la 4ième c’était à peu près la même chose (4ième opération 2012-2013). Dans le contrat 4621 la plus grande difficulté est le délai à respecter. Mais cela est plus un problème d’entrepreneur. La bretelle Chemin Rockland dans le contrat 4621 n’a jamais été fait par ma compagnie ce n’est que le 14-15 février 2014 lors de l’opération # 4 que Réal Gratton ou Monica (l’adjointe de M. Gratton) m’a demandé de la faire. J’évalue cette bretelle à 15 minutes d’opérations. Depuis que j’ai ce contrat, je n’ai jamais reçu un avis de non-conformité pour ne pas avoir fait cette bretelle. Je ne me posais pas la question de la faire parce que la circulation passait sur cette bretelle. Mais je reconnais que c’était de ma responsabilité de la faire car elle était sur le devis de mon contrat 4621. […]
[80] Appelé à commenter ce contrat, M. Boulay dit que, lors de la rencontre avec l’enquêtrice, il s’était fait poser des questions à savoir s’il avait fait la bretelle Rockland lors de son opération. Il avait répondu que c’est certain qu’il l’avait faite les 14 et 15 février 2014, mais qu’il ne se souvenait pas l’avoir faite avant, durant la saison 2013-2014, et dans l’année précédente il ne se souvenait pas non plus l’avoir faite.
[81] En contre-interrogatoire, M. Boulay va affirmer que les seules relations qu’il a eues avec M. Houle sont celles qui sont reliées à ses contrats, comme c’est décrit dans la déclaration. Il n’a pas d’entente avec lui, ne lui a jamais rien payé, ni donné de services.
[82] Relativement au contrat 4621, M. Boulay explique que M. Gratton est le surveillant ou le responsable de ce contrat pour le MTQ. C’est lui qui l’avait appelé pour le déclenchement des travaux des 19 et 20 décembre 2012 : « Il est là du début à la fin des travaux qu’on exécute pendant les deux nuits. » Lors de la rencontre avec l’enquêtrice, des échanges étaient survenus pour comparer les quantités de neige avec une opération menée en 2014. Alors que l’enquêtrice disait que cette dernière avait été déclenchée par M. Houle alors qu’elle n’aurait pas dû l’être parce que les quantités de neige n’étaient pas suffisantes, M. Boulay mentionne : « Je lui ai donné mes courriels en preuve que l’opération avait été déclenchée par M. Gratton et non M. Houle, courriels à l’appui que j’ai fournis à Mme […] en lui envoyant par courriel dans les jours qui ont suivi mon interrogatoire. » La Commission note tout de suite que, suivant l’organigramme du SER (I-8-A), M. Gratton est un technicien en travaux publics qui travaille sous la supervision directe de M. Sylvain.
[83] Dans ses premières années de contrat avec le MTQ, M. Boulay participait lui-même aux opérations, souvent comme chauffeur de souffleuse; c’était à l’époque où il n’avait qu’un contrat. Maintenant, comme en 2012-2013 et en 2013-2014, qu’il en a plusieurs, il est très rarement dans les opérations. Par contre, il était presque tout le temps, durant la nuit, quand même sur le terrain et se déplaçait d’un lieu d’exécution d’un contrat à un autre. Il peut changer d’endroit sept ou huit fois durant la nuit pour s’assurer que les travaux sont réalisés correctement et qu’on respecte les délais.
[84] Par ailleurs, M. Boulay dispose lui aussi de contremaîtres pour l’assister dans ses opérations. Il en a trois; ils sont toujours sur le terrain et ce sont eux qui échangent avec des personnes du MTQ comme MM. Tanguay, Bouchard, Ouimet et Lapointe, dont les noms sont mentionnés dans la déclaration. Selon l’organigramme de la Structure organisationnelle des centres d’opérations d’Anjou, Turcot, tunnels et stations de pompage (I-8-B), les deux premiers sont surveillants de contrats, M. Tanguay de jour et M. Bouchard de nuit, et les deux autres, des chefs des opérations, M. Lapointe, de jour au Centre Turcot et M. Ouimet, de jour à Anjou, comme M. Houle qui y travaille pour sa part de nuit.
Selon M. Sylvain
[85] M. Rémi Sylvain est chef du service de l’exploitation du réseau, à la Direction de l’Île-de-Montréal. Il travaille au MTQ depuis 1991. Il a été d’abord gestionnaire en expropriation en Abitibi-Témiscamingue pendant deux ans, puis chef du service du soutien à la gestion pendant quatre ans. En 1997, il a été transféré en Outaouais, à titre de chef du service de liaison avec les partenaires et les usagers, où il a ensuite de nouveau occupé des fonctions de chef du service du soutien à la gestion. En février 2007, il a été promu chef des centres d’opération à la Direction de l’Île-de-Montréal et enfin promu à son emploi actuel en 2010 où il a environ 250 employés sous sa responsabilité.
[86] Le rôle principal de M. Sylvain en période hivernale consiste à s’assurer que le réseau routier est entretenu selon les normes et que les contrats conclus avec des entrepreneurs sont respectés, dont le contrat 4621, soit les contrats de transport et de « soufflage » de neige. Il est le supérieur immédiat des surveillants de ces contrats dont M. Gratton.
[87] M. Sylvain commente sommairement le Devis spécial (I-9) de ce contrat qui comporte une quarantaine de pages. On y constate, à la page 5, que sept bretelles sont visées pour la partie de l’échangeur des Laurentides de l’autoroute 15 avec l’autoroute 40, dont la bretelle Rockland. À la page suivante, on mentionne que l’avis d’intervention donné à l’entrepreneur par le MTQ est d’abord signifié par téléphone, puis confirmé par télécopie. Un Plan de localisation (page 31) permet de voir que le début de la voie menant à la bretelle Rockland se situe un peu avant que l’autoroute 15 ne passe au-dessus de la rue Gince.
[88] Ce type de contrat est appelé à l’acte. À chaque fois que l’entrepreneur reçoit un avis d’intervention, il doit procéder. C’est le MTQ qui décide quand il y a ou non soufflage et transport de neige. Comme l’autoroute 40 est en majeure partie en voies surélevées, ce contrat comporte surtout du transport de neige. Là où on peut souffler, il va sans dire qu’il faut éviter que la neige soit projetée sur des voies de service.
[89] M. Sylvain indique que le déclenchement d’une opération est décidé par le surveillant du contrat et par lui-même à titre de responsable des surveillants de ce contrat. Si la précipitation est de 45 centimètres, la question ne se pose même pas, on procède. Mais lorsqu’elle est de 8, 10, 12 ou 15 centimètres, il faut faire preuve de jugement. Or, M. Lapointe, chef des opérations à Turcot, qui habite à Repentigny, emprunte l’autoroute 40 chaque matin, depuis le pont Charles-De Gaulle jusqu’à l’échangeur Décary, où il passe par l’autoroute 15 sud pour se rendre au travail au moment du changement de quart de travail, généralement avant six heures. On a ainsi l’opinion d’un chef d’opérations très tôt le matin sur l’opportunité de déclencher ou non une opération. Celui-ci discute avec le surveillant du contrat et s’il persiste un doute, quelqu’un peut se déplacer sur le réseau, le tout pour être en mesure de donner un signal le plus tôt possible, mais avant midi.
[90] À la Commission qui lui demande ce qu’il faut entendre par le terme « bretelle » et où elle commençait sur le plan de localisation, M. Sylvain répond que, d’après lui, ce qu’il a entendu à l’audience l’amène à dire que les gens parlaient de la distance à partir du virage en U, mais que, selon la définition exacte du terme « bretelle », son début se situait plutôt à un endroit qu’il indique et où se divise, sur le plan de localisation (page 32), l’autoroute 15 entre les voies qui vont vers la 40 est et la 40 ouest. La Commission constate, sur le même plan, que la voie vers la 40 ouest se divise à nouveau un peu plus loin pour, sur sa droite, marquer le début de la bretelle Rockland qui va surplomber, encore un peu plus loin, la rue Gince.
[91] Par ailleurs, M. Sylvain explique que pour chaque opération déclenchée pour le contrat 4621, pour chaque envoi de courriel, l’entreprise de M. Boulay recevait un montant de 168 000 $. En comparaison, pour chaque opération du contrat 4506, l’entreprise de M. Boulay recevait environ 1,5 million$; dans ce cas, il faut retenir qu’il avait à effectuer le déneigement et le déglaçage, en plus du « soufflage » et du transport de la neige.
[92] Le délai pour réaliser les travaux varie selon la nature des voies à entretenir; il est de 48 heures pour les voies surélevées et de 96 heures pour les voies au sol. Dans le cas par exemple du contrat 4621, l’entreprise de M. Boulay ne recevait que 168 000 $ que l’opération ait pris 48 ou 96 heures, comme en fait preuve le tableau (I-10) des cinq opérations qu’il a réalisées au cours de la saison 2012-2013.
[93] M. Sylvain survole rapidement deux séries de tableaux intitulés « Suivi de l’enlèvement et du transport de la neige », pour les saisons 2012-2013 et 2013-2014. Ils présentent de façon très détaillée la liste des éléments, accotements et autres dispositifs à dégager, accompagnés de plus ou moins de commentaires. Par exemple, la Commission peut constater qu’à la première opération de 2012-2013, les 20 et 21 décembre 2012, il est noté que M. Houle a avisé que la bretelle de la voie de service Rockland n’a pas été faite parce qu’il fallait terminer rapidement à cause de la température. Pour les autres opérations de 2012-2013 et les deux premières de 2013-2014, soit jusqu’à celle incluant l’opération du 22 décembre 2013, la case correspondante à cette bretelle est cochée, indiquant qu’elle a été faite.
[94] M. Sylvain raconte ensuite ce qu’il a été à même de constater personnellement, au soir du 17 décembre 2013, à l’occasion d’une tournée hebdomadaire qu’il faisait du réseau. Il savait qu’il y avait une opération de « soufflage » ce soir-là et il voulait voir comment se déroulait l’opération en régie sur l’autoroute 15 nord.
[95] Quelque temps après 21 h, en empruntant la bretelle menant de l’autoroute 40 à la 15 nord, il a remarqué que l’équipe en régie était au travail sur les voies au sud du virage en U, et ce, en direction sud, un peu avant le viaduc au-dessus de la rue Gince. Après avoir pris lui-même la direction sud, un peu plus loin, il n’a plus revu le convoi et s’est rendu au centre d’opérations Turcot où le chef du centre s’est joint à lui pour la poursuite de sa ronde du circuit de l’ouest de l’Île.
[96] Vers 2 h du matin, ils se sont retrouvés près du convoi qui se trouvait alors en direction nord, sur l’autoroute 15, dans lequel leur véhicule s’est inséré. Ils ont pu échanger rapidement, une discussion de 30 secondes, avec M. Cyr, étant donné qu’il était en déplacement. Celui-ci leur a confirmé que c’était bien son convoi qui avait été vu dans la bretelle Rockland et qu’il l’avait fait à la demande de M. Houle.
[97] M. Sylvain en a été particulièrement choqué. Il explique qu’en décembre 2013, les gestionnaires avaient été interpellés par la haute direction du MTQ, il ne se rappelle même plus le nombre de fois, au niveau de l’éthique, soit par écrit, soit par des messages sur l’intranet du ministère. Les messages avaient été passés à la réunion annuelle des chefs des opérations, alors que les journaux rapportaient ce qui se passait en long et en large à la Commission Charbonneau[3]. Revenu chez lui au milieu de cette nuit-là, il en a été incapable de dormir.
[98] Dans l’après-midi, M. Sylvain a raconté ce qu’il avait constaté, à son patron, le directeur de l’Île-de-Montréal, M. Fadi Moubayed, qui lui a dit que l’affaire allait être confiée au service des enquêtes du ministère. C’est ainsi que M. Houle a été relevé de ses fonctions le 13 janvier 2014 et affecté à des tâches administratives en raison de l’enquête. Ce n’est que vers la fin mars, début avril que M. Sylvain a été informé des résultats.
[99] Ils concluaient qu’il y avait eu favoritisme envers l’entrepreneur Boulay. La principale marque à cet effet concernait le soufflage de la bretelle du chemin Rockland. Pour M. Boulay, c’est un « péché mortel » d’intervenir sur le réseau d’un entrepreneur, à moins de conditions très particulières. Les deux conditions de base pour ce faire sont la présence d’un défaut d’exécution ou que la sécurité des usagers soit compromise.
[100] Pour illustrer le caractère particulier d’une possible intervention, M. Sylvain raconte une occasion où il avait eu à intervenir, alors qu’il était chef des centres d’opérations, aux environs de 2008. Un entrepreneur avait refusé de faire le soufflage prévu dans son contrat pour une raison opérationnelle. On avait dû attendre l’expiration du délai de 48 heures qu’il avait pour s’exécuter, tenir ensuite une réunion de chantier avec lui au cours de laquelle il avait confirmé qu’il ne ferait pas le travail. Il en avait alors parlé à son patron, qui lui en avait discuté avec le sien, car on savait qu’il y aurait une contestation d’avoir finalement confié le travail à un autre entrepreneur.
