Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Montréal

Montréal, le 17 mai 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

145785-72-0009

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Doris Lévesque

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Claude White

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Jennifer Smith

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

114648462

AUDIENCE TENUE LE :

23 avril 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Montréal

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANDRÉ LARIVIÈRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MULTI-RECYCLAGE S.D. INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 6 septembre 2000, monsieur André Larivière (le travailleur) dépose une requête auprès de la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative le 17 août 2000.

[2]               Par cette décision, la CSST annule une décision rendue initialement le 2 novembre 1999 puisqu’elle a été remplacée par celle du 15 mars 2000.

[3]               Elle confirme également deux décisions rendues le 15 mars 2000.  La première a été rendue à la suite d’un avis émis par un membre du Bureau d’évaluation médicale le 7 mars 2000 ayant retenu qu’il résultait de la lésion professionnelle, subie le 19 mars 1998, un déficit anatomo-physiologique (DAP) de 14 % ainsi que des limitations fonctionnelles.  Vu la présence de limitations fonctionnelles, la CSST informe le travailleur qu’il aurait toujours droit aux indemnités de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur sa capacité à exercer son emploi.  La deuxième décision du 15 mars 2000 retient un pourcentage d’atteinte permanente de 16,80 % donnant droit à une indemnité pour dommages corporels de  8 315.16 $.

[4]               Une audience a lieu à Montréal le 23 avril 2001 à laquelle assiste le travailleur représenté par procureur.  Bien que dûment convoqué, l’entreprise Multi-recyclage S.D. inc. (l’employeur) n’est ni présente ni représentée.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[5]               Le procureur du travailleur précise que les deux objets de sa contestation portent sur le pourcentage d’atteinte permanente et sur l’octroi des limitations fonctionnelles.

[6]               Quant à l’atteinte permanente, il demande de retenir le pourcentage émis par le membre du Bureau d’évaluation médicale pour l’épaule droite soit 14 %.  Il recherche également un DAP de 2 % pour préjudice esthétique pour l’épaule droite puisqu’une cicatrice accompagnée de fonte musculaire ont été constatées par plusieurs médecins.  Toutefois, seul le docteur Tremblay avait évalué cette cicatrice dans son expertise médicale du 24 mars 2000.

[7]               Le procureur du travailleur demande de reconnaître des séquelles pour une atteinte cervicale.  Il soumet que le diagnostic du médecin qui a charge étant celui de hernie discale il y aurait lieu de reconnaître un pourcentage additionnel de 2 % en plus des ankyloses.  Subsidiairement, si la hernie discale n’était pas retenue, il soumet que le travailleur aurait droit à l’obtention d’un DAP de 2 % pour une entorse cervicale. 

[8]               Enfin, il souhaite également voir reconnaître un DAP de 3 % pour une acromioplastie.  Il soumet que même si aucun pourcentage n’est prévu au Règlement sur le barème des dommages corporels[1] (le barème), la jurisprudence[2] aurait reconnu un tel DAP par analogie en application de l’article 84 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi)[3] . 

[9]               Quant aux limitations fonctionnelles pour l’épaule, le procureur du travailleur estime qu’il y a lieu de retenir celles émises à la fois par les docteurs Laflamme et Tremblay.

[10]           Concernant les limitations fonctionnelles pour le cervical, il considère qu’il y a lieu de retenir celles octroyées par le docteur Tremblay. 

[11]           Comme limitations fonctionnelles additionnelles, il demande de retenir celle émise par le docteur Laflamme, à savoir que le travailleur ne peut plus conduire son camion de cinq tonnes.  Également, tel que l'a révélé le témoignage du travailleur lors de l’audience, il y aurait lieu de reconnaître la difficulté éprouvée par le travailleur pour écrire sur une période de plus de dix minutes.

LES FAITS

[12]           Le 17 mars 1998, le travailleur, monté sur le toit de son camion, fait une chute d’environ 16 pieds.

