Nunez c. Brick Warehouse, l.p. (Brick) |
2016 QCCQ 5434 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-147034-153 |
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DATE : |
2 juin 2016 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE |
ALAIN BREAULT, J.C.Q. |
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SUSANA NUNEZ […]Laval (Québec) […]
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Demanderesse |
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c.
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BRICK WAREHOUSE L.P. faisant affaires notamment sous le nom de « Brick », 16930, 114 avenue, Edmonton (Alberta) T5M 3S2
Défenderesse
c.
ELECTROLUX CANADA CORP. 5855, Terry Fox Way Mississauga (Ontario) L5V 3E4
Partie appelée au litige |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse Susana Nunez (« Mme Nunez ») est insatisfaite du réfrigérateur qu’elle a acheté auprès de la succursale que la défenderesse Brick Warehouse L.P. (« Brick ») exploite à Laval.
[2] En bref, elle se plaint du fait que le réfrigérateur coulait et qu’il est devenu inutilisable. Elle réclame donc des dommages-intérêts qui totalisent 2 500 $.
[3] Brick ne nie pas les problèmes que Mme Nunez a vécus. Elle soulève par contre plusieurs moyens pour démontrer que la réclamation est exagérée dans les circonstances pertinentes.
[4] Elle appelle aussi en garantie Electrolux Canada Corp. (« Electrolux »), l’entreprise à qui elle a acheté le réfrigérateur faisant l’objet du litige entre elle et Mme Nunez.
[5] Bien que dûment convoquée par le greffe de la Cour du Québec, et appelée à au moins deux reprises avant le début de l’audience au fond, Electrolux ne s’est pas présentée à son procès. Les parties ont donc été autorisées à procéder en son absence.
LE CONTEXTE
[6] Le 14 juin 2010, au prix total de 3 610,83 $, Mme Nunez achète à Brick un ensemble d’électroménagers (cuisinière, lave-vaisselle et réfrigérateur) et d’autres électroménagers (laveuse, sécheuse et petite buanderie). Sans les taxes pertinentes, l’ensemble d’électroménagers lui coûte 1 599 $, la preuve révélant que le prix du réfrigérateur établi par Brick était de 624,01 $.
[7] Mme Nunez se procure en même temps une garantie contractuelle de 5 ans pour quatre éléments distincts, dont le réfrigérateur à l’égard duquel elle paie 96 $ pour obtenir une protection additionnelle.
[8] Mme Nunez témoigne qu’elle a eu de nombreux problèmes avec le réfrigérateur, toujours pour la même raison, à savoir qu’il coulait. Chaque fois, elle retrouvait une flaque d’eau qu’elle devait essuyer dans l’un des bacs à légumes se trouvant dans la partie inférieure du réfrigérateur.
[9] Les parties ne contestent pas la cause exacte de ces problèmes. La preuve révèle que le problème était relié au drain se trouvant à l’arrière de l’appareil et qui relie le réfrigérateur et le congélateur. Il gelait, puis se bouchait en raison de l’accumulation de glace.
[10] Mme Nunez s’est plainte à plusieurs reprises de cette situation auprès de Brick. Cette dernière a envoyé un technicien à quelques reprises, sans que jamais la réparation effectuée ne permette de régler le problème une fois pour toutes.
[11] De guerre lasse, et constatant que Brick lui demandait encore une fois de décongeler son réfrigérateur (aux fins d’effectuer un autre examen), au risque, dit-elle, de perdre encore une fois de la nourriture, Mme Nunez refuse cette autre demande.
[12] Elle a perdu confiance, s’explique-t-elle. On ne lui a pas proposé non plus d’utiliser un réfrigérateur d’appoint pour quelques jours et le dernier technicien qui était venu sur les lieux semblait mentionner qu’il ne pouvait plus rien faire et qu’elle devait « s’organiser » avec Brick.
