Décision

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Gabarit CMQ

Commission municipale du Québec

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Date :

20 février 2013

 

 

 

 

 

Dossier :

CMQ-64360 (27179-13)

 

                                                                                           

 

 

 

Juges administratifs :

Sylvie Piérard

 

Richard Quirion

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Personne visée par l’enquête :  CLAUDIO BENEDETTI

                                                           Conseiller municipal de la
                                                           Ville de Brossard

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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ENQUÊTE EN ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE

EN MATIÈRE MUNICIPALE

 

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DÉCISION

LA DEMANDE

[1]           Le 16 juillet 2012, conformément à l’article 22 de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale[1] (LEDMM), le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire transmet à la Commission municipale du Québec (la Commission), une demande d’enquête qui allègue une conduite dérogatoire de monsieur Claudio Benedetti, conseiller municipal de la Ville de Brossard (la Ville), à l’égard du Code d’éthique et de déontologie des élus[2] de la Ville (le Code d’éthique et de déontologie).

[2]           Lors des audiences tenues le 23 octobre, le 22 novembre ainsi que les 10 et 11 décembre 2012, monsieur Benedetti est présent et représenté par Me Joël Mercier de l’étude Casavant Mercier.

[3]           Les allégations de manquements au Code d’éthique et de déontologie reprochés à l’élu dans la demande d’enquête datée du 9 juillet 2012, se résument ainsi :

a)    Monsieur Benedetti s’ingérerait dans les affaires internes de l’Association de soccer de Brossard (l’ASB);

b)    Il aurait participé activement à la nomination de son épouse à titre de membre honorifique de l’ASB, et ce, afin qu’elle soit éligible à un poste de membre du conseil d’administration de l’ASB (le CA);

c)    Le 9 janvier 2012, après avoir quitté son poste de secrétaire, il aurait communiqué directement avec des membres du CA en leur transmettant un projet d’amendement des statuts et règlements de l’organisme;

d)    Le 28 janvier 2012, il aurait à nouveau communiqué directement avec le CA ou certains de ses membres en leur transmettant un projet de réponse à des questions soulevées par un entraîneur, qui concernaient des problèmes organisationnels de l’ASB;

e)    Le 5 mars 2012, il aurait directement communiqué par courriel avec le CA, le directeur général et l’avocat de l’ASB, en transmettant un projet de lettre qu’il aurait rédigé, concernant l’expulsion de la ligue maison du fils d’un entraîneur;

f)     Le 29 avril 2012, il se serait présenté à titre de représentant de la Ville à une cérémonie de remise de médailles, et ce, à l’insu du nouveau CA; à cette occasion, il aurait donné l’apparence de reconnaître les membres du CA sortant au détriment de ceux nouvellement élus.

[4]           Le plaignant précise que les agissements de monsieur Benedetti contreviennent aux articles 16, 17, 19 et 23 du Code d’éthique et de déontologie.

[5]           Il ajoute que l’intérêt personnel que monsieur Benedetti et ses proches détiennent au sein de l’ASB, le place en conflit d’intérêts flagrant. De plus, il prétend que monsieur Benedetti tente d’exercer ou exerce une influence indue au sein des affaires internes de l’ASB.

ORDONNANCE DE CONFIDENTIALITÉ, DE NON-DIVULGATION ET DE NON-PUBLICATION

[6]           La Commission a prononcé une ordonnance de confidentialité, de non-divulgation et de non-publication pour valoir jusqu’à la décision finale de la Commission.

[7]           Le plaignant et chacun des témoins entendus par la Commission ont été informés de cette ordonnance de confidentialité, de non-divulgation et de non-publication dans le présent dossier et en ont reçu une copie.

LA PREUVE

Les admissions

[8]           Au début de l’audience, par l’intermédiaire de son avocat, monsieur Benedetti a admis certains faits :

a)      Il est conseiller municipal depuis 2006 à la Ville;

b)      Le Code d’éthique et de déontologie est entré en vigueur le 23 novembre 2011;

c)      Le 6 décembre 2011, monsieur Benedetti a prêté serment qu’il exercerait ses fonctions dans le respect du Code d’éthique et de déontologie.

