Décision

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Bouchard (Succession de) et Construction Norascon inc.

2008 QCCLP 296

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

18 janvier 2008

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossier :

210650-08-0306-2R

 

Dossier CSST :

123364051

 

Commissaire :

Me Lucie Nadeau

 

Membres :

Marcel Grenon, associations d’employeurs

 

Daniel Laperle, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Roland Bouchard (Succession)

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Construction Norascon inc.

 

 

 

Construction Val d’Or ltée

 

 

 

2968-1624 Québec inc.

 

 

 

Boart Longyear (Div. N. Morissette)

 

 

 

Ébrancheuses A & G Fournier

 

 

 

Forage Dominik (1981) inc.

 

 

 

Forage Inspiration (inconnu) (fermé)

 

 

 

Major Drilling International inc.

 

 

 

Opérations forestières R.T.

 

 

 

Société tunésienne Géotechnique (inconnu) (fermé)

 

Parties intéressées

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 11 avril 2007, monsieur Roland Bouchard (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision rendue le 21 mars 2007 par la Commission des lésions professionnelles.

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête du travailleur, confirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 9 juin 2003 à la suite d’une révision administrative et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle.

[3]                L’audience sur la présente requête s’est tenue à Rouyn le 27 novembre 2006 en présence du procureur de la succession du travailleur, de la mère et la conjointe du travailleur et du procureur de Major Drilling International inc., l’un des employeurs du travailleur.

[4]                Le procureur du travailleur a d’abord demandé la révision de la décision en alléguant qu’elle est entachée de vices de fond sans cependant préciser lesquels. Puis dans une correspondance du 4 octobre 2007, il avise la Commission des lésions professionnelles du décès du travailleur, du fait que sa légataire poursuit le dossier et de son intention de faire entendre deux experts, l’un en ergonomie et l’autre en orthopédie.

[5]                Lors d’une conférence téléphonique tenue le 5 novembre 2007, les deux procureurs ont demandé à la Commission des lésions professionnelles de procéder en deux temps. Ils demandent que la présente audience porte uniquement sur l’ouverture à la révision au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) soit la découverte de faits nouveaux. La soussignée a acquiescé à leur demande.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[6]                Le procureur du travailleur demande de réviser la décision rendue le 21 mars 2007 en invoquant la découverte de faits nouveaux qui sont susceptibles de modifier le sort de la décision.

[7]                Il soumet également que la décision est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider mais ce volet de la requête sera entendu ultérieurement.

L’AVIS DES MEMBRES

[8]                Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sont d’avis de rejeter la requête en révision du travailleur en ce qui concerne la découverte de faits nouveaux. Les éléments de preuve allégués au soutien de la requête ne constituent pas des faits nouveaux au sens de la loi.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[9]                Dans le présent dossier, la première commissaire devait déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle, plus précisément s’il est atteint d’une maladie professionnelle. Le travailleur allègue que ses problèmes aux épaules sont reliés aux risques particuliers de son travail de foreur.

[10]           L’audience devant la première commissaire s’est tenue le 1er février 2007. Le travailleur y était présent et représenté par procureure. Il a témoigné et il a également fait entendre le Dr Louis Bellemare, chirurgien orthopédiste, qui a effectué une expertise à sa demande.

[11]           Dans sa décision du 21 mars 2007, la première commissaire précise qu’elle est liée par le diagnostic posé par le médecin qui a charge du travailleur, et repris de plus par son expert, soit celui de déchirures massives des coiffes des rotateurs droite et gauche. La question en litige concerne la relation entre cette condition et le travail effectué.

[12]           La commissaire conclut que le travailleur n’a pas démontré par une preuve prépondérante que les déchirures massives des coiffes des rotateurs sont directement reliées aux risques particuliers du travail de foreur et d’opérateur de machinerie lourde.

[13]           La Commission des lésions professionnelles doit aujourd’hui déterminer s’il y a lieu de réviser cette décision en raison de la découverte de faits nouveaux.

[14]           Le pouvoir de révision est prévu à l’article 429.56 de la loi :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[15]           Il faut d’entrée de jeu rappeler le caractère final d’une décision de la Commission des lésions professionnelles énoncé au troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi :

429.49.