[13]           Il consulte la même journée à l’hôpital Santa-Cabrini où le docteur Phan retient le diagnostic de polytraumatisé et d’entorse à la cheville gauche.

[14]           Le 23 mars 1998, le docteur Ciricillo mentionne la présence de contusions multiples avec atteintes au niveau du thorax, du poignet droit, de la cheville gauche et de la hanche droite.

[15]           Le 26 mars 1998,  il ajoute le diagnostic de contusion lombaire.  Il recommande une assignation temporaire.

[16]           Le 1er avril 1998, le docteur Ciricillo diagnostique des contusions lombaires, au poignet droit et à l’épaule droite.  Il le réfère en physiothérapie dont il débute les traitements le 7 avril 1998.

[17]           Le 8 avril 1998, le docteur Ciricillo le réfère à un chirurgien orthopédiste, le docteur Jacques.

[18]           Le 20 avril 1998, le docteur Jacques diagnostique une arthralgie de l’épaule droite avec douleur et synovite au niveau du poignet droit.  Il procède à une arthrographie de l’épaule droite.

[19]           Le 13 janvier 1999, le docteur Jacques procède à une bursectomie sous-deltroïdienne droite avec acromioplastie.

[20]           Le 11 août 1999, le docteur Jacques procède à un examen et à une manipulation de l’épaule droite sous anesthésie avec infiltration.  Le diagnostic est celui de capsulite adhésive de l’épaule droite.

[21]           Le 18 août 1999, la physiothérapie est reprise.  On note au rapport de physiothérapie, la présence d’une douleur à l’épaule droite, à la région cervicale, avec une diminution de l’amplitude articulaire de l’épaule, avec hypersensibilité et diminution de la force au niveau de l’épaule ainsi qu’une diminution de la force de l’ensemble du membre supérieur droit.  Devant le peu d’amélioration, le docteur Jacques recommande le 21 septembre 1999 de cesser temporairement la physiothérapie.

[22]           Le 5 octobre 1999, le docteur Jacques mentionne une sensibilité au niveau du tendon bicipital de l’épaule droite.  Il suggère une injection de cortisone qui n’améliorera toutefois pas l’état du travailleur.

[23]           Le 12 octobre 1999, le docteur Jacques émet un rapport médical final pour une arthralgie persistante à l’épaule droite.  Il retient comme date de consolidation de la lésion le 1er novembre 1999 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.

[24]           Le 18 octobre 1999, à la suite d’un examen effectué le 12 octobre 1999, le docteur Jacques produit une évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.  Son examen physique révèle :

« Le requérant ne présente pas de douleurs spontanées.  L’examen montre une cicatrice transversale de l’épaule, de bonne qualité et mesurant 5 cm de long.  La palpation de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite n’est pas douloureuse.

 

Cependant, à la palpation du tendon du biceps, le long de la gouttière bicipitale, nous avons réveillé une douleur exquise.

 

Les mouvements de l’épaule donnent ce qui suit :  nous avons une abduction à 85°, une rotation interne à 40°, une rotation externe à 90°.  La déflexion arrive à la normale, c’est-à-dire à 180°.  Les mouvements de rotation et d’abduction de l’épaule nous permettent de délimiter une zone douloureuse au niveau de la gouttière bicipitale.

 

La colonne cervicale est assez souple et ne présente pas de spasme.  Il en est de même du poignet. »

 

(dossier CLP pages 82 et 84)

 

 

[25]           Le bilan des séquelles du docteur Jacques se lit ainsi :

« Le requérant demeure avec des séquelles fonctionnelles pour son épaule droite.  Le livre de barèmes de la C.S.S.T. nous nous permet pas de lui donner de D.A.P. pour une bursectomie de l’épaule droite.  Cependant, il nous permet d’envisager un D.A.P. pour la mobilité de l’épaule lors de la luxation de la longue portion du biceps avec séquelles fonctionnelles, ce qui est le cas ici.  Je me suis référé au tableau II des ankyloses de l’épaule pour ce patient.