Les faits

[9]           Monsieur Benedetti est impliqué dans l’ASB depuis plusieurs années comme membre du CA ou à titre de bénévole; il démissionne du CA en décembre 2011.

[10]        Le plaignant est élu membre du CA le 17 avril 2012 lors d’une assemblée générale spéciale au cours de laquelle les membres du CA sont destitués et un nouveau conseil d’administration est élu.

[11]        Dans un jugement du 18 octobre 2012[3], alors qu’elle est saisie d’une demande d’injonction permanente, la Cour supérieure est d’avis que cette assemblée générale spéciale est irrégulière et illégale.

[12]        La Ville ne délègue pas d’élu au CA de l’ASB; les statuts et règlements de l’association ne le prévoient pas.

[13]        En décembre 2011, à la suite de la démission de monsieur Benedetti du CA, le président de l’ASB propose la nomination de l’épouse de monsieur Benedetti.

[14]        Ce dernier explique au président la procédure qui doit être suivie aux fins de cette nomination.

[15]        Le président du CA de l’époque présente la candidature de l’épouse de monsieur Benedetti comme membre honoraire à la réunion du 10 décembre 2011 afin que cette dernière soit éligible à un poste au CA; une résolution unanime est adoptée à cet effet le même soir.

[16]        L’épouse de monsieur Benedetti est membre du CA depuis le 13 janvier 2012.

[17]        Le 9 janvier 2012, monsieur Benedetti, alors qu’il ne fait plus partie du CA, transmet par courriel aux membres de celui-ci, ses commentaires concernant la modification des statuts et règlements de l’association.

[18]        Le 5 mars 2012, monsieur Benedetti transmet par courriel aux membres du CA, un projet de lettre qu’il a corrigé et qui concerne l’expulsion d’un jeune joueur, fils d’un entraîneur.

[19]        Le 29 avril 2012, lors d’une cérémonie de remise de médailles aux joueurs de l’ASB, monsieur Benedetti qui représente le maire de la Ville, présente le président du CA régulièrement élu.

[20]        À leur demande, monsieur Benedetti aide des membres du CA à choisir les personnes que la Ville devrait inviter à sa soirée des bénévoles.

LES REPRÉSENTATIONS

[21]        L’avocat de monsieur Benedetti fait des représentations lors de l’audience du 11 décembre 2012 et complète sa plaidoirie par des notes et autorités.

[22]        Il soutient tout d’abord que les règles établies par la LEDMM, et particulièrement par les articles 4, 5, 6 et 49 de cette loi, visent l’élu municipal dans l’exercice de ses fonctions.

[23]        De plus, il ajoute qu’il appert clairement du texte du Code d’éthique et de déontologie que ce dernier détermine les devoirs et obligations des élus dans l’exercice de leurs fonctions.

[24]        Il est d’avis que le plaignant n’a pas rapporté de faits précis démontrant que l’élu aurait, dans l’exercice de ses fonctions de membre du conseil, contrevenu au Code d’éthique et de déontologie.

[25]        À l’exception des faits entourant la cérémonie de remise de médailles, tous les reproches faits par le plaignant relèvent de la gestion interne de l’ASB ou d’un conflit qu’il semble y avoir entre différentes personnes impliquées dans les activités de cette association. La Commission n’a pas compétence pour faire une enquête relative à l’administration de l’ASB.

[26]        En ce qui concerne la cérémonie de remise de médailles, il ajoute que la participation de monsieur Benedetti à cette cérémonie ne contrevenait pas au Code d’éthique et de déontologie.

[27]        Les véritables motivations du plaignant découlent d’un conflit entre un groupe de contestataires et les membres du CA de l’ASB.

[28]        Finalement, au soutien de ses prétentions, il dépose deux décisions de la Commission qui ont établi le fardeau de preuve applicable dans une enquête en matière d’éthique et de déontologie municipale[4].

