Décision

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COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

No 500-09-001184-837

   500-05-007736-828 C.s.M.

 

 

MONTRÉAL, le deuxième jour de mai mil neuf cent quatre-vingt-six.

 

 

PRÉSENTS: LES HONORABLES JUGES  BERNIER

                          BEAUREGARD

                          VALLERAND

____________________________________________

 

BRUNO J. PATERAS et

FRANCO B. IEZZONI,

 

             APPELANTS, demandeurs

 

— contre —

 

M... B... et

F... B...

 

             INTIMÉS, défendeurs

____________________________________________

 

 

 

            LA COUR, statuant sur le pourvoi des appelants contre un jugement de la Cour supérieure (M. le juge Maurice E. Lagacé), district de Montréal, rendu le 14 juin 1983, qui, d’une part, n’a accueilli que pour partie leur réclamation pour honoraires professionnels contre l’intimée M... B..., condamnant celle-ci à leur payer 6 945,66 $, et qui, d’autre part, a rejeté les conclusions pauliennes en annulation de la vente d’un immeuble de l’intimée M... B... à son père, l’intimé F... B...;

            Après étude du dossier, audition et délibéré;

            Pour les motifs exposés dans l’opinion écrite de M. le juge Bernier, dont un exemplaire est produit avec le présent arrêt, auxquels souscrivent MM. les juges Beauregard et Vallerand;

            REJETTE l’appel avec dépens.

 

______________________

YVES BERNIER

______________________

MARC BEAUREGARD

______________________

CLAUDE VALLERAND

        JJ.C.A.

 

 

 

Me Léo Di Battista, procureur des appelants

Mes Laroche, Boyaner & Sepinwall

(Me Bernard Sepinwall)
procureurs de l'intimée M... B...

Mes Chait, Sternthal & associés

(Me Selim Moghrabi)
procureurs de l'intimé F... B...


PROVINCE DE QUÉBEC           C O U R  D’ A P P E L

DISTRICT DE MONTRÉAL             _____________________

 

No 500-09-001184-837

   500-05-007736-828 C.s.M.

 

 

 

BRUNO J. PATERAS et

FRANCO B. IEZZONI,

 

    APPELANTS, demandeurs

 

— contre —

 

M... B... et

F... B...

 

    INTIMÉS, défendeurs

 

 

CORAM:

BERNIER

BEAUREGARD

VALLERAND, jj.

OPINION DU JUGE BERNIER

_______________________

            Les appelants se pourvoient contre un jugement de la Cour supérieure (M. le juge Maurice E. Lagacé), district de Montréal, rendu le 14 juin 1983, qui, d'une part, n'a accueilli que pour partie leur réclamation pour honoraires professionnels contre l'intimée M... B..., condamnant celle-ci à leur payer 6 945,66 $, et qui, d'autre part, a rejeté les conclusions pauliennes ajoutées en cours d'instance, en annulation de la vente d'un immeuble de l'intimée M... B... à son père, l'intimé F... B...

            Les conclusions recherchées sont le maintien de leur réclamation pour le montant réclamé, soit 26 945,66 $ (honoraires 30 000 $, déboursés 1 031,55 $, moins avances 4 085,89 $), et de leurs conclusions pauliennes.

            Une remarque préliminaire s'impose. Il y a eu une longue preuve en première instance (durée de sept heures). Le mémoire des appelants ne reproduit en annexe que quelques pièces, aucun extrait de la preuve quant au premier volet de l'appel et un court extrait (une page et demie) d'un témoignage quant à l'autre volet.

            L'appel est un pourvoi contre un jugement et non la reprise du procès (1976, 2 R.C.S. 292, à la p. 294, Talsky c. Talsky). Il s'agit de savoir, dans un cas comme celui dont nous sommes présentement saisis, si le premier juge a bien décidé des questions de faits, s'il a bien apprécié les faits, en a tiré les bonnes conclusions, et s'il s'est bien dirigé en droit. La Cour d'appel doit être placée dans la position où était le premier juge lorsqu'il a rendu le jugement. Pour ce faire, elle doit avoir, quant aux questions soulevées par l'appel, le dossier tel qu'alors constitué de façon à ce qu'elle soit en mesure de vérifier la question et le bien-fondé des décisions attaquées, et de décider aux lieu et place du premier juge s'il appert qu'en regard de la contestation telle que liée, de la preuve qu'avait le premier juge, celui-ci s'est trompé soit en faits, soit en droit.