[101] Par ailleurs, à l’audience, M. Sylvain commente le rapport d’une rencontre (I-13) tenue avec M. Boulay, le 4 février 2014, pour clarifier la question du déclenchement des opérations et de la contestation de son avis de réprimande. Pour le MTQ, y participaient M. Kaba, ingénieur surveillant au centre d’opérations Anjou, M. Trudel, chef des opérations, et Mme Marchand, technicienne en travaux publics, classe principale. Le rapport reprend les explications de M. Boulay vues précédemment. À ce dernier qui demandait quoi faire lorsqu’il avait un doute sur l’opportunité de déclencher une opération dans le cadre du contrat 4506, M. Kaba lui a suggéré de communiquer avec M. Ouimet, chef des opérations de jour, ou M. Labeaume qui travaille de nuit. Il est mentionné dans le rapport (I-13, page 3) :
4. Communication pour déclenchement du soufflage
M. Kaba rappelle que l’entrepreneur a la responsabilité du déclenchement des opérations. Dans le cas où il y aurait un doute, nous avons remis les numéros de téléphone de M. Labeaume et de M. Ouimet pour que M. Boulay puisse valider s’il y a des opérations de prévues par d’autres entrepreneurs.
[102] M. Sylvain aborde également la rencontre préalable à la réprimande. Il a alors été beaucoup question du soufflage de la bretelle, selon M. Sylvain. Il a demandé à M. Houle pourquoi il l’avait fait souffler par l’équipe en régie et celui-ci lui a répondu que c’était pour des questions de sécurité et qu’il l’avait demandé juste pour une certaine distance. M. Sylvain lui a alors fait remarquer que lorsqu’on invoque une question de sécurité, on est capable d’expliquer pourquoi. Et M. Houle lui a parlé de l’accident survenu plusieurs années plus tôt, en 1996 selon M. Sylvain, alors qu’un véhicule était monté sur un andain, était passé par-dessus le muret et tombé en bas de l’autoroute Métropolitain, le fils du conducteur étant décédé dans l’accident, ce qui a amené le MTQ à revoir ses pratiques et à réviser ses normes de 48 et de 96 heures.
[103] Mais, pour M. Sylvain, cet exemple ne constitue pas une explication des raisons pour lesquelles il avait fait souffler la bretelle par l’équipe en régie. Selon lui, il y a des endroits beaucoup plus prioritaires que la bretelle Rockland et il donne des exemples de sorties où il passe beaucoup plus de véhicules. Bref, l’argument de sécurité de M. Houle ne l’a pas convaincu, loin de là. De plus, pour M. Sylvain, lorsque tu invoques un argument de sécurité, tu vas vérifier après si le travail a été fait, ce qui n’a pas été le cas pour M. Houle. Son équipe a soufflé la bretelle sept fois au total en 2012-2013 et en 2013-2014 et il ne s’en est pas rendu compte, ce qui mine encore plus sa crédibilité, selon M. Sylvain.
[104] De plus, lorsqu’il a demandé à M. Houle s’il était conscient que le MTQ avait payé en double parce qu’en plus d’assumer le coût de l’équipe en régie qui faisait le travail, il avait payé le plein montant à l’entrepreneur comme si c’était lui qui avait effectué le soufflage de cette portion de son circuit, M. Sylvain a trouvé que M. Houle ne semblait pas comprendre la gravité de son geste.
[105] Enfin, lorsqu’il lui a demandé pourquoi il n’en avait pas parlé à son supérieur, M. Houle aurait répondu qu’il n’avait pas jugé cela assez important pour lui en parler, argument que M. Sylvain n’a pas trouvé très convaincant.
[106] Lors de la rencontre préalable, on a échangé aussi à propos du contrat 4506. M. Sylvain mentionne que les photos du réseau que M. Houle avait remis à M. Milisav l’avaient amené à conclure que son geste n’avait aucune utilité opérationnelle, mais qu’il était plutôt en lien avec le fait que la veille on avait procédé à réprimander M. Boulay.
[107] M. Sylvain a retenu globalement que M. Houle avait pris leur échange d’un peu plus de trois heures d’une manière désinvolte, en maintenant qu’il n’avait rien fait de mal et qu’il avait essayé de protéger l’image du MTQ en pensant à la sécurité.
[108] En résumé, concernant le contrat 4621, M. Milisav et lui ne croyaient pas à l’argument de la sécurité de M. Houle au regard de la bretelle Rockland. Quant au contrat 4506, ils ont retenu que le compte-rendu de la réunion avec M. Boulay indiquait que M. Houle avait dirigé l’entrepreneur dans la gestion de son contrat, ce qui avait forcé le MTQ à annuler la réprimande qui lui avait été administrée. Enfin, de dire M. Sylvain, « On est dans l’ère où notre sous-ministre nous a fait quantité de rappels sur l’éthique ». Il en a de plus été assez souvent question dans les réunions de gestion pour s’attendre à ce qu’un gestionnaire d’expérience comme M. Houle fasse état d’un sens de l’éthique plus développé.
[109] M. Sylvain rappelle qu’en plus des évènements qu’il a commentés, il a été tenu compte, dans la décision du MTQ, des deux mesures disciplinaires au dossier de M. Houle : en 2004, une suspension de cinq jours pour avoir coupé et donné un tuyau de 8 pieds à un organisme externe, sans autorisation (I-3), et une autre de sept jours, en 2013, pour avoir dormi dans un véhicule du MTQ, devant la porte d’entrée principale, au vu et au su des employés.
[110] C’est après discussion de tous ces éléments avec M. Milisav et ses conseillères en gestion des ressources humaines que la décision de congédier M. Houle a été prise.
[111] En contre-interrogatoire, M. Sylvain confirme que les X, inscrits dans le tableau de Suivi de l’enlèvement et du transport de la neige (I-12), signifient que les travaux des sections du circuit visé ont été réalisés.
[112] Il mentionne qu’après que M. Houle ait été relevé de ses fonctions, il a pris son ordinateur et l’a remis à un représentant du service des enquêtes et il croit se rappeler que le rapport d’enquête mentionnait que l’appareil avait été fouillé.
[113] À la Commission qui lui demande en quoi consiste le travail des surveillants du contrat 4621, au nombre de deux, qui sont sous sa direction, M. Sylvain souligne entre autres que pendant une opération, lorsque l’entrepreneur est passé, ils vérifient qu’il a tout ramassé.
En complément de M. Houle
[114] En interrogatoire principal, M. Houle explique, avec beaucoup de détails, la façon dont un convoi procède à une opération, les pièces d’équipement dont sont munies par exemple les charrues. Une première charrue fait l’andain de neige vers la droite et une autre pousse le tout dans le champ. Mais, au muret de béton qui débute avant le viaduc au-dessus de la rue Gince, on doit ralentir pour ne pas que la neige passe par-dessus. Il précise que les charrues des entrepreneurs disposent d’un aileron spécial qui permet de dégager la neige qui peut rester collée dans la partie concave d’un muret de béton qu’une charrue ordinaire comme celles du MTQ ne peut pas dégager. Ce qui lui fait penser qu’une autre charrue avait nécessairement dû passer après le coup de souffleuse pour enlever ce qui restait, car les rapports indiquent que le travail avait été réalisé. Il ne peut pas en dire plus, car il n’était pas là, retenu ailleurs par d’autres opérations, et parce que la surveillance du contrat n’entre pas dans ses tâches. C’est le SER qui surveille ce contrat-là.
[115] M. Houle réaffirme qu’il avait demandé seulement de donner un coup de souffleur à partir de la fin de la glissière de métal située avant le muret de béton qui mesurerait 54 pieds. Avec la glissière, la distance totale serait d’environ 150 pieds. Il précise que vis-à-vis la rue Gince, l’autoroute 15 est déjà divisée en cinq voies, dont la plus à droite est celle de la bretelle Rockland.
[116] Il n’a pas vu M. Cyr effectuer le « soufflage » qu’il lui avait demandé en 2013-2014, occupé ailleurs à ce moment-là. Il admet qu’il n’a pas vu non plus M. Boulay le faire cette année-là. Mais, il sait qu’il l’a fait en 2012-2013, car il a même avisé une fois son contremaître. Un chauffeur, roulant direction nord, avait emprunté le virage en U pour revenir en direction sud. Il regardait s’il s’en venait des véhicules et prenait ainsi un raccourci. M. Houle dit qu’il a avisé le contremaître de ce chauffeur de ne pas passer là, ce qui est interdit, sauf aux véhicules d’urgence, parce que c’est trop dangereux. Il lui a dit plutôt de se rendre plus loin, jusqu’au boulevard Henri-Bourassa, pour retourner direction sud.
[117] Il précise que ce n’est pas lui qui déclenche les opérations, mais qu’il a simplement demandé de donner un coup de souffleur en passant, ce qu’il dit avoir demandé qu’à deux reprises en 2013-2014. Il ne l’avait pas demandé en 2012-2013, mais il sait que M. Cyr l’a fait une fois, cette année-là qu’il explique en disant que c’était à l’occasion d’une précipitation de 45 centimètres. M. Cyr l’avait informé qu’il l’avait fait pour une raison de sécurité et « cela en était resté là ». La Commission remarque que dans le rapport du suivi pour le 20 décembre 2012, il est noté que l’entrepreneur n’a pas fait la bretelle Rockland, avec la mention : « Pas fait. O.K. Normand Houle à cause température il faut terminer rapidement ».
[118] M. Houle reconnaît qu’il n’a pas demandé d’autorisation pour faire donner le coup de souffleur dans la bretelle Rockland et qu’il aurait dû le faire. Il explique pourquoi il ne l’a pas fait en comparant cette situation à celle d’une autre occasion où il l’avait demandé. C’était pour une opération de déglaçage de parois du tunnel LHF. Sur place, il s’était rendu compte qu’il manquait de panneaux de signalisation à l’entrée sud du tunnel et, comme on devait fermer deux voies sur trois pour exécuter les travaux, cela rendait la situation dangereuse. Il avait appelé M. Milisav qui l’avait autorisé à corriger lui-même la signalisation défectueuse. Selon lui, dans le cas de la bretelle Rockland, la correction du danger qui n’était pas aussi imminent n’impliquait pas suffisamment de dépenses additionnelles pour devoir demander une autorisation préalable pour donner le coup de souffleur en passant.
J’admets que pour ce qui est de l’autoroute 15, j’ai peut-être fait une faute. J’aurais pu être plus vigilant. Mais moi, dans ma tête, faire donner un coup de souffleur comparativement à l’opération dans le tunnel, c’est minime. On parle de peut-être 15 ou trente minutes. Alors que dans le tunnel, j’en ai eu pour une couple d’heures et j’avais quelques camions à charger. J’ai peut-être fait quatre, cinq, six voyages. J’admets que j’ai peut-être fait une erreur et que j’aurais dû en parler à mon boss. Mais, pour moi, c’était minime par rapport à l’opération que j’avais faite au tunnel.
[119] Au sujet du contrat 4506, M. Houle mentionne que M. Boulay l’appelait pour savoir s’il y avait des choses particulières. Il pouvait lui demander, par exemple, s’il pouvait débuter son opération à 21 h 30 plutôt qu’à 22 h. Il l’a appelé parfois lui aussi, ce pouvait être, par exemple, en lien avec le chargement du sel que ses camions venaient chercher au MTQ. Il se rappelle l’avoir appelé aussi parce que les surveillants du contrat lui avaient dit qu’un véhicule de l’entrepreneur avait accroché une boîte en plastique servant à un dispositif de détection et ils lui avaient demandé que ce soit corrigé pour la nuit[4]. À une autre reprise, il se souvient l’avoir appelé, ou un de ses contremaîtres, parce qu’un chargeur avait abîmé un tuyau au-dessus d’un muret de béton.
[120] Enfin, au sujet des photos remises à M. Milisav, M. Houle réplique que ce n’était pas pour démontrer un problème particulier, mais plutôt pour indiquer que les conditions difficiles avaient été les mêmes partout sur l’Île-de-Montréal et ça expliquait pourquoi on avait vidé l’entrepôt de sel du centre d’Anjou de 2 500 tonnes. D’ailleurs, le lundi matin qu’il a démontré cela à M. Milisav, ce dernier a dit à M. Ouimet, contremaître de jour, que cela n’avait pas de bon sens et de passer en revue les pièces établissant ce qui avait été mis dans les camions venus s’approvisionner la fin de semaine. Or, M. Ouimet serait arrivé à quelque 30 tonnes près, ce qui démontrait autrement ce qu’il avait dit.
[121] Pour compléter sa preuve, le procureur de M. Houle dépose une série de documents (A-5 à A-11). Certains démontrent les nominations aux différents emplois qu’il a occupés au MTQ, incluant sa promotion sans concours de 2009 au rang de chef des opérations; d’autres indiquent les bonis au rendement qui lui ont été versés en 2001, 2002 et 2007.
[122] La Commission, selon le MTQ, doit répondre à deux questions relativement au congédiement de M. Houle pour deux motifs : est-ce que le ministère, suivant la règle de la balance des probabilités, a prouvé les fautes évoquées dans sa lettre de congédiement, et est-ce que le congédiement est la sanction appropriée dans les circonstances, le tribunal ne pouvant intervenir que s’il juge la décision abusive ou déraisonnable.
[123] Le premier motif du congédiement est développé autour du fait que M. Houle, en demandant à son équipe de travail d’effectuer, pour le contrat 4621, le transport et l’enlèvement de la neige dans la bretelle Rockland, a favorisé l’entrepreneur Vincent Boulay qui était rémunéré pour effectuer ces travaux.
[124] Favoriser veut dire traiter de façon à avantager, aider à accomplir ou encore faciliter. Pour le MTQ, la preuve a démontré que M. Houle, par ses agissements, a facilité l’exécution des travaux du contrat 4621 de M. Boulay à qui il revenait de faire la section de l’autoroute 15, depuis le virage en U vers le sud. Or, cela n’a jamais été fait par lui. M. Houle dit qu’il l’a déjà vu faire, mais M. Boulay a déclaré qu’à sa connaissance il ne l’avait jamais fait en 2012-2013.