 

LE DROIT

La Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale

[29]        La LEDMM prévoit ce qui suit :

 

« 4. Le code d'éthique et de déontologie énonce les principales valeurs de la municipalité en matière d'éthique; parmi ces valeurs, les suivantes doivent être énoncées:

 

 1° l'intégrité des membres de tout conseil de la municipalité;

 

 2° l'honneur rattaché aux fonctions de membre d'un conseil de la municipalité;

 

 3° la prudence dans la poursuite de l'intérêt public;

 

 4° le respect envers les autres membres d'un conseil de la municipalité, les employés de celle-ci et les citoyens;

 

 5° la loyauté envers la municipalité;

 

 6° la recherche de l'équité.

 

Les valeurs énoncées dans le code doivent guider les membres de tout conseil de la municipalité dans l'appréciation des règles déontologiques qui leur sont applicables.

 

 

5. Le code d'éthique et de déontologie énonce également:

 

 1° des règles qui doivent guider la conduite d'une personne à titre de membre d'un conseil, d'un comité ou d'une commission de la municipalité ou, en sa qualité de membre d'un conseil de la municipalité, d'un autre organisme;

 

 2° des règles qui doivent guider la conduite de cette personne après la fin de son mandat de membre d'un conseil de la municipalité.

 

Ces règles doivent notamment avoir pour objectifs de prévenir:

 

 1° toute situation où l'intérêt personnel du membre du conseil peut influencer son indépendance de jugement dans l'exercice de ses fonctions;

 

 2° toute situation qui irait à l'encontre des articles 304 et 361 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (chapitre E-2.2);

 

 3° le favoritisme, la malversation, les abus de confiance ou autres inconduites.

 

 

6. Les règles prévues au code d'éthique et de déontologie doivent notamment interdire à tout membre d'un conseil de la municipalité:

 

 1° d'agir, de tenter d'agir ou d'omettre d'agir de façon à favoriser, dans l'exercice de ses fonctions, ses intérêts personnels ou, d'une manière abusive, ceux de toute autre personne;

 

 2° de se prévaloir de sa fonction pour influencer ou tenter d'influencer la décision d'une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels ou, d'une manière abusive, ceux de toute autre personne;

 

 3° de solliciter, de susciter, d'accepter ou de recevoir, pour lui-même ou pour une autre personne, quelque avantage que ce soit en échange d'une prise de position sur une question dont un conseil, un comité ou une commission dont il est membre peut être saisi;

 

 4° d'accepter tout don, toute marque d'hospitalité ou tout autre avantage, quelle que soit sa valeur, qui peut influencer son indépendance de jugement dans l'exercice de ses fonctions ou qui risque de compromettre son intégrité;

 

 5° d'utiliser des ressources de la municipalité ou de tout autre organisme visé au paragraphe 1º du premier alinéa de l'article 5 à des fins personnelles ou à des fins autres que les activités liées à l'exercice de ses fonctions;

 

 6° d'utiliser, de communiquer ou de tenter d'utiliser ou de communiquer, tant pendant son mandat qu'après celui-ci, des renseignements obtenus dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et qui ne sont généralement pas à la disposition du public pour favoriser ses intérêts personnels ou ceux de toute autre personne;

 

 7° dans les 12 mois qui suivent la fin de son mandat, d'occuper un poste d'administrateur ou de dirigeant d'une personne morale, un emploi ou toute autre fonction de telle sorte que lui-même ou toute autre personne tire un avantage indu de ses fonctions antérieures à titre de membre d'un conseil de la municipalité.

 

Ces règles doivent également prévoir que tout don, toute marque d'hospitalité ou tout autre avantage reçu par un membre d'un conseil de la municipalité et qui n'est pas de nature purement privée ou visé par le paragraphe 4º du premier alinéa doit, lorsque sa valeur excède celle que doit fixer le code, laquelle ne peut être supérieure à 200 $, faire l'objet dans les 30 jours de sa réception d'une déclaration écrite par ce membre auprès du greffier ou du secrétaire-trésorier de la municipalité. Cette déclaration doit contenir une description adéquate du don, de la marque d'hospitalité ou de l'avantage reçu et préciser le nom du donateur ainsi que la date et les circonstances de sa réception.

 

Le greffier ou le secrétaire-trésorier tient un registre public de ces déclarations.