 

CODE                                                                                               D.A.P.

104844             Abduction de l’épaule droite limitée à 85° :                         5 % »

(sic)

 

(dossier CLP page 85)

 

 

 

[26]           Enfin, le docteur Jacques retient les limitations fonctionnelles suivantes :

« Il est à noter que ce travailleur est un conducteur de camions de 5 tonnes.  Donc, il s’agit de gros camions.  Il me dit qu’il ne sait pas comment il va réagir sur les camions,  mais que certains mouvements réveillent de la douleur à l’épaule droite.  À mon avis, ce requérant ne peut pas être remis sur des gros camions pour aller sur la route à cause de son épaule qui est douloureuse.  Je pense qu’il devrait effectuer un travail de surveillant par exemple, ou on peut l’employer pour vider les camions mais pas pour aller sur la route.  J’ai discuté de cette éventualité avec lui et il est d’accord.

 

Je dois dire que le plateau de traitement en orthopédie est atteint pour ce requérant. »

 

(dossier CLP pages 84 et 85)

 

 

 

[27]           À la demande de la CSST, le docteur Goulet, chirurgien orthopédiste, procède à une expertise.  Son examen objectif révèle :

« (…)

 

Chaque mouvement qu’il exécute avec son membre supérieur opéré est extrêmement douloureux.

 

Il existe une cicatrice antérieure de l’épaule droite qui mesure 9 cm X 1 mm de large.  Nous notons une fonte musculaire importante de la partie antérieure et externe du deltoïde droit.

 

L’examen du rachis cervical nous démontre que la flexion antérieure est de 45° tandis que l’extension ne dépasse pas 40°.  Les mouvements de rotation droite sont de 50 ° et douloureux à chaque mouvement.  Les mouvements de latéro-flexion sont de 35°.

 

Ce patient présente des phénomènes d’arthrose cervicale symptomatique à l’effort.

 

L’examen neurologique, par contre, n’a pu démontrer de déficit au niveau des membres supérieurs.

 

Les mensurations des deux bras sont de 32 cm et les deux avant-bras sont de 31 cm.

 

Les réflexes ostéo-tendineux sont vifs et symétriques.  La sensibilité au tact et à la douleur n’est pas modifiée.

 

(…)

 

Au niveau de l’épaule droite, il persiste des signes de capsulite adhésive importants.  L’abduction ne dépasse pas 60° tant de façon active que passive, l’antépulsion est de 90° au maximum, la rotation externe diminue de moitié à 45° et la rotation interne ne dépasse pas 25° alors que du côté gauche, elle est de 60°.

 

La main droite ne peut rejoindre que la hanche droite tandis que la gauche rejoint facilement l’apophyse épineuse de D12.

 

Les mouvements d’adduction ne sont pas limités mais douloureux à la mobilisation.

 

Il existe définitivement des douleurs à la mise en tension de la longue portion du biceps.  Les tests de Speed et de Yergason sont très positifs.

 

(…) »

 

(dossier CLP pages 90 et 91)

 

 

[28]           Le docteur Goulet retient le DAP suivant, compte tenu des amplitudes articulaires tant de façon active que passive :

« Sous le code de 104844 :  perte de 100° d’abduction = D.A.P.. : 5%

 

Code 104942 :  perte de 90° d’abduction = D.A.P. :  3 %

 

Code 105013 :  perte de rotation externe = D.A.P. : 2 %

 

Code 105068 :  perte de moitié de la rotation interne = D.A.P. : 2 % »

 

 

(dossier CLP page 93)

 

 

 

[29]           Enfin, le docteur Goulet retient les limitations fonctionnelles suivantes :

« 

·         Éviter les mouvements répétitifs d’élévation ou d’abduction de son bras au-delà de 75° d’élévation à cause de sa capsulite adhésive actuelle.

