Décision

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Option Consommateurs c. 2642-0398 Québec inc. (Autoplateau Location)

2021 QCCS 1988

COUR SUPÉRIEURE

(Actions collectives)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-06-001016-191

 

 

DATE :

Le 13 avril 2021

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

 CHANTAL TREMBLAY, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

OPTION CONSOMMATEURS

Demanderesse

et

 

GUILLAUME ROUSSEAU

Personne désignée

c.

 

2642-0398 QUÉBEC INC. faisant affaires sous le nom Autoplateau Location

et

9007-3529 QUÉBEC INC. faisant affaires sous le nom autorentacanada.com

et

BUDGETAUTO INC.

et

AVISCAR INC.

et

2313-7292 QUÉBEC INC. faisant affaires sous les noms Discount Location d’Autos et Camions et Via Route

et

L’ÉQUIPE DANY SÉVIGNY INC. faisant affaires sous les noms de Discount Location d’Autos et Camions et Via Route Sherbrooke

et

LA COMPAGNIE DE LOCATION D’AUTOS ENTERPRISE CANADA faisant affaires sous les noms de National Location d’Autos et Alamo Locations d’Autos

et

HERTZ CANADA LIMITED

et

9093-4233 QUÉBEC INC. faisant affaires sous le nom Globe Car

et

GLOBE LOCATION D’AUTOS ET CAMIONS INC.

et

DOLLAR THRIFTY AUTOMOTIVE GROUP CANADA INC.

Défenderesses

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR Autorisation d’exercer une action collective

______________________________________________________________________

 

[1]          Option Consommateurs sollicite l’autorisation du Tribunal afin d’exercer une action collective contre des compagnies de location de véhicules à court terme en raison d’une pratique jugée discriminatoire et lésionnaire à l’endroit des conducteurs québécois, âgés de 16 à 24 ans, en leur imposant des frais additionnels ou en refusant de leur louer certains modèles ou tous types de véhicules.

[2]          Le recours vise à faire cesser cette pratique et à indemniser les membres visés.

[3]          Les défenderesses s’opposent à cette demande étant d’avis que l’action est prescrite et que les critères prévus à l’article 575 (1), (2) et (4) Code de procédure civile (C.p.c.) ne sont pas satisfaits.

[4]          La défenderesse 2642-0398 Québec inc. ajoute qu’en ce qui la concerne le critère prévu à l’article 575 (3) C.p.c. n’est pas rempli.

1.            Le contexte

[5]          Le 16 août 2019, Option Consommateurs a déposé une demande afin d’obtenir l’autorisation d’exercer une action collective contre 15 compagnies de location de véhicules à court terme (Demande d’autorisation). Celle-ci a été modifiée à deux  reprises par la suite, soit une première fois, le 28 août 2020 (Demande d’autorisation modifiée) et une seconde fois, le 16 octobre 2020 (Demande d’autorisation remodifiée).

[6]          Le 12 mai 2020, le Tribunal a autorisé l’interrogatoire de Guillaume Rousseau sur les circonstances entourant la réservation du véhicule et la formation du contrat de location avec La compagnie de location d’autos Enterprise Canada (Enterprise) ainsi que sur les faits allégués à l’appui des dommages moraux et punitifs réclamés. Celui-ci s’est tenu le 17 juin 2020.

[7]          À cette même date, le Tribunal a permis le dépôt de deux déclarations sous serment à titre de preuve appropriée pour les fins de l’audition sur autorisation.

[8]          Le 6 octobre 2020, le Tribunal a autorisé le désistement à l’égard de quatre compagnies initialement visées par la Demande d’autorisation. De plus, le Tribunal a suspendu l’instance à l’égard de Hertz Canada Limited et Dollar Thrifty Automotive Group Canada Inc.

2.            L’ANALYSE

2.1      Les modifications à la Demande d’autorisation

[9]          À l’audience, les défenderesses ont indiqué que seules les modifications apportées aux paragraphes 34.1 et 42 de la Demande d’autorisation remodifiée concernant les dommages punitifs étaient contestées. En réponse, la demanderesse a retiré sa demande de modification concernant ces paragraphes. 

[10]       Le Tribunal permet donc l’ensemble des modifications étant d’avis que celles-ci respectent les critères énoncés aux articles 206 et 585 C.p.c.

2.2     Les conditions matérielles à l’exercice d’une action collective

[11]       L’article 571 C.p.c. prévoit qu’une personne morale de droit privé, une société ou une association ou un autre groupement sans personnalité juridique peut demander à représenter un groupe si l’administrateur, l’associé ou le membre désigné par l’entité est membre du groupe visé et si l’intérêt de la personne ainsi désignée est lié aux objets pour lesquels l’entité a été constituée.

[12]       La demanderesse a identifié Guillaume Rousseau comme personne désignée dans le cadre de l’action collective proposée. Cette condition est donc satisfaite.

2.3  Le groupe visé

[13]       La définition d’un groupe doit être fondée sur des critères objectifs qui s’appuient sur un fondement rationnel à la lumière des revendications communes à tous les membres du groupe. La définition ne doit pas être circulaire ni imprécise et elle ne doit pas dépendre de l’issue de l’action collective au fond[1].

[10]    Le groupe doit être clairement défini pour permettre aux membres visés de savoir s’ils en font partie et de s’exclure de l’action collective s’ils le souhaitent, et éventuellement, de savoir s’ils sont liés par le jugement au fond et s’ils ont droit à une réparation[2].

[14]       Le juge d’autorisation a le pouvoir de modifier ou remodeler la composition du groupe proposé[3].

[15]       La demanderesse souhaite intenter une action collective au nom du groupe modifié suivant :

Toute personne au Québec (…) qui a payé des frais en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés dans un contrat de location de véhicule à court terme avec l’une ou plusieurs des compagnies suivantes :

1-     2642-0398 Québec inc. (Autoplateau location)

2-     9007-3529 Québec inc. (Autorentacanada.com)

3-     Budgetauto inc.

4-     Aviscar inc.

