Larose Boyer c. Ski Bromont Com, s.e.c. |
2011 QCCQ 11211 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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LOCALITÉ DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-22-158445-091 |
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DATE : |
20 septembre 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
ANTONIO DE MICHELE, J.C.Q. |
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CHRISTIAN LAROSE BOYER, […], Montréal (Québec) |
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Demandeur |
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c. |
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SKI BROMONT COM, Société en commandite, dûment constituée selon la loi, ayant une place d'affaires au 150, rue Champlain, Bromont (Québec) |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal est saisi d'une réclamation en dommages du demandeur contre la défenderesse pour la somme de 36 000,00 $, le tout suite à un accident survenu le ou vers le 26 juillet 2007 alors qu'il y a eu blessure au front du demandeur alors qu'il utilisait le manège connu comme étant «La Trompe d'Éléphant» (ci-après appelé «le manège») au parc aquatique exploité par la défenderesse à Bromont.
[2] Cette réclamation est contestée par la défenderesse.
[3] A l'été 2007, le demandeur alors âgé de 25 ans, est détenteur d'une passe saisonnière pour le parc aquatique exploité par la défenderesse.
[4] Il se rend régulièrement durant l'été à cet endroit et a utilisé, à au moins 15 reprises par le passé, le manège «La Trompe d'Éléphant». Ce manège consiste en une glissade d'eau abrupte à l'intérieur d'un cylindre de plastique rigide au sein duquel les participants accèdent en montant sur une passerelle et aboutissent, ultérieurement, dans un bassin d'eau situé à son extrémité.
[5] A l'été 2007, et plus spécifiquement le 26 juillet 2007, le demandeur se rend au parc aquatique de la défenderesse avec deux amis et procède, entre autre, à deux descentes de ce manège.
[6] Lors de la troisième descente, alors que le demandeur soumet avoir eu un léger déséquilibre à l'entrée du manège, son front heurte la paroi supérieure du cylindre de plastique rigide du manège, provoquant ainsi une lacération à son front, lacération nécessitant plusieurs points de sutures qui sont demeurés en place pendant une période de sept jours.
[7] Selon le rapport d'expertise de son médecin, soit la pièce P-3, le demandeur a subi un préjudice esthétique de 2,5 %. Ce préjudice est réclamé par le demandeur.
[8] Subséquemment, le demandeur se plaint d'avoir eu des maux de tête et des migraines pendant une période d'environ un mois et demi.
[9] Alléguant faute de la défenderesse, le demandeur lui réclame les sommes suivantes :
-Douleurs et souffrances 5 000,00 $
-Inconvénients divers et perte de jouissance de la vie 5 000,00 $
-Préjudice esthétique 25 000,00 $
-Expertise 1 000,00 $
Le tout totalisant la somme de 36 000,00 $
[10] Au soutien de sa réclamation, le demandeur soumet que le manège était mal conçu, dangereux et non sécuritaire, que le tuyau de la glissade était trop étroit et la partie supérieure du tuyau à l'entrée était trop basse, qu'il n'y avait aucune protection sur le tuyau à l'entrée de la glissade, qu'il n'existait aucune mise en garde quant à l'utilisation de ce manège et, plus spécifiquement, quant à la façon d'y pénétrer et, finalement, qu'il y avait absence de personnel qualifié de la défenderesse à ce manège pour mettre en garde les utilisateurs et assurer leur sécurité.
[11] Essentiellement, le demandeur soumet que la défenderesse avait une obligation contractuelle de sécurité et de vigilance à son égard et qu'elle ne s'est pas assurée de sa sécurité à la date de l'incident.
[12] La défenderesse quant à elle soumet qu'elle n'a commis aucune faute, que le manège est et était sécuritaire, qu'il y avait une surveillance adéquate et que, le jour de la survenance de l'accident, soit le 26 juillet 2007, le demandeur non seulement connaissait bien le manège pour l'avoir utilisé à plusieurs reprises antérieurement, mais au surplus, le demandeur est le seul auteur des dommages qu'il a subis, le demandeur reconnaissant avoir eu une perte d'équilibre alors qu'il se préparait à pénétrer à l'embouchure du tuyau de plastique du manège à son entrée.
[13] La défenderesse soumet également que le demandeur connaissait bien les risques de dangers inhérents audit manège et qu'il les assumas rendant ainsi irrecevable la réclamation du demandeur.
[14] Avant de discuter la question du quantum de la réclamation du demandeur, il y a lieu par le Tribunal de disposer de la question de la responsabilité de la défenderesse à l'égard de la réclamation du demandeur puisque, si le Tribunal conclut à l'absence de responsabilité de la défenderesse, alors le débat sur le quantum de la réclamation s'avèrera inutile.
