Deschênes c. Mailloux

2017 QCCA 1248

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE QUÉBEC

 

N:

200-09-009060-150

 

(400-17-003646-144)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE :

17 août 2017

 

L'HONORABLE

SIMON RUEL, J.C.A. (JR1676)

 

PARTIE APPELANTE INTIMÉE INCIDENTE

AVOCAT

 

MARIO DESCHÊNES, ès qualités

 

 

Me JACQUES PRÉVOST

(Pouliot, Caron)

 

PARTIE INTIMÉE APPELANTE INCIDENTE

AVOCAT

 

PIERRE MAILLOUX

 

 

NON REPRÉSENTÉ

 

PARTIES MISES EN CAUSE

AVOCAT

 

TRIBUNAL DES PROFESSIONS

CHRISTIAN GAUVIN, ès qualités

 

 

 

 

 

En appel d'un jugement rendu le 9 juin 2015 par l'honorable Marc St-Pierre de la Cour supérieure, district de Trois-Rivières.

 

 

DESCRIPTION :

 
Requête de l’intimé appelant incident pour suspendre l’exécution d’arrêts de la Cour d’appel

 

Greffière : Marianik Faille (TF0891)

Salle : 4.30

 


 

 

 

AUDITION

 

 

10 h 16

Le juge déclare avoir pris connaissance de la requête;

 

Observations de M. Mailloux;

 

Observations du juge;

 

M. Mailloux poursuit;

10 h 23

M. Mailloux remet au juge la demande en autorisation d’appel déposée en Cour suprême;

10 h 24

M. Mailloux dépose de la jurisprudence et des pièces en liasse et poursuit ses observations;

10 h 39

Me Prévost dépose un document et débute ses observations;

 

Observations du juge;

 

Me Prévost poursuit;

10 h 48

Réplique de M. Mailloux;

10 h 51

Jugement. Les motifs seront déposés au procès-verbal au courant de la journée.

 

 

 

 

(s)

Greffière audiencière

 


PAR LE JUGE

 

 

JUGEMENT

 

[1]          Le requérant présente une demande pour suspendre l’exécution d’arrêts de cette Cour rendus le 25 mai 2017 dans un dossier disciplinaire.

[2]          La chronologie sommaire de cette affaire est la suivante.

[3]          Le requérant est médecin psychiatre. Le Collège des médecins dépose contre lui une plainte disciplinaire comportant cinq chefs, en lien avec des propos tenus lors d’une émission télévisuelle en 2005 et lors d’émissions radiophoniques en 2003 et 2004. Le quatrième chef porte sur le dénigrement d’un membre d’un autre ordre professionnel.

[4]          Le 9 septembre 2009, un Conseil de discipline du Collège des médecins trouve le requérant coupable sur les cinq chefs et lui impose, le 16 octobre 2012, une radiation temporaire de cinq ans sur chacun des chefs.

[5]          Le 19 septembre 2014, le Tribunal des professions rejette l’appel sur la culpabilité, mais accueille l’appel sur la sanction, en y substituant une amende totale de 20 000 $, soit 5 000 $ sur chacun des chefs 1, 2, 3 et 5, et une radiation temporaire de trois mois sur le quatrième chef.

[6]          Le 9 juin 2015, la Cour supérieure accueille la requête en révision judiciaire du requérant, compte tenu que le Conseil de discipline et le Tribunal des professions ne se seraient pas prononcés sur ses arguments concernant la liberté d’expression.

[7]          Dans un arrêt du 25 mai 2017, cette Cour accueille l’appel du syndic et infirme le jugement de la Cour supérieure, rétablissant ainsi les déclarations de culpabilité. Dans un arrêt parallèle rendu le même jour, cette Cour rejette l’appel incident du requérant sur la peine.

[8]          Le requérant a déposé en Cour suprême du Canada une demande d’autorisation de pourvoi concernant l’arrêt du 25 mai 2017 sur la culpabilité. Cette demande est toujours pendante. Il invoque l’application en matière disciplinaire de l’arrêt R. c. Jordan[1], portant sur le droit à un procès dans un délai raisonnable.

