Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Demirtas et Mesure de form. de la main-d'oeuvre

2013 QCCLP 3640

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

20 juin 2013

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

461819-71-1202

 

Dossier CSST :

136057247

 

Commissaire :

Michel Denis, juge administratif

 

Membres :

Claude Jutras, associations d’employeurs

 

Bruno Lefebvre, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Mehmet Demirtas

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Mesure de form. de la main-d’œuvre

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 7 février 2012, monsieur Mehmet Demirtas (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 30 janvier 2012 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 4 novembre 2011 et déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi depuis le 1er août 2011 et qu’il n’a plus droit à des indemnités de remplacement du revenu.

[3]           À l’audience tenue le 11 juin 2013, le travailleur est présent et représenté par monsieur Armano Luigi Zampini et la société Mesure de formation de la main-d’œuvre (l’employeur) est représentée par Me Jean Hébert; la CSST a produit un avis d’intervention conformément aux dispositions de l’article 429.16 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1](la loi), mais a avisé de son absence par télécopieur daté du 10 juin 2013.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande de reconnaître que la CSST n’était pas liée par le rapport complémentaire de son médecin traitant, le docteur Yeretsian, en date du 29 août 2011, et de retourner son dossier à la CSST afin qu’il soit soumis au Bureau d’évaluation médicale.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[5]           Le représentant du travailleur argue que le rapport complémentaire du docteur Yeretsian daté du 29 août 2011 ne doit pas lier la CSST en vertu des dispositions de l’article 224 de la loi, car il porte à interprétation, compte tenu du diagnostic de hernie discale en L5-S1 émis le 4 juillet 2011,  et qu’il n’a pas informé le travailleur sans délai du contenu de son rapport, conformément aux dispositions des articles 205.1 et 212.1. Celui-ci dépose de la jurisprudence au soutien de ses prétentions[2].

[6]           En contrepartie, le procureur de l’employeur soumet que le rapport complémentaire du docteur Yeretsian daté du 29 août 2011 doit prévaloir car il est clair et ne suscite aucune interprétation; de plus, l’information du contenu de son rapport à transmettre au travailleur demeure une question de procédure et n’a pas pour effet d’invalider ledit rapport. Celui-ci dépose de la jurisprudence au soutien de ses prétentions.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur est capable d’exercer son emploi d’aide-chauffeur à compter du 1er août 2011; considérant les représentations des parties, il s’agit donc de déterminer si la CSST était liée par le rapport complémentaire du docteur Yeretsian daté du 29 août 2011 et si l’absence d’informer sans délai le travailleur du contenu dudit rapport par le médecin traitant a pour effet de l’invalider.

[8]           Les articles de loi pertinents au présent litige sont les suivants.

358.  Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.

 

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365 .

 

Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1 .

 

Une personne ne peut demander la révision du taux provisoire fixé par la Commission en vertu de l'article  315.2 .

__________

1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.

 

 

205.1.  Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .

__________

1997, c. 27, a. 3.

 

 

212.1.  Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .

__________

1997, c. 27, a. 5.

 

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

[9]           Sur le plan factuel, le travailleur agit à titre d’aide-chauffeur pour l’employeur depuis le 25 janvier 2010 lorsqu’il subit un accident du travail le 4 mars 2010, sous forme d’une entorse lombaire, tel que reconnu par une décision finale de la Commission des lésions professionnelles rendue le 17 mars 2011, alors qu’il soulève un carton de lait et ressent un choc électrique au dos.

[10]        Le 5 mars 2010, le docteur Yeretsian prend charge du travailleur et pose le diagnostic d’entorse lombaire, lequel sera confirmé dans une attestation médicale datée du 12 mai 2010, ainsi que par le docteur Mitchell les 9 mars et 7 juin 2010; le 17 mai 2011, le docteur Yeretsian émet le diagnostic de hernie discale L5-S1.

[11]        Le 4 juillet 2011, la docteure Gagnon procède à une résonance magnétique de la colonne lombo-sacrée afin d’éliminer la hernie discale L5-S1 et rédige la conclusion suivante :

En L5-S1, une protrusion discale postéro-latérale droite est identifiée sténosant le récessus latéral et susceptible de gêner l’émergence de la racine S1 à ce niveau.

 

L’alignement des vertèbres est anatomique.

La moelle osseuse est homogène.