[15] Il a été mis en preuve qu'au Québec, il n'existe aucune norme officielle quant à la conception et l'opération d'un manège identique à celui qui nous concerne, les seules normes étant les normes américaines qui sont plus ou moins appliquées au Québec.
[16] Il a également été mis en preuve que le manège en question a été conçu et réalisé par des ingénieurs du Québec et, selon le témoin expert de la défenderesse, qu'il respecte les normes américaines généralement utilisées à cette fin.
[17] Ainsi donc, toute la question de piège («entrapment'») alléguée par le demandeur est difficilement recevable par le Tribunal puisqu'il n'y a aucune preuve de soumise en ce sens si ce n'est que l'opinion personnelle du demandeur à cet effet.
[18] Ce qui plus est, si le Tribunal retient la théorie de piège soumise par le demandeur, la responsabilité du demandeur s'en trouvera hautement affectée puisque le demandeur a déclaré à plusieurs reprises avoir utilisé ce manège au cours des années antérieures et durant l'été 2007 en particulier, et de bien connaître ce manège.
[19] Dans un tel cas, la théorie de l'assumation du risque par le demandeur, telle que soulevée par la défenderesse, se trouvera à être hautement renforcie et la responsabilité du demandeur sera plus élevée.
[20] Mais la notion de risque, de piège et («d'entrapment») soulevé par le demandeur se réfère plus spécifiquement à l'absence de panneaux et de signalisation quant à l'utilisation de la position d'entrée de l'utilisateur dans le manège.
[21] Sur ce point, il y a une preuve contradictoire qui a été soumise. Néanmoins, il y a lieu de nous référer à l'interrogatoire avant défense du demandeur tenu le 15 juin 2009, soit à la page 23, lorsque le demandeur, à une question du procureur de la défenderesse, répond :
«Q: Quelle serait, d'après vous, la façon de s'élancer ?
R: La façon de s'élancer, c'est exactement … comme je vous l'ai expliqué auparavant, la façon que j'ai utilisé la glissade à toutes les fois, c'est de s'avancer tranquillement juste sur la partie horizontale jusqu'à tant d'atteindre la partie qui est en pente, de se coucher au même moment, et de croiser les bras ensemble comme le pictogramme le mentionnait, pour procéder au reste de la descente.»
[22] Cet extrait est très important et révélatif puisqu'il vient contredire complètement le témoignage oral rendu par le demandeur devant le Tribunal, et ce, même si le demandeur tente par la suite de convaincre le Tribunal qu'à cette époque, il répondait aux questions de mémoire, sans nécessairement être certain de ce qu'il avançait, explication que le Tribunal ne retient nullement.
[23] Par cette déclaration, le demandeur se trouve à nous dire que l'absence d'instruction d'opération qu'il soulève lors de l'audition n'a pas lieu d'être puisqu'il connaissait parfaitement bien la procédure d'utilisation du manège.
[24] Par cette déclaration, le demandeur contredit également son témoignage oral devant le Tribunal à l'effet qu'il y avait absence de panneaux et de pictogramme à l'entrée du manège quant aux mesures de sécurité a être adoptées par l'utilisateur du manège avant d'accéder à l'intérieur de celui-ci.
[25] Qu'en est-il maintenant de la question d'absence de personnel qualifié de la défenderesse à ce manège ?
[26] Encore là, sur ce point, la preuve soumise devant le Tribunal nous informe qu'il y avait deux préposés de la défenderesse affectés à ce manège, le premier étant à l'entrée du manège, le second étant à la sortie.
[27] Le préposé à la sortie, par voie électronique, avise le préposé à l'entrée du manège s'il peut procéder ou non à donner la permission au prochain utilisateur du manège puisqu'il doit s'assurer de la sécurité et de l'évacuation des lieux à la sortie. Ce n'est qu'au moment où le préposé à l'entrée du manège reçoit l'autorisation que le prochain utilisateur peut accéder au manège.
[28] Le demandeur reproche au préposé à l'entrée du manège de ne pas donner des directives aux utilisateurs lors de l'entrée du manège. Peut-être, mais est-ce que ce préposé doit donner des directives à un utilisateur averti comme le demandeur qui connaît bien ces directives et qui les applique ?
[29] Le Tribunal ne le croit pas et c'est fort probablement pour cette raison que ce préposé n'a donné aucune directive au demandeur. Cela aurait probablement été fort différent si le demandeur n'appliquait pas la procédure qu'il a définie très bien à la page 23 de son interrogatoire avant défense du 15 juin 2009, que nous avons ci-haut repris.