 

·         Il devra de même éviter de soulever des poids au-dessus de 10 à 15 livres, le bras en élévation et abduction. »

 

(dossier CLP page 92)

 

 

[30]           Le 4 février 2000, dans un rapport complémentaire adressé à la CSST, le docteur Jacques se dit en accord avec les conclusions émises par le docteur Goulet.  Il ajoute toutefois que le travailleur ne peut pas conduire au travail des camions de 5 tonnes.

[31]           Le dossier est dirigé auprès d’un membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Laflamme, orthopédiste, qui émet son avis motivé le 6 mars 2000.  Son examen objectif révèle au niveau de la cicatrice :

« (…)

 

Au niveau de la ceinture scapulaire, on note une cicatrice antérieure au niveau de l’épaule droite, cicatrice linéaire, mesurant 10 cm de longueur.  Il existe une légère dépression à la partie médiane de la cicatrice.

 

Par ailleurs, il n’y a pas d’atrophie musculaire au pourtour des épaules.

 

(…) »

 

(Dossier CLP page 108)

 

 

 

[32]           Le docteur Laflamme, considérant le diagnostic de capsulite adhésive résiduelle au niveau de l’épaule droite avec phénomène douloureux important et limitation des mouvements, retient le bilan des séquelles suivant :

« SÉQUELLES ACTUELLES :

 

 

104 942            Limitation de 80° de l’élévation antérieure                                 3 %

 

104 844            Limitation de l’abduction à 90°                                                 5 %

 

105 013            Limitation de la rotation externe à 50°                                       2 %

 

105 068            Limitation de la rotation interne à 20°                                        2 % »

 

 

(dossier CLP page 110)

 

 

 

[33]           Le docteur Laflamme retient les limitations fonctionnelles suivantes :

« (…)

 

Monsieur Larivière devra éviter :

 

De garder le membre supérieur en position statique d’élévation ou d’abduction antérieure de plus de 45°.

 

D’effectuer des mouvements de rotation au niveau de l’épaule droite.

 

De soulever, porter ou pousser des charges de manière répétitive dépassant 10 kilos.

 

De pousser, presser ou s’appuyer de son membre supérieur droit.

 

De s’accrocher ou de s’agripper de son membre supérieur droit. »

 

(dossier CLP pages 110 et 111)

 

 

[34]           Le 15 mars 2000, la CSST rend une décision entérinant les conclusions émises par le membre du Bureau d’évaluation médicale.  En outre, elle rend une deuxième décision retenant un pourcentage d’atteinte permanente de 16,80 %, donnant droit à une indemnité pour dommages corporels.  Le 17 août 2000, ces deux décisions sont maintenues par la CSST à la suite d’une révision administrative.  Cette dernière est contestée par le travailleur et fait l’objet du présent litige.

[35]           Le 24 mars 2000, le docteur Tremblay, chirurgien orthopédiste, rédige une expertise médicale.  Son examen physique révèle :

«  (…)

 

L’on note une cicatrice à la face antérieure de l’épaule, mesurant 10 cm de long par 4mm de large avec une atrophie très importante de la partie antérieure et latérale du deltoïde.

 

La flexion antérieure amène le menton à 1 cm du sternum, l’extension ne dépasse pas 30 degrés.

 

Les mouvements de rotation sont relativement libres, mais douloureux, les mouvements d’inclinaison latérale sont limités à 25 degrés.

 

Au niveau des deux bras, il n’y a pas de fonte musculaire au niveau du bras droit, mais la palpation de la longue portion du biceps est très douloureuse.

 

Tous les mouvements de l’épaule droite sont très douloureux et s’accompagnent d’un mécanisme de retrait de la part de Monsieur Larivière.

 

L’abduction est à 60 degrés, aussi bien active que passive, et l’élévation antérieure ne dépasse pas 90 degrés.