Le canal spinal est un peu étroit vis-à-vis L3-L4 et L4-L5 mais reste de calibre adéquat à tous les niveaux. Le conus est en position et d’apparence normales et les racines de la queue-de-cheval sont sans particularité. [sic]

 

 

[12]        Le 21 juillet 2011, le docteur Bonin, médecin désigné par l’employeur, procède à l’examen objectif du travailleur et rédige ceci :

[…]

 

1.  Le ou les diagnostics en précisant ce qui est lié à l’évènement du 4 mars 2010 et ce qui est lié aux lésions antérieures à cet évènement;

 

-     Considérant le mécanisme tel qu’il m’a été décrit;

 

Nous pouvons retenir un diagnostic d’entorse lombaire comme étant consécutif à l’évènement du 4 mars 2010.

 

Comme autre diagnostic, nous retenons une discopathie dégénérative multiétagée au niveau du rachis lombaire (condition personnelle).

 

2.  La nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits pour le ou les diagnostics en lien avec l’évènement du 4 mars 2010, ainsi que pour les diagnostics précédant l’évènement, s’il y a lieu;

 

En rapport avec le diagnostic d’entorse lombaire et l’évènement du 4 mars 2010, nous ne croyons pas que monsieur nécessite d’autres traitements, considérant que nous sommes à près de seize mois de l’évènement initial.

 

[…]

 

4.  Le ou les diagnostics de monsieur Demirtas, en lien avec l’évènement du 4 mars 2010 sont-il consolidés?

           

a. Sinon, la date de consolidation du ou des diagnostics de monsieur Demirtas, en lien avec l’évènement du 4 mars 2010, est-elle prévisible?

 

À notre avis, l’entorse lombaire consécutive à l’évènement du 4 mars 2010 peut être considérée comme consolidée en date de notre examen, le 21 juillet 2011.

 

5.  Des limitations et/ou un % de déficit anatomophysiologique liés à la lésion subie le 4 mars 2010 sont-ils envisagés? Si oui, quelles sont ces limitations et quel est le % de déficit anatomophysiologique?

 

 

-     Considérant le diagnostic d’entorse lombaire;

 

Nous ne croyons pas qu’il existe de déficit anatomo-physiologique.

L’examen clinique d’aujourd’hui n’est pas en accord avec les séquelles d’une entorse lombaire, et en ce sens, nous ne recommandons pas de limitation fonctionnelle.

 

[…]

 

 

[13]        Le 29 août 2011, le docteur Yeretsian complète un rapport complémentaire dont trois mots se révèlent illisibles, tel que rapporté dans les notes évolutives du 13 octobre 2011 :

[…]

 

Appel à la fille de T […] (2011-10-13)

J’explique à la fille de T que le rapport complémentaire n’a pu être totalement « compris » par le médecin conseil. Je mentionne que nous allons demandé de l’information directement au médecin traitant de son père afin qu’il éclaircisse ce qu’il a écrit concernant le diagnostic. Je précise que le MD à 30 jours de délai pour nous répondre. Je dit à la T que le MD traitant est d’accord avec l’expertise du médecin de E concernant les TX, qu’il n’y a pas de limitations fonctionnel, n’y d’atteinte permanente. De plus, j’informe la fille du T que le md traitant consolide son père avec un seul mois de différence qu’avec celui du médecin désigné du E. [sic]

 

[…]

 

 

[14]        À la demande de la CSST, le docteur Yeretsian complète son rapport complémentaire écrit à l’ordinateur, lequel comprend ceci :

DIAGNOSTIC :

1.   Je maintiens le diagnostic de l’entorse lombaire, mon impression clinique lors de l’examen du 05/mars/2010.

2.   Je prolongerais la date de consolidation jusqu’au 01/08/2011.

3.   Aucun traitement supplémentaire est nécessaire dû à l’accident survenu le 04/03/2010.

4.   Pas de déficit anato-physiologique est requis dû à l’accident survenu 04/03/2011.

5.   Pas de limitation fonctionnelle du travailleur est prévue concernant l’accident survenu le 04/03/2010.

 

Par contre étant donné son absence du travail depuis le 5 mars 2010 le patient mériterait une réadaptation pour une période de 1 mois pour reprendre son travail.

 

N.B : je vous envoie la consultation du Dr Nelson Mitchell avec ce rapport.

 

 

Dr. Sarkis Yeretsian [sic]

 

 

[15]        À cet effet, les notes évolutives du 20 octobre 2011 prévoient ceci :

[…]

 

Nous avons reçu une copie imprimée du rapport complémentaire par Dr Yeretsian. Le rapport est maintenant entièrement lisible et le Dr Yeretsian écrit qu’il est d’accord avec le diagnostic de entorse lombaire. La date de consolidation qu’il indique : 01 août 2011, est acceptée par l’E.

Donc, il n’y a pas lieu d’aller au BEM.