5-     2313-7292 Québec inc. (Discount location d’autos et camions et Via route)

6-     L’équipe Dany Sévigny inc. (Discount location d’autos et camions et Via route Sherbrooke)

7-     La compagnie de location d’autos Enterprise Canada (Enterprise, National et Alamo)

8-     Hertz Canada Limited

9-     9093-4233 Québec inc. (Globe Car)

10-    Globe location d’autos et camions inc.

11-   Dollar Thrifty Automotive Group Canada inc.

et/ou à qui ces compagnies ont refusé de louer certains ou tous types de véhicules en raison de l’âge de l’un d’eux, depuis le 16 août 2016.

[16]       L’action collective concerne les pratiques des compagnies défenderesses concernant les conducteurs âgés de moins de 25 ans, lesquelles sont jugées discriminatoires en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne[4] (Charte québécoise) et lésionnaires au sens de l’article 8 de la Loi sur la protection du consommateur[5] (LPC). Le Tribunal est d’avis que la description du groupe proposée est trop large puisqu’elle inclut des personnes de tout âge. De plus, elle dépend de l’issue du litige. Il suffit de lire la première question formulée sur une base collective traitée ci-après pour s’en convaincre.

[17]       Le Tribunal entend donc redéfinir le Groupe ainsi :

Depuis le 16 août 2016, toute personne physique au Québec âgée de moins de 25 ans qui a conclu un contrat de location de véhicule à court terme ou s’est vu refuser la conclusion d’un tel contrat avec l’une ou plusieurs des compagnies suivantes :

1-     2642-0398 Québec inc. (Autoplateau location)

2-     9007-3529 Québec inc. (Autorentacanada.com)

3-     Budgetauto inc.

4-     Aviscar inc.

5-     2313-7292 Québec inc. (Discount location d’autos et camions et Via route)

6-     L’équipe Dany Sévigny inc. (Discount location d’autos et camions et Via route Sherbrooke)

7-     La compagnie de location d’autos Enterprise Canada (Enterprise, National et Alamo)

8-     Hertz Canada Limited

9-     9093-4233 Québec inc. (Globe Car)

10-   Globe location d’autos et camions inc.

11-   Dollar Thrifty Automotive Group Canada inc.

2.4  Les critères d’autorisation

[18]       Selon l’article 575 C.p.c., le tribunal autorise l’exercice d’une action collective et attribue le statut de représentant au membre qu’il désigne s’il est d’avis que tous les critères suivants sont satisfaits :

1°    les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;

2°    les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;

3°    la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance;

4°    le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres.

[19]       Le fardeau de démontrer le respect des exigences de l’article 575 C.p.c. revient à la demanderesse[6]. En l’instance, le recours individuel de la personne désignée doit être analysé pour déterminer s’il satisfait aux critères applicables[7].

[20]       Dans l’analyse de ces critères, le tribunal doit adopter une approche souple, libérale et généreuse afin de faciliter l’exercice de l’action collective comme moyen procédural d’atteindre le double objectif de la dissuasion et de l’indemnisation des victimes[8].

[21]       Le principe de la proportionnalité trouve application dans l’examen des critères d’autorisation. Le tribunal doit donc s’assurer que les actes de procédure qu’il autorise, eu égard aux coûts et au temps exigé, sont proportionnés à la nature et à la complexité de l’affaire et à la finalité́ de la demande. Cependant, le juge saisi de l’autorisation ne saurait, au nom du principe de la proportionnalité, refuser d’autoriser une action collective respectant par ailleurs les quatre critères établis[9]

[22]       L’action collective n’est pas un « recours exceptionnel » qui commande une interprétation restrictive.  Il s’agit plutôt d’« un remède ordinaire qui vise à favoriser une meilleure justice sociale »[10].

[23]       Au stade de l’autorisation, le tribunal doit exercer un rôle de filtrage en s’assurant que les conditions de l’article 575 C.p.c. sont remplies. Il suffit pour le demandeur de présenter une cause ayant une apparence sérieuse de droit, c’est-à-dire une cause ayant une chance de réussite, sans nécessiter pour lui d’établir une possibilité raisonnable de succès[11].

[24]       Au stade de l’autorisation, le débat ne doit pas porter sur le fond de l’affaire[12].

2.4.1       Les faits allégués paraissent-ils justifier les conclusions recherchées?

[25]       La demanderesse doit établir une cause défendable à l’égard de chacune des défenderesses. Des allégations vagues, générales et imprécises ne suffisent pas pour satisfaire un tel fardeau. Il en est de même pour les allégations hypothétiques ou purement spéculatives[13].

[26]       Dans le cadre de l’analyse de ce critère, les faits allégués doivent être tenus pour avérés, à moins qu’ils ne paraissent manifestement inexacts ou encore invraisemblables, notamment à la lumière d’une preuve soumise en défense ayant été jugée appropriée[14].

[27]       Les insinuations, opinions et l’argumentation juridique énoncées dans la Demande d’autorisation ne constituent pas des faits que le Tribunal doit tenir pour avérés.

[28]       La demanderesse soutient d’abord que le traitement réservé par les défenderesses aux jeunes conducteurs de moins de 25 ans est discriminatoire allant à l’encontre de l’article 10 de la Charte québéçoise.

[29]       Cet article se lit ainsi :

10.  Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

[30]       Les pratiques jugées discriminatoires à l’égard des conducteurs âgés de moins de 25 ans sont les suivantes :

1)     l’imposition de frais additionnels;

2)     le refus de louer certains modèles de véhicule; et

3)     le refus de louer tous types de véhicules.

[31]       Selon les allégations de la Demande d’autorisation modifiée, la situation personnelle de M. Rousseau se résume ainsi :

-      le 17 août 2016, M. Rousseau a conclu un contrat de location avec Enterprise en vue d’un voyage en Gaspésie avec ses amis. Il était alors âgé de 22 ans et possédait 5 années d’expérience comme conducteur;

-      Enterprise lui a facturé des frais additionnels de 5 $ par jour, taxes en sus, en raison de son âge, et ce, conformément à sa politique concernant les jeunes conducteurs. Il n’a jamais été questionné sur son expérience ou ses habitudes de conduite ni sur ses antécédents en matière de sécurité routière ou d’infractions au Code de la sécurité routière;

-      la réservation du véhicule a été effectuée par un ami de M. Rousseau sur le site internet d’Enterprise. Seuls trois types de véhicules étaient alors disponibles pour les jeunes conducteurs de moins de 25 ans;

-      au moment de prendre possession du véhicule choisi, celui-ci n’était pas disponible. M. Rousseau et ses amis ont dû se déplacer à une autre succursale pour prendre possession d’un autre véhicule qui n’est généralement pas loué aux conducteurs de moins de 25 ans. Toutes ces démarches ont occasionné un délai de trois heures avant leur départ prévu pour la Gaspésie;

-      M. Rousseau a refusé les produits d’assurance et d’exonération de responsabilité matérielle offerts puisqu’il était déjà adéquatement couvert.