[125] M. Boulay dit aussi qu’il n’a jamais reçu d’avis de non-conformité pour ces travaux-là. Tout-à-fait normal, pour le MTQ, puisque le travail avait été fait par l’équipe de M. Houle.
[126] M. Cyr, chef d’équipe de M. Houle, a témoigné pour sa part qu’à chaque opération de 2012-2013 et de 2013-2014 jusqu’en février, c’était lui qui avait exécuté les travaux. Ainsi, les témoignages de M. Cyr et de M. Boulay se corroborent. On ne sait pas où M. Houle a pu voir M. Boulay, mais il faut croire que c’est sur une autre section d’autoroute.
[127] M. Houle dit qu’il l’a demandé à M. Cyr à deux reprises en 2013-2014; c’est donc un aveu judiciaire qu’il a favorisé M. Boulay.
[128] Mais de toute façon, selon le MTQ, la version de M. Houle ne tient pas la route, face à celle de M. Cyr qui n’a aucun intérêt à mentir, à embellir le dossier. Et M. Cyr a rapporté que M. Houle lui disait : « Fais la bretelle jusqu’à Rockland. »
[129] Et c’est justement ce que M. Sylvain a constaté au soir du 17 décembre 2013, en faisant une tournée du réseau routier de l’Île-de-Montréal. Ses employés étaient en train de faire une portion du réseau dévolue à un entrepreneur. Et que répond M. Cyr interpellé par M. Sylvain : « C’est M. Houle qui m’a demandé de la faire. »
[130] Lors de la tempête de 45 centimètres en décembre 2012, à M. Cyr, qui était préoccupé par la grande quantité de neige sur le réseau, M. Houle a demandé de continuer de souffler parce que M. Boulay ne réussirait pas à finir sur l’autoroute 40.
[131] M. Cyr a mentionné qu’il lui était arrivé de dire à M. Houle que ce n’était pas dans son circuit de faire cette portion de l’autoroute 15 et il a dit que M. Houle a répondu : « Ce n’est pas grave, on passe par là. »
[132] Pour le MTQ, les faits sont concluants et le premier motif du congédiement est prouvé. M. Houle, en aidant à accomplir le trajet prévu au contrat 4621 de l’entrepreneur dans les délais requis, a avantagé ce dernier en lui permettant de recevoir l’entièreté des sommes prévues au contrat, bien qu’il n’ait pas fait une partie des travaux prévus à ce contrat.
[133] Le second motif du congédiement est d’avoir favorisé le même entrepreneur en l’aidant dans la gestion de ses opérations prévues au contrat 4506.
[134] M. Boulay a déclaré qu’il appelait M. Houle et que ce dernier l’appelait également à chaque opération de déneigement pour qu’il sache quand l’effectuer. C’est d’ailleurs pour cela que le MTQ a décidé de retirer la réprimande attribuée à M. Boulay : parce que c’était quelqu’un du ministère qui ne l’avait pas appelé, comme à l’habitude, pour déclencher l’opération du 27 janvier 2014. Et même M. Houle n’a pas contredit le fait qu’il y avait eu des échanges entre eux.
[135] En conséquence de la démonstration de ces deux motifs, le tribunal doit répondre « oui » à la première question, soit que les fautes reprochées ont été prouvées.
[136] Par ailleurs, la réponse doit être la même quant au caractère approprié de la mesure retenue, le congédiement.
[137] Il faut retenir d’abord que tout employé a une obligation de loyauté envers son employeur. Elle est prévue spécifiquement au troisième alinéa de l’article 4 de la Loi sur la fonction publique (RLRQ, c. F-3.1.1) (ci-après la « Loi ») :
Il exerce ces attributions conformément aux normes d'éthique et de discipline prévues à la présente loi ou dans un règlement adopté conformément à celle-ci.
L’article 5 de la Loi prévoit aussi que :
Le fonctionnaire est tenu d'office d'être loyal et de porter allégeance à l'autorité constituée.
Il doit exercer ses fonctions dans l'intérêt public, au mieux de sa compétence, avec honnêteté et impartialité et il est tenu de traiter le public avec égards et diligence.
Enfin, l’article 16 dispose qu’une mesure disciplinaire peut aller jusqu’au congédiement.
[138] Sur le plan de l’éthique, le Règlement sur l’éthique et la discipline dans la fonction publique (RLRQ, c. F-3.1.1, r. 3) (ci-après le « Règlement ») établit à ses articles 1 et 7 ce qui suit :
1. Le présent règlement a pour objet de préciser les normes d'éthique et de discipline applicables aux fonctionnaires et prévues à la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1), d'en établir de nouvelles et de préciser les mesures qui leur sont applicables en vue, notamment, de préserver et de renforcer la confiance des citoyens dans l'intégrité et l'impartialité de la fonction publique ainsi que de maintenir un haut niveau de qualité des services qui leur sont rendus.
7. Le fonctionnaire ne peut confondre les biens de l'État avec les siens. Il ne peut non plus utiliser au profit d'un tiers les biens de l'État ou une information dont il a pris connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.
[139] Pour appliquer ces dispositions au cas de M. Houle, il faut considérer que c’est un gestionnaire de carrière, fonctionnaire depuis 1988 et cadre depuis 2001, soit depuis 13 ans au moment des évènements qui lui sont reprochés.
[140] Il était chef des opérations de nuit, avec une très grande autonomie, et il savait qu’il ne fallait pas s’immiscer dans les contrats. M. Houle dit que ce qu’il a retenu de la rencontre pré-saison 2013-2014 était que dorénavant ce n’était plus le MTQ qui déclenchait les opérations de neige. Mais MM. Sylvain et Milisav ont dit qu’ils avaient avisé spécifiquement les participants à leurs rencontres de bien davantage. Si M. Houle n’a pas été assez attentif, ce n’est pas la faute au MTQ.
[141] Même que M. Milisav a eu l’occasion de souligner une fois de plus à M. Houle de ne pas se mêler de la gestion des contrats, lorsque ce dernier lui a rapporté s’être « chicané » avec un sous-traitant en signalisation.
[142] Relativement au contrat 4621, M. Houle prétend qu’il avait dit, par le coup de souffleur, de n’enlever que « le plus gros ». C’était quoi alors l’intérêt, de demander le MTQ : si c’est une question de sécurité, tu enlèves tout. De toute façon, il n’y a pas eu de preuve d’urgence d’agir et c’est de son propre chef que M. Houle a décidé que ce serait plus sécuritaire, si c’était fait par le MTQ. Jamais, il n’en a parlé à ses supérieurs, a-t-il dit, parce qu’il ne trouvait pas cela suffisamment important. S’il pensait que c’était assez important pour la sécurité de la route et de ses usagers, il devait en informer ses supérieurs. Il aurait dû aussi aller vérifier si le travail avait été fait, ce qui n’a pas été le cas.
[143] En ce qui concerne le contrat 4506, le MTQ est d’avis que M. Houle n’a jamais donné d’explications valables du pourquoi de ses échanges avec M. Boulay. Ce dernier a déclaré que M. Houle était un mentor pour lui. Il m’appelait, dira-t-il, lorsqu’il y avait une opération de déneigement. En fait, en parlant à M. Boulay, M. Houle s’assurait que celui-ci n’aurait jamais d’avis de non-conformité et de pénalité.
[144] De la rencontre préalable au congédiement, le MTQ retient que M.Houle n’a jamais manifesté qu’il saisissait la gravité de ses gestes. Il prenait cela avec désinvolture, de dire M. Sylvain. Même que ce dernier n’a pas cru ses explications pour justifier la série de photos du réseau routier de l’Île-de-Montréal en raison du manque de sel.
[145] M. Houle n’a jamais informé ses supérieurs de ses gestes et ce n’est qu’à l’audience qu’il reconnaît ses fautes, trop peu et trop tard, selon le MTQ.
[146] Étant dans la fonction publique depuis 1988, il ne pouvait pas ignorer les règles d’éthique qui y prévalent. Il ne pouvait pas non plus ignorer tout ce qui était rapporté à la Commission Charbonneau et l’importance du sujet pour le MTQ qui était touché par celle-ci.
[147] Au chapitre des facteurs aggravants à prendre en considération, se retrouvent les deux mesures disciplinaires à son dossier : une suspension de sept jours en 2013 pour avoir dormi dans un véhicule du MTQ et une autre de cinq jours en 2004 pour avoir disposé d’un tuyau au bénéfice d’un tiers. Deux autres cas d’éthique, comme cette fois-ci selon le MTQ.
[148] En conclusion, le ministère convient qu’il s’avère difficile de trouver une jurisprudence similaire aux faits en cause dans ce cas-ci. Le MTQ soumet toutefois, pour le principe en cause, l’affaire Labrecque c. Ville de Montréal[5]. Dans cette décision, il est dit :
[54] L’obligation de loyauté envers l’employeur s’impose à tous les salariés. Dans le secteur public, cette obligation comporte une dimension additionnelle en relation avec le fait qu’il s’agit de services publics et en raison des aspects politiques de la plupart des décisions.
[55] Dans certains cas, le manquement à cette obligation peut comporter des sanctions pénales ou civiles. Cependant, la déloyauté grave et sérieuse constitue un motif de congédiement, notamment en raison du bris du nécessaire lien de confiance entre le fonctionnaire et le titulaire de l’autorité.
[56] Il est aussi bien établi que cette obligation gagne en intensité avec la position du poste détenu dans la hiérarchie.
[57] Cette obligation de loyauté comporte plusieurs facettes dont l’une force le débiteur à éviter tout conflit d’intérêts, c’est-à-dire une situation où il peut être amené à choisir entre l’intérêt de son employeur et le sien ou celui d’un proche. La simple apparence de conflit d’intérêts constitue une contravention à l’obligation de loyauté, donc la simple possibilité qu’un employé soit placé dans la situation de privilégier un intérêt autre que celui de son employeur. Dans ce dernier cas particulier, il n’est évidemment pas nécessaire de démontrer un bénéfice réel ou potentiel pour le contrevenant, non plus qu’un préjudice pour l’employeur.
[58] Dans le présent dossier, ces principes bien établis ne sont pas remis en question. C’est plutôt la question de savoir si les faits mis en preuve suffisent à conclure que le plaignant a contrevenu à son obligation qui est en litige.
[59] Le comportement des personnes en regard de possibles conflits d’intérêts ou encore face à des gestes dits techniquement reprochables ne saurait s’apprécier sans tenir compte de leur expérience ou de leur connaissance du milieu.
[149] Dans ce dossier-ci, M. Houle savait qu’il privilégiait un intérêt autre que celui de son employeur en agissant comme il l’a fait. Et dans les circonstances, son congédiement n’est pas abusif ou déraisonnable, mais justifié.
[150] Le procureur de M. Houle évoque d’entrée de jeu que le congédiement de celui-ci constitue un dossier particulier. On a affaire à un ministère soumis à des pressions intenses, comme l’a dit M. Sylvain dans son témoignage. Cette pression s’exerce sur les hauts dirigeants du ministère, comme M. Sylvain, qui reçoivent des avis, et plusieurs selon la preuve. Des pressions internes se font sentir sur la Direction de l’Île-de-Montréal à la suite des révélations qui surviennent à l’occasion de la Commission Charbonneau qui enquête sur des contrats donnés par des villes et par le MTQ.
[151] C’est dans ce contexte que M. Sylvain aperçoit le convoi du MTQ qui descend l’autoroute 15 menant au viaduc de la rue Gince, avec son muret de béton. Il fait une vérification, rapporte cela à son supérieur immédiat qui, dès le lendemain, décide d’envoyer le dossier directement en enquête parce qu’on suppute que M. Houle retire des avantages de la situation. Et on procède ainsi sans prendre la peine de rencontrer M. Houle pour avoir ses explications.
[152] On saisit et on épluche l’ordinateur et le téléphone de M. Houle et on le relève de ses fonctions. On reçoit le rapport d’enquête, on ne le lui remet pas et ce n’est finalement que trois mois plus tard qu’on le rencontre à ce sujet.
[153] Le MTQ s’est engagé dans un processus en prenant certains faits pour acquis, qui ne se sont pas cependant révélés exacts par la suite. La preuve a démontré qu’il n’y avait pas eu de faveurs de M. Boulay envers M. Houle, avantages ou quoi que ce soit. Il appert qu’ils ne se connaissent pas autrement que par le travail et n’ont jamais pris de café ensemble. Mais comme on était pris dans un processus, alors on va congédier M. Houle pour d’autres motifs que ceux qui animaient le ministère au début du dossier.
[154] La question devient alors : « Pourquoi M. Houle favoriserait-il M. Boulay? C’est quoi son intérêt? Aucun intérêt. »
[155] Abordant les éléments spécifiques du dossier, le procureur de M. Houle évoque que celui-ci comporte essentiellement deux éléments. Le premier est qu’il faisait, depuis 2012-2013, une partie du contrat de M. Boulay sur l’autoroute 15. Quant au second, invoqué dans la lettre de congédiement, il n’est pas clair, car on ne peut y saisir, au-delà d’avoir parlé à M. Boulay, ce qu’on lui reproche exactement.