[9]          L’appelant avait demandé l’arrêt des procédures entreprises contre lui par le syndic en raison des délais excessifs pour la première fois devant cette Cour, le jour même de l’audition des appels. La Cour rejette la demande, sans se prononcer sur son mérite, compte tenu qu’elle est tardive et qu’elle prend la partie adverse par surprise[2].

[10]       En application de l’article 390 du Code de procédure civile, le requérant demande la suspension de l’obligation d’acquitter les amendes imposées, au montant total de 20 000 $, plus les frais disciplinaires s’élevant à 10 869 $, dans l’attente d’une décision de la Cour suprême sur sa demande d’autorisation de pourvoi.

[11]       Sur une telle demande, le requérant doit convaincre la Cour que les questions qu’il soulève sont sérieuses, que l’exécution immédiate des arrêts lui cause un préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients, considérant l’intérêt public de préserver l’intégrité des processus disciplinaires visant les professionnels, favorise la suspension de l’exécution[3].

[12]       Les garanties juridiques prévues à l’article 11 de la Charte canadienne des droits et libertés protègent les droits des personnes inculpées d’une infraction criminelle ou pénale. Sans se prononcer sur la question de savoir si le droit constitutionnel d’être jugé dans un délai raisonnable s’applique également en matière disciplinaire, il reste que cette question ne peut en principe être soulevée en première fois en appel, compte tenu notamment de l’absence de preuve au dossier.

[13]       Il faut rappeler que cette Cour a par ailleurs jugé la demande en arrêt des procédures du requérant, présentée le jour même de l’audition, tardive et préjudiciable à la partie adverse, qui avait évidemment le droit de se défendre.

[14]       Conséquemment, à mon avis, les questions soulevées par le requérant ne possèdent pas le sérieux requis pour justifier la suspension demandée.

[15]       Par ailleurs, le requérant ne souffre d’aucun préjudice irréparable. Il a déjà acquitté l’amende et les frais disciplinaires. Par la présente demande, il en recherche le remboursement anticipé. S’il a gain de cause, le Collège des médecins lui remboursera les sommes versées.

[16]       Le requérant plaide que le syndic ne peut lui réclamer les frais disciplinaires, puisque cette Cour a accueilli l’appel sur la culpabilité et rejeté l’appel sur la peine sans frais. Avec respect, le requérant se méprend sur cette question, puisqu’il s’agit des frais judiciaires et non pas des frais disciplinaires.

[17]       De toute manière, le seul préjudice financier n’est pas considéré comme étant irréparable[4] et justifiant la suspension de l’exécution d’une décision rendue par une Cour d’appel.

[18]       Dans la perspective de maintenir la crédibilité du système disciplinaire applicable aux médecins, le Collège présente un intérêt public important à ce que la peine imposée au requérant à la suite de sa condamnation déontologique soit purgée et les amendes acquittées. Le requérant a essentiellement épuisé ses recours, sauf pour la question du délai déraisonnable soumise à la Cour suprême.

[19]       La prépondérance des inconvénients penche donc en faveur du syndic du Collège des médecins, qui s’assure de l’application des normes déontologiques à l’égard de ses membres dans une perspective de protection du public[5].

POUR CES MOTIFS, LE SOUSSIGNÉ :

[20]       REJETTE la requête;

[21]       LE TOUT, avec frais de justice.

 

 

 

 

 

SIMON RUEL, J.C.A.

 



[1] R. c. Jordan, 2016 CSC 27.

[2] Mailloux c. Deschênes, 2017 QCCA 846, paragr. 6.

[3] Autorités des marchés financiers c. Groupe SNC-Lavalin inc.2013 QCCA 884, paragr. 11; Ferme Brien

  & Fils inc. c. Fédération des producteurs acéricoles du Québec, 2007 QCCA 1337, paragr. 23; Comité de

  déontologie policière c. Dechenault, 2005 QCCA 880, paragr. 6 à 8; 

[4] Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général), 2013 QCCA 1263, paragr. 39; Dupuy c.

  Leblanc, 2016 QCCA 1685, paragr. 10.

[5] Code de déontologie des médecins, RLRQ, c. M-9, r. 17, article 116.

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