[32]       Dans un premier temps, le Tribunal doit analyser l’argument de prescription que les défenderesses soulèvent à l’encontre de la Demande d’autorisation remodifiée.

[33]       La Demande d’autorisation a été déposée le 16 août 2019 soit un jour avant l’expiration du délai de trois ans suivant la conclusion du contrat de location intervenu le 17 août 2016.

[34]       Les défenderesses soutiennent que M. Rousseau a pris connaissance des frais additionnels chargés aux jeunes conducteurs avant la réservation du véhicule ayant eu lieu « sûrement une semaine avant »[15] la signature de son contrat.

[35]       La preuve soumise révèle que bien que le prix total ait été communiqué à M. Rousseau par son ami ayant effectué la réservation du véhicule avant la conclusion du contrat de location, ce dernier n’a pas été avisé des différentes composantes du prix[16]. Ainsi, à ce stade-ci, le Tribunal ne peut conclure que le recours est prescrit.

[36]       L’analyse d’une plainte de discrimination fondée sur l’article 10 de la Charte québécoise doit comporter une démarche en deux volets[17].

[37]       Au niveau du premier volet, le demandeur doit démontrer les trois éléments suivants : 1) une distinction, exclusion ou préférence; 2) fondée sur l’un des motifs énumérés au premier alinéa de l’article 10 de la Charte québécoise; 3) qui a pour effet de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne. Si ces trois éléments sont établis, il y aura, à première vue, discrimination.

[38]       Le fait qu’un individu ou un groupe ait souffert d’un « désavantage, d’une vulnérabilité, de stéréotypes ou de préjugés préexistants » suffit pour démontrer une différence de traitement de manière concluante[18]. Cependant, les distinctions fondées sur l’âge ne sont généralement pas associées à un groupe historiquement désavantagé. Elles n’invoquent donc pas automatiquement un contexte de désavantage préexistant[19].

[39]       Selon la demanderesse, le traitement réservé aux jeunes conducteurs par les défenderesses fondé sur leur âge se distingue de celui applicable aux autres conducteurs et constitue un désavantage arbitraire disproportionné sans égard à leur expérience de conduite ni leurs antécédents en matière de sécurité routière ou d’infractions au Code de la sécurité routière. À son avis, ceci démontre les deux premiers éléments de la discrimination invoquée.

[40]       Quant au troisième élément, la demanderesse se doit de démontrer que la distinction affecte l’exercice en pleine égalité de l’un des droits ou libertés garantis par la Charte québécoise. En effet, contrairement à la Charte canadienne des droits et libertés[20], la Charte québécoise ne protège pas le droit à l’égalité en soi. Celui-ci est plutôt protégé dans l’exercice des autres droits et libertés garantis par la Charte québécoise.

[41]       La demanderesse allègue que l’imposition de frais additionnels et le refus de louer certains ou tous les modèles de véhicule disponibles en raison de l’âge des conducteurs compromettent leur droit à l’égalité dans l’exercice des droits et libertés prévus aux articles 4, 12 et 13 de la Charte québécoise. Ces articles se lisent ainsi :

4.    Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

12.  Nul ne peut, par discrimination, refuser de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public.

13.  Nul ne peut, dans un acte juridique, stipuler une clause comportant discrimination.

[42]       Les articles 12 et 13 de la Charte québécoise ne visent pas d’autres droits et libertés de la personne et ne peuvent donc pas être complémentaires à l’article 10 de la Charte québécoise comme l’exige le troisième élément du test d’analyse de la discrimination. Il importe donc d’analyser le syllogisme juridique de la demanderesse en regard de l’article 4 de la Charte québécoise.

[43]       Selon les allégations de la Demande d’autorisation remodifiée, la demanderesse invoque une atteinte à la dignité de M. Rousseau en ces termes : 

56.    M. Rousseau a été insulté, vexé et a éprouvé un sentiment d’injustice par cette transgression à ses droits garantis par la Charte et est en droit d’obtenir des dommages moraux en lien avec cette atteinte.

56.1  En effet, il s’est senti insulté puisqu’il a dû attendre plusieurs heures et se déplacer dans une autre succursale, car on refusait de leur louer certains modèles de véhicule uniquement en raison de leur âge.

56.2  Il considère injuste de devoir payer des frais additionnels uniquement sur la base de leur âge; surtout que sa propre assurance couvrait déjà le « risque » lié à son âge.

56.3  Enfin, il s’est senti vexé de devoir payer des frais supplémentaires de 10% en raison de son âge, alors qu’il paie déjà pour ses assurances et qu’on refusait de leur louer n’importe quel véhicule.

[Reproduit tel quel.]

[44]       Les défenderesses plaident que le montant relativement faible des frais additionnels facturés à M. Rousseau ne permet pas de conclure à une atteinte à la dignité de sa personne selon la norme objective[21].   

[45]       À la lumière de ce qui précède et des critères applicables au stade de l’autorisation, le Tribunal est d’avis que l’action collective sollicitée n’est pas frivole et que la demanderesse présente une cause d’action ayant une apparence sérieuse de droit quant à la discrimination alléguée. Il appartiendra au juge saisi du fond de l’affaire de déterminer, à la lumière de l’ensemble de la preuve, si le droit à la sauvegarde de la dignité a été compromis et qu’en conséquence des trois éléments du test, il y a ou non discrimination.

[46]       Le cas échéant, dans le cadre du deuxième volet, le défendeur devra justifier sa décision ou sa conduite en invoquant les exemptions prévues à la loi sur les droits de la personne applicable ou celles développées par la jurisprudence.