[156] Relativement au contrat 4621, la preuve n’est pas si claire que le prétend le MTQ. Le fait que M. Houle ait dit qu’il avait demandé à M. Cyr de passer un coup de souffleur n’est pas farfelu, étant donné les explications qu’il a données. De plus, il n’est pas sur les lieux lorsque le travail est réalisé.
[157] Il serait à remarquer que, mise à part la tempête de 45 centimètres en décembre 2012, M. Cyr n’a pas mentionné qu’il faisait en 2012-2013 ce qui lui avait été demandé par M. Houle en 2013-2014. Pour la tempête de 2012, la preuve a livré deux versions : celle de M. Houle et celle de M. Cyr qui dit que c’est M. Houle qui lui avait dit de faire la bretelle.
[158] Comment dans ce contexte-là pouvoir prétendre, comme le fait le MTQ, que M. Cyr n’a aucun intérêt dans cette histoire-là. Il a tout de même l’intérêt de ne pas s’incriminer alors qu’il est relancé par son employeur et risque de se mettre dans une situation où on pourrait lui attribuer une faute. Bref, la preuve est ambiguë pour 2012-2013.
[159] Relativement à la déclaration de M. Boulay, le procureur de M. Houle rappelle que lors de son témoignage, il a été interrogé par le MTQ s’il avait fait la bretelle Rockland et il a commencé par dire qu’il ne se souvenait pas et lorsque la même question lui a été posée une seconde fois, il a ajouté qu’il ne se souvenait pas de l’avoir faite. Encore là, ces propos ne peuvent être trouvés limpides.
[160] Pour l’année 2013-2014, M. Houle invoque un motif de sécurité pour justifier sa demande à M. Cyr. Or, il s’agit là d’un des deux motifs qui, selon le témoignage de M. Sylvain, pourraient amener un chef d’opérations ou le MTQ à faire un travail qui relève d’un entrepreneur.
[161] Mais, alors il faut se demander qu’est-ce que la sécurité? À son interrogation, le procureur de M. Houle répond que la question se pose quand on doit déterminer si l’on doit agir ou pas. On peut trouver surprenant que le ministère dise qu’il n’y avait pas de problème puisque l’entrepreneur avait 48 heures pour réaliser ses travaux, car le problème de sécurité peut se poser avant l’expiration du délai. De plus, ce raisonnement va à l’encontre de ce que suggère l’article 1 du Règlement, cité au paragraphe 138 de cette décision, et de son article 2 qui prévoit que :
2. En cas de doute, le fonctionnaire doit agir selon l'esprit des normes d'éthique et de discipline qui lui sont applicables.
[162] M. Houle a dit qu’il y avait un danger potentiel et il a agi. Si ce sont MM. Sylvain et Milisav qui ont raison et qu’il n’y en avait pas, on aurait alors seulement une situation où un cadre pourrait avoir estimé à tort qu’il y avait un problème. De l’avis du procureur de M. Houle, on peut possiblement lui reprocher d’avoir fait une mauvaise évaluation du degré de sécurité nécessaire, mais pas d’avoir pensé à la sécurité, ce qui remet sa décision et l’erreur qu’il a admise devant le tribunal dans un contexte différent.
[163] De plus, il faudrait retenir que, s’il n’a pas cru bon aviser son supérieur, cela vient du fait que dégager la voie au-dessus du viaduc de la rue Gince n’entraînait pas de retard dans l’opération. M. Cyr a dit que ça retardait l’opération, mais il n’y a pas eu de preuve qu’on a dû ajouter du temps supplémentaire à cause de cela.
[164] M. Houle a expliqué en détail pourquoi il avait fait la demande à M. Cyr, de façon très précise. Or, il apparaît que M. Cyr aurait agi comme s’il avait fait le travail au complet de l’entrepreneur et cela reste inexpliqué. Ce qui est certain, c’est que le travail a été relevé par les surveillants comme étant réalisé.
[165] M. Boulay a mentionné qu’il n’était pas tout le temps sur le réseau et que lorsqu’il l’était, il ne pouvait être nécessairement partout à la fois. Ce sont ses contremaîtres qui agissaient et ils n’ont pas témoigné qu’ils n’ont pas fait la bretelle Rockland.
[166] Enfin, il faut retenir ce que M. Houle a dit à M. Cyr : « Quand tu vas sortir à Rockland, continue et fais la bretelle. » Et cela est conforme à la version de M. Houle qui dit qu’il lui a demandé de faire la section du viaduc de la rue Gince. C’est peut-être M. Cyr qui s’est trompé dans le travail qui lui était demandé, de suggérer le procureur de M. Houle.
[167] En ce qui concerne le contrat 4506, le procureur de M. Houle considère que le reproche d’avoir favorisé l’entrepreneur Boulay lui apparaît pour le moins ambigu. Il est relié, semble-t-il, à l’avis donné lors de la rencontre pré-saison hivernale du 14 novembre 2013, de ne pas s’immiscer dans les contrats.
[168] Mais, il importe de remarquer que, pour ce contrat, il n’y a pas de déclenchement d’opération par le MTQ. C’est l’entrepreneur qui décide s’il y va ou non. Or, M. Boulay a témoigné des problèmes qu’il avait pour se décider. Et il faut se rappeler que M. Sylvain a reconnu qu’il n’y avait pas de normes pour prendre cette décision. Plusieurs facteurs peuvent entrer en ligne de compte. Pour les travaux effectués par le MTQ, on dit que parfois ils se mettent à quatre pour décider de procéder ou pas. Il faut faire appel à des gens d’expérience de dire M. Sylvain, qui en a nommé quelques-uns, dont M. Houle.
[169] Il n’est ainsi pas surprenant qu’un entrepreneur ait lui aussi des problèmes à prendre sa décision. Et c’est pour cela que M. Boulay dit, dans sa déclaration, qu’il appelle des gens d’expérience comme M. Houle pour avoir des conseils.
[170] Le procureur de M. Houle demande de porter une attention particulière au compte-rendu (I-13) de la réunion du 4 février 2014, du surveillant de contrat, M. Kaba, accompagné du chef d’opérations, Yves Trudel, et de Mme Marchand, avec M. Boulay, pour clarifier la question du déclenchement des opérations de transport. On relève dans le document le passage suivant :
M. Boulay nous informe que depuis le début de la saison 2013-2014, il était avisé par téléphone pour le déclenchement du soufflage par le chef des opérations de nuit, M. Normand Houle. Lors de la dernière tempête, il n’a pas reçu d’appels donc il n’a pas déclenché d’opérations de transport de neige.
[171] Le procureur note d’abord que le compte rendu dit que M. Boulay était avisé par téléphone, mais il n’est pas mentionné qui appelle qui. De plus, ce passage doit être lu en conjonction avec le témoignage de M. Boulay qui atténue plusieurs des éléments de sa déclaration. Dans celle-ci, il était plutôt question de planification des opérations. La Commission est référée à la phrase dans laquelle M. Boulay déclarait :
Personnellement, je m’occupe de la planification des opérations de transport de neige et je fais affaire avec Normand Houle pour la planification
Cet extrait du compte rendu doit également être lu parallèlement au témoignage de M. Houle qui dit que M. Boulay l’appelait et que lui aussi le faisait.
Et la déclaration de M. Boulay se poursuit en énumérant les noms d’autres personnes :
J’ai plus de contacte avec Normand Houle que les surveillants de contrat du MTQ comme Richard Tanguay ou Guy Bouchard. J’ai parlé à Christian Ouimet, Denis Lapointe et depuis 2-3 semaines que je communique avec Adrien Rochon et plus souvent dans les dernières semaines avec G. Labeaume qui remplace M. Houle.
Or, d’après l’organigramme (I-8), M. Rochon est un chef d’opérations, comme M. Houle, et M. Labeaume est un membre d’une équipe du centre d’Anjou.
La conclusion à retenir est que M. Boulay parle à beaucoup de gens dans la planification de ses opérations. Peut-être davantage à M. Houle, mais aussi à bien d’autres personnes du MTQ.
[172] Revenant au compte rendu, le procureur en souligne des passages qu’il juge éclairants :
M. Boulay demande ce qu’il doit faire lorsqu’il a un doute quant à la quantité de neige résiduelle sur son circuit pour déclencher ou non une opération.
Et quelle est la recommandation du MTQ?
M. Kaba mentionne qu’en premier lieu, il peut communiquer avec M. Sylvain Labeaume (nuit) ou M. Christian Ouimet (jour) pour valider s’il y a des opérations de transport de neige sur l’ensemble du réseau. S’il reste une incertitude, il doit communiquer avec M. Kaba.
[173] Il est recommandé à M. Boulay de communiquer notamment avec M. Ouimet, qui incidemment est chef des opérations à Anjou, comme M. Houle.
[174] Le procureur constate que les membres du personnel du MTQ s’occupent d’opérations en régie, mais doivent rester et avoir des contacts avec les entrepreneurs. « C’est le ministère qui le dit », de souligner le procureur. Il est exact que ce n’est pas le MTQ qui donne, dans le contrat 4506, un avis de déclenchement d’opération comme dans le contrat 4621, mais l’entrepreneur peut appeler le chef des opérations pour savoir ce qui se passe sur le réseau.
[175] Avec cet éclairage, la situation devient alors qu’on a un entrepreneur qui ne sait pas parfois s’il doit déclencher ou non son opération et à qui on suggère d’appeler un chef des opérations pour savoir ce qui se passe sur le reste du réseau. Maintenant, on reproche à M. Houle d’avoir parlé à M. Boulay et pas aux autres chefs à qui ce dernier parle. Pourtant M. Houle a fait exactement ce que le MTQ a recommandé.
[176] Mais, revenant alors au second motif du congédiement, le procureur plaide que s’immiscer dans les contrats ne peut, dans un tel contexte, vouloir dire de ne pas parler aux entrepreneurs puisque le MTQ dit de le faire.
[177] M. Houle ne nie pas qu’il parle à M. Boulay. Dans ses deux témoignages, il a donné des exemples d’occasions pour lesquelles il a communiqué avec lui.
[178] Il est rapporté en preuve que M. Boulay avait appelé M. Houle pour savoir s’il y avait des entraves sur un de ses circuits et que M. Houle avait téléphoné à quelqu’un d’autre pour le vérifier avant de répondre à M. Boulay. Le procureur suggère que là encore on ne pourrait pas dire que c’est favoriser un entrepreneur, mais que c’est plutôt un fonctionnaire qui, dans l’intérêt public, veut que le travail se fasse.
[179] Un autre exemple est lorsque M. Houle a appelé M. Boulay, en décembre 2013, pour lui signaler que son contrat incluait de déglacer les accotements. Dans son premier témoignage, c’est à la demande de la procureure du MTQ que M. Houle a précisé qu’il l’avait appelé parce que M. Milisav, qui demeurait dans le secteur de Repentigny, lui avait dit trois semaines plus tôt, en arrivant au bureau un matin, se souvenir que le déglaçage dans les contrats incluait celui des accotements et que cela devait être fait. Il avait compris qu’il fallait, quand l’occasion se présenterait, rappeler ses obligations à l’entrepreneur. Ainsi, lorsqu’il avait constaté plus tard, dans une de ses tournées, que les accotements n’étaient pas au mieux, il avait appelé M. Boulay pour lui souligner que ce travail était prévu à son contrat. Est-ce que là encore c’est déclencher des opérations comme on le reproche à M. Houle, de se demander le procureur; il ne le croit pas.
[180] Relativement aux avertissements que M. Milisav aurait donnés à M. Houle de ne pas s’immiscer dans les contrats, le MTQ a relevé celui où M. Milisav lui avait reproché d’être intervenu dans une « chicane » entre un employé du ministère et celui d’un sous-traitant en signalisation. Les faits sont que M. Houle arrive alors qu’il se passait un incident et il intervient pour que cela cesse. M. Boulay n’a rien à voir là-dedans, il ne l’a pas appelé et on prétend que l’intervention de M. Houle est une ingérence dans sa gestion de contrat. Cela n’a pas de sens, selon le procureur.
[181] Pour ce dernier, le second motif de congédiement de M. Houle est inexistant : il n’y a aucune preuve qu’il a déclenché lui-même des opérations. Au contraire, même que pour le contrat 4621, la seule preuve est que c’est l’envoi des courriels de M. Gratton qui déclenche les opérations.
[182] Sur le caractère approprié de la sanction, le procureur rappelle le contexte cette fois de la prise de décision de congédier M. Houle. Son supérieur hiérarchique est sous pression pour les questions d’éthique; s’il y a des problèmes, il va devoir en répondre. Il constate qu’il y a un travail qui n’est pas fait correctement. Plutôt que de décider de s’asseoir avec M. Houle pour éclaircir la situation, le MTQ va directement en enquête.
[183] En ce qui concerne le contrat 4621, M. Houle est convaincu qu’il se pose un problème potentiel de danger, mais selon M. Sylvain, il n’y en a pas. Mais dans l’esprit de M. Houle, convaincu du contraire, s’il ne fait rien le potentiel de danger subsiste et peut demeurer au moins 48 heures puisque c’est le délai pour agir de l’entrepreneur. Du côté du MTQ, on est déjà convaincu qu’il y a quelque chose de louche et on le relève de ses fonctions. Après enquête, il est constaté que les agissements sont totalement dénués de tout avantage qu’il en aurait retiré, mais on va le congédier. Peut-être que M. Houle a fait une erreur, qu’il aurait dû demander une autorisation, mais cet aspect du dossier se limite à cela.