 

Lors de la dernière séance ordinaire du conseil du mois de décembre, le greffier ou le secrétaire-trésorier dépose un extrait de ce registre qui contient les déclarations visées au deuxième alinéa qui ont été faites depuis la dernière séance au cours de laquelle un tel extrait a été déposé.

 

[…]

 

25. Les valeurs énoncées dans le code d'éthique et de déontologie ainsi que les objectifs mentionnés au deuxième alinéa de l'article 5 doivent guider la Commission dans l'appréciation des règles déontologiques applicables.

 

[…]

 

49. Tout membre d'un conseil d'une municipalité dont le mandat est en cours à la date de l'entrée en vigueur du code d'éthique et de déontologie des élus municipaux de cette municipalité doit, dans les 30 jours qui suivent cette date, faire le serment suivant:

 

«Je, (nom du membre du conseil), déclare sous serment que j'exercerai mes fonctions de (préfet, maire ou conseiller) dans le respect du Code d'éthique et de déontologie des élus municipaux de (nom de la municipalité) et que je m'engage à respecter les règles de ce code applicables après la fin de mon mandat.».

 

Le Code d’éthique et de déontologie

[30]        Les dispositions du Code d’éthique et de déontologie pertinentes à l’analyse du dossier, sont les suivantes :

 

« A - OBJECTIF GÉNÉRAL ET CHAMP D’APPLICATION

 

Le présent Code d’éthique et de déontologie (« Code ») détermine les devoirs et obligations des élus du conseil municipal de la Ville de Brossard dans l’exercice de leurs fonctions. Le Code a pour objet d’affirmer l’engagement des élus à souscrire aux normes d’honnêteté et d’éthique dans la conduite des affaires de la Ville. Il ne se substitue pas aux lois et règlements en vigueur ni n’établit une liste exhaustive des normes de comportement attendues de l’élu, il est supplétif et cherche plutôt à réunir les obligations et les devoirs généraux.

 

[…]

 

F - GESTION DES CONFLITS D’INTÉRÊTS

 

16. Le conflit d’intérêts aux yeux des élus de Brossard

 

Pour les élus de la Ville de Brossard, un conflit d’intérêts est une situation où ils peuvent être appelés à choisir entre leur intérêt personnel et celui de la Ville. Les élus considèrent qu’en plus de prohiber ce choix en leur faveur, ce qui est interdit à la même échelle est de se placer, sciemment, dans une situation où ils pourraient être appelés à choisir entre ces deux intérêts.

 

17. Conflits d’intérêts et indépendance d’esprit lors du processus décisionnel

 

Compte tenu de cette opinion sur les conflits d’intérêts, les élus municipaux s’abstiennent de participer à une décision, ou de chercher à l’influencer, si cette décision est susceptible de mettre en conflit leur intérêt personnel ou celui de leurs proches et l’intérêt de la Ville. L’élu municipal de la Ville de Brossard sauvegarde en toute circonstance son indépendance d’esprit.

Exemple

 

Un élu municipal qui participe aux délibérations et vote sur une résolution autorisant la radiation des taxes non payées sur un terrain qu’il a récemment vendu et pour lequel il n’a pas payé les taxes municipales prévues conformément à cette transaction, est en conflit d’intérêts.

 

 

[…]

 

 

19. Activités extérieures

 

Les élus municipaux ont tous et chacun un emploi du temps et des activités extérieures en dehors de leur charge élective au conseil municipal. Ils s’assurent en tout temps que ces activités extérieures n’entrent pas, ou ne risquent pas d’entrer, en conflit réel ou apparent avec les initiatives et décisions de Brossard, ou que ces activités n’entravent pas leur capacité à accomplir pleinement leurs tâches.

 

Exemple

 

Un élu municipal qui siège sur le conseil d’administration d’un organisme communautaire sans but lucratif dont la mission n’entre pas en conflit avec la mission et les valeurs de la Ville de Brossard n’aura certainement aucune difficulté à réaliser ses deux charges.