[47]       La demanderesse allègue qu’il n’existe aucune exception législative permettant de discriminer sur l’âge en matière de louage de véhicules à court terme. Les produits d’assurance ou d’exonération en cas de dommages matériaux sont offerts et facturés séparément par les défenderesses. 

[48]       Pour leur part, les défenderesses invoquent que leurs pratiques ne sont pas disproportionnées ou arbitraires puisqu’elles sont fondées sur des statistiques démontrant que les jeunes conducteurs sont impliqués dans un plus grand nombre d’accidents ainsi que des accidents plus graves. Selon elles, les jeunes conducteurs présentent donc un risque accru en matière de sécurité routière.

[49]       Les parties conviennent toutefois que ce second volet n’a pas à être analysé au stade de l’autorisation de l’action collective puisque celui-ci relève du fond de l’affaire.

[50]       Au niveau des dommages réclamés, les défenderesses soutiennent que les allégations de la Demande d’autorisation remodifiée sont insuffisantes pour démontrer une apparence de droit à l’octroi des dommages punitifs en vertu de l’article 49 de la Charte québécoise[22].

[51]       En réponse à cet argument, la demanderesse a référé le Tribunal aux paragraphes 1, 20 à 34.1 de la Demande d’autorisation remodifiée ainsi qu’au paragraphe 27 de la déclaration sous serment de M. William Knowlton, lesquels se lisent ainsi :

Demande d’autorisation remodifiée

1.         Dans l’industrie de la location de véhicules à court terme, une pratique courante veut que l’on discrimine à l’endroit des conducteurs âgés de 16 à 24 ans (ci-après « jeunes conducteurs »).

(…)

Les trois pratiques discriminatoires

20.    Trois pratiques discriminatoires sont visées par la présente action collective :

(1) l’imposition de frais additionnels;

(2) le refus de louer certains modèles de véhicule; et

(3) le refus pur et simple de louer tout modèle de véhicule.

21.    Les défenderesses ont toutes des politiques prévoyant la mise en œuvre d’au moins l’une des trois pratiques discriminatoires énoncées ci-haut.

22.    Un tableau descriptif énonce les pratiques discriminatoires de chaque défenderesse avec référence appropriée à chaque annexe pour valoir comme si ici au long récitée, le tout tel qu’il appert de la pièce R-4A.

Le droit applicable aux pratiques discriminatoires

23.    L’âge à partir duquel les défenderesses appliquent les trois pratiques discriminatoires varie d’une défenderesse à l’autre, mais ce traitement différentiel s’applique uniquement à des jeunes conducteurs de moins de vingt-cinq (25) ans et uniquement en raison de l’âge.

24.    Or, l’article 10 de la Charte prévoit qu’une distinction, exclusion ou préférence fondée sur l’âge est interdite à moins que la loi ne l’autorise.

25.    À la différence du contexte d’un contrat d’assurance ou de rente pour lequel la Charte prévoit spécifiquement à son article 20.1 une exception, il n’existe aucune exception législative permettant de discriminer sur l’âge en matière de louage de véhicules de location à court terme.

26.    Les contrats de location des défenderesses exigent que le véhicule soit assuré en cours de location.

27.    Le tarif pour la location de véhicule auprès des défenderesses n’inclut pas de produits d’assurance ou d’exonération en cas de dommages matériaux. Ceux-ci sont offerts par les défenderesses séparément et facturés de manière indépendante au tarif de location. Le locataire peut aussi fournir sa propre couverture.

28.    De plus, les défenderesses offrent en option des produits d’assurance et d’exonération dont le coût est invariable en fonction de l’âge des conducteurs, tel qu’il appert des copies d’écran de simulations de location réalisées sur les sites internet des défenderesses et du rapport de l’enquêteur privé, communiqués en liasse comme pièce R-5A.

29.    Le coût des produits d’assurance offerts en option aux contrats de location demeure le même, tant pour un jeune conducteur que pour tout autre locataire de véhicule; l’âge n’a donc aucune pertinence dans la fixation de la prime d’assurance offerte par les défenderesses.

30.    La législation québécoise3 prévoit que l’âge minimal pour être détenteur d’un permis de conduire générique, soit de classe 5, est de 16 ans.

31.    Le traitement différentiel réservé par les défenderesses aux jeunes conducteurs vient compromettre leur droit à l’égalité dans l’exercice de certains droits prévus par la Charte.

32.    En effet, l’imposition de frais additionnels et le refus de louer certains ou l’ensemble de leurs modèles de véhicule disponibles en raison de l’âge des jeunes conducteurs (...) compromet leur droit à l’égalité dans l’exercice des articles 4, 12 et 13 de la Charte lesquels énoncent :

4.      Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

12.    Nul ne peut, par discrimination, refuser de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public;

13.    Nul ne peut, dans un acte juridique, stipuler une clause comportant discrimination.

33.    Par ailleurs, ces pratiques discriminatoires sont posées sans égard à l’expérience et aux habitudes de conduite ni aux antécédents en matière de sécurité routière ou d’infractions de la route des jeunes conducteurs, pris individuellement.

34.    Par conséquent, l’imposition de frais ou le refus de contracter en raison de l’âge des jeunes conducteurs constitue une atteinte illicite et intentionnelle aux droits garantis par la Charte.

34.1  Toutes les défenderesses ont des politiques visant à distinguer les conducteurs en raison de leur âge, et ce, depuis de nombreuses années. 

Déclaration sous serment de William Knowlton

27.    The Designated Drivers’ Surcharge is a Surcharge allowing Enterprise to recoup part or all of the costs incurred in relation to designated Drivers’ statistical driving habits, needs and capacities.

[52]       Le Tribunal est d’avis que les allégations de la Demande d’autorisation remodifiée sont insuffisantes pour démontrer une cause d’action factuelle suffisante pour justifier l’octroi de dommages punitifs fondés sur l’article 49 de la Charte québécoise.

[53]       En effet, aucun des paragraphes cités ne démontre la volonté des défenderesses de porter atteinte aux droits des membres ou qu’elles auraient agi en toute connaissance des conséquences négatives invoquées.