[13] Elle décide finalement de s’acheter un nouveau réfrigérateur en octobre 2015. Cette fois, elle paie la somme totale de 2 246,78 $, taxes incluses, dont 254,99 $ pour obtenir une protection contractuelle additionnelle d’une durée de 4 ans.
…
[14] Les parties ne s’entendent pas sur les dates et les fréquences durant lesquelles Mme Nunez a subi les problèmes décrits avec le réfrigérateur.
[15] Mme Nunez mentionne que, dans la première année, elle a dû communiquer avec Brick une première fois. Le problème a été corrigé et sans aucune autre difficulté, elle a pu utiliser le réfrigérateur pendant les deux années suivantes.
[16] En 2013, elle constate que le réfrigérateur recommence à couler. Un technicien vient chez elle. Des réparations sont effectuées. Le réfrigérateur fonctionne bien pendant un certain temps.
[17] En 2014, la situation devient hors de contrôle. Le même problème survient à plusieurs reprises, notamment en août, septembre et octobre 2014[1]. Brick semble être incapable de le régler. Elle décide donc de s’acheter un nouveau réfrigérateur dans les circonstances décrites plus haut.
[18] Brick, de son côté, situe les problèmes vécus par Mme Nunez avec le réfrigérateur en 2014 seulement. Documents à l’appui, elle plaide que les appels de services de Mme Nunez ont été faits en juin, août, septembre et octobre 2014[2]. Ses registres ne lui font voir aucun autre appel de Mme Nunez avant 2014.
[19] En l’espèce, Mme Nunez recherche une indemnité de 2 500 $, se détaillant comme suit :
· Remboursement du prix payé pour acheter le réfrigérateur (800 $) ;
· Indemnité pour la perte de nourriture (1 000 $) ;
· Indemnité pour les pertes de temps et pour les ennuis subis à cause du refus de Brick de remplacer le réfrigérateur (700 $).
[20] Brick ne conteste pas la défectuosité dont était affecté le réfrigérateur. Elle soulève cependant plusieurs moyens pour justifier que, selon elle, la réclamation de Mme Nunez est exagérée. Le Tribunal reviendra sur ces éléments dans le prochain chapitre.
[21] Brick conclut en affirmant que, si elle devait être condamnée à payer quoi que ce soit à Mme Nunez, la partie appelée en garantie, Electrolux, devrait ultimement être condamnée à lui rembourser toutes les sommes qu’elle devra payer à Mme Nunez en capital, intérêts, indemnité additionnelle et frais de justice.
ANALYSE ET MOTIFS
[22] Le contrat de vente de l’ensemble d’électroménagers intervenu entre Brick et Mme Nunez est assujetti à la Loi sur la protection du consommateur[3] (« LPC »). Les articles 37 et 38 énoncent ce qui suit :
37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.
[23] En l’espèce, la preuve ne fait pas de doute : le réfrigérateur, pourtant acheté neuf, n’a pas pu servir à l’usage auquel il était normalement destiné pendant une durée raisonnable. Pour cette raison, Mme Nunez a raison de se plaindre de la qualité du bien qui lui a été vendu.
[24] Pour être indemnisée, elle n’a aucunement besoin de s’appuyer sur la garantie contractuelle qu’elle a achetée. Les garanties prévues par la LPC la protègent amplement. Elle disposait d’ailleurs dans cette perspective de l’un ou l’autre des remèdes que la LPC offre à son article 272.
[25] En l’instance, Mme Nunez ne demande pas l’annulation ou la résolution du contrat d’achat. Elle ne recherche qu’une indemnité. Le Tribunal respectera sa volonté à cet égard.
[26] En ce qui concerne le remboursement du prix payé pour acheter le réfrigérateur, le Tribunal ne peut pas lui accorder le montant recherché (800 $).
[27] D’abord, la preuve ne permet pas de conclure que le prix qu’elle a payé pour l’acheter est effectivement de 800 $. La prépondérance de la preuve indique que le prix était de 624,01 $. Par ailleurs, de toute la preuve présentée, il semble plus probable que les problèmes vécus par Mme Nunez ont commencé seulement à compter de 2014.