            C'est à l'appelant qu'incombe de démontrer à la Cour d'appel que le jugement dont appel doit être modifié ou cassé; il doit alors fournir à la cour l'entière preuve pertinente aux questions que soulève son appel. C'est ce que requiert l'article 507 C.p.c.: «(...) les extraits de la preuve nécessaires à la détermination des questions en litige». L'appelant ne peut choisir dans la preuve nécessaire que les parties qui lui sont favorables. S'il le fait et qu'il appert du jugement, ou si la partie adverse dans son mémoire le démontre, qu'il y avait d'autres éléments de preuve que le juge a considérés pour fonder une décision, en l'absence de ceux-ci la Cour d'appel, n'étant pas en mesure de vérifier si le premier juge a commis une erreur, et vu la présomption de validité des jugements, ne peut que rejeter le motif d'appel dont il s'agit.

            Par la modification apportée au Code de procédure civile en 1982, le législateur a voulu que ne soient plus reproduites pour les fins de l'appel les parties de la preuve se rapportant à des questions qui ne sont plus en litige au stade de l'appel. C'est à l'appelant qu'il incombe de faire cet élagage et s'il ne le fait pas il s'expose au refus de son mémoire et à des sanctions pécunaires (Règles de pratique, art. 11, 16 et 17). Mais encore faut-il que l'appelant reproduise les parties de la preuve qui sont essentielles à la détermination de l'appel. S'il ne le fait pas, comment peut-il demander à la Cour d'intervenir? C'est ce qui s'est produit dans le présent dossier: comment les appelants peuvent-ils nous demander de substituer notre appréciation de la preuve à celle du juge de première instance qu'ils prétendent manifestement erronée alors que nous n'avons pas cette preuve devant nous?

            Quant au premier volet du jugement dont appel, les honoraires réclamés sont pour des services professionnels (il n'y a pas de litige quant aux déboursés; ils ont été entièrement accordés) rendus par rapport à la demande en divorce formée par l'intimée, la cliente des appelants, et aux procédures subséquentes, conservatoires et d'exécution.

            Le jugement dont appel fut rendu oralement à l'audience, comme susdit après une longue enquête. Il est assez longuement motivé.

            Les facteurs à considérer dans ce genre de litige (1970 C.A. 1035, Alepin c. Rivard) soulevaient des questions de faits que le premier juge a eu à trancher et qui constituaient les données sur lesquelles il a fondé son jugement.

            Le premier juge, pour en arriver à sa constatation que les procédures dont les appelants furent chargés n'étaient nullement complexes, a examiné les dossiers concernés. Cet examen, entre autres, lui a permis de conclure que l'ouvrage requis ne pouvait justifier «tout le temps qu'il (l'appelant Iezzoni) dit avoir consacré à ce dossier.» Le juge constate qu'il y eut beaucoup de perte de temps par suite de mésententes entre le procureur et sa cliente, du manque de confiance et de coopération de cette dernière. Il en conclut que le procureur n'a, à cet égard, que lui-même à blâmer, qu'il eût dû s'imposer à sa cliente et refuser de la laisser s'accaparer de son temps, que ne l'ayant pas fait il ne peut réclamer pour du temps que le dossier ne justifiait pas.

            Il résume le ratio decidendi en ces termes:

   «Dans l'espèce, tenant compte de l'expérience de Me IEZZONI et du fait que ces dossiers n'étaient pas particulièrement complexes; considérant de plus le temps pour effectuer le travail et le temps normalement requis; tenant compte par ailleurs du manque de coopération évident de madame qui de par ses refus continuels d'accepter les recommandations qui lui étaient faites, a fait en sorte que les heures et les procédures se sont malheureusement multipliées, à son désavantage il faut bien en convenir, mais c'est quand même à cause de son manque de coopération et de ses refus persistents d'accepter les recommandations que lui faisait son procureur que les heures ont augmenté indûment ainsi que les procédures.

 

   CONSIDÉRANT aussi la situation financière de madame et le résultat finalement obtenu, j'en viens à la conclusion que dans le cas présent les services rendus ne justifient pas des honoraires supérieurs à $10,000.00 plus les déboursés de $1,031.55 qui ne sont pas contestés.»