[54]       De plus, les motivations de la défenderesse Enterprise concernant l’adoption de ses politiques sont exposées au paragraphe 27 de la déclaration sous serment de M. Knowlton.

[55]       En somme, le Tribunal conclut que la demanderesse ne s’est pas déchargée de son fardeau de démonstration concernant la réclamation en dommages-intérêts punitifs fondée sur l’article 49 de la Charte québécoise.

[56]       De manière subsidiaire, la demanderesse soutient que les frais additionnels chargés par les défenderesses aux jeunes conducteurs équivalent à de l’exploitation des consommateurs et constituent une obligation excessive, abusive ou exorbitante au sens de l’article 8 LPC.

[57]       Le syllogisme juridique que la demanderesse présente s’appuie uniquement sur la lésion objective.

[58]       Il importe donc de déterminer, d’une part, s’il y a disproportion entre les prestations des parties et, d’autre part, si celle-ci est tellement considérable qu’elle équivaut à de l’exploitation.

[59]       Selon la pièce R-6A, les défenderesses imposent des frais additionnels journaliers aux jeunes conducteurs variant entre 5 $ et 60 $. Ceux-ci s’ajoutent au tarif quotidien de location du véhicule ayant comme conséquence de hausser le coût de location de 5 % à 107 %, sans contrepartie de la part des défenderesses.

[60]       Les défenderesses plaident que le tableau fourni en pièce R-6A ne constitue pas, à lui seul, une démonstration suffisante que les prix facturés par les défenderesses soient disproportionnés ou abusifs.

[61]       Le Tribunal est d’avis que la demanderesse a satisfait son fardeau en démontrant l’existence prima facie d’une situation de lésion. Une fois de plus, il appartiendra au juge saisi du fond de l’affaire de trancher la question à la lumière de l’ensemble de la preuve.

2.4.2       Les demandes soulèvent-elles des questions de droit ou de faits identiques, similaires ou connexes?

[62]       À l’étape de l’autorisation, le seuil nécessaire pour établir l’existence de questions communes est peu élevé[23].

[63]       La présence d’une seule question de droit ou de fait, identique, connexe ou similaire suffit pourvu que son importance soit susceptible d’influencer de manière non négligeable une part du litige[24].

[64]       Les questions communes proposées ne doivent pas nécessairement mener à des réponses communes[25]. Il n’est pas nécessaire que les demandes de chaque membre du groupe soient identiques les unes aux autres[26]. De même, il n’est pas obligatoire que la question proposée soit inévitablement commune à tous les membres du groupe. Une simple connexité est suffisante[27]. Il n’est pas nécessaire que chacun des membres du groupe possède une cause d’action personnelle contre chacun des défendeurs[28].

[65]       La demanderesse soumet les questions modifiées suivantes à être décidées sur une base collective[29]:

a.    Est-ce que les défenderesses ont imposé des frais additionnels à des locataires ou ont refusé de conclure un contrat de location pour certains ou tout type de véhicules en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés dans le contrat de location?

b.    Est-ce que les pratiques d’imposer des frais additionnels à des locataires et de refuser de conclure un contrat de location pour certains ou tout type de véhicules en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés dans le contrat de location sont discriminatoires au sens de la Charte?

c.    Est-ce que les membres (…) ayant payé des frais additionnels en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés au contrat avec l’une des défenderesses ont droit au remboursement des frais additionnels imposés en raison de l’âge et à une compensation monétaire pour les taxes appliquées sur ces frais?

d.    Est-ce que les membres du Groupe ont droit à des dommages moraux pour les troubles, ennuis, inconvénients et souffrances subis en raison des pratiques discriminatoires des défenderesses à leur égard, et, le cas échéant, de quel montant?

e.    Est-ce que les membres du Groupe ont droit à des dommages punitifs en conséquence de la violation illicite et intentionnelle de la Charte, et, le cas échéant, de quel montant?

f.     Est-ce que les membres du Groupe ont droit à la cessation des pratiques discriminatoires des défenderesses?

Subsidiairement, si le tribunal conclut qu’il n’y a pas discrimination :

g.    L’imposition de frais additionnels aux membres (…) en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés au contrat équivaut-elle à de l’exploitation du consommateur au sens de l’article 8 de la Loi sur la protection du consommateur?

h.    (…)

i.      Est-ce que les membres (…) ayant payé des frais additionnels en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés au contrat ont droit à la cessation de (…) cette pratique?

j.      Est-ce que les membres (…) ayant payé des frais additionnels en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés au contrat avec l’une des défenderesses ont droit au remboursement équivalent à la réduction ou la suppression (…) de ces frais et à une compensation monétaire pour les taxes appliquées sur ces frais?

k.     Est-ce que les membres (…) ayant payé des frais additionnels en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés au contrat ont droit à des dommages- intérêts moraux et/ou punitifs conformément à l’article 272 Loi sur la protection du consommateur en conséquence de la violation de l’article 8 de cette même loi, et, le cas échant, de quel montant?

[Reproduit tel quel. Références omises.]

[66]       En ce qui a trait à la question (d), les défenderesses soutiennent que l’application conjointe des articles 4 et 10 de la Charte québécoise nécessiterait un examen de la situation particulière des individus concernés, ce qui est incompatible avec le mode procédural de l’action collective. Bien que le critère applicable dans l’analyse de l’article 4 de la Charte québécoise soit d’abord objectif, il comporte néanmoins un élément subjectif[30].

[67]       Le Tribunal conclut que cette quatrième question est commune aux membres du groupe et fera avancer de façon non négligeable le litige. Au niveau du quantum des dommages, la création de sous-groupes pourra être traitée au fond, au besoin, pour adresser les circonstances pouvant varier d’un membre à l’autre.

[68]       À la lumière de sa conclusion concernant la réclamation en dommages-intérêts punitifs en vertu de l’article 49 de la Charte québéçoise, le Tribunal n’autorise pas la question (e).

[69]       En somme, le Tribunal autorise les questions proposées sur une base collective, à l’exception de la question (e).

2.4.3       La composition du groupe rend-elle difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat et la réunion d’action?

[70]       Ce troisième critère de l’article 575 C.p.c. vise à vérifier s’il est difficile ou peu pratique de procéder par mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou par jonction d’instance, en vertu des articles 88, 91 et 143 C.p.c.

