[1]
Le requérant, Cal Moisan, demande la permission d'appeler d'un jugement
de la Cour supérieure, district de Montréal, rendu le 23 février 2007
(l'honorable Jean-François Buffoni), qui a rejeté sa requête en vertu de
l'art.
CONTEXTE
[2] Le requérant est actionnaire minoritaire de la Société Standard Paper Box (Standard). D'avis que son frère, André Moisan, en tant qu'administrateur et dirigeant de Standard, aurait commis des irrégularités au préjudice des actionnaires, il a intenté une action contre celui-ci et des sociétés reliées. Il y demande, entre autres, la destitution de son frère et une enquête.
[3] Son recours est parallèle à celui intenté par Paul Simard et Pierre Simard, des actionnaires plus importants. Initialement, le requérant envisageait de poursuivre avec eux et il fut représenté jusqu'en avril 2003 par Paquette Gadler, le cabinet d'avocats des Simard. Pour des raisons que j'ignore, le requérant et les avocats Paquette Gadler sont maintenant en brouille et il se méfie des coactionnaires Simard.
[4] Il a choisi de faire désormais cavalier seul, et ce, sans assistance d'un avocat, faisant plutôt appel pour la rédaction de ses procédures et l'obtention de conseils au Club juridique de Laval, une organisation dirigée par un ex-avocat. Pour certains, le Club juridique permet de contourner le monopole des avocats et d'avoir accès à la justice; pour d'autres, cette organisation exploite les plus faibles au bénéfice de l'ex-avocat. Il ne me revient pas de me prononcer sur cette question, mais je constate avec inquiétude que la procédure qu'a rédigée le Club juridique pour le requérant fait référence à divers articles de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, alors que Standard est régie par la Loi sur les compagnies du Québec. En d'autres mots, on invoque des articles d'une loi manifestement non applicable et des remèdes qui s'y trouvent. Un avocat qui ferait de telles erreurs serait passible d'une poursuite pour exercice inapproprié de la profession. En somme, le requérant, qui prétend être victime d'agissements de son frère, semble aussi être victime du Club juridique.
[5] La gestion du dossier du requérant, de même que celle du dossier Simard, a été confiée à un même juge de la Cour supérieure, ce qui est tout à fait logique vu leur similarité. Comme le dossier Simard implique des parties représentées par des avocats, on peut espérer qu'il sera mieux préparé que celui du requérant. Il semble aussi que la famille Simard, afin d'étayer son dossier, a retenu les services du cabinet KPMG Québec Inc. pour analyser l'administration antérieure de Standard. Le vrai débat se fera dans le dossier Simard et non dans celui du requérant qui, j'ai pu le constater moi-même, n'est pas en mesure de mener un recours de cet ampleur contre Standard et son frère.
[6]
Afin de préparer son procès dont l'audition est fixée au 22 mai, le
requérant a présenté une requête en vertu de l'art.
[7] Le 23 février 2007, cette requête a été rejetée par le juge de la Cour supérieure qui gère les dossiers, en ces termes :
Comme Me Perreault[1], je suis d'avis que les documents demandés dans la requête sont couverts par le secret professionnel, par la « litigation priviledge » ou par les deux à la fois.
Le cas sous étude soulève une question particulière en ce que le demandeur prétend que les documents visés ont été préparés à la demande de ses propres avocats alors qu'il était leur client. Comme le demandeur renonce implicitement à ces privilèges dont il serait bénéficiaire, il aurait selon lui le droit de prendre connaissance de ces documents.
Devant les explications fournies par Me Perreault, je suis d'avis que les documents demandés ont été créés ou ont pris naissance après que le demandeur ait révoqué le mandat de ses avocats.
En conséquence, il n'est pas fondé d'avoir accès à ces documents.
Par ces motifs, le tribunal
REJETTE la requête avec dépens.
[8] C'est de ce jugement dont le requérant demande la permission d'appeler.
ANALYSE
[9] La pertinence du document recherché, s'il existe (ce que Me Perreault refuse de confirmer), apparaît établie. Il reste à déterminer le droit ou non du requérant d'en prendre connaissance. Vu le contexte, il s'agit d'une question qui mérite l'attention de la Cour.
[10] Je note par ailleurs que la logique qui a mené à confier au même juge le dossier Simard et celui du requérant pourrait justifier une demande de réunion des actions pour fins d'audition si les deux étaient en état. Tel n'est cependant pas le cas du dossier Simard. De toute façon, même si les deux dossiers étaient prêts pour audition, il est possible que certaines parties s'opposeraient à leur réunion, la présence du requérant, qui est manifestement incapable de saisir tous les enjeux juridiques, pouvant nuire au bon déroulement du procès. Il demeure cependant que s'il y avait réunion, le requérant aurait accès aux documents préparés par KPMG déposés au dossier Simard.
[11] Finalement, on peut se demander si les fins de la justice ne seraient pas mieux servies par un report du dossier du requérant après une décision dans celui du dossier Simard. En pareil cas, tous les rapports produits dans le dossier Simard deviendraient, selon toute vraisemblance, désormais publics et copies pourraient en être obtenues par le requérant. Cette option rendrait l'appel sans objet.
DISPOSITIF
[12] Dans ces circonstances, je suis d'avis d'accorder la permission d'appeler, d'ordonner la suspension des procédures en Cour supérieure dans le dossier Cal Moisan et d'ordonner que les parties se présentent à nouveau devant moi, à une date à être déterminée, afin de discuter de la gestion du pourvoi. Afin de faciliter la détermination de cette date, j'invite M. Cal Moisan à me faire parvenir, avec copie aux avocats des parties, une liste des dates où il serait disponible pour participer à une conférence de gestion de l'appel dans les semaines qui viennent. J'invite aussi les avocats, sur réception de la liste, à m'indiquer lesquelles de ces dates leur conviendraient. Par la suite, je convoquerai une conférence de gestion de l'appel.
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PIERRE J. DALPHOND, J.C.A. |
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Mr. Cal Moisan |
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Personnellement |
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Me Pierre Fournier (absent) |
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Fournier Avocats Inc. |
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Avocat des intimées (SPB Canada Inc. et 9133-0050 Québec Inc.) |
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Me Marie-France Tozzi |
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Deslauriers Jeansonne, avocats |
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Avocate des intimés (André Moisan; 9133-0050 Québec Inc.; 2645-7549 Québec Inc. et Les emballages Novotel Inc.) |
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Me Jean Lortie (absent) |
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McCarthy Tétrault |
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Avocat de la mise en cause (Norampac Inc.) |
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Me François Touchette |
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Woods |
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Avocat de la mise en cause (KPMG Québec Inc.) |
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Me Chantal Perreault |
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Paquette Gadler Avocate des mis en cause (Paquette Gadler; Paul Simard et Pierre Simard) |
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Date d’audience : |
4 mai 2007 |
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