(…)

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[16]           Le procureur de la succession du travailleur précise dans une lettre du 16 novembre 2007 quels sont les éléments de preuve qu’il entend invoquer comme faits nouveaux :

Ø      Une lettre du 16 août 2007 du Dr Patrice Tétreault, chirurgien orthopédiste

Ø      Une étude en cours d’un ergonome, M. Charles Côté

[17]           La jurisprudence[2] a établi trois critères pour conclure à l’existence d’un fait nouveau soit :

1-                la découverte postérieure à la décision d’un fait nouveau;

2-                la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale;

3-                le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige, s’il eut été connu en temps utile.

[18]           Analysons donc les deux éléments de preuve invoqués par la succession du travailleur comme faits nouveaux.

Ø     L’opinion du Dr Tétreault

[19]           Le 16 août 2007, le Dr Patrice Tétreault, chirurgien orthopédiste, écrit au procureur de la succession ce qui suit :

Veuillez prendre note qu’après révision du dossier de monsieur Roland Bouchard, qu’il est raisonnable de croire que la condition médicale de monsieur Roland Bouchard (Déchirure de la coiffe des rotateurs épaule droite) soit reliée à son emploi de foreur.

 

Monsieur Bouchard a été opéré en mars 2004 pour une acromioplastie et réparation de la coiffe droite, ainsi qu’en septembre 2004 pour une reprise de réparation de la coiffe droite.

 

J’ai opéré monsieur Bouchard en mars 2007 pour la même condition. Cette pathologie est très fréquente chez les travailleurs manuels. Il est fréquent qu’elle fasse l’objet de compensation pour lésion professionnelle.

 

Je ne fais pas d’expertise médicale détaillée mais vous pouvez contacter le bureau d’évaluation médicale (BEM) au (514) 737-8331.

 

[…]

 

 

[20]           En début d’audience, le procureur de la succession précise que l’intervention chirurgicale dont il est question dans cette lettre a eu lieu le 26 mars 2007 donc quelques jours après la décision de la Commission des lésions professionnelles. Il a obtenu copie du dossier médical du travailleur au CHUM[3] relativement à cette intervention et, à la demande du Tribunal, il en dépose copie. Compte tenu du commentaire du Dr Tétreault qui signale qu’il ne fait pas d’expertise, il indique qu’il soumettra le dossier médical et le protocole opératoire au Dr Bellemare qui a agi comme expert au dossier pour le travailleur ou qu’il convaincra le Dr Tétreault de faire une expertise.

[21]           Le procureur de la succession allègue que ce chirurgien, lors de cette intervention chirurgicale, «a été en mesure voir de ses propres yeux que les blessures étaient totalement dues à son travail et non pas du tout à une arthrose qui aurait pu constituer une condition personnelle». Il plaide qu’il s’agit d’un fait nouveau important, qui n’était pas disponible lors de la première audience. L’intervention étant très rapprochée de l’audience tenue le 1er février 2007 devant la première commissaire, il prétend que cette condition existait nécessairement à cette date. Il soumet que le Dr Tétreault a constaté que ce n’est pas l’arthrose qui a causé la déchirure et que cet élément de preuve est de nature à modifier la décision rendue puisque la première commissaire estime que «la preuve prépondérante démontre plutôt que l’arthrose acromio-claviculaire et l’acromion de type III constituent des conditions personnelles qui ont graduellement entraîné les nombreuses déchirures des coiffes des rotateurs».

[22]           Une première distinction doit être faite, soit celle entre une opinion et un fait. Le commentaire du Dr Tétreault au premier paragraphe constitue une opinion sur la relation entre la condition médicale du travailleur et son travail de foreur. Cette opinion ne peut constituer un fait nouveau.

[23]           Soulignons que le travailleur a déjà produit une expertise à ce sujet, celle du Dr Bellemare, qui a également témoigné. Il ne peut se servir du recours en révision pour en obtenir une autre parce qu’il a perdu sa cause.