[184] Concernant le contrat 4506, lorsque M. Houle apporte des photos à M. Milisav, on pense que c’est pour protéger l’image de M. Boulay. Peut-être que l’idée des photos n’était pas bonne, mais il n’y a aucune preuve de ce qui est soupçonné. Cela donne une bonne idée de ce sur quoi s’est fondé le MTQ pour congédier plus tard M. Houle, estime son procureur.
[185] Se référant aux évaluations de rendement de M. Houle, le procureur retient celle de l’année 2004-2005, qui couvre la période d’un 1er juin à l’autre, soit celle où sa première suspension pour avoir donné un tuyau à un organisme lui a été administrée. Datée du 3 juin 2005, cette évaluation est accompagnée d’un message manuscrit de son supérieur qui le remercie, lui souhaite de bonnes vacances et ajoute : « Repose-toi bien on a du travail à ton retour tu dois remplacer Paul c’est quelque chose. Je suis heureux que tu fasses partie de mon équipe. » Et M. Houle a eu une note de C, un rendement satisfaisant, malgré la suspension.
[186] Pour les évaluations plus récentes, M. Houle a eu C en 2011-2012 et en 2012-2013. Dans ces évaluations, on peut lire que c’est un bon gestionnaire qui gère bien ses budgets et maintenant on veut le congédier pour une mauvaise décision relativement à un danger potentiel d’accident, qu’on recouvre d’une question d’éthique.
[187] Reprenant les deux suspensions au dossier de M. Houle, son procureur considère qu’elles ont peu à voir avec le dossier actuel : avoir dormi dans un véhicule n’a pas grand-chose à voir avec l’éthique et l’autre, avoir donné un tuyau du ministère, remonte à plus de dix ans.
[188] La conclusion à tirer de tout ce qui a été exposé à la Commission est que M. Houle a fait une erreur : il aurait dû demander une autorisation pour le contrat 4621. On ne sait pas si elle lui aurait été donnée, on peut présumer que non. Il a commis une faute, mais il n’en a retiré aucun avantage et on ne parle pas d’avantage appréciable pour l’entrepreneur dans l’ensemble de son contrat.
[189] Cela n’empêche pas que c’était une erreur de la part de M. Houle et qu’il va certainement comprendre qu’il a moins de latitude qu’il ne le croyait. On dit qu’il a beaucoup d’autonomie, mais il appert du dossier qu’il n’en a pas autant qu’on le dit et il faudrait qu’il le comprenne.
[190] Parmi les décisions en matière disciplinaire déposées par le procureur de M. Houle, la Commission retient l’affaire Syndicat des croupiers du Casino du Lac-Leamy[6] dans laquelle un croupier, accusé de vol, de fraude et de falsification, avait été initialement congédié pour finalement obtenir une suspension de six mois.
[191] Voici comment l’arbitre a abordé la question de l’analyse des faits, en se référant à un arrêt de la Cour suprême en matière de congédiement :
[89] Le tribunal croit important avant d’analyser toutes les circonstances entourant le congédiement du plaignant d’énoncer les principes de droit développés par nos tribunaux dans le cas de congédiement d’un employé pour des motifs liés à un comportement malhonnête de celui-ci. En effet, depuis la décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2001 dans l’affaire Martin Richard McKinley c. BC Tel British Columbia Telephone Company et als (rapportée à 2001 2 R.C.S.161) le congédiement n’est plus, en soi, la seule mesure qui peut-être imposée à un salarié pour un comportement malhonnête. Cette Cour a alors énoncé des règles qui devaient guider un tribunal avant de maintenir la mesure ultime qu’est le congédiement pour un salarié. Depuis cet arrêt, nos tribunaux d’arbitrage ont dû suivre ces enseignements et traiter chaque cas comme un cas d’espèce.
[90] Plus particulièrement, certains passages de cette décision méritent d’être repris pour comprendre la démarche que le Tribunal est tenu de suivre. Au nom de la Cour, le Juge Iacobucci énonce ainsi, aux pages 187 à 190 de ce jugement, la norme applicable :
« 3. La norme applicable pour déterminer si et dans quelles circonstances la malhonnêteté constitue un motif valable de congédiement.
À la lumière de l’analyse qui précède, je suis d’avis que, pour déterminer si un employeur est en droit de congédier un employé pour cause de malhonnêteté, il faut apprécier le contexte de l’inconduite alléguée. Plus particulièrement, il s’agit de savoir si la malhonnêteté de l’employé a eu pour effet de rompre la relation employeur-employé. […]
[…]
[…] L’évaluation de la gravité de l’inconduite exige plutôt que les faits démontrés au procès soient soigneusement examinés et soupesés. […]
[…]
Cela étant, je suis d’avis qu’il ressort de la jurisprudence pertinente qu’il faut recourir à une approche contextuelle pour déterminer si la malhonnêteté d’un employé constitue un motif valable de congédiement. […] Ce principe repose nécessairement sur un examen de la nature de l’inconduite et des circonstances l’ayant entourée. Le tribunal qui ne procéderait pas à cet examen ne pourrait pas conclure que la malhonnêteté dont on a fait preuve était de nature profondément frauduleuse et qu’elle était donc suffisante pour justifier un congédiement sans préavis.
[…]
C’est le principe de la proportionnalité qui sous-tend l’approche que je propose. Il faut établir un équilibre utile entre la gravité de l’inconduite d’un employé et la sanction infligée. […]
[…]
Pour les motifs qui précèdent, je préconise un cadre analytique qui traite chaque cas comme un cas d’espèce et qui tient compte de la nature et de la gravité de la malhonnêteté pour déterminer si elle est conciliable avec la relation employeur-employé. Une telle approche réduit le risque qu’un employé soit pénalisé indûment par l’application stricte d’une règle catégorique qui assimile toutes les formes de malhonnêteté à un motif valable de congédiement. En même temps, cette approche soulignerait à juste titre que la malhonnêteté qui touche au cœur même de la relation employeur-employé peut constituer un motif valable de congédiement. » (…)
(nos soulignés) [ceux de l’arbitre]
[…]
[109] […] D’ailleurs, il n’en a retiré aucun profit, les avantages minimes (environ 1$) l’ont été pour une tierce partie, un ami. La preuve n’a pas, d’autre part, démontré qu’il avait objectivement eu l’intention d’agir malhonnêtement au détriment des intérêts de son employeur pour les événements de la journée du 11 mai 2011.
[…]
[121] Comme l’a précisé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt McKinley, précité, le congédiement n’est plus une mesure disciplinaire imposée de façon automatique dans tous les cas de malhonnêteté alléguée par un employeur. Chaque cas doit être analysé selon son mérite, à plus forte raison, lorsque le Tribunal n’a pas conclu à une fraude, comme dans cette affaire.
[…]
[124] Le plaignant a fait montre d’une insouciance importante qui aurait pu mettre à épreuve la réputation d’honnêteté et d’intégrité que doit avoir un établissement comme un casino. Néanmoins, le Tribunal doit constater que les événements reprochés au plaignant sont de nature privée. Ils n’ont pas été publicisés, ni portés au jour publiquement.[7]
[…]
[192] Dans le dossier du casino, l’employé avait avantagé dans son travail les joueurs qui étaient à sa table et c’était le motif de congédiement automatique retenu par l’employeur. L’arbitre a conclu que la preuve n’avait pas « démontré qu’il avait objectivement eu l’intention d’agir malhonnêtement au détriment des intérêts de son employeur […][8] ».
[193] Dans cette affaire, l’arbitre avait aussi constaté que :
Le plaignant a fait montre d’une insouciance importante qui aurait pu mettre à l’épreuve la réputation d’honnêteté et d’intégrité que doit avoir un casino.[9]
Et l’arbitre a imposé une suspension de six mois au lieu du congédiement. Dans ce dossier-ci, la preuve ne révèle aucunement que M. Houle voulait agir volontairement contre les intérêts du MTQ.
[194] Les autres décisions soumises à la Commission rapportent diverses situations dans lesquelles les sanctions ont été réduites à des durées s’échelonnant, pour la plupart, à quelques semaines.
[195] En résumé, le procureur de M. Houle mentionne que celui-ci admet qu’il aurait dû requérir l’autorisation de son employeur. Son congédiement est tout-à-fait inapproprié et il y a lieu de le modifier pour une mesure disciplinaire moindre.
Réplique du MTQ
[196] En réplique, la procureure du MTQ dit comprendre mal l’argument relatif au caractère particulier de ce dossier, car il n’y a pas de preuve de la pression qui aurait été exercée sur M. Sylvain. Selon elle, il n’y aurait pas eu non plus de preuve que l’ordinateur de M. Houle aurait été fouillé.
[197] La conclusion qui importe est que celui-ci a favorisé M. Boulay.
[198] Concernant le contrat 4621, le témoignage de M. Cyr a été corroboré par la réponse spontanée de M. Boulay : « Je ne me souviens pas de l’avoir fait », en parlant de la section de l’autoroute 15 prévue à son contrat. La première fois qu’il dit l’avoir fait, il la situe en février 2014.
[199] Au sujet du danger qualifié de potentiel par le procureur de M. Houle, la procureure du MTQ rappelle que M. Houle n’a pas été capable de dire en quoi le besoin de sécurité consistait et il ne s’est jamais pointé sur le réseau.
[200] Sur l’absence de preuve quant aux effets de la demande de M. Houle à M. Cyr, il faut se rappeler le témoignage de ce dernier qui a dit que cela le retardait de 30 minutes à une heure. Et si tu es retardé, tu ne peux pas faire autre chose pendant ce temps-là.
[201] Pour ce qui est du contrat 4506, la procureure souligne que dans sa déclaration, M. Boulay a dit que pour la tempête du 27 janvier 2014, il n’a pas déclenché d’opération parce qu’il n’avait pas été avisé, ce qui prouverait le rôle habituel de M. Houle à ce sujet.
[202] Quant au fait que M. Houle n’a retiré aucun avantage, le MTQ, de toute façon, ne lui reproche rien de cet ordre.
[203] Par ailleurs, les évaluations de rendement de M. Houle et les bonis qu’il a pu recevoir ne constituent pas des facteurs atténuants. Une personne peut avoir un rendement exceptionnel et commettre des fautes.
[204] Il faut plutôt regarder du côté de la gravité de la faute, du dossier disciplinaire de l’employé et des fonctions qu’il occupe.
[205] Au final, les deux motifs de congédiement ont été suffisamment prouvés par le MTQ pour justifier le congédiement.
[206] Par ailleurs, au chapitre de la progression des sanctions que la conclusion de la plaidoirie de son collègue a ouverte, la procureure du MTQ soumet plusieurs décisions qui supportent l’idée qu’en matière de progression dans les sanctions disciplinaire, il convient de tenir compte de l’ensemble des mesures disciplinaires au dossier de l’employé et non pas uniquement de celles qui auraient été attribuées pour une faute de la même nature que la nouvelle faute analysée.
[207] De ces décisions, la Commission en retient deux. De l’affaire Produits forestiers Coulonge inc.[10], le passage suivant de l’arbitre Louise Doyon :
[54] La règle de la gradation des sanctions a pour objectif d’informer l’employé des difficultés rencontrées et des attentes à son égard. Il n’y a pas d’automaticité dans la façon de graduer les sanctions. La sanction imposée doit être proportionnelle à la fois au manquement reproché, tenant compte du dossier disciplinaire, et à l’objectif d’amener l’employé à modifier son comportement. Chaque cas est donc un cas d’espèce. Toutefois, la règle n’exige pas que les fautes reprochées, notamment le dernier incident, soient similaires aux précédentes.
[208] De plus, dans la décision Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298[11], l’arbitre Francine Lamy situe dans quelles limites le dossier disciplinaire d’un employé lui est opposable :
[81] En conséquence, le dossier disciplinaire de la plaignante lui est opposable et l’employeur peut invoquer le poids cumulatif des manquements sanctionnés pour justifier le congédiement. […]
[82] D’autre part, la preuve administrée par le syndicat montre l’attitude de la plaignante à l’égard des sanctions antérieures et des manquements qui les ont motivées. Or, l’attitude d’un salarié face à la discipline antérieure et son comportement à l’audience sont des facteurs pertinents à l’analyse du caractère approprié de la mesure en litige et peuvent être, selon le cas, atténuants […] ou aggravants. […]
[209] En réponse à sa collègue, le procureur de M. Houle plaide pour que soit faite la part des choses.
Le droit applicable
[210] L’article 126 de la Loi permet au gouvernement de déterminer par règlement l’encadrement des pratiques en matière d’éthique dans la fonction publique.
126. Le gouvernement peut, par règlement, sur avis du Conseil du trésor :
1° préciser les normes d’éthique et de discipline prévues dans la présente loi et en établir de nouvelles;
2° définir les mesures disciplinaires applicables à un fonctionnaire et en déterminer les modalités d’application;
3° déterminer à quelles conditions et selon quelles modalités un fonctionnaire peut être relevé provisoirement de ses fonctions, ainsi que les cas où le relevé se fait sans ou avec rémunération;
[…]
[211] L’article 18 du Règlement détermine les mesures disciplinaires applicables dans la fonction publique :
Une mesure disciplinaire peut consister en une réprimande, une suspension ou un congédiement selon la nature et la gravité de la faute qu’elle vise à réprimer.
[212] Les articles 33 et 34 de la Loi prescrivent :
33. À moins qu’une convention collective de travail n’attribue en ces matières une compétence à une autre instance, un fonctionnaire peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique de la décision l’informant :
1° de son classement lors de son intégration à une classe d’emploi nouvelle ou modifiée;
2° de sa rétrogradation;
3° de son congédiement
4° d’une mesure disciplinaire;
5° qu’il est relevé provisoirement de ses fonctions.
