Décision

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[Texte de la décision]

Section des affaires sociales

En matière d'indemnisation

 

 

Date : 3 janvier 2013

Référence neutre : 2012 QCTAQ 12310

Dossier  : SAS-M-186972-1107

Devant les juges administratifs :

BERNARD COHEN

DOMINIQUE MARCIL

 

E… M…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]                                Le requérant conteste une décision en révision de l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec, rendue le 18 juillet 2011, qui confirme celle de l’agent d’indemnisation, refusant de reconnaître la relation entre les blessures corporelles alléguées et l’accident.

 

[2]                                Les faits pertinents selon le dossier et les témoignages rendus à l’audience tenue le 19 novembre 2012 peuvent se résumer comme suit :

[3]                                Le 30 novembre 2010, vers 12 h 25, le requérant, alors âgé de 52 ans, agent immobilier, est impliqué dans une collision avec une automobile de marque Ford Focus de l'année 2000.

[4]                                Le requérant circulait seul au volant de sa voiture de marque Buick Allure de l’année 2007 sur le boulevard St-Michel à Montréal, en direction nord. Le Boulevard St-Michel a trois voies dans chaque direction, et est séparé par un terre-plein en ciment.

[5]                                Arrivé à l’intersection de la rue Jean-Talon, sur la travée d’extrême droite, le véhicule du requérant est heurté au flanc gauche au niveau du phare et du pare-choc avant par la voiture de madame K.K. qui circulait sur la travée d’extrême gauche et qui a décidé, sans aucun avertissement, de franchir la travée du milieu et celle de droite et de bifurquer sur la rue Jean-Talon.

[6]                                Le requérant, de toute évidence, ne pouvait éviter l’accident, alors qu’il circulait tout droit. Le véhicule de madame K.K. a subi des dommages mineurs sur la porte arrière droite qui a été un peu enfoncée. Celle-ci n’est pas blessée. Elle tente de dialoguer avec le requérant, mais ce dernier est très agité et lui fait peur par son langage. Elle se réfugie dans sa voiture en attente des policiers.

[7]                                Selon la facture au dossier, les dommages au véhicule du requérant sont estimés à 2 533,22 $, taxes incluses.

[8]                                Selon le rapport de police, les dommages au véhicule du requérant sont minimes. Un blessé est rapporté.

[9]                                L’ambulance est sollicitée. Le rapport indique que le requérant portait sa ceinture de sécurité et qu’aucun sac gonflable ne s’est déployé. L’accident est survenu à basse vitesse, soit à moins que 15 km/heure.

[10]                              Le requérant se plaint de douleur à la tête, au cou et à l’épaule gauche.

[11]                             Le technicien ambulancier note qu’il a des antécédents de hernie discale cervicale.

[12]                             Il n’y a aucune perte de conscience. Le requérant est alerte et orienté dans les trois sphères.

[13]                             Le technicien note également qu’à son arrivée, le requérant est debout sur les lieux de l’accident et il déplace son véhicule en lieu sûr.

[14]                             Il est amené à l’urgence de l’Hôpital A. Son cas est jugé non urgent.

[15]                             L’urgentologue qui l’examine fait état de cervicalgie avec de la douleur modérément diffuse et un enraidissement cervical. On émet le diagnostic de torticolis. On lui donne congé avec une prescription de médicaments antidouleur, anti-inflammatoire et de physiothérapie au besoin.[1] Aucun arrêt de travail n’est prévu.[2]

[16]                             Les radiographies simples de la colonne cervicale ne démontrent aucune fracture, sauf une légère discopathie à C5-C6, avec ostéophytose postérieure, une légère uncarthrose bilatérale à C5-C6. On note également une légère sténose foraminale à C5-C6.

[17]                             Le requérant fait sa demande d’indemnité à l’intimée le 9 décembre 2010 et déclare qu’il a cessé de travailler à temps plein. Il déclare que ses revenus en commissions s’élèvent à au moins 55 000 $, et au plus 65 000 $ par année.

[18]                             Il fait état que la collision lui a causé un étourdissement momentané et qu’il a frappé sa tête contre la vitre de la porte. Il ne se souvient pas davantage de l’accident.