[24]           Comme l’a déjà signalé la Commission des lésions professionnelles dans Montpetit et Purolator[4], une expertise médicale ne peut être acceptée dans le cadre d’une requête en révision[5] :

[14.]     Le dépôt d'une nouvelle expertise médicale ne constituant pas en soi un fait nouveau.  Cette expertise aurait pu être préparée et déposée lors de l'audition devant la Commission d'appel, ce qui n'a pas été fait, et l'on ne peut de cette façon tenter de rouvrir un débat qui est déjà clos.  La Commission d'appel a énoncé à de multiples reprises, ainsi que la Commission des lésions professionnelles, que cet article 406 ne permet pas de rouvrir le débat et de substituer une nouvelle appréciation de la preuve.  Il n'autorise pas une partie à venir compléter les lacunes de la preuve qu'elle a eu l'occasion de faire valoir en premier lieu.

 

 

[25]           Cependant le procureur de la succession prétend principalement que l’opinion du Dr Tétreault fait suite à l’intervention chirurgicale du 26 mars 2007 et c’est ce qui constitue un fait nouveau.

[26]           S’agit-il d’un fait nouveau?

[27]           L’intervention en soi n’est pas un fait nouveau découvert postérieurement. Ce n’est pas un fait qui existait au moment de l’audience et qu’il a été impossible d’obtenir puisque cette intervention a lieu postérieurement. Cependant, comme elle survient peu de temps après la décision, elle aurait pu donner lieu à la découverte d’un fait nouveau si elle avait mis en évidence une information de nature à modifier la décision rendue.

[28]           C’est de cette façon que la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision analyse les prétentions d’une travailleuse dans la décision Gariepy et Centre de santé services sociaux Laval[6]. La travailleuse invoquait un fait nouveau, soit une nouvelle intervention chirurgicale au genou droit. Après avoir rappelé les critères applicables, ci-haut énoncés, la Commission des lésions professionnelles conclut ainsi :

[28]      L'intervention chirurgicale du 17 juillet 2006 ne constitue pas en soi un fait nouveau parce qu'il s'agit d'une chirurgie qui a été effectuée postérieurement à l'audience initiale du 31 mai 2006 et à la décision du 10 juillet 2006. Cependant, elle aurait pu donner lieu à la découverte d'un fait nouveau si, comme le prétend madame Gariépy, elle avait permis de mettre en évidence une fracture de la rotule.

 

[29]      Ce n'est toutefois pas le cas. On ne retrouve aucune indication de l'existence d'une telle fracture dans les documents qu'elle a déposés au soutien de sa prétention (protocole opératoire, « feuille sommaire clinique », résumé du dossier). Tel qu’indiqué dans le document « feuille sommaire clinique », le diagnostic retenu par la docteure Hamel est celui de « Rotule droite douloureuse sur PTG (prothèse totale du genou) ». Ce phénomène douloureux ne constitue pas un fait nouveau puisqu'il était présent bien avant l'audience.

 

 

[29]           Dans le présent dossier, l’intervention chirurgicale du 26 mars 2007 n’amène aucune information nouvelle. Le protocole opératoire indique que le Dr Tétreault a procédé à une réparation de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite. Le diagnostic retenu est celui de «déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, tendinopathie du biceps et douleur sur matériel de suture».

[30]           Or le travailleur a déjà subi cinq interventions chirurgicales aux épaules, trois à l’épaule gauche (avril 2002, novembre 2002, octobre 2003) et deux à droite (mars 2004 et septembre 2004). Ces interventions visaient des reconstructions de la coiffe des rotateurs en raison de déchirures. Le protocole opératoire ne dévoile aucun fait qui n’était pas déjà connu au dossier et qui n’apparaissait pas aux autres protocoles opératoires.

[31]           Le Dr Tétreault dans sa lettre du 16 août 2007 ne fait mention d’aucune information nouvelle. Il écrit qu’il a opéré le travailleur en mars 2007 «pour la même condition».

[32]           Quant à l’argument du procureur qui prétend que le Dr Tétreault a pu observer de visu la condition de l’épaule, force est de constater que les épaules du travailleur ont été «vues» à plusieurs reprises.