 

La rotation externe est à peine à 45 degrés et la rotation interne est à peine à 20 degrés.

 

Les mouvements d’adduction ne sont pas limités, mais sont extrêmement douloureux.

 

La mise en tension de la longue portion du biceps avec le coude en extension ou le coude en flexion est très douloureuse.

 

L’examen du poignet droit démontre une douleur à la palpation de la face dorsale du poignet et de la tabatière anatomique mais aucune limitation de mouvement. »

 

 

 

[36]           Le docteur Tremblay conclut que le travailleur a présenté à la suite de son traumatisme une entorse du poignet qui est douloureuse mais qui ne laisse aucune limitation de mouvements, une tendinite chronique avec capsulite adhésive de l’épaule droite et des séquelles douloureuses d’entorse cervicale.  Il est d’opinion qu’il y a une relation entre les douleurs cervicales et l’accident et surtout les traitements de physiothérapie qui ont suivi puisque le travailleur était normal avant son accident et présente, à la date de son expertise, un engourdissement douloureux du rachis cervical.  Il n’y a pas d’autres traitements à considérer et il retient la date de consolidation suggérée par le docteur Jacques. 

 

[37]           Le docteur Tremblay émet son bilan des séquelles ainsi détaillé :

« (…)

 

Entorse cervicale avec séquelle fonctionnelle, séquelle actuelle non -latéralisée, 2 %   203 513.

 

Perte d’abduction de l’épaule droite, séquelle actuelle droite, 5 %, 104 844.

 

Perte de l’élévation antérieure de l’épaule droite, séquelle actuelle droite, 3 %, 104 942.

 

Perte de rotation externe de l’épaule droite, séquelle actuelle droite, 2 %, 105 013.

 

Perte de la rotation interne, séquelle actuelle droite, 2 % 105 068.

 

Nous croyons que la cicatrice comme telle n’est pas vicieuse, mais à cause de la fonte musculaire et de d’adhérence de la cicatrice à la face antérieure de l’épaule, il y a modification de la symétrie de la ceinture scapulaire et, à ce titre, un préjudice esthétique s’applique.

 

Celui-ci évalué, selon le barème, doit être de 2 % pour modification modérée de la forme de l’épaule droite à l’item 224 153.

 

(…) »

 

 

 

[38]           Le docteur Tremblay retient les limitations fonctionnelles suivantes :

«  (…)

 

Le patient est désormais limité à des activités évitant toute utilisation du membre supérieur droit au-delà de 30 degrés d’abduction et 30 degrés d’élévation antérieure et tout effort avec le membre supérieur droit de plus de 5 à 7 kilogrammes.

 

Ceci doit s’ajouter aux limitations fonctionnelles d’éviter les mouvements à grande amplitude et répétitif du rachis cervical.

 

Ces limitations fonctionnelles sont incompatibles avec le travail de chauffeur de camion. »

 

 

 

[39]           Le 18 mai 2000, le docteur Tremblay apporte la précision suivante à la demande du procureur du travailleur :

« En référence avec l’expertise que nous vous avions soumise le 24 mars 2000, nous comprenons de la lecture du barème que, lorsqu’il y a tendinite ou dégénérescence de la coiffe des rotateurs, qu’alors le code d’atteinte des tissus mous ne s’applique pas.

 

Cette opinion est partagée par certains bureaux régionaux de la C.S.S.T., mais pas tous, puisqu’à Laval l’on insiste toujours pour accorder le pourcentage additionnel de 2 %, même s’il y a rupture ou dégénérescence de la coiffe.

 

En conséquence, si le Bureau d’évaluation médicale considère qu’il doit être appliqué, il doit certainement y avoir une bonne rationnelle pour que le 2 % d’atteinte des tissus mous du membre supérieur à l’item 102 383 soit ajouté au bilan des séquelles que nous avions produit lors de l’expertise du 24 mars 2000.