 

[…]

 

 

[16]        Les notes évolutives du 3 novembre 2011 rapportent les informations transmises à la fille du travailleur :

[…]

 

            Appel à la fille du T : Meral Demirtas […] 2011-11-03 12h43

            J’explique à madame Demistras que nous avons obtenu une version lisible du rapport complémentaire du MD traitant de son père. Je mentionne que le MD traitant de son père est d’accord avec l’expertise (de E) du 21 juillet 2011. Donc, que son père est consolidé, sans atteintes et sans limitations et qu’il a suffisance des traitements.

 

            Je mentionne qu’en date du 4 novembre 2011;

·         les IRR cesseront

·         les TX cesseront d’être payer par la CSST

·         le dossier sera fermé

[…]

J’indique à madame que son père recevra sous peu une lettre de capacité.

Lettre émise

 

Je conviens avec madame Demirtas de faire parvenir à son père :

·         la copie de l’expertise

·         la copie du rapport complémentaire [sic]

 

[…]

 

 

[17]        À la lumière de cette preuve factuelle, il appert manifeste que le contenu du rapport complémentaire du médecin traitant en date du 29 août 2011 s’avère clair et sans équivoque à l’effet qu’il entérine entièrement les conclusions du docteur Bonin. À cet effet, bien qu’il ait émis un diagnostic de hernie discale en L5-S1 le 4 juillet 2011, le docteur Yeretsian indique clairement que son impression diagnostique est une entorse lombaire, soit le même diagnostic qu’il a émis le lendemain de l’accident, alors que celui de hernie discale apparaît plus de 16 mois après l’accident du 4 mars 2010, ce qui rend la relation fort improbable. De plus, le docteur Yeretsian prend connaissance de la résonance magnétique du 4 juillet 2011 qui a pour but d’éliminer la hernie discale en L5-S1, ainsi que de l’expertise médicale du docteur Bonin, lequel identifie une condition personnelle de discopathie dégénérative multi-étagée au niveau du rachis lombaire, mais plus significative en L5-S1.

[18]        En ce qui a trait à l’allégation de la fille du travailleur à l’effet que celui-ci n’a pas reçu le rapport complémentaire, cette affirmation s’avère nettement contredite par les notes évolutives du 3 novembre 2011; l’ensemble des notes évolutives indique que la fille du travailleur est avisée constamment du déroulement du dossier et que le rapport complémentaire lui fût expédié vers le 3 novembre 2011.

[19]        Le tribunal souscrit à la jurisprudence majoritaire de la Commission des lésions professionnelles qui accorde une interprétation large et libérale aux dispositions des articles 205.1 et 212.1 de la loi à l’effet qu’informer sans délai un travailleur du contenu d’un rapport complémentaire demeure une question de procédure et n’a pas pour effet d’invalider ledit rapport, d’autant plus que la CSST a fait parvenir ce rapport à la fille du travailleur dans le dossier qui nous occupe.

[20]        Dans l’affaire Mallet et Popote roulante Salaberry Valleyfield[3], la juge administrative fait un survol de la jurisprudence sur les dispositions des articles 205.1 et 224 de la loi :

 

[66]     Par ailleurs, la jurisprudence2 a précisé et nuancé les conditions qui confèrent à un rapport complémentaire un caractère liant.

 

[67]     Une première condition a trait à la qualification du médecin qui produit ce rapport. Ce médecin doit nécessairement être le médecin qui a charge de la travailleuse3.

 

[68]     De plus, celui-ci doit avoir une connaissance suffisante de l’état de la travailleuse au moment de l’émission de son rapport complémentaire.4 Bien qu’il n’ait pas l’obligation d’examiner la travailleuse avant de produire ce rapport, le médecin qui a charge de la travailleuse doit néanmoins avoir en main l’ensemble des informations pertinentes lui permettant d’émettre un avis de manière éclairée.5

 

[69]     La jurisprudence établit également que la réponse du médecin qui a charge de la travailleuse doit être claire, sans ambigüité et ne pas porter à interprétation. Cette obligation est d’autant plus marquée lorsque le médecin traitant modifie son opinion antérieure pour se rallier à celle du médecin désigné6.

 

[70]      Relativement à l’obligation pour le médecin qui a charge d’informer sans délai la travailleuse du contenu de son rapport, comme le stipule l’article 205 de la loi, deux courants jurisprudentiels s’opposent.

 

 

[71]      Pour l’un, cette obligation dévolue au médecin qui a charge de la travailleuse doit être respectée par ce dernier, sans quoi son rapport complémentaire ne saurait avoir un caractère liant7.