[71]       Ce critère doit recevoir la même interprétation large et libérale que les deux premiers[31].

[72]       Le demandeur n’a pas à identifier ou tenter d’identifier les membres du groupe qu’il ne connaît pas[32].

[73]       La demanderesse allègue ceci concernant la composition du groupe :

62.    Le nombre de jeunes conducteurs ayant tenté de louer un véhicule ou ayant été désigné dans un contrat de location de véhicule à court terme dans les trois (3) dernières années se chiffre sans doute à plusieurs milliers au Québec.

63.    Il n’est pas possible de connaître le nombre exact et l’identité des jeunes conducteurs ayant tenté de louer un véhicule auprès des défenderesses ou ayant été désigné dans un contrat de location de véhicule avec elles.

64.    Cependant, selon les statistiques annuelles de la Société de l’assurance automobile du Québec (ci-après « SAAQ »), le nombre de titulaires d’un permis de conduire au Québec âgés entre 16 et 24 ans dans les dernières années se chiffre à :

2014  507 632

2015  499 673

2016  485 397

2017  470 576

2018  463 750

Le tout, tel qu’il appert des documents Données et statistiques 2017 et Données et statistiques 2018 de la SAAQ, communiqués respectivement aux présentes comme pièce R-10 et pièce R-11.

65.    Étant donné les sommes modestes en jeu pour chacun des membres du groupe, il est peu probable qu’un recours individuel devant les tribunaux soit financièrement viable.

66.    Par ailleurs, il est fort probable que le comportement discriminatoire des défenderesses perdurera si l’action collective n’est pas autorisée.

[74]       Seule la défenderesse 2642-0398 Québec inc. (2642-0398) invoque que ce critère n’est pas satisfait en ce qui la concerne.

[75]       À la lumière de l’état de renseignements de la personne morale au registre des entreprises communiqué comme pièce R-3A, 2642-0398 plaide qu’elle n’a qu’une seule place d’affaires contrairement aux autres défenderesses et que son volume d’affaires à titre d’entreprise familiale ne peut être comparé aux autres défenderesses. À son avis, la demanderesse n’a pas su démontrer que ce critère était satisfait à son égard.

[76]       2642-0398 n’a pas sollicité la permission du Tribunal pour déposer une preuve appropriée aux fins de l’audition sur autorisation, ce qui aurait pu permettre un meilleur éclairage. Il va de soi que 2642-0398 est la mieux placée pour connaître la composition du groupe en ce qui la concerne.

[77]       Sans un tel éclairage additionnel et étant donné que ce critère doit recevoir une interprétation large et libérale, le Tribunal conclut que celui-ci est satisfait pour l’ensemble des défenderesses.

2.4.4       La demanderesse est-elle en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres?

[78]        Dans le cadre de l’analyse de ce quatrième critère, le tribunal doit s’assurer du respect des trois éléments suivants : (1) l’intérêt à poursuivre, (2) la compétence et (3) l’absence de conflit avec les membres du groupe[33].

[79]       Une fois de plus, ce critère doit être analysé de manière libérale : « Aucun représentant proposé ne devrait être exclu, à moins que ses intérêts ou sa compétence ne soient tels qu’il serait impossible que l’affaire survive équitablement »[34].

[80]       Les défenderesses soutiennent que M. Rousseau n’est pas en mesure de représenter les membres du groupe proposé puisqu’il se trouve en position de conflit d’intérêts avec ces derniers.

[81]       Selon les défenderesses, la relation d’amitié que M. Rousseau entretient avec Me Vincent Blais-Fortin, un avocat travaillant au cabinet représentant la demanderesse, le place en conflit d’intérêts.  

[82]       Puisque Me Blais-Fortin a été personnellement impliqué dans les faits à l’origine du recours, les défenderesses ont l’intention de l’interroger si l’action collective est autorisée. En effet, celui-ci a participé au voyage en Gaspésie, il a effectué la réservation du véhicule auprès d’Enterprise et a payé le prix de location pour ensuite se faire rembourser notamment par M. Rousseau.

[83]       Lors de son interrogatoire, M. Rousseau a référé à Me Blais-Fortin comme étant « son avocat ». Il a également indiqué que ce dernier lui avait conseillé, de manière contemporaine au dépôt de la Demande d’autorisation, de supprimer une publication qui apparaissait sur son compte Facebook, laquelle ne fait aucunement référence aux frais additionnels chargés par la défenderesse Enterprise. Cette publication se lisait ainsi :

On était censé avoir une Toyota 19 Corolla il y a trois (3) heures, on a eu une Mitsubishi plaquée en Ontario. Gaspésie, nous voilà.

[84]       Les défenderesses reprochent à la demanderesse de ne pas leur avoir divulgué la proximité existant entre Me Blais-Fortin et M. Rousseau.

[85]       À l’appui de leurs prétentions, les défenderesses réfèrent à l’affaire Bourgoin c. Bell Canada, 2007 QCCS 6087 dans laquelle la Cour supérieure a déterminé que le représentant proposé ne pouvait agir comme tel puisque son frère avait participé à l’affaire en tant qu’avocat-conseil et qu’il était un associé du cabinet d’avocats en demande.

[86]       Les défenderesses citent également la décision Dupont-Rachiele c. Société de transport de Montréal, 2019 QCCS 1941. Dans cette affaire, la Cour supérieure a conclu que l’existence d’un conflit d’intérêts puisque la représentante était la sœur de l’avocat représentant la demanderesse.

[87]       Le Tribunal est d’avis que la présente instance se distingue des autres affaires citées. En l’espèce, c’est la demanderesse qui donnera les instructions aux avocats retenus. De plus, bien que les défenderesses aient intention d’interroger Me Blais-Fortin, elles n’ont pas jugé opportun de demander la disqualification des avocats retenus par la demanderesse. Enfin, il n’a pas été démontré que M. Rousseau et Me Blais-Fortin agissent dans un but de gain personnel.