(sic)

(…) »

L'AVIS DES MEMBRES

[40]           Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales considèrent qu’il résulte de la lésion professionnelle une atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur de 19 % lui donnant droit à une indemnité pour dommages corporels équivalente.  Ils retiennent les limitations fonctionnelles émises par les docteurs Laflamme et Tremblay.  Vu la présence de limitations fonctionnelles, ils sont d'avis que le travailleur avait toujours droit aux indemnités de remplacement de revenu jusqu’à ce que la CSST se prononce sur sa capacité à exercer son emploi.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[41]           En l’instance, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur ainsi que les limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle subie le 19 mars 1998.

[42]           Il y a d’abord lieu de souligner que les décisions rendues par la CSST le 15 mars 2000 et maintenues à la suite d’une révision administrative le 17 août 2000 l’ont été conformément aux articles 212, 224 et 224.1 de la loi.

1.  L’atteinte permanente

[43]           Au niveau cervical, la Commission des lésions professionnelles ne retient pas la prétention du travailleur estimant avoir droit à une atteinte permanente au motif de s’être infligé une hernie ou subsidiairement une entorse cervicale.  D’une part, concernant le diagnostic de hernie il faut souligner que ce diagnostic n’a pas été retenu par le médecin qui avait charge, le docteur Jacques, dans son rapport médical final.  D’autre part, dans son rapport d’évaluation médicale il mentionnait plutôt comme diagnostic préévaluation celui d’entorse cervicale.  Toutefois, au moment de son évaluation le docteur Jacques avait noté que les douleurs cervicales s’étaient estompées.  En outre, l’examen de la colonne cervicale révélait qu’elle était assez souple ne présentant pas de spasmes.  Par conséquent, le docteur Jacques n’avait retenu aucun DAP en relation avec cette entorse cervicale pas plus d’ailleurs les autres médecins, les docteurs Goulet et Laflamme. 

[44]           Seul le docteur Tremblay retient un DAP de 2 % pour une entorse cervicale avec des séquelles fonctionnelles.  La Commission des lésions professionnelles considère qu’il ne s’agit pas d’une preuve médicale prépondérante pour permettre de retenir une atteinte permanente au niveau cervical. 

[45]           Au niveau de l’épaule droite, d’emblée la Commission des lésions professionnelles considère que le médecin du travailleur, le docteur Jacques, a sous-estimé l’atteinte permanente à être octroyée au travailleur.  Dans ce contexte, elle met de côté les conclusions du docteur Jacques au sujet de l’atteinte permanente puisque non probantes compte tenu de la preuve médicale au dossier.

[46]           La Commission des lésions professionnelles va maintenant examiner si le travailleur a le droit d’obtenir un DAP de 2 %, pour une atteinte des tissus mous au membre supérieur droit avec séquelles fonctionnelles objectivées, telles qu’octroyées par le docteur Laflamme dans son avis. 

[47]           À ce sujet, c’est à juste titre, que le docteur Tremblay constatait que certains bureaux régionaux de la CSST accordaient toujours un pourcentage additionnel de 2% même s’il y avait rupture ou dégénérescence de la coiffe.  En conséquence, le docteur Tremblay concluait que si le membre du Bureau d’évaluation médicale considérait qu’il devait être appliqué, il devrait y avoir une bonne rationnelle pour ajouter le DAP de 2 % à son bilan des séquelles.

[48]           Effectivement, il existe une rationnelle que préconise la Commission des lésions professionnelles pour octroyer ce DAP de 2% en faveur du travailleur.  Le Règlement sur le barème des dommages corporels prévoit le code 102 383 pour octroyer un DAP de 2% pour une atteinte des tissus mous du membre supérieur droit avec des séquelles fonctionnelles objectivées.  Ce code décrit adéquatement la lésion, soit une capsulite adhésive correspondant à une atteinte des tissus mous au membre supérieur droit, et réfère aux ankyloses qui en résultent.  Ce code constitue donc la clé d’entrée au tableau des ankyloses.