 

            Les motifs d'appel sur cette question sont en bref:

a)        le premier juge aurait erré en concluant que le procureur aurait consacré trop de temps à ces dossiers vu l'absence de complexité des questions au motif qu'«aucune preuve n'a été faite à l'effet qu'un autre avocat y aurait consacré moins de temps» ;

b)        le premier juge aurait erré en déclarant que les services rendus et les procédures faites n'auraient rien obtenu pour l'intimée; qu'au contraire il aurait été établi (outre l'obtention du divorce) que l'intimée, par suite des services de son procureur, est devenue propriétaire d'un immeuble ayant une valeur nette de 200 000 $ par le seul déboursé d'une somme de 36 500 $.

            Ces motifs soulèvent de nombreuses questions de faits dont la solution était essentielle à la disposition du litige. Les appelants n'ont pas remis à la Cour d'appel les parties pertinentes de la preuve à ces questions. Force est donc pour cette Cour de tenir pour avérées les constatations de faits faites par le premier juge et de ne pas considérer les autres faits invoqués par les appelants dans leur mémoire, dont la détermination a fait l'objet d'une preuve contestée que nous n'avons pas, entre autres, quant à la valeur de l'immeuble, quant à savoir si ce sont uniquement et même principalement les services du procureur qui ont permis à l'intimée de l'acquérir, quant à la situation financière précaire de celle-ci et la connaissance qu'en avait son procureur, et quant à la non-complexité des dossiers.

            À savoir si les dossiers justifiaient le temps que les appelants y auraient mis, la preuve par un autre praticien n'était pas le seul moyen de preuve sur cette question; la preuve par présomption de faits suffisait. Le mémoire ne nous permet pas de vérifier ces points.

             Les appelants ne pouvaient s'en remettre à leur exposé des faits, lequel sur ces points est contesté par l'intimée dans son mémoire.

            De plus, le premier juge s'est bien dirigé en droit.

            Les appelants doivent donc faillir sur ce premier volet de leur appel.

            Quant aux conclusions pauliennes, le premier juge les a rejetées au motif que l'acte de transfert de l'immeuble était un contrat à titre onéreux, lequel ne pouvait être annulé, ne serait-ce que parce que fait de bonne foi de la part de l'acquéreur (art. 1038 C.c.).

            Voici comment le premier juge s'exprime:

   «Il est en preuve que c'est ce dernier (F... B...) qui avait avancé l'argent à madame pour qu'elle devienne propriétaire de la propriété qu'elle a prise. Il est également en preuve que le jour même Monsieur B... avait cautionné la banque sur l'emprunt nécessaire pour obtenir la subrogation qu'elle recherchait; Monsieur B... avait de plus avancé beaucoup d'argent à madame. On se devait de démontrer la mauvaise foi de Monsieur B... C'était les demandeurs qui devaient établir cette mauvaise foi.

 

   J'en suis venu à la conclusion que les demandeurs ont failli à cette règle. En conséquence, je maintiens la défense.»

 

(ma parenthèse)

            Ici, les appelants n'ont reproduit, tel que susdit, qu'un court extrait du témoignage du notaire instrumentant. Celui-ci y déclare qu'il avait conseillé à ses clients de mettre une considération pécuniaire supérieure à celle qu'ils lui suggéraient. Le notaire craignait que le contrat de transfert soit considéré pour fins fiscales comme une donation. Cet extrait est insuffisant pour nous permettre de dire que le premier juge a eu tort de décider que la considération pécuniaire était suffisante eu égard à la preuve à laquelle il fait allusion dans le jugement.

            Il en est de même quant à la question de la bonne foi qui, de plus, se présume. Les appelants avaient le fardeau d'établir la mauvaise foi de l'acquéreur. Le premier juge, après avoir considéré toute la preuve, a jugé que les appelants n'avaient pas établi la mauvaise foi. Sur cette question de crédibilité et de faits, les appelants n'ont pas démontré d'erreur manifeste à cet égard; ceci ne ressortant pas nécessairement de l'acte de vente ni de l'extrait du témoignage du notaire.

            Je suis donc d'avis de rejeter l'appel avec dépens.

 

 

J.C.A.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.