[…]
34. La Commission de la fonction publique peut maintenir, modifier ou annuler une décision portée en appel en vertu de l’article 33.
Lorsque la Commission modifie une telle décision, elle peut y substituer celle qui lui paraît juste et raisonnable compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire.
Lorsque la Commission maintient la rétrogradation d’un fonctionnaire ou transforme un congédiement en rétrogradation, elle peut ordonner que l’appelant soit rétrogradé à une classe d’emploi déterminée par le président du Conseil du trésor compte tenu de ses aptitudes.
[213] M. Houle a été l’objet d’un relevé provisoire, suivi d’un congédiement, mais son appel ne vise que son congédiement.
[214] Le congédiement étant une mesure disciplinaire, la preuve des faits reprochés qui l’ont entraîné revient à l’employeur et elle s’apprécie selon la règle de la balance des probabilités, soit qu’il est plus probable qu’improbable que les faits invoqués à son soutien sont vrais. Le cas échéant, il faut évaluer si la mesure disciplinaire est raisonnable ou, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, mérite être modifiée.
[215] Le caractère probable ou improbable des faits se mesure à partir de la preuve présentée par les parties. En matière de preuve, il faut retenir notamment deux règles. La première est que, suivant l’article 2805 Code civil du Québec (ci-après le « C.c.Q. »):
La bonne foi se présume toujours, à moins que la loi n’exige expressément de la prouver.
La seconde est relative à la présomption, définie ainsi par l’article 2846 C.c.Q. :
La présomption est une conséquence que la loi ou le tribunal tire d’un fait connu à un fait inconnu.
L’article 2849 C.c.Q. précise toutefois :
Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont laissées à l’appréciation du tribunal qui ne doit prendre en considération que celles qui sont graves, précises et concordantes.
[216] Enfin, la Commission se sent lié par l’enseignement de la Cour suprême qui veut, tel qu’énoncé dans l’arrêt Martin Richard McKinley cité précédemment, qu’en matière de congédiement et en présence de témoignages opposés comme dans ce dossier-ci, il convienne de tenir compte du contexte dans lequel les faits à l’origine de la faute se sont déroulés, pour apprécier leur force probante en lien avec les fautes reprochées.
[217] C’est instruite de l’ensemble de ces règles que la Commission va dans un premier temps apprécier la preuve que les parties lui ont soumise : d’abord, celle relative au reproche d’avoir favorisé l’entrepreneur Boulay dans le cadre des contrats, dans l’ordre, 4506 et 4621, ensuite, celle en lien avec le dossier disciplinaire de M. Houle, soit les trois éléments sur lesquels le congédiement est appuyé. Dans un second temps, la Commission évaluera le caractère raisonnable de la mesure dans les circonstances.
Avoir favorisé l’entrepreneur
Dans le cadre du contrat 4506
[218] Le contrat 4506 implique de déneiger les voies visées par celui-ci et de transporter la neige. De plus, caractéristique importante, le déclenchement d’une opération, soit déneiger et, au besoin, transporter la neige, est du seul ressort de l’entrepreneur.
[219] La lettre de congédiement reproche, dans ce cas, à M. Houle d’avoir favorisé l’entrepreneur « en l’aidant dans la gestion de ses opérations de déneigement ». Pour la Commission, le terme déneigement doit, étant donné le contexte général du dossier, inclure pour ce reproche les deux facettes d’une opération, soit les actions de déneiger et de transporter au besoin.
[220] Le premier élément de la preuve du MTQ démontrant que M. Houle avait favorisé l’entrepreneur repose sur le fait qu’il avait été avisé plus d’une fois de ne pas s’immiscer dans la gestion des contrats entre le ministère et ses contractants : une première fois, par M. Sylvain au début de la saison hivernale 2013-2014, en présence notamment de l’ensemble des chefs d’opérations, et à d’autres reprises par M. Milisav lors de rencontres de gestion avec les chefs d’opérations du Centre de services d’Anjou, ainsi qu’à deux occasions particulières, soit un matin où M. Houle lui avait rapporté qu’il y avait un andain important sur l’autoroute 40 qui nécessitait un transport de neige, et un autre matin alors que M. Houle lui avait mentionné être intervenu dans un incident entre un membre de son équipe et un sous-traitant de M. Boulay qui s’occupait de signalisation. Dans ces deux derniers cas, M. Milisav avait dit à M. Houle qu’il allait en parler à M. Sylvain.
[221] La principale chose que M. Houle, pour sa part, dit avoir retenue de la rencontre pré-hivernale est que dorénavant ce n’était plus le MTQ qui, dans le cadre de ce contrat particulier, allait déclencher les opérations, mais qu’il revenait dorénavant à l’entrepreneur d’en décider.
[222] À partir de tous ces éléments de preuve, la Commission est d’avis que M. Houle devait savoir non seulement ce qui était relatif au déclenchement des opérations, mais également qu’il ne fallait pas intervenir dans la gestion des contrats avec les entrepreneurs.
[223] Mais, la question est alors de savoir ce que veut dire intervenir ou pas dans le contrat 4506 et, suivant les faits, si les gestes posés par M. Houle doivent être visés par la conclusion qui sera tirée à cet égard.
[224] La preuve du MTQ quant aux interventions de M. Houle s’appuie essentiellement sur deux choses : ce qui a été rapporté par M. Boulay dans le cadre de l’enquête réalisée par le Service d’enquête du ministère à la suite du relevé provisoire de M. Houle, ainsi que les propos de M. Boulay lors d’une rencontre avec d’autres représentants du MTQ en vue de faire annuler une réprimande qu’il avait eue pour ne pas avoir enlevé de la neige, en janvier 2014, après que M. Houle ait été relevé de ses fonctions.
[225] De l’enquête, le MTQ n’a produit que la déclaration assermentée, signée par M. Boulay dans les circonstances suivantes. Deux personnes l’ont interrogé pendant une heure et celle qui a certifié le document que devait signer M. Boulay, s’est retirée dans le bureau de ce dernier pour écrire le contenu de la déclaration.
[226] La preuve est que la déclaration n’est pas en tout point conforme à ce qu’a dit M. Boulay : on lui a fait dire que M. Houle était comme son mentor, alors qu’il déclarera que ce terme-là ne fait pas partie de son vocabulaire, ce dont la Commission, pour l’avoir entendu témoigner avec simplicité, ne doute pas, ce même constat s’appliquant au reste de ses explications. Ainsi, la Commission accepte en preuve la déclaration écrite de M. Boulay et les commentaires qu’il y a associés lors de l’audience.
[227] Sachant que c’était la première année qu’un entrepreneur avait à décider du déclenchement d’une opération de neige, de cette preuve, il faut retenir que M. Boulay avait un problème à ce niveau lorsque les précipitations n’étaient pas très fortes, soit particulièrement de 7-8 à 10-11 centimètres de neige. Entre autres, devait-on ou pas transporter la neige dégagée?
[228] À l’audience, M. Boulay rapporte avoir dit en premier, lors de la rencontre portant sur la réprimande avec M. Kaba et deux autres personnes :
Selon moi, il n’y avait pas de quantité de neige suffisante pour faire le ramassage de la neige cette fois-là.
Ce n’est que lorsque la procureure du MTQ lui a demandé si c’était la seule raison, qu’il a ajouté qu’il ne savait pas trop quoi faire en présence de 7 à 10 centimètres, car, dans le devis du contrat, il est seulement inscrit qu’il faut ramasser pour ne pas mettre les usagers de la route en danger. Et comme il s’agit d’une interprétation de la situation qui peut varier d’une personne à l’autre, c’est alors qu’il dit s’être référé à ce qui se passait avant.
Ce qui est arrivé souvent, dans ces temps-là où il n’y avait pas beaucoup de neige, j’avais un contact avec quelqu’un du ministère, qui pouvait être M. Houle, Mme Geneviève Marchand ou quelqu’un qui était sur le terrain, un contremaître, j’ai de la misère à dire si c’était un contremaître ou un surveillant, je lui demandais l’avis : est-ce qu’il y a suffisamment de neige pour la ramasser. […] Et cette fois-là, à 7, 8 centimètres, j’avais pas jugé qu’il y avait assez de neige et j’avais pas parlé à personne du ministère.
[229] Confronté, à l’audience, au texte de la lettre lui annonçant que sa réprimande était levée et qui mentionne entre autres « Étant donné que vous aviez l’habitude de recevoir un appel de notre part pour le déclenchement des opérations de transport de neige » et interrogé s’il maintenait sa version, la réponse de M. Boulay a été oui et la Commission le croit.
[230] La Commission est amenée à le croire d’autant plus que c’est conforme à ce qu’il faut déduire d’autres éléments de preuve. D’une part, du témoignage de M. Houle qui a reconnu qu’il lui était arrivé de parler à M. Boulay parce que celui-ci l’appelait et que lui aussi avait pu l’appeler à certaines occasions, comme pour lui rappeler que les accotements étaient à déglacer comme le reste des voies suivant le commentaire que M. Milisav lui avait fait, non pas d’appeler M. Boulay, mais que c’était important que ce soit fait. D’où le rappel de M. Houle à l’entrepreneur, et ce que la Commission a compris, pas la fois que M. Milisav lui avait dit et donc non pas pour déclencher une opération spéciale, mais à une autre occasion qui s’est présentée. La Commission retient aussi que M. Houle avait parfois à appeler un entrepreneur relativement au chargement du sel que le MTQ fournit.
[231] Il est vrai que, dans la déclaration assermentée de M. Boulay, il est écrit :
Après l’opération de soufflage pour le contrat 4506 j’ai reçu une réprimande pour ne pas avoir souffler dans le délai prescrit. Normalement, Normand Houle m’appelait pour m’aviser si le soufflage était nécessaire sur mon contrat 4506 comme un mentor. Comme il ne m’a pas avisé pour le 27 janvier au 30 janvier 2014 j’ai pensé que cela n’était pas nécessaire.
[232] Entre les deux déclarations, en apparence contradictoires, de M. Boulay, à savoir qui devait appeler l’autre en premier, la Commission préfère la version livrée au tribunal, et ce, pour les raisons suivantes. D’une part, la déclaration assermentée apparaît avoir été transcrite avec des nuances de la part de son scripteur et cette personne n’a pas été entendue à l’audience. D’autre part, M. Boulay a été appelé à la barre par le MTQ et la partie qui appelle un témoin doit vivre avec tout ce qu’il rapporte, même ce qui ne fait pas son affaire, à moins de pouvoir le contredire autrement. Or, d’autres éléments de preuve vont plutôt dans le sens de la version donnée au tribunal par M. Boulay.
[233] Comme l’a plaidé le procureur de M. Houle, le MTQ a recommandé à M. Boulay d’appeler quelqu’un du ministère lorsqu’il se demande s’il doit ou non procéder, comme en fait foi ce passage du compte rendu de la réunion en vue d’annuler la réprimande :
M. Boulay demande ce qu’il doit faire lorsqu’il a un doute quant à la quantité de neige résiduelle sur son circuit pour déclencher ou non une opération.
M. Kaba mentionne qu’en premier lieu, il peut communiquer avec M. Sylvain Labeaume (nuit) ou M. Christian Ouimet (jour) pour valider s’il y a des opérations de transport de neige sur l’ensemble du réseau. S’il reste une incertitude, il doit communiquer avec M. Kaba.
[234] La Commission constate aussi que dans le même compte rendu (I-13), il est mentionné plus loin, au point 4 de sa page 2 :
4. Communication pour déclenchement du soufflage
M. Kaba rappelle que l’entrepreneur a la responsabilité du déclenchement des opérations. Dans le cas où il y aurait un doute, nous avons remis les numéros de téléphone de M. Labeaume et de M. Ouimet pour que M. Boulay puisse valider s’il y a des opérations de prévues par d’autres entrepreneurs.
[235] Et M. Ouimet est un chef des opérations, comme M. Houle, et M. Labeaume fait partie d’une des équipes de M. Houle.
[236] Dans le contexte où le MTQ suggère à un entrepreneur de contacter son personnel pour avoir des informations de nature à l’aider dans sa prise de décision de déclencher ou pas une opération de neige, il n’est pas raisonnable de penser que des échanges à ce propos entre l’entrepreneur et un employé du MTQ constituent une immixtion dans la gestion contractuelle de la part de l’employé. Et même si un employé du MTQ devait appeler M. Boulay en premier, dans les circonstances et pour les motifs exposés en preuve, la Commission n’est pas convaincue qu’elle arriverait à la conclusion que ce faisant cet employé s’immiscerait dans la gestion du contrat avec l’entrepreneur davantage, dans le but de le favoriser, que de simplement l’informer de paramètres pour l’aider dans sa prise de décision, sachant qu’il a besoin de conseils à cet égard. Encore là, seuls les faits permettraient, au besoin, de distinguer les motifs des échanges.
[237] Dans le cas du contrat 4506, on ne peut pas plus tirer des faits mis en preuve une présomption que M. Houle intervenait dans la gestion des opérations de déneigement de M. Boulay. Les faits ne sont pas suffisamment précis ou concordants pour mener à une telle conclusion.
[238] En conséquence de tout ce qui précède au sujet de ce contrat, la Commission constate que M. Houle n’a pas favorisé l’entrepreneur en l’aidant dans la gestion de ses opérations de déneigement et ce motif ne peut supporter l’imposition d’une mesure disciplinaire.