[49]           Quant aux ankyloses, la Commission des lésions professionnelles retient de la prépondérance de la preuve médicale, en l’occurrence les conclusions émises par les docteurs Laflamme et Tremblay, l’existence de pertes d’amplitudes de mouvements au niveau de l’épaule droite.  En effet, ces deux médecins ont constaté des limitations de l’élévation antérieure, de l’abduction ainsi que des rotations externes et internes donnant droit à un DAP en vertu du barème.

[50]           La Commission des lésions professionnelles va maintenant examiner la prétention du travailleur considérant qu’il aurait droit à un DAP de 3 % pour une acromioplastie.  Il estime que même si le barème ne prévoit rien au sujet de l’acromioplastie, on peut accorder un tel pourcentage par analogie tel que prévu à l’article 84 de la loi. 

[51]           La Commission des lésions professionnelles considère que l’interprétation retenue par la Commission d’appel dans la cause Jodoin d’octroyer un DAP de 3 % pour une acromioplastie, ayant consisté en une résection partielle de l’acromion par analogie avec une résection de l’extrémité distale de la clavicule, est juste et logique.  L’objectif de la loi est effectivement atteint puisqu’il vise à indemniser adéquatement un travailleur ayant subi une telle intervention chirurgicale. 

[52]           Toutefois, cette analogie par la fiction de l’application de l’article 84 de la loi, ne peut être utilisée dans ce dossier puisque le barème prévoit l’octroi du code 100 134 (correspondant à un DAP de 3%), uniquement lorsqu’il y a eu une résection osseuse, ce qui n'est pas le cas dans le présent dossier.  La lecture du protocole opératoire et du rapport de pathologie ne mentionne pas que le chirurgien aurait procédé à une résection osseuse.  Ces deux rapports ne mettent pas en évidence la présence d’une résection osseuse.  Ce qui nous ramène à notre première conclusion à savoir qu’il a résulté de l’intervention chirurgicale qu’une atteinte des tissus mous.

[53]           Quant au préjudice esthétique pour la cicatrice même si elle n’est pas vicieuse celle-ci est visuellement observable.  La Commission des lésions professionnelles, à l’instar du docteur Tremblay, retient qu’à cause de la fonte musculaire et de l’adhérence de la cicatrice à la face antérieure de l’épaule, il en a résulté une modification de la symétrie de la ceinture scapulaire et qu’à ce titre, un préjudice esthétique s’applique.  L’état de la cicatrice à l’épaule droite a d’ailleurs pu être constaté visuellement par le dépôt de photographies à l’audience (pièces T-1 en liasse).

[54]           De ce qui précède, au niveau de l’épaule droite il résulte un déficit anatomo-physiologique (DAP) de 14 % donnant droit à un pourcentage pour douleurs et perte de jouissance de la vie (D.P.J.V.) de 2,8 % pour un total de 16,8 %.  Pour la cicatrice, il y a lieu de reconnaître à titre de préjudice esthétique (P.E.) un 2 % correspondant à un D.P.J.V. de 0,2 % pour un total de 2,20 %.  Ce qui résulte en un pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur (APPIPP) de 19 %. 

[55]           Par conséquent, le bilan des séquelles pour l’épaule droite se décompose ainsi :

« Code             Description                                                                             DAP

102 383            Atteinte des tissus mous du membre supérieur droit                    2 %

                       avec séquelles fonctionnelles objectivées

 

104 942            Limitation de 80° de l’élévation antérieure                                   3 %

104 844            Limitation de l’abduction à 90°                                                   5 %

105 013            Limitation de la rotation externe à 50°                                         2 %

105 068            Limitation de la rotation interne à 20°                                          2 % »

           

                                                                                              Total :              14 %

 

 

D.P.J.V.