[33]           Concernant la prétention du procureur sur l’absence d’arthrose, c’est un élément que le Dr Tétreault ne mentionne pas dans sa lettre. En outre, il y a déjà au dossier quatre protocoles opératoires et plusieurs examens radiologiques permettant d’apprécier la présence ou non d’arthrose.

[34]           De plus, il est difficile de voir en quoi les données médicales sont susceptibles de modifier la décision rendue par la première commissaire. Sa décision repose essentiellement sur l’analyse des risques présents au travail. Elle analyse les mouvements posés par le travailleur dans le cadre de son travail pour déterminer s’ils constituent des mouvements à risque de développer des lésions de la coiffe des rotateurs tel que soutenu par le Dr Bellemare. Elle conclut par la négative. Les extraits suivants l’illustrent bien :

[43]      La Commission des lésions professionnelles retient du témoignage du travailleur que le travail de foreur est essentiellement manuel. Il manipule des charges lourdes, il effectue des mouvements répétés, en force, avec les membres supérieurs pour casser les tiges. Cependant, tel que le reconnaît lui-même le docteur Bellemare, lors de son témoignage, le travailleur bénéficie de beaucoup de micro et macro-pauses entre l’exécution de ces mouvements. Notamment, à ce sujet, le tribunal retient que, entre 1964 et 1980, lorsque le travailleur opère les manettes de la foreuse, ses membres supérieurs sont positionnés au niveau de la ceinture et il effectue des mouvements qui sollicitent peu la coiffe des rotateurs. 

 

[44]      De plus, tel que l’admet le docteur Bellemare, entre 1980 et 1984, le travailleur opère des foreuses hydrauliques ce qui exige moins de travail répétitif des membres supérieurs pour le foreur. Cependant, ces foreuses exigent que le travailleur exerce davantage de mouvements les bras au-dessus des épaules. À cet égard, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve que, lors du cassage des tiges, le travailleur garde la main gauche sur la manette de la foreuse et sa main droite tient la clé à molette qui est située au-dessus de la hauteur des épaules. Ainsi, entre 1980 et 1984, c’est l’épaule droite qui est davantage sollicitée dans des positions contraignantes. Or, la preuve démontre que les problèmes aux épaules apparaissent de façon plus importante à gauche. Ceux à l’épaule droite apparaissent surtout en 2001. Ainsi, l’évolution clinique de la condition du travailleur ne milite pas en faveur de reconnaître une relation professionnelle entre les problèmes des coiffes des rotateurs et le travail de foreur.

 

[…]

 

[52]      Par ailleurs, comme l’affirme le docteur Bellemare, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve testimoniale que le travailleur doit lever régulièrement des charges lourdes avec ses membres supérieurs surtout lorsqu’il installe la foreuse avant le forage. Cependant, le travailleur n’a pas démontré qu’il y a une sollicitation répétée ou forcée en adduction des membres supérieurs associée à des mouvements de rotation interne, lorsqu’il manipule de telles charges.

 

[53]      Le docteur Bellemare prétend aussi qu’avant les années 1980, le travailleur effectue des mouvements des membres supérieurs en adduction forcée et en rotation interne lorsqu’il casse les tiges en forçant avec les clés à molettes qu’il tient avec les mains. Or, du témoignage du travailleur et de la démonstration qu’il fait à l’audience, la Commission des lésions professionnelles retient que, lors du cassage des tiges, le bras gauche est le long du corps et fait une traction vers l’arrière. Simultanément, le bras droit exerce une poussée vers le bas en même temps que le travailleur fait une rotation du tronc vers la gauche tout en donnant un coup avec son genou droit. De cette preuve, le tribunal retient que le travailleur n’effectue pas des mouvements répétés d’adduction des membres supérieurs mais plutôt des mouvements de supination et de pro-supination des avant-bras.

 

[35]           Au soutien de ses prétentions, le procureur de la succession invoque la décision rendue dans Unimin Canada ltée et Labelle[7]. Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles avait conclu dans sa décision initiale que le travailleur n'est pas atteint d’une maladie professionnelle parce que la preuve ne démontrait pas qu’il était atteint d’une silicose. Elle a rendu sa décision essentiellement à l'égard de l'interprétation de l'imagerie pulmonaire, après avoir noté l'absence d'une biopsie pulmonaire qui aurait permis d'établir un diagnostic de façon précise et définitive. Le fait nouveau invoqué par le travailleur est justement une biopsie pulmonaire, démontrant qu'il est porteur d'une silicose simple. La requête en révision est donc accueillie.