 

[72]      Selon un autre courant,8 cette obligation d’information doit s’interpréter libéralement et peut être satisfaite dans la mesure où la travailleuse est informée promptement de la teneur du rapport complémentaire de son médecin, notamment par les agents de la CSST. Ainsi, le défaut pour le médecin qui a charge d’informer lui-même la travailleuse ne serait pas fatal à la validité de son rapport complémentaire.

 

[73]      Dans l’affaire Bouchard et Martin Chevrolet Oldsmobile inc.9, la Commission des lésions professionnelles s’exprime ainsi sur la questions :

 

[83]         Par ailleurs, comme il a été décidé à maintes reprises dans le passé, la Commission des lésions professionnelles retient que le défaut du médecin traitant d’informer le travailleur du contenu de son rapport complémentaire n’invalide pas ce rapport. En effet, la Commission des lésions professionnelles estime que cette obligation d’information qui est faite au médecin traitant constitue un rouage dans la transmission de l’information au travailleur pour l’informer si le processus d’indemnisation doit être poursuivi ou interrompu. Aucune sanction n’y est rattachée et le travailleur demeure lié par les conclusions de son médecin traitant qu’il ne peut, de toute façon, contester.

 

[74]      La soussignée partage ce dernier courant, qui semble de plus en plus majoritaire en regard de la validité d’un rapport complémentaire10.

 

[…]

 

[91]      Reste la question associée à l’obligation du médecin traitant d’informer sans délai la travailleuse du contenu de son rapport complémentaire.

 

[92]      Il s’agit en fait du principal motif invoqué par le procureur de la travailleuse au soutien de sa requête, s’appuyant sur le premier courant jurisprudentiel discuté antérieurement.

 

[93]      Or, comme l’a indiqué la soussignée, celle-ci privilégie une interprétation libérale de cette obligation d’information en matière de production de rapport complémentaire.

 

[94]      Il appert en l’espèce que dans les jours suivant l’émission du rapport complémentaire contesté, la travailleuse est informée par la CSST de l’existence et de la teneur de celui-ci, de même que des conséquences qui en découlent, que ce soit par le biais d’une décision concernant le pourcentage d’atteinte permanente ou par communications téléphoniques.

__________

                2           Pour une revue de la jurisprudence sur cette question voir Richer et Sécuritas, 2012 QCCLP 2878 et Bernard et Constructions Scandinaves inc., 2012 QCCLP 2618 .

                3                     Martel et Philips électronique ltée, C.L.P. 246779-64-0410, 4 avril 2006, R. Daniel; Richer et Sécuritas, précitée, note 2.

                        4                     Jean et Belron Canada inc., [2006], C.L.P. 473 ; Lussier et Berlines RCL inc., C.L.P. 122844-05-9908, 21 septembre 2000, L. Boudreault; O’Connor et Cri Environnement inc., 2011 QCCLP 2977 ; Lemire et Relais routier Petit inc., 2012 QCCLP 437 .

                        5                     Paquette et Aménagement Forester LF, C.L.P. 246976-08-0410, 6 juillet 2005, J.F. Clément.

                        6                     Ouellet et Métallurgie Noranda inc., C.L.P. 190453-08-0209, 9 septembre 2003, M. Lamarre; Clermont et Broderie Rive-Sud, C.L.P. 254081-62B-0501, 15 décembre 2005, A. Vaillancourt.

                        7           Voir notamment McQuinn et Étiquettes Mail-Well, C.L.P. 201087-62A-0303, 31 janvier 2005, N. Tremblay; Bergeron et Fondations André Lemaire, C.L.P. 334647-71-0712, 9 avril 2009, J.-C. Danis; Raymond et Entreprises Praly inc., 2011 QCCLP 822 ; Meubles Lorenz et D’Angelo, 2011 QCCLP 1491 .

                8              Tremblay et Providence Notre-Dame-de-Lourdes, C.L.P. 247398-71-0411, 24 février 2006, révision rejetée [2007], C.L.P. 508 , requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-17-038220-078, 2 octobre 2008, J. Marcelin; Jean et Belron Canada inc, précitée, note 4; Blouin et Métro Richelieu, C.L.P. 304955-71-0612, 8 août 2007, J.-C. Danis; Duchesne et Michel St-Pierre Couvreur inc., C.L.P. 198132-63-0301, 28 juillet 2008, M. Gauthier; Mekideche et Importations DE-RO-MA 1983 ltée, C.L.P. 357128-61-0808, 17 novembre 2008, D. Martin; Hamilton et Toyota Pie IX inc., C.L.P. 312268-63-0703, 4 mars 2010, P. Perron, révision rejetée 2011 QCCLP 1532 .