[88]       En somme, le Tribunal conclut que les motifs invoqués concernant l’intérêt de la personne désignée n’auront pas pour effet de compromettre le déroulement de l’action collective. Ce dernier critère est donc satisfait.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[89]       ACCUEILLE, en partie, la demande d’autorisation remodifiée d’exercer une action collective;

[90]       AUTORISE l’exercice de l’action collective en injonction, en réduction d’obligation et en dommages-intérêts matériels, moraux et punitifs fondés sur l’article 272 de la Loi sur la protection du consommateur;

[91]       ATTRIBUE à la demanderesse le statut de représentante des membres du groupe aux fins de l’exercice de l’action collective;

[92]       ATTRIBUE à Guillaume Rousseau le statut de personne désignée aux fins de l’exercice de l’action collective;

[93]       DÉFINIT le groupe comme ceci :

Depuis le 16 août 2016, toute personne physique au Québec âgée de moins de 25 ans qui a conclu un contrat de location de véhicule à court terme ou s’est vu refusé la conclusion d’un tel contrat avec l’une ou plusieurs des compagnies suivantes :

1-     2642-0398 Québec inc. (Autoplateau location)

2-     9007-3529 Québec inc. (Autorentacanada.com)

3-     Budgetauto inc.

4-     Aviscar inc.

5-     2313-7292 Québec inc. (Discount location d’autos et camions et Via route)

6-     L’équipe Dany Sévigny inc. (Discount location d’autos et camions et Via route Sherbrooke)

7-     La compagnie de location d’autos Enterprise Canada (Enterprise, National et Alamo)

8-     Hertz Canada Limited

9-     9093-4233 Québec inc. (Globe Car)

10-    Globe location d’autos et camions inc.

11-   Dollar Thrifty Automotive Group Canada inc.

[94]       IDENTIFIE les principales questions de faits et de droit qui seront traitées sur une base collective comme ceci :

a.      Est-ce que les défenderesses ont imposé des frais additionnels à des locataires ou ont refusé de conclure un contrat de location pour certains ou tout type de véhicules en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés dans le contrat de location?

b.      Est-ce que les pratiques d’imposer des frais additionnels à des locataires et de refuser de conclure un contrat de location pour certains ou tout type de véhicules en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés dans le contrat de location sont discriminatoires au sens de la Charte?

c.      Est-ce que les membres ayant payé des frais additionnels en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés au contrat avec l’une des défenderesses ont droit au remboursement des frais additionnels imposés en raison de l’âge et à une compensation monétaire pour les taxes appliquées sur ces frais?

d.      Est-ce que les membres du Groupe ont droit à des dommages moraux pour les troubles, ennuis, inconvénients et souffrances subis en raison des pratiques discriminatoires des défenderesses à leur égard, et, le cas échéant, de quel montant?

e.      (…)

f.       Est-ce que les membres du Groupe ont droit à la cessation des pratiques discriminatoires des défenderesses?

Subsidiairement, si le tribunal conclut qu’il n’y a pas discrimination :

g.      L’imposition de frais additionnels aux membres en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés au contrat équivaut-elle à de l’exploitation du consommateur au sens de l’article 8 de la Loi sur la protection du consommateur?

h.      (…)

i.       Est-ce que les membres ayant payé des frais additionnels en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés au contrat ont droit à la cessation de cette pratique?

j.       Est-ce que les membres ayant payé des frais additionnels en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés au contrat avec l’une des défenderesses ont droit au remboursement équivalent à la réduction ou la suppression de ces frais et à une compensation monétaire pour les taxes appliquées sur ces frais?

k.      Est-ce que les membres ayant payé des frais additionnels en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés au contrat ont droit à des dommages- intérêts moraux et/ou punitifs conformément à l’article 272 Loi sur la protection du consommateur en conséquence de la violation de l’article 8 de cette même loi, et, le cas échant, de quel montant?

[95]       IDENTIFIE les principales conclusions qui s’y rattachent comme ceci :

a.    ACCUEILLE l’action collective pour tous les membres du Groupe;

Concernant la personne désignée :

b.    ACCUEILLE l’action de la personne désignée ;

c.    CONDAMNE la défenderesse La Compagnie de location d’autos Enterprise Canada à payer à la personne désignée à titre de dommages-intérêts matériels une somme de 40,00 $, plus une compensation monétaire équivalente aux taxes payées sur ces frais, avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec;

d.    CONDAMNE la défenderesse La Compagnie de location d’autos Enterprise Canada à payer à la personne désignée une compensation à titre de dommages-intérêts moraux, avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec;

e.    CONDAMNE la défenderesse La Compagnie de location d’autos Enterprise Canada à payer à la personne désignée des dommages-intérêts punitifs conformément à l’article 272 Loi sur la protection du consommateur avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du jugement ;

Concernant le Groupe :

Injonction

f.      ORDONNE aux défenderesses de cesser les pratiques discriminatoires d’imposer des frais additionnels et de refuser de conclure un contrat de location pour certains ou tout type de véhicules en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés dans le contrat de location;

Subsidiairement, si le tribunal conclut qu’il n’y a pas discrimination :

ORDONNE aux défenderesses de cesser la pratique d’imposer des frais additionnels lésionnaires en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés;

Dommages matériels

g.    CONDAMNE les défenderesses à rembourser les frais additionnels chargés aux membres en raison de l’âge de l’un des conducteurs désignés ainsi qu’à payer une compensation monétaire équivalente aux taxes payées sur ces frais additionnels avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec;

Subsidiairement, si le tribunal conclut qu’il n’y a pas discrimination :

CONDAMNE les défenderesses à rembourser aux membres l’équivalent à la réduction ou la suppression des frais additionnels imposés en raison de l’âge ainsi qu’à payer une compensation monétaire équivalente aux taxes payées sur ces frais additionnels avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec;

h.    ORDONNE le recouvrement collectif de ces réclamations;

Dommages moraux

i.      CONDAMNE les défenderesses à payer à chacun des membres du Groupe une compensation à titre de dommages-intérêts moraux, avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec;

j.      ORDONNE le recouvrement collectif de ces réclamations;

Dommages punitifs

k.     CONDAMNE les défenderesses à payer à chacun des membres du Groupe des dommages-intérêts punitifs conformément à l’article 272 Loi sur la protection du consommateur, avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du jugement;

l.      ORDONNE le recouvrement collectif de ces réclamations;

 

Concernant la représentante :

m.   ACCORDE une indemnité à la représentante conformément à l’article 593 C.p.c., dont le montant sera déterminé par le Tribunal;

n.    LE TOUT AVEC FRAIS DE JUSTICE, y compris les frais d’avis et d’experts.