[30] Ainsi donc, la question d'absence de personnel qualifié pour la surveillance, l'absence de signalisation et de directives reprochées à la défenderesse est irrecevable.
[31] Quant à la question de la conception du manège comme tel, non seulement il n'y a aucune preuve de soumise en ce sens par le demandeur mais, au surplus, il y a le témoignage et le rapport d'expertise de la défenderesse qui nous informe de la conformité de ce manège aux règles américaines en vigueur, et ce, tant au niveau de sa conception, de la construction et de l'opération de celui-ci, ayant lui-même procédé à divers mesurages démontrant et confirmant le respect des normes.
[32] Ce témoin expert nous informe également que la question de l'absence de protection sur le tuyau à l'entrée de la glissade est due à une question de sécurité et de salubrité publique afin d'éviter une présence et une accumulation de bactéries à cet endroit.
[33] Quant à la question du piège invoqué par le demandeur, les faits mis de l'avant dans la preuve soumise au Tribunal sur cette question ne rencontrent nullement les exigences en semblable matière retenues par notre jurisprudence abondante sur ce point, et en conséquence, il faut rejeter cette prétention du demandeur.
[34] Il est sur et certain que le demandeur a subi un traumatisme lors de l'accident du 26 juillet 2007, qu'il a subi une lacération de son front nécessitant des points de sutures, qu'une cicatrice puisse encore être visible sur le front du demandeur, que le demandeur a eu des maux de tête et des migraines par la suite mais, en quoi la défenderesse est-elle responsable de ces dommages ?
[35] À la lumière de la preuve soumise devant le Tribunal, le Tribunal ne peut conclure aucunement à une faute de la défenderesse, soit contractuelle soit extra-contractuelle, d'autant plus que le demandeur déclare connaître parfaitement la procédure d'opération et d'utilisation dudit manège et que le malencontreux accident a été la résultant directe d'un «léger déséquilibre» du demandeur à l'entrée du manège.
[36] C'est un accident certes, mais c'est un accident qui ne peut en aucune façon être imputable à la défenderesse et pouvant ainsi engager la responsabilité de la défenderesse.
[37] Arrivant à cette conclusion, il n'y a pas lieu de discourir de la question du quantum de la réclamation du demandeur.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la réclamation du demandeur.
LE TOUT avec dépens incluant les honoraires d'expertise du témoin expert de la défenderesse au montant de 2 278,50 $.
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__________________________________ Antonio De Michele, J.C.Q. |
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Me Jacques Castonguay |
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MERCIER LEDUC S.E.N.C.R.L. 164, rue Notre-Dame Est Montréal (Québec) H2Y 1C2 |
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Procureur du demandeur |
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Me Benoit Chartier |
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ROBINSON SHEPPARD SHAPIRO S.E.N.C.R.L. Place Victoria 800, Square Victoria Bureau 4600 Montréal (Québec) H4Z 1H6 |
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Procureur de la défenderesse |
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Date d’audience : |
Le 9 septembre 2011 |
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Autorités fournies par les parties :
Stations de la vallée de
St-Sauveur inc. c. M.A.,
Yves L'Écuyer c. William Quail, 500-09-000587-873, C.A., juges LeBel, Baudouin et Brossard, 18 juin 1991
Litchtenberg c. Levert
(C.S.), 2010-03-24 (jugement rectifié le 2010-04-09),
N.T. c. 9107-3932 Québec inc.,
(C.S.) 2008-03-31,
2008 QCCS 1429
,
Bouchard c. Drouin [1974] J.Q. no. 9 (C.A.Q,)
2735-3861 Québec Inc. (Centre
de Ski Mont-Rigaud) c. Wood,
St-Amour c. Mont Saint-Sauveur International Inc., 2005 CanLII 22908 (QC C.Q.)
Morin c. Mont Saint-Sauveur International Inc., 2005 CanLII 29077 (QC C.Q.)
Bourdeau c. Ski Bromont.Com,
Mcguire c. 4094468 Canada Inc.,
Champagne c. Plante,
Gamache c. Dumont, 2001 CanLII (QC C.S.)
Lacroix c. Québec (Procureur général), 2003 CanLII 30073 (QC C.S.)
Duchesne c. Commission Scolaire Lac St-Jean, 2004 CanLII 53090 (QC C.Q.)
Royer c. Baie Saint-Paul (Ville), 2000 CanLII 14466 (QC C.Q.)
Silas c. Montréal (Ville), 2005 CanLII 9408 (QC C.Q.)
Rubis c. Gray Rocks Inn Ltd, [1982] 1 S.C.R.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.