[19]                             Saisi de cette demande, l’agent d’indemnisation décide de faire enquête via la compagnie Gardium afin d’en savoir davantage sur les circonstances de l’accident avant de verser des indemnités.

[20]                             Les conducteurs impliqués sont contactés, ainsi que le policier, et des photos sont récupérées.

[21]                             Le requérant déclare à l’enquêteur qui a demandé sa version qu’il a toujours de la douleur au cou, à la tête et à l’épaule. Avant cet accident, il a déjà eu quatre autres accidents, et il avait eu de la douleur, mais elle était faible. Il qualifie l’impact d’assez fort, soit de 7 ou 8 sur 10. Son véhicule ne fut pas remorqué. C’est son épouse qui est venue le chercher. Il estime son salaire à 75 000 $ par année.

[22]                             Selon l’opinion de monsieur Pierre Bellemare, consultant en reconstitution d’accidents, qui est venu témoigner à l’audience, il s’agit d’un accident dont l’impact est survenu à très basse vitesse, la variation de vitesse subie par les conducteurs est jugée comme étant très légère; le déplacement des occupants est de faible intensité et ne peut correspondre au mouvement énoncé par le requérant.

[23]                             Le 6 avril 2010, un agent d’indemnisation avise le requérant qu’aucune indemnité ne lui sera versée, étant donné que l’accident ne lui a causé aucune blessure corporelle. À noter qu’il n’y a aucun rapport écrit d’un médecin conseil qui accompagne cette décision.

[24]                             Le requérant conteste cette décision et demande la révision administrative. Il accompagne sa contestation d’un rapport médical complété par son médecin de famille, Dr Théodore Leibovici, qui l’a examiné le 3 mai 2011.

[25]                             Le 18 juillet 2011, le Service de la révision administrative confirme la décision de l’agent d’indemnisation. Le requérant intente alors le présent recours. Il demande qu’on lui paie les frais de physiothérapie, qu’on lui verse de l’indemnité de remplacement du revenu (IRR) et le coût du rapport du Dr Leibovici.

[26]                             À l’audience, le Tribunal entend le témoignage du requérant. L’intimée fait entendre la conductrice de l’autre véhicule, ainsi que monsieur Pierre Bellemare, expert en reconstitution d’accidents.

[27]                             Le rapport du Dr Leibovici est le seul document d’ordre médical au dossier, hormis les rapports émanant de l’urgence de l’Hôpital Jean-Talon.

 

[28]                             Le Tribunal est appelé à déterminer si le requérant a subi des blessures indemnisables ou un préjudice au cours de l’accident du 30 novembre 2010.

« 1. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

« préjudice causé par une automobile »: tout préjudice causé par une automobile, par son usage ou par son chargement, y compris le préjudice causé par une remorque utilisée avec une automobile, mais à l'exception du préjudice causé par l'acte autonome d'un animal faisant partie du chargement et du préjudice causé à une personne ou à un bien en raison d'une action de cette personne reliée à l'entretien, la réparation, la modification ou l'amélioration d'une automobile; »

« 2. Dans le présent titre, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 « préjudice corporel »: tout préjudice corporel d'ordre physique ou psychique d'une victime y compris le décès, qui lui est causé dans un accident, ainsi que les dommages aux vêtements que porte la victime. »

« 4. Pour l'application du présent titre, une indemnité comprend le remboursement des frais visés au chapitre V. »

« 6. Est une victime, la personne qui subit un préjudice corporel dans un accident. »

« 83.17 Une personne doit fournir à la Société tous les renseignements pertinents requis pour l'application de la présente loi ou donner les autorisations nécessaires pour leur obtention.

Une personne doit fournir à la Société la preuve de tout fait établissant son droit à une indemnité. »

[29]                             Il incombe donc au requérant de démontrer qu’un préjudice d’ordre physique a été causé par une automobile, que des blessures ont été subies, et qu’elles sont indemnisables.

[30]                             L’accident n’est pas contesté, l’intimée reconnaît qu’il y a eu collision entre deux véhicules circulant sur une route publique.