 

20. Obligations d’après mandat

 

Les élus de la Ville de Brossard continuent d’entretenir certaines obligations envers la Ville après la fin de leur mandat. Dans les douze (12) mois qui suivent la fin de leur mandat, ils n’occupent pas un emploi, un poste d’administrateur ou toute autre fonction d’une organisation, qui leur donnerait, ou qui donnerait à cette organisation, un avantage indu compte tenu des fonctions antérieures de l’élu au conseil municipal de Brossard.

 

[…]

 

23. Influence indue

 

Il est également interdit à toute personne de se prévaloir de sa fonction pour influencer ou tenter d’influencer la décision d’une autre personne de façon à favoriser ses intérêts personnels ou d’une manière abusive, ceux de toute autre personne. Ce principe s’applique même si a priori les élus municipaux ne tirent aucun avantage de leurs actions et qu’ils sont de bonne foi, car ils contreviendraient tout de même au principe d’équité.

 

Exemple

 

Un élu municipal qui reçoit des demandes incessantes et insistantes de promoteurs subit une influence indue, dont il doit rester imperméable.

 

Un élu municipal ne devrait pas interférer dans la gestion quotidienne des dossiers courants de la Ville de Brossard. Même si c’est parfois tentant, l’élu ne doit pas chercher à faire avancer un dossier plus vite, ou modifier l’ordre des priorités établi par la Direction générale de la Ville. »

L’ANALYSE

[31]        En vertu des articles 23 et suivants de la LEDMM, lorsqu’elle reçoit une demande du ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, la Commission doit tenir une enquête afin de déterminer si l’élu visé par la demande a commis un manquement à une règle prévue à son code d’éthique et de déontologie.

[32]        Dans la décision Bourassa[5], la Commission a établi les paramètres qui doivent la guider pour effectuer son enquête :

 

« [51]        Dans le cadre d’une enquête en vertu de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale, la Commission doit s’enquérir des faits afin de décider si l’élu visé par l’enquête a commis les actes ou les gestes qui lui sont reprochés et si ces derniers constituent une conduite dérogatoire au code d’éthique et de déontologie de la Municipalité.

 

[52]        Pour ce faire, elle doit conduire son enquête dans un esprit de recherche de la vérité qui respecte les règles d’équité procédurale et le droit de l’élu visé par l’enquête à une défense pleine et entière.

 

[53]        Le processus d’enquête édictée en vertu de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale n’est pas à proprement parler un processus contradictoire puisqu’il n’y a pas de poursuivant. Il appartient à la Commission de conduire son enquête au terme de laquelle, elle rend sa décision.

 

[54]        Ainsi, et même si on ne peut parler de fardeau de preuve comme tel, la Commission doit tout de même être convaincue que la preuve qui découle des témoignages, des documents et des admissions, a une force probante suffisante suivant le principe de la balance des probabilités pour lui permettre de conclure, que l’élu visé par l’enquête a manqué à ses obligations déontologiques et enfreint le code d’éthique et de déontologie de la Municipalité.

 

[55]        En raison du caractère particulier des fonctions occupées par un élu municipal et des lourdes conséquences que la décision pourrait avoir sur celui-ci au niveau de sa carrière et de sa crédibilité, la Commission est d’opinion que pour conclure à un manquement au code d’éthique et de déontologie de la Municipalité, la preuve obtenue doit être claire, précise, sérieuse et sans ambiguïté.

 

 

[…]

 

[59]        Enfin, la Commission doit analyser la preuve en tenant compte de l’article 25 de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale qui précise que :

« Les valeurs énoncées dans le code d’éthique et de déontologie ainsi que les objectifs mentionnés au deuxième alinéa de l’article 5 doivent guider la Commission dans l’appréciation des règles déontologiques applicables ».

 

[33]        Pour conclure qu’un élu a enfreint une règle de son code d’éthique et de déontologie, la Commission doit être convaincue par une preuve claire, grave, précise et qui ne souffre d’aucune ambiguïté, que les manquements qui lui sont reprochés se sont effectivement produits et constituent des manquements au code d’éthique et de déontologie applicable.

L’élu a-t-il commis un manquement au code d’éthique et de déontologie qu’il devait respecter ?