                9              C.L.P. 387069-31-0908, 27 octobre 2010, M. Lamarre.

            0           Bernard et Constructions Scandinaves, 2012 QCCLP 2618 .

               

 

[21]        Le présent dossier répond en tout point aux critères énumérés par cette jurisprudence.

[22]        Dans l’affaire Kokkoris et Au royaume des enfants[4], on y retrouve ceci :

[78]      Soulignons que le médecin qui a charge n'a pas l'obligation d'examiner la travailleuse avant d'adhérer aux conclusions et motivations du médecin expert de l'employeur.  Toutefois, son opinion doit être claire et limpide.   C’est ce qui ressort de la jurisprudence du tribunal, cité notamment dans la cause Scierie Parent et Duguay7.

 

[79]      À ce sujet, le tribunal parvient ainsi à la conclusion que la preuve ne démontre pas que le docteur Guibert ait modifié son opinion à ce point pour conclure que le Rapport complémentaire qu'il a produit le 11 février 2011 doit être écarté du dossier et ne lie pas la CSST.

 

[80]      Le tribunal se rattache plutôt à la jurisprudence, notamment à l’affaire Mekideche8 déposé pour conclure, tout comme il est mentionné dans l'affaire Tremblay et Providence Notre Dame de Lourdes9, laquelle est citée in extenso dans cette affaire, que le docteur Guibert a satisfait aux exigences requises à l'article 212.1 de la loi et qu'à ce titre, la CSST devenait ainsi liée par les conclusions émises dans ce Rapport complémentaire du 11 février 2011, et ce, en vertu de l’article 224 de la loi qui édicte :

 

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

__________

7           Scierie Parent et Duguay, 2007 QCCLP 5548 .

                8           Mekideche et Importations DE-ROMA 1883 ltée, 2008 QCCLP 6576 .

9           Tremblay et Providence Notre Dame de Lourdes, C.L.P. 247398-71-0411, le 24 février 2006, C. Racine.

 

 

[23]        Dans l’affaire Gascon et Hôpital Rivière-des-Prairies[5], la juge administrative s’exprime comme suit :

[104]    On peut penser qu’il aurait pu être souhaitable que le médecin du travailleur l’informe du fait qu’il entérinait les conclusions du médecin désigné par la CSST. Cependant, ce seul défaut ne peut invalider les décisions qui ont découlé de ce rapport dans le contexte où il est clair que le travailleur, ayant appris à la suite de la réception du rapport complémentaire de son propre médecin, son accord avec les conclusions du docteur Laberge, a choisi de demeurer sous les soins de ce médecin.

 

[105]    De plus, même si le médecin du travailleur l’avait rencontré et informé du contenu du rapport complémentaire, cela n’aurait pas plus donné le droit au travailleur de contester le rapport de ce médecin.

 

[106]    Le médecin du travailleur, par son acquiescement aux conclusions du docteur Laberge, ne donnait pas la possibilité au travailleur de contester l’opinion de son propre médecin.

 

[24]        À la lecture de cette jurisprudence et à la lumière de l’ensemble de ces considérations, la CSST était donc liée par le rapport complémentaire du docteur Yeretsian en date du 29 août 2011, conformément aux dispositions de l’article 224 de la loi et les conclusions de ce rapport ne pouvaient être contestées par le travailleur en vertu des dispositions de l’article 358 de la loi; considérant l’absence de limitations fonctionnelles dans le présent cas, aucune preuve au dossier n’est apportée à l’effet que le travailleur est incapable d’exercer son emploi à compter du 1er août 2011.

L’AVIS DES MEMBRES

[25]        Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que le travailleur est capable d’exercer son emploi à compter du 1er août 2011 pour l’ensemble des motifs ci-avant exprimés.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Mehmet Demirtas, le travailleur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 30 janvier 2012 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Mehmet Demirtas est capable d’exercer son emploi d’aide-chauffeur à compter 1er août 2011.

 

 

__________________________________

 

Michel Denis

 

 

 

 

Armano Luigi Zampini

BRUNO BÉGIN AVOCAT

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Jean Hébert

CREVIER, ROYER CONS. DU TRÉSOR

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Mélisande Blais

VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Leclaire et Construction Enfab inc. 199237-62C-0302, 28 mai 2003, R. Hudon; Jalbert et Supermarché Saint-Raphaël inc. 218556-04-0310, 28 octobre 2004, L. Collin;

[3]           2013 QCCLP 1723

[4]           2013 QCCLP 2247

[5]           2012 QCCLP 3503

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