[28] La preuve documentaire produite de part et d’autre le confirme. La mise en demeure que Mme Nunez a transmise à Brick dit aussi textuellement que les problèmes ont commencé « en juillet 2014 »[4]. Les explications verbales de Mme Nunez ne sont donc pas retenues.
[29] C’est donc dire que, pendant 4 ans, elle a pu utiliser le réfrigérateur sans aucun problème. Une réduction doit donc être établie pour cette période d’utilisation, réduction que le Tribunal fixe à 200 $.
[30] Pour le remboursement du prix d’achat du réfrigérateur, l’indemnité à laquelle Mme Nunez a droit est donc fixée au chiffre arrondi de 424 $ (624,01 $ - 200 $).
[31] En ce qui concerne la perte de nourriture, la preuve révèle que Mme Nunez est mère monoparentale de trois jeunes enfants, âgés de 6 à 12 ans, tous des garçons. Elle a présenté plusieurs photos pour donner une idée de la quantité de nourriture qu’elle a dû placer dans plusieurs sacs en vue d’être jetée[5]. Elle n’a cependant produit aucune facture pour établir la valeur de ses achats d’épicerie.
[32] Le Tribunal, prenant en compte l’ensemble des arguments présentés de part et d’autre, estime raisonnable de lui accorder un montant de 450 $ pour cet élément.
[33] Enfin, au sujet des pertes de temps, Mme Nunez témoigne qu’elle a dû se déplacer à 4 ou 5 reprises de son travail pour se rendre à son domicile aux fins d’y recevoir à chaque occasion le technicien envoyé par Brick. Chaque fois, dit-elle, elle devait perdre une demi-journée de travail.
[34] De plus, elle se plaint du fait que Brick, malgré la garantie contractuelle additionnelle et les représentations qu’elle lui avait faites, n’a rien fait pour lui permettre de recevoir un autre frigidaire en échange de celui qui ne fonctionnait pas bien.
[35] Il ne fait aucun doute que Mme Nunez a subi des pertes de temps. La preuve ne permet pas de conclure toutefois qu’elle a perdu une partie de son salaire à cause de la situation décrite.
[36] Par ailleurs, le défaut de remplacer le réfrigérateur défectueux n’a pas été correctement expliqué en l’instance, le représentant de Brick au cours du procès n’étant pas celui qui œuvrait à titre de gérant à la succursale de Laval lorsqu’est survenu le litige avec Mme Nunez.
[37] Pour cette troisième partie, le tribunal accorde 300 $ à Mme Nunez.
[38] Au final, sa créance totalise 1 174 $ (424 $ + $ 450 $ + 300 $).
[39] Dans un autre ordre d’idées, puisque le contrat n’est pas annulé et que Brick ne veut pas reprendre le réfrigérateur, Mme Nunez pourra en disposer comme bon lui semblera.
[40] Enfin, vu l’inexistence d’une preuve contraire de la part d’Électrolux, le Tribunal retient que les défectuosités du réfrigérateur étaient causées par un vice de fabrication, auquel cas la responsabilité ultime pour les dommages subis par Mme Nunez repose sur les épaules de la partie appelée en garantie. Electrolux sera donc condamnée à rembourser à Brick toutes les sommes que cette dernière devra payer à Mme Nunez en capital, intérêts, indemnité additionnelle et frais de justice.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE en partie la réclamation de la demanderesse contre la défenderesse ;
CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 1 174 $, avec les intérêts au taux de 5 % l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter de la demeure, le 6 novembre 2014, et les frais de justice de 107 $;
ET, sur l’appel en garantie,
CONDAMNE Electrolux Canada Corp. à rembourser à la défenderesse toutes les sommes que cette dernière doit payer à la demanderesse suivant les termes du présent jugement, et ce, en capital, intérêt, indemnité additionnelle et frais de justice.
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__________________________________ ALAIN BREAULT, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
30 mai 2016 |
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AVIS :
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