Dans le cadre du contrat 4621
[239] Le motif invoqué relativement au contrat 4621 est que M. Houle aurait favorisé l’entrepreneur en demandant à une de ses équipes, celle de M. Cyr, « d’effectuer le transport et l’enlèvement de la neige dans la bretelle "Sortie Rockland" de l’autoroute 15 sud, […], pour lequel le Ministère a rémunéré l’entrepreneur pour effectuer ces travaux ».
[240] La Commission retient, pour ce contrat-ci comme pour l’autre, que M. Houle savait ou devait savoir qu’il n’avait pas à s’immiscer dans la gestion des contrats d’un entrepreneur, à tout le moins depuis la rencontre préalable à la saison hivernale 2013-2014.
[241] Établissons aussi, au départ, qu’à la différence du contrat 4506, le contrat 4621 ne porte que sur des travaux de transport de neige. De plus, dans ce cas-là, il est admis qu’une opération de transport est déclenchée par le MTQ, plus précisément par l’envoi d’un courriel à l’entrepreneur par un employé, surveillant de contrat, directement sous les ordres de M. Sylvain, chef du SER, plus précisément, selon l’organigramme de ce service, un employé de la section Chaussées et structures, exploitation et entretien. Le déclenchement des opérations n’étant pas fait par l’entrepreneur, il ne peut mener à une situation comme celle rencontrée avec l’autre contrat.
[242] Il faut aussi noter que le contrat 4621 est rémunéré à forfait, à raison d’un montant de 168 000 $ pour chaque opération déclenchée par le MTQ.
[243] La Commission aborde en premier lieu l’argument de M. Houle fondé sur le fait qu’il n’a tiré aucun profit des gestes qu’il a posés. Le MTQ suggère qu’il ne faudrait pas en tenir compte, car ce n’est pas ce qui lui a été reproché. La Commission n’est pas d’accord avec l’objection, car l’argument est directement relié aux allégations du MTQ que la conduite de M. Houle était notamment contraire aux règles d’éthique. Or, la preuve du MTQ sur les règles d’éthique a porté en partie sur des allusions à des comportements déviants de la conduite de certains entrepreneurs en matière de pots-de-vin.
[244] C’est le MTQ qui a le premier, dans sa preuve suivant le témoignage de M. Sylvain, fait le rapprochement avec ce qui s’était passé à la Commission Charbonneau et avec la pression mise sur le ministère pour être à l’affût des contraventions aux règles d’éthique. Cela a supporté la démarche du ministère et la référence à la Commission Charbonneau a fait partie même de la plaidoirie du MTQ. Or, la Commission comprend qu’il s’est avéré, à la suite de l’enquête du ministère, qu’il n’y avait pas eu de malversations du même genre dans le cas de M. Houle, qu’il n’avait pas tiré de bénéfices d’avoir, le cas échéant, favorisé M. Boulay, puisqu’on ne lui a pas reproché ce fait. Sans être fondamental, l’argument de M. Houle est recevable pour appuyer, dans une certaine mesure, sa thèse qu’il aurait agi de bonne foi.
[245] Mais cela étant dit, la question d’avoir favorisé M. Boulay dans le cadre du contrat 4621 demeure pertinente et la Commission se doit de l’analyser au mérite.
[246] Parmi les questions à éclaircir dans le cadre de cette analyse, il s’en trouve deux qui permettent de cadrer l’ensemble des faits pertinents : qu’est-ce qu’on doit, dans les circonstances, entendre par « la bretelle Rockland » et comment, s’il y a lieu, concilier le favoritisme, allégué par une immixtion de M. Houle dans le contrat, avec l’argument de sécurité invoqué par M. Houle pour s’en défendre.
La bretelle Rockland
[247] Pour découvrir en quoi consiste la bretelle Rockland, aux fins de notre dossier, la Commission s’en remet à différents éléments de la preuve. D’abord, M. Sylvain, à qui la Commission a posé la question, dit que la notion de bretelle peut avoir deux sens : soit celui correspondant à la distance à partir du virage en U, constituant la limite sud de la zone opérée en régie par le MTQ, jusqu’au point de jonction avec l’autoroute 40, soit une distance plus courte à partir de la division des voies de la 15 sud en voies se dirigeant vers la 40 est et vers la 40 ouest.
[248] Toutefois, la preuve documentaire, selon le Plan de localisation du MTQ, (I-9, page 101-32), indique qu’après que l’autoroute 15 se soit scindée en deux voies, est et ouest, la voie ouest se scinde à nouveau plus loin en deux pour, selon un autre plan (I-9, page 101.31), donner naissance à deux autres voies qui mènent, pour l’une, à la sortie A-40 ouest et, pour l’autre, à la sortie Rockland.
[249] Dans ces circonstances, la Commission constate qu’il est plus raisonnable d’entendre par l’expression « bretelle Rockland » la section correspondant à la distance à partir du début de la voie simple jusqu’à la fin de cette sortie spécifique qui mène au chemin de service aperçu sur le plan.
[250] Or, cette section débute, toujours selon le plan, un peu avant le début de la glissière de métal précédant le muret de béton au-dessus de la rue Gince, tel que décrit par M. Houle et non contredit par M. Cyr ou M. Sylvain sur ce point.
[251] Voyons maintenant ce que la preuve a révélé quant à la demande de M. Houle à M. Cyr. M. Houle ne nie pas lui avoir demandé de « passer un coup de souffleur », mais il y a contradiction sur les voies qui étaient concernées.
[252] M. Sylvain a vu un certain soir le convoi de M. Cyr en opération sur le circuit couvert par le contrat 4621, a pu finalement le rejoindre pour lui demander s’il avait bien vu et ce qu’il en retournait. Et M. Cyr de répondre qu’il faisait cela à la demande de M. Houle.
[253] Dans son témoignage, M. Sylvain dit qu’il a compris que tout ce qu’il avait entendu des propos tenus avant qu’il soit appelé à rendre témoignage, l’amenait à croire que l’expression « bretelle Rockland » dont il était question correspondait à sa première définition, soit du virage en U jusqu’à la jonction avec l’autoroute 40. Comme la sortie Rockland jouxte plutôt avec un chemin de service, on serait porté à croire que son appréciation n’est pas tout-à-fait exacte, mais cela importe peu étant donné un autre élément de preuve plus éclairant.
[254] La Commission est d’avis que ce que M. Houle soutient avoir dit correspond davantage à la réalité parce que c’est ce qui est le plus proche de ce que M. Cyr dit avoir entendu, sans être cependant ce qu’il a effectivement compris.
[255] M. Houle dit qu’il a demandé de « passer un coup de souffleur » dans la bretelle Rockland. Il explique qu’étant donné la nature du terre-plein précédant le muret de béton sur le viaduc au-dessus de la rue Gince, soit avant le début ou à l’arrière de la glissière de métal qui précède immédiatement le viaduc et le vaste terre-plein (bien visible sur le plan de la page 101-31) qui suit le viaduc, l’opération avec la souffleuse pouvait représenter une distance totale d’environ 150 pieds et peut-être en conséquence la charge d’un camion de neige.
[256] Quant à M. Cyr, en réponse à la procureure du MTQ qui lui a demandé comment M. Houle s’y prenait pour lui formuler sa demande, la Commission, après écoute de l’enregistrement de l’audience, constate que M. Cyr a mentionné :
Par téléphone ou quand il venait nous voir sur les lieux de l’opération, on se parlait d’une camionnette à l’autre. Il me disait : « Oublie pas, quand tu vas arriver au bout, sors à Rockland, oublie pas, fais la en passant.
N’ayant pas compris, le procureur de M. Houle lui a demandé de répéter ce que M. Houle lui avait dit et M. Cyr de reprendre ce qu’il venait de dire :
J’ai dit, j’ai dit : « Quand il était à côté de moi, oublie pas, quand tu vas arriver au bout, quand tu vas sortir à Rockland, continue et fais la bretelle jusqu’à Rockland. »
[257] La Commission comprend que la demande de M. Houle ne visait pas toute la distance depuis le virage en U, mais bien la seule section de la bretelle spécifique de la sortie Rockland. Et étant donné que sur cette distance, la seule partie nécessitant l’utilisation d’« un coup de souffleur » était celle correspondant au viaduc de la rue Gince et à ses glissières, l’estimation de M. Cyr, de quatre ou cinq camions nécessaires pour transporter de la neige correspondant à quatre ou cinq voies, ne peut être retenue puisque la bretelle Rockland n’apparaît avoir qu’une seule voie.
[258] Par ailleurs, pour appuyer sa thèse que M. Houle a favorisé l’entrepreneur Boulay, le MTQ s’appuie sur le fait qu’il n’a jamais pu constater que l’entrepreneur ne faisait pas la partie de son circuit de la route 15 parce qu’elle avait déjà été faite par l’équipe de M. Cyr en régie. Étant donné ce qui vient d’être démontré, c’est autant en raison que M. Cyr avait mal compris la demande de M. Houle, car s’il s’était contenté de faire la stricte section de la sortie Rockland, les surveillants de contrat se seraient rendu compte qu’au moins la section entre le virage en U et la bretelle Rockland n’était pas faite.
[259] De plus, le MTQ s’appuie sur la déclaration de M. Boulay qu’il n’aurait pas fait la bretelle Rockland avant qu’on l’avise de la faire en 2014. Selon la Commission, cette déclaration ne pouvait vouloir inclure toute la distance de son circuit à partir du virage en U, car son contrat comprend toutes les sorties de l’autoroute 15 vers l’autoroute 40. Selon le plan de localisation (I-9, page 101-31), l’échangeur en direction sud en compte trois : 40 Est-Acadie, 40 Ouest et Sortie Rockland. S’il fallait admettre que la bretelle Rockland inclut toute la distance à partir du virage en U, il faudrait conclure que l’entrepreneur n’aurait pas fait son opération davantage pour les deux autres sorties, ce qui n’a pas été relevé dans la preuve du MTQ.
[260] Son estimation du besoin de quatre ou cinq camions correspond à ce que M. Cyr avait compris, quand il arrivait au bout du circuit de l’autoroute 15 fait en régie, de continuer l’opération comme il la faisait avant le virage en U.
[261] De plus, dans le tableau du Suivi de l’enlèvement et du transport de la neige, pour l’opération n° 1 de la saison 2013-2014, il est rapporté que :
Pierre David, contremaître JMV [un nom de compagnie associé à M. Boulay plus loin dans le même rapport], nous informe que bretelle 15 S pour A-40 Est a été prise en charge par Normand Houle.
Cela démontre deux choses : premièrement que la bretelle Rockland ne peut commencer au virage en U, car une partie du circuit de l’autoroute 15 vaut autant sinon plus pour deux autres sorties plus achalandées et, deuxièmement, M. Houle a probablement raison de soutenir avoir vu un convoi de M. Boulay emprunter l’autoroute 15 sud en utilisant le virage en U pour « virer de bord », démontrant alors que la déclaration de M. Boulay qu’il n’avait pas fait la bretelle Rockland ne voulait pas dire qu’il n’avait pas fait le reste de la partie de son circuit de l’autoroute 15.
[262] Tout cela pour conclure, sur la question de la bretelle Rockland, que les conséquences financières de la demande de M. Houle sont limitées. À cet égard, le MTQ ne les a pas chiffrées. Une chose est sûre, cela n’a pas procuré davantage de revenus à M. Boulay, ce dernier étant rémunéré à forfait pour ce contrat. Il a pu cependant en retirer des profits indirects par une durée d’opération plus courte d’environ 30 à 45 minutes, selon la preuve concernant la seule bretelle Rockland, ainsi que par des économies de carburant et de temps de travail de ses préposés, etc., mais cela n’est pas notre propos.
[263] Toutefois, le MTQ a raison de prétendre que si l’équipe de M. Houle n’avait pas eu à s’occuper du tout de la bretelle Rockland, comme ce devait être le cas, ce temps de travail aurait pu être utilisé ailleurs, tout comme l’ensemble du convoi. Il reste maintenant à voir si M. Houle était justifié de demander à M. Cyr de faire la bretelle Rockland.
S’immiscer dans le contrat 4621 vs l’argument de sécurité
[264] La lettre de congédiement indique :
Vous avez été avisé par votre supérieur hiérarchique, M. Rémi Sylvain, […] de ne pas vous immiscer dans le contrat 8507-12-4621 […]
[265] Au sens du dictionnaire, s’immiscer veut dire :
S’ingérer, s’introduire mal à propos ou indûment (dans une affaire).[12]
[266] Relativement à la bretelle Rockland, M. Houle a justifié son intervention auprès de M. Cyr pour un motif de sécurité, appuyé sur un accident survenu plusieurs années auparavant, où il y a eu mort d’un passager d’une automobile. La présence d’un andain de neige avait mené le véhicule à passer par-dessus le parapet longeant l’autoroute 40.
[267] Qu’en était-il de la dangerosité pour les deux fois, ou davantage, où M. Houle a demandé à M. Cyr de faire souffler l’andain ou la neige de la bretelle Rockland par son équipe, la preuve ne l’a pas révélé. M. Sylvain mentionne qu’il y a bien d’autres sorties plus achalandées qui seraient prioritaires comparativement à cette bretelle et que les normes du MTQ ayant été changées depuis l’accident sur l’autoroute 40, il n’y avait pas lieu pour M. Houle d’intervenir.
[268] M. Sylvain dit aussi que les deux seuls motifs pour lesquels le MTQ pourrait intervenir dans un contrat seraient que l’entrepreneur ne le respecte pas ou encore pour une raison de sécurité.