[96]       REPORTE les questions entourant la publication de l’avis aux membres, incluant son contenu, à la prochaine conférence de gestion;

[97]       LE TOUT, frais de justice à suivre.

 

 

__________________________________chantal tremblay, j.c.s.

 

 

Me Marie-Anaïs Sauvé

Me Charlotte Servant-L’Heureux

Sylvestre Pinchaud et Associés, S.E.N.C.R.L.

Avocates de la demanderesse et de la personne désignée

 

Me Margaret Weltrowska

Me Érika Chadeed

Dentons Canada S.E.N.C.R.L.

Avocates des défenderesses Aviscar inc. et Budgetauto inc.

 

Me Éric Préfontaine

Me Julien Hynes-Gagné

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Avocats de Compagnie de location d’autos Enterprises Canada faisant notamment

affaires sous les noms de National location d’autos et Alamo location d’autos

 

Me Yves Martineau

Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L.

Avocat des défenderesses 2642-0398 Québec inc. faisant notamment affaires

sous le nom d’Autoplateau location, Hertz Canada Limited et Dollar Thrifty Automobile Groupe Canada

 

Me Ronald Auclair

Kaufman S.E.N.C.R.L./LLP

Avocat de 2313-7292 Québec inc. faisant notamment affaires sous le nom

Discount location d’autos et camions et Via route et L’Équipe Dany Sévigny inc.

faisant notamment affaires sous le nom de Discount location d’autos et camions

et Via route Sherbrooke

 

 

Me André Pasquin

Me Benoît Saint-Onge

Pasquin Viens S.E.N.C.R.L.

Avocats des défenderesses 9093-4233 Québec inc. faisant affaires sous le nom

de Globe car et Globe location d’autos et camions inc.

 

 

Dates d’audience :

 

Les 15 et 16 octobre 2020

 



[1]     Western Canadian Shopping Centre inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534; Hollick c. Toronto (Ville de), [2001] 3 R.C.S. 158; George c. Procureur Général du Québec, 2006 QCCA 1204; Voisins du Train de Banlieue de Blainville inc. & al. c. Agence Métropolitaine de Transport & al., 2007 QCCA 236; Lallier c. Volkswagen Canada inc., 2007 QCCA 920, Sibiga c. Fido Solutions inc., 2016 QCCA 1299.

[2]          Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, 2001 CSC 46.

[3]     Lallier c. Volkswagen Canada inc., 2007 QCCA 920, par. 18.

[4]     L.R.Q., c. C-12.

[5]     RLRQ, c. P-40.1.

[6]     L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, par. 7; Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, par. 35-37; Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, [2013] 3 R.C.S. 600, par. 59; Fortier c. Meubles Léon ltée, 2014 QCCA 195, par. 65 (requête en rectification de jugement rejetée (2014 QCCA 594).

[7]     Option Consommateur c. Bell Mobilité, 2008 QCCA 2201, par. 54; Whirpool Canada c. Gaudette, 2018 QCCA 1206, par. 21 (demande pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, C.S.C., 2018-10-01, 38341); Sofio c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), 2015 QCCA 1820, par. 10; Union des consommateurs c. Bell Canada, 2012 QCCA 1287 (demande pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, C.S.C., 2013-01-17, 34994).

[8]     L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, par. 6; Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, [2013] 3 R.C.S. 600, par. 60; Banque de Montréal c. Marcotte, [2014] 2 R.C.S. 725, par. 43; Theratechnologies inc. c. 121851 Canada inc., [2015] 2 R.C.S. 106, par. 35; Asselin c. Desjardins Cabinet de services financiers inc., 2017 QCCA 1673, par. 29 (demande pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême accueillie en partie pour préciser la portée de la réclamation en dommages-intérêts punitifs, avec dissidence partielle, 2020 CSC 30).

[9]     Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, par. 68.

[10]    L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, par. 8.

[11]    L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35, par 7; Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, par. 59 et 65; Vivendi Canada Inc, c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, par. 37.

[12]    L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35; Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1; Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, par. 68; Marcotte c. Ville de Longueuil, 2009 CSC 43, par. 22.

[13]    Charles c. Boiron Canada inc., 2016 QCCA 1716, par. 43 (Demande pour autorisation de pourvoi rejetée avec dissidence, C.S.C., 04-05-2017, no 37366).

[14]    Lambert (Gestion Peggy) c. Écolait, 2016 QCCA 659, par. 38.

[15]    Notes sténographique de l’interrogatoire de M. Rousseau tenu le 17 juin 2020, p.17, lignes 1 à 5.

[16]    Notes sténographique de l’interrogatoire de M. Rousseau tenu le 17 juin 2020, p.18, lignes 7 à 10.

[17]    Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39.

[18]    Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 RCS 497, par. 63.

[19]    Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, par. 31 et 32.

[20]    Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)]

[21]    Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 RCS 497, par. 59 et 88; Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, par. 234.

[22]    Labelle c. Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux - région de Montréal, 2011 QCCA 334; Li c. Equifax inc., 2019 QCCS 4340.

[23]    Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, par. 72.

[24]    L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35; Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, par. 58.

[25]    Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, par. 59.

[26]    L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35; Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, par. 73.

[27]    Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction (Copibec) c. Université Laval, 2017 QCCA 199, par. 60.

[28]    L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35.

[29]    Demande d’autorisation remodifiée, 16 octobre 2020.

[30]    Calego International inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2013 QCCA 924, par. 102; Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 RCS 497, par. 88; Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, par. 234.

[31]    Lambert (Gestion Peggy) c. Écolait, 2016 QCCA 659, par. 58.

[32]    Abicidan c. Bell Canada, 2017 QCCS 1198, par. 83 en citant les critères exposés par Me Yves Lauzon dans son ouvrage Le recours collectif publié en 2001.

[33]    Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59; Sibiga c. Fido Solutions inc., 2016 QCCA 1299.

[34]    Sibiga c. Fido Solutions inc., 2016 QCCA 1299, par. 97.

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