[36]           En révision, la Commission des lésions professionnelles s’exprime ainsi :

[14]      En matière de fait nouveau, la jurisprudence du tribunal est à l’effet qu’il doit s’agir de la découverte postérieure d’un fait nouveau, impossible à obtenir au moment de l’audience initiale et dont le caractère déterminant aurait eu un effet sur le sort du litige.  En l’instance, ces critères sont démontrés.

 

[15]      Dans une décision rendue en 2002 [2], le tribunal est saisi d’une requête alléguant la découverte d’un fait nouveau.  On y précise que ce ne sont pas les rapports médicaux qui constituent le fait nouveau, mais bien ce qu’ils contiennent comme information.  Ainsi, la vraie question est de savoir si la condition notée dans les rapports médicaux, est une condition qui existait avant la décision rendue par le tribunal.  C’est ce qui est démontré en l’instance.  La chirurgie subie par le travailleur en février 2004 met en évidence une condition existante en tout temps pertinent avant la décision de la Commission des lésions professionnelles datée du 5 septembre 2003.

 

[16]      Aussi, il ne s’agit pas, pour le travailleur, d’une bonification de sa preuve après enquête ou de la création d’une preuve après enquête.  Le travailleur est atteint d’une maladie pulmonaire et c’est dans le cadre des soins et traitements requis par cette maladie qu’il a subi la chirurgie du mois de février 2004. La disponibilité de cette preuve médicale est tributaire des symptômes que présente le travailleur, indépendamment des litiges concernant l’origine professionnelle de sa condition pulmonaire.

______________________

[2] Chabot et Toitures Qualitoit inc., 137462-32-0005, 22 avril 2002, P. Simard

 

 

[37]           Tel n’est pas le cas dans le présent dossier. L’intervention chirurgicale du 26 mars 2007 n’a révélé aucune information nouvelle. Il ne s’agit donc pas d’un fait nouveau.

Ø      L’étude en cours en ergonomie

[38]           Le procureur de la succession allègue qu’il a appris que depuis novembre 2006 une étude est en cours visant spécifiquement les problèmes d’épaule des foreurs, étude qui sera disponible vers la fin de mars 2008. Il dépose une lettre de M. Charles Côté, ergonome et professeur à l’Université du Québec qui lui écrit ceci :

Ce dossier a bien des avantages à être défendu au niveau ergonomique. Le fait que la lésion professionnelle touche la zone scapulaire (épaules) pour les activités de travail de forage au diamant justifie mon opinion de témoin expert.

 

En lisant l’historique médical, je suis en mesure de vous fournir des compléments d’informations ergonomiques et de littératures médicales (santé au travail) qui touchent la région des épaules et le métier de foreur ou aide-foreur au diamant.

 

1)                   Rapport ergonomique de madame Andrée Cloutier 21 avril 1992 (kinésiologue et ergonome) sur les activités de forage au diamant et d’aide foreur au moins 7 passages où les activités de foreur et aide-foreur s’exécutent avec des angles au-delà du confort d’une épaule (en flexion et en abduction de l’épaule). Jumelé au facteur répété des années 1984 et moins = risque probable de développer une tendinite des épaules.

2)                   Rapport ergonomique de moi-même avec une équipe en ergonomie (février 2006) = 2 passages où j’avance des angles non confortables aux épaules pour les travailleurs.

3)                   Étude ergonomique du forage long trou (décembre 2001). Un passage important où les risques de posture contraignante des deux épaules sont analysés.

4)                   3 Documentations sur les risques en milieu de travail et les tendinites des épaules.

 

 

[39]           De toute évidence, ces éléments ne peuvent constituer des faits nouveaux. Il s’agit de littérature et d’études existantes, qu’il était possible de déposer lors de l’audience de février 2007. Il est bien établi que le recours en révision ne peut pas permettre de compléter ou bonifier une preuve.