[269] M. Houle invoque que sa demande était justement pour éviter qu’une automobile, à la faveur d’une glissade sur un andain, soit projetée par-dessus le muret de béton et se retrouve sur la rue Gince en contrebas.
[270] Pour compléter cet aspect, la Commission constate qu’il n’y a pas eu de preuve sur la quantité de neige ou la nature de l’andain qui aurait pu poser problème. M. Houle reconnaît qu’il n’était pas là au moment où l’équipe de M. Cyr réalisait son opération et pas davantage M. Sylvain. La Commission remarque que le MTQ prétend qu’il y aurait eu sept opérations du genre, alors que jamais un surveillant de contrat n’a rapporté que l’entrepreneur Boulay ne faisait pas la bretelle Rockland. Comment se fait-il qu’il ait fallu que ce soit M. Sylvain qui, au hasard d’une tournée d’inspection, s’en rende compte?
[271] Le procureur de M. Houle dit que son client a peut-être fait une erreur en demandant à M. Cyr de faire une partie d’une tâche qui revenait à l’entrepreneur Boulay. M. Houle a reconnu cette erreur à l’audience. Le MTQ dit que c’est trop peu, trop tard et que cela ne devrait pas influencer le tribunal relativement à la commission de la faute qui est prouvée et avouée, et pas davantage en lien avec la punition pour cette faute que constitue le congédiement.
[272] Avant d’en décider, la Commission va considérer maintenant la teneur de la faute, mais en soulignant que l’impact de la faute a été amplifié par, d’une part, le fait que M. Cyr apparaît avoir mal compris ce qui lui avait été demandé et d’autre part, parce que quelque chose au plan de la surveillance du contrat 4621, en ce qui a trait à la partie du circuit incluant une partie de l’autoroute 15, semble avoir connu des ratés.
La nature de la faute
[273] La faute de M. Houle est de s’être introduit mal à propos et indûment dans l’exécution du contrat 4621, dans la gestion des opérations de déneigement. La preuve a démontré que cette gestion constitue pour le MTQ une activité des plus importantes. Deux cent cinquante personnes travaillent au SER qui, selon son organigramme, se subdivise en onze sous-unités administratives, dont trois centres d’opérations qui doivent veiller à l’entretien d’équipements majeurs d’un réseau routier desservant une grande partie de la population du Québec.
[274] La preuve documentaire du MTQ a aussi démontré que la surveillance et l’entretien du réseau de l’Île-de-Montréal nécessitaient un apport combiné des renseignements fournis par les personnes les plus près des opérations, d’où le rôle primordial des chefs des centres d’opérations. M. Houle connaît l’importance de la transmission de tous les renseignements pertinents. Chaque matin ou presque, selon M. Milisav, il passe par le bureau de son supérieur pour lui faire part de ce qui s’est passé durant la nuit.
[275] L’importance d’informer son supérieur et, par ricochet, les autres responsables du SER ressort également des tableaux de suivi des opérations que la Commission a examinés. Y sont notés une foule de détails sur ce qui arrive sur le réseau. Elle a pu en relever qui provenaient aussi de M. Houle. De plus, lui-même a rappelé qu’il avait pris soin de demander la permission à son supérieur immédiat pour s’occuper de corriger le défaut du sous-traitant en signalisation lors de l’incident du tunnel LHF.
[276] Il ne l’a pas fait dans le cas du danger qu’il appréhendait avec la situation qu’il avait constatée à la bretelle Rockland parce qu’il jugeait que sa demande n’impliquait pas une énorme dépense. Mais, au-delà de la question financière, l’importance de la faute qu’il reconnaît tient davantage au fait qu’il s’est adjugé le soin de décider si l’information qu’il détenait et qui l’amenait à intervenir méritait d’être connue ou non de son organisation qui doit compter de façon importante sur les observations que ses employés lui transmettent. Le MTQ doit répondre de ce qui arrive sur le réseau routier et le SER doit répondre de celui de l’Île-de-Montréal, et ce, tant au gouvernement qu’au public en général.
[277] La Commission est d’accord avec le MTQ que cette faute est grave. Chaque fois qu’elle est commise, c’est l’efficacité du service qui peut être compromise. Et si la faute est commise par un chef des opérations, c’est pire étant donné l’exemple qu’il doit donner aux membres de ses équipes.
Congédiement ou autre mesure
[278] Dans l’affaire McKinley, la Cour suprême enseigne qu’en matière de congédiement « pour cause de malhonnêteté, il faut apprécier le contexte de l’inconduite alléguée. Plus particulièrement, il s’agit de savoir si la malhonnêteté de l’employé a eu pour effet de rompre la relation employeur-employé. »
[279] Dans un cas où la malhonnêteté de l’employé n’est pas mise en cause, la Commission comprend que le contexte penche davantage pour l’employé.
[280] Suivant les autres règles que le plus haut tribunal du pays a données pour guider un tribunal en semblable matière, la Commission a examiné avec soin « la nature de l’inconduite et les circonstances l’ayant entourée ». La Commission ne peut s’empêcher d’ajouter, à ce qu’elle a déjà écrit, qu’elle a ressenti un malaise devant l’insistance, dans la preuve du MTQ, à référer à la nécessité de protéger l’intégrité du ministère en associant le cas de M. Houle plus ou moins directement au thème propre à la Commission Charbonneau. La Commission ne doute pas que la décision de congédier M. Houle a été prise après mûre réflexion, mais celle-ci semble avoir été trop marquée par l’ambiance qui semblait régner à ce moment au MTQ.
[281] À tout évènement, la Commission arrive à la conclusion, pour paraphraser l’arbitre dans l’affaire du Casino du Lac-Leamy, que la preuve n’a pas démontré que M. Houle avait objectivement eu l’intention d’agir au détriment des intérêts du MTQ lorsqu’il a omis de demander l’autorisation à son supérieur immédiat ou hiérarchique de faire souffler ou autrement déneiger la bretelle Rockland, et ce, à un nombre de reprises que la preuve n’a pas permis de déterminer clairement.
[282] En conséquence, le congédiement de M. Houle doit être annulé. Par ailleurs, sa faute, la Commission le répète a été grave et il mérite une mesure disciplinaire à la hauteur de l’équilibre nécessaire pour l’amener à ne pas récidiver. Elle doit comporter de plus un caractère exemplaire qui, dans son milieu de travail, devrait convaincre de ne pas imiter son geste fautif.
L’autre mesure : la suspension
[283] Une longue suspension correspond à la mesure disciplinaire appropriée dans les circonstances. Sa durée doit se mesurer, dans un premier temps, en tenant compte de l’individu et, dans un second temps, comme c’est le cas ici, du dossier disciplinaire de l’employé.
[284] La Commission a pu entendre et observer M. Houle durant trois jours d’audience. Il lui est apparu une personne passionnée par son travail; il a été de loin le témoin le plus enclin à donner des détails pour que les explications techniques des diverses situations soient bien vulgarisées. Il a manifesté un caractère prompt à l’exécution de ce qui lui vient à l’esprit et à donner la réponse au problème qui se pose, même si ce n’est pas à lui de le faire. Son procureur à quelques reprises et même le soussigné, une ou deux fois, ont dû le ramener à l’ordre pour qu’il attende son tour pour prendre la parole. Il ne serait pas surprenant qu’il ait au travail le même comportement et qu’il agisse parfois sans la réserve qu’un subordonné doit adopter par rapport à l’autorité.
[285] Une mesure disciplinaire vise à corriger un manquement de l’employé et elle doit le faire d’une façon démonstrative et exemplaire, mais aussi sans oublier qu’elle vise à corriger et non pas à stigmatiser celui qui la reçoit. Une suspension sans traitement de six mois apparaîtrait raisonnable si le dossier disciplinaire de M. Houle était sans tache. Mais ce n’est pas le cas.
La progression dans l’administration d’une sanction
[286] M. Houle a déjà été l’objet d’une suspension à deux reprises. Une première de cinq jours pour un don à un organisme d’un tuyau, coupé aux frais du ministère. La même année, M. Houle a quand même eu une cote de niveau satisfaisant dans son évaluation de rendement annuel. C’est dire qu’il est probable qu’on a davantage sanctionné le fait d’avoir agir sans autorisation que la valeur du bout de tuyau. Ce qui importe, c’est de constater que, cette fois-là, il avait aussi agi sans en parler à ses supérieurs. Que ce soit par insouciance ou par négligence, les évènements dans cette affaire-ci constituent une récidive. Mais une récidive après dix ans.
[287] Quant à la seconde suspension, cette fois de 7 jours en 2013, elle a été administrée notamment parce qu’elle avait contribué à ternir l’image publique du MTQ : une photo, saisie depuis déjà un bout de temps et sans qu’on ait pu déterminer si elle avait été prise ou non à l’occasion d’une pause, avait été envoyée à un journaliste et montrait M. Houle dormant dans un véhicule du MTQ.
[288] Sans s’identifier à l’une ou l’autre des tendances jurisprudentielles en matière de progression dans les sanctions, la Commission considère que tout le dossier disciplinaire d’un individu doit être pris en ligne de compte quand vient le temps de sanctionner une nouvelle faute, que ce soit la récidive d’une ancienne faute ou une faute d’un type différent. Toutefois, la mesure de la sanction de la nouvelle faute doit tenir compte différemment des durées des suspensions antérieures, et ce, selon la nature de ces autres mesures. Il faut tenir compte de toutes les mesures disciplinaires, car elles démontrent un caractère ou une certaine insouciance vis-à-vis la déviance. Mais, il faut tenir compte davantage de celles qui font en sorte, d’une manière plus ou moins marquée, que la nouvelle faute constitue une récidive, car elles témoignent que le défaut qu’on avait voulu corriger ne l’a pas été.
[289] Dans l’application de cette approche à la situation de M. Houle, qui vise à trouver un équilibre entre la valeur de suspensions de nature différente, sans en faire une règle mathématique, la Commission considère approprié, en application de la prise en compte des sanctions antérieures, d’ajouter à la suspension de six mois, quatre semaines pour tenir compte qu’il s’agit d’une faute de même nature que celle de la suspension de 2004, ainsi que deux semaines pour tenir compte de la suspension de 2013 qui, bien que de nature différente, constitue tout de même une marque d’insouciance par rapport à l’exemple attendu d’un cadre.
[290] En considération de tout ce qui précède, la Commission annule le congédiement de M. Houle pour y substituer une suspension sans traitement de six mois et six semaines, à compter du 1er mai 2014, avec remboursement des sommes et attribution des autres avantages dont il a pu être privé depuis la date de la fin de l’application de cette suspension jusqu’à son retour au travail dans ses fonctions.
POUR CES MOTIFS, la Commission :
· ACCUEILLE partiellement l’appel de M. Normand Houle;
· ANNULE le congédiement de M. Houle que lui a administré le ministère des Transports à compter du 1er mai 2014;
· SUBSTITUE au congédiement une suspension de six mois et six semaines, soit du 1er mai au 12 décembre 2014;
· ORDONNE au ministère des Transports de réintégrer M. Houle dans son emploi avec tous les droits et privilèges prévus dans ses conditions de travail, et ce à compter du 13 décembre 2014;
· ORDONNE au ministère des Transports de verser à M. Houle les sommes et de lui attribuer les autres avantages dont il a été privé, et ce, pour la période écoulée depuis le 13 décembre 2014, le tout avec intérêt au taux légal, en ajoutant, au montant à verser, une indemnité additionnelle calculée en appliquant à ce montant, à compter de la même date du 13 décembre 2014, un pourcentage égal à l’excédent du taux d’intérêt fixé suivant l’article 28 de la Loi sur l’administration fiscale (RLRQ, c. A-6.002) sur le taux légal d’intérêt;
· RÉSERVE à la Commission compétence quant à l’application de cette décision en cas de difficultés.
Original signé par :
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_____________________________ Robert Hardy, avocat Commissaire |
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Me Pierre Grenier |
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Procureur de l’appelant |
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Me Micheline Tanguay |
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Procureure pour l’intimé |
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Lieu et dates de l’audience : |
Montréal, 17 octobre, 6 et 26 novembre 2014 |
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[1] Selon les explications de M. Houle, une glissière est une section en métal, d’environ 4,20 mètres qui est fixée sur des poteaux de bois ou de métal et qui protège notamment les piliers des arches qui supportent des panneaux de signalisation.
[2] Selon la pièce I-4, Mme Roussin était conseillère en gestion des ressources humaines pour la Direction de l’Île-de-Montréal.
[3] Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, communément appelée « Commission Charbonneau ».
[4] Dans le rapport de suivi de l’opération no 1 de 2013-2014, on peut lire effectivement ce commentaire relatif à la bretelle 15 S pour la 40 S, du circuit de M. Boulay : « 2 hres du matin, l’entrepreneur a accroché une boîte en plastique (boîte électrique à confirmer) au km 69.2 avant la sortie 70 ».
[5] Labrecque c. Ville de Montréal, SOQUIJ AZ-50564666.
[6] Syndicat des croupiers du Casino du Lac-Leamy c. Société des casinos du Québec inc., SOQUIJ AZ-50865010.
[7] Précité, note 5, par. 89 et suivants.
[8] Précité, note 5, par. 109.
[9] Précité, note 5, par. 124.
[10] Produits forestiers Coulonge inc. c. IWA-Canada, section locale 1-400, SOQUIJ AZ-5019691.
[11] Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298, SOQUIJ AZ-50632617
[12] Le Petit Robert 2013, Éditions Dictionnaires Le Robert, Paris, 2013, p.1280.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.