[31]                             L’impact s’est produit à basse vélocité, selon la preuve prépondérante retenue par le Tribunal.

[32]                             Le Tribunal est d’avis que l’expert en reconstitution d’accident, un ex-policier, n’a pas les qualifications nécessaires pour se prononcer sur le lien entre l’accident et les blessures subies par le requérant. Son opinion sur ce point ne peut être retenue.[3]

[33]                             C’est la preuve médicale objective qui détermine le préjudice corporel subi et le droit à l’indemnisation des dommages corporels.

[34]                             La preuve médicale au dossier est relativement mince; le requérant admet n’avoir eu recours à aucun intervenant, physiothérapeute ou autre professionnel, pour ses problèmes au dos et notamment à la colonne cervicale à la suite de l’accident.

[35]                             Il n’a déboursé aucun montant pour de la physiothérapie, mais il en demande pour l’avenir, soit deux ans après l’accident et dit qu’il en a besoin.

[36]                             Le témoignage d’un accidenté de la route n’est pas suffisant pour déterminer s’il a droit aux remboursements de physiothérapie.

[37]                             Même s’il est question de physiothérapie dans le rapport à l’urgence, le requérant n’y a pas eu recours.

[38]                             Le rapport du Dr Leibovici est loin d’être convaincant. Ce médecin de famille fait état des accidents antérieurs en 1987, 1997, 2000, 2004, et finalement celui du 30 novembre 2010. Il ne fait pas la part des choses.

[39]                             Il fait état que son patient se plaint de douleur au cou, à gauche, et qu’il a des limitations de mouvements. Il fait état d’investigation en cardiologie pour des palpitations, en janvier. Il rapporte qu’il a vu le requérant à quelques reprises après l’accident en janvier, mars et mai 2011. Il fait état de douleur persistante au cou, avec irradiation intermittente à gauche au bas du dos. Ses rapports ne sont pas au dossier du Tribunal.

[40]                             Le Tribunal estime qu’il s’agit d’un rapport de complaisance qui dit peu de choses sur la nature exacte des blessures subies par le requérant lors de l’accident du 30 novembre 2010. Il n’y a pas d’examen objectif. On ne connaît pas les mesures des limitations fonctionnelles au cou et au dos. L’intimée était fondée de ne pas lui rembourser le coût de 80 $ exigé par Dr Leibovici et que le requérant a déboursé.

[41]                             En somme, le requérant n’a reçu à bon droit aucune indemnité de la part de l’intimée à la suite de l’accident du 30 novembre 2010.

[42]                             Afin de convaincre le Tribunal du bien-fondé de sa réclamation, le requérant a produit au dossier ses rapports d’impôts pour l’année 2011, avec l’avis de cotisation, lesquels démontrent qu’il n’a eu aucun revenu d’emploi. Il demande au Tribunal de lui verser de l’indemnité de remplacement du revenu (IRR) et soumet qu’il n’a pu travailler à cause des blessures de l’accident.

[43]                             Le Tribunal constate qu’il n’y a aucun médecin au dossier qui a décrété un arrêt de travail suite à l’accident, incluant le Dr Leibovici.

[44]                             Les pertes de revenus ne se démontrent pas en produisant des rapports d’impôt, mais plutôt des rapports médicaux objectifs.

[45]                             Le Tribunal arrive à la conclusion que le requérant ne lui a pas démontré par une preuve médicale objective et fiable qu’il a subi des blessures indemnisables à la suite de l’accident du 30 novembre 2010 ou qu’il a aggravé sa condition antérieure.

[46]                             Le recours est mal fondé.

[47]                             POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

-        REJETTE le recours; et

-        CONFIRME la décision en révision de l’intimée.


 

BERNARD COHEN, j.a.t.a.q.

 

 

DOMINIQUE MARCIL, j.a.t.a.q.


 

Me Jocelyn Paul

Procureur de la partie intimée


 

/jj



[1] Dossier aux pages 10 et 11.

[2] Idem page 28 in fine.

[3] Voir idem à la page 45.

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