[40]           Il en va de même pour la possibilité d’obtenir une expertise de M. Côté. Tel que signalé plus haut au sujet d’une possible opinion du Dr Tétreault, une nouvelle expertise ne constitue pas un fait nouveau. Il aurait été possible d’obtenir cette preuve pour l’audience tenue par la première commissaire.

[41]           Dans sa lettre, M. Côté réfère également à un mémoire de maîtrise en cours de réalisation :

5)         Actuellement, j’ai une étudiante à la maîtrise qui fait un mémoire sur les risques en milieu de travail des aides-foreurs au diamant (nous comparons le travail sous terre des aide-foreurs au diamant vs les aide-foreurs en surface) Il est trop tôt pour avancer des éléments mais je peux avancer que près de 35% des travailleurs interrogés ont de la douleur assez intense aux épaules lorsqu’ils travaillent comme aide-foreurs.[sic]     

 

 

[42]           La Commission des lésions professionnelles estime qu’il ne peut s’agir d’un fait nouveau au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi. Il ne s’agit pas d’un fait qui existait au moment de l’audience.

[43]           De nombreuses recherches et études épidémiologiques concernant des questions de santé et sécurité au travail sont en cours dans différentes universités ou centres de recherches. Il est question ici d’un simple mémoire de maîtrise à venir. Des recherches scientifiques démontreront probablement un jour la toxicité de certains produits auxquels des travailleurs sont exposés mais les décisions rendues aujourd’hui le sont en fonction de la preuve soumise et à la lumière des connaissances disponibles.

[44]           Accepter l’ajout d’une «preuve future» permettrait de réviser de façon perpétuelle les décisions de la Commission des lésions professionnelles qui sont finales et sans appel.

[45]           En résumé, les éléments de preuve auxquels réfère l’ergonome Côté ne constituent pas des faits nouveaux. On ne peut pas permettre de compléter la preuve avec des études et de la littérature déjà existantes, qui n’ont pas été produites lors de la première audience. On ne pas permettre la réouverture d’un dossier en invoquant un éventuel mémoire. Agir ainsi compromettrait le principe de stabilité et de finalité des décisions.

[46]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que les éléments de preuve soumis par la succession du travailleur ne constituent pas des faits nouveaux au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi. Il s’agit plutôt d’une tentative pour parfaire une preuve. Une partie ne peut pas tenter de venir combler les lacunes de la preuve qu'elle a eu l'occasion de faire valoir en premier lieu par le recours en révision. Sa requête est donc rejetée à cet égard.

[47]           Cependant, tel que convenu avec les deux procureurs au dossier, les parties seront convoquées pour être entendues sur l’autre volet de la requête en révision, soit les allégations de vices de fond de nature à invalider la décision.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision de monsieur Roland Bouchard en ce qui a trait à la découverte de faits nouveaux;

CONVOQUERA les parties pour être entendues sur le volet de la requête en révision concernant les vices de fond de nature à invalider la décision.

 

 

__________________________________

 

Lucie Nadeau

 

Commissaire

 

Me Michel Girouard

GIROUARD, ADAM, ASSOCIÉS

Représentant de la partie requérante

 

 

M. Alain Côté

COGESIS INC.

Représentant des compagnies Construction Norascon inc. et Construction Val d’Or ltée

 

 

Me Julie Samson

GROUPE-CONSEIL AON INC.

Représentante de la compagnie Boart Longyear (Div. N. Morissette)

 

 

Me Sylvain Labranche

CLICHE, LORTIE, ASS.

Représentant de la compagnie Major Drilling International inc.

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, C.L.P. 107558-73-9811, 17 mars 2000, A. Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., C.L.P. 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, 2000LP-165; Soucy  et Groupe RCM inc., C.L.P. 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, 2001LP-64; Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, C.L.P. 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, C.L.P. 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque

[3]           Centre hospitalier de l’Université de Montréal/Hôpital Notre-Dame

[4]           C.L.P. 82386-64-9608, 22 mars 1999, N. Lacroix

[5]           L’ancien article 406 auquel il est fait référence a été remplacé par l’article 429.56

[6]           C.L.P. 275641-63-0503, 21 décembre 2006, C.-A Ducharme

[7]           [2004] C.L.P. 910

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