225 143                                                                                                            2,8 %

 

                                                                                              Total :              16,8 %

 

 

 

P.E.

224 153            Pour modification modérée de la forme de l’épaule

                       droite                                                                                      2 % 

 

D.P.J.V

225 027                                                                                                          0,2 %

 

Total :              2,20 %

          _______

 

                                                                                              TOTAL :          19 % »

 

 

 

[56]           La Commission des lésions professionnelles en arrive à la conclusion qu’il résulte de la lésion professionnelle subie par monsieur André Larivière le 19 mars 1998 une atteinte permanente à son intégrité physique de 19 %.  Ce montant lui donne droit à une indemnité pour dommages corporels dont les modalités de calcul sont prévues à l’article 84 et suivants de la loi.

2.  Les limitations fonctionnelles

[57]           Quant aux limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle au niveau de l’épaule droite, la Commission des lésions professionnelles a passé en revue celles émises par les docteurs Goulet, Laflamme et Tremblay.  De la preuve médicale prépondérante et en tenant compte de l’atteinte permanente octroyée au travailleur, les limitations fonctionnelles suivantes sont retenues qui correspondent, somme toute, à l’échelle de restrictions pour les membres supérieurs pour le bras et l’épaule ainsi que pour les mouvements complexes reconnue par l’Institut de recherche en santé et sécurité au travail (l’IRSST) : 

« Éviter de garder le membre supérieur en position statique d’élévation ou d’adduction antérieure de plus de 45°;

 

Éviter de soulever des poids avec le membre supérieur droit de plus de 10 kilos;

 

Éviter d’effectuer des mouvements de rotation de l’épaule droite;

 

Éviter de pousser, presser ou s’appuyer sur son membre supérieur droit;

 

 

Éviter de tirer;

 

Éviter de s’accrocher ou s’agripper de son membre supérieur droit.

 

Éviter de lancer. »

 

 

[58]           Quant à la limitation fonctionnelle additionnelle émise par le docteur Jacques, dont le travailleur désire voir reconnue, à savoir d’éviter de conduire des camions de 5 tonnes, celle-ci va de soi puisqu’elle découle des limitations fonctionnelles retenues précédemment.  Concernant celle alléguée par le travailleur à l’audience relative à une incapacité d’écrire plus de 10 minutes, comme aucun médecin ne la mentionne, il n’y a pas lieu de la retenir. 

[59]           Vu la présence de ces limitations fonctionnelles, la CSST était justifiée de reconnaître que le travailleur avait toujours droit de recevoir des indemnités de remplacement de revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur sa capacité à exercer son emploi, conformément aux articles 44, 46 et 57 de la loi.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE EN PARTIE la requête déposée par monsieur André Larivière le 6 septembre 2000;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative le 17 août 2000;

DÉCLARE qu’il résulte de la lésion professionnelle survenue à monsieur André Larivière le 19 mars 1998 une atteinte permanente à son intégrité physique de 19,0% lui donnant droit à une indemnité pour dommages corporels;

DÉCLARE qu’il en découle les limitations fonctionnelles énumérées au paragraphe 57 de la présente décision; et

DÉCLARE que, vu la présence de ces limitations fonctionnelles, monsieur Larivière a le droit à l’indemnité de remplacement de revenu jusqu’à ce que la Commission de la santé et de la sécurité du travail se prononce sur sa capacité à exercer son emploi.

 

 

 

 

Me Doris Lévesque

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

LAPORTE & LAVALLÉE

(Me André Laporte)

896, boul. Manseau

Joliette (Québec)  J6E 3G3

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

 

 



[1]           (1987) 119 G.O. II 5576

[2]           Jodoin et Forage Côte-Nord inc., CALP 56544-05-9401, 19 mars 1997, F. Poupart.

[3]           L.R.Q., c. A-3.001.

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