[34]        Le Code d’éthique et de déontologie de la Ville de Brossard est entré en vigueur le 23 novembre 2011.

[35]        La demande a été déposée par le plaignant le 9 juillet 2012.

[36]        La Commission doit donc examiner si, entre ces deux dates, l’élu a commis les manquements au Code d’éthique et de déontologie que lui reproche le plaignant.

[37]        Le Code d’éthique et de déontologie prévoit, sous le titre objectif général et champ d’application, que « le présent Code d’éthique et de déontologie (« Code ») détermine les devoirs et obligations des élus du conseil municipal de la Ville de Brossard dans l’exercice de leurs fonctions. Le Code a pour objet d’affirmer l’engagement des élus à souscrire aux normes d’honnêteté et d’éthique dans la conduite des affaires de la Ville.»[6]

(Nos soulignements.)

[38]        L’article 5 de la LEDMM prévoit que le code d’éthique et de déontologie des élus d’une municipalité énonce des règles qui doivent guider la conduite d’une personne à titre de membre d’un conseil, d’un comité ou d’une commission de la municipalité ou, en sa qualité de membre d’un conseil de la municipalité, d’un autre organisme.

[39]        De plus, l’article 25 de la LEDMM indique que les valeurs énoncées dans le code d’éthique et de déontologie ainsi que les objectifs mentionnés au deuxième alinéa de l’article 5, doivent guider la Commission dans les règles déontologiques applicables.

[40]        Le deuxième alinéa de l’article 5 de la LEDMM stipule notamment que les règles déontologiques énoncées dans un code d’éthique et de déontologie en matière municipale doivent avoir pour objectif de prévenir toute situation où l’intérêt personnel du membre du conseil peut influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de ses fonctions.

[41]        La Commission est d’avis qu’il ressort clairement de ces dispositions que le Code d’éthique et de déontologie s’applique à un élu lorsqu’il agit dans l’exercice de ses fonctions d’élu municipal. Ainsi, les manquements reprochés doivent concerner l’élu alors qu’il agissait dans le cadre de ses fonctions de membre du conseil de la Ville.

[42]        Le seul manquement reproché à monsieur Benedetti alors qu’il agissait dans l’exercice de ses fonctions d’élu municipal a eu lieu lors de la cérémonie de remise de médailles du 29 avril 2012.

[43]        Le plaignant lui reproche de s’être présenté à titre de représentant de la Ville de Brossard et d’avoir donné l’apparence de reconnaître les membres du CA sortant au détriment des nouveaux.

[44]        La Commission considère que la preuve ne permet pas de soutenir ces prétentions. Elle ne voit dans les faits établis aucun manquement aux dispositions du Code d’éthique et de déontologie.

[45]        En ce qui concerne les autres faits reprochés à monsieur Benedetti, ils ne sont pas en lien avec ses fonctions d’élu municipal.

[46]        Monsieur Benedetti était impliqué personnellement dans l’ASB depuis plusieurs années comme membre du CA, puis comme bénévole. Toutefois, rien dans la preuve ne permet d’établir que lorsqu’il agissait au sein de cette association, il le faisait dans le cadre de ses fonctions d’élu municipal, soit en sa qualité de membre du conseil, membre d’une commission ou d’un comité du conseil de la Ville ou comme membre d’un conseil de la municipalité siégeant au sein d’un autre organisme.

[47]        Dans le présent dossier, il ressort clairement qu’il existe un conflit majeur entre des membres du CA et des bénévoles de l’ASB.

[48]        La Commission n’a pas juridiction pour régler ce type de conflit qui ne concerne pas la conduite d’une personne à titre de membre d’un conseil municipal mais plutôt la gestion interne d’une association sportive indépendante de la Ville.

[49]        Les demandes d’enquête déposées en vertu de la LEDMM ne doivent pas être utilisées à des fins politiques, personnelles ou partisanes, dans le but de régler des conflits qui ne touchent pas les agissements d’un élu dans le contexte de ses fonctions municipales.

EN CONSÉQUENCE, LA COMMISSION MUNICIPALE DU QUÉBEC :

-     CONCLUT QUE la conduite de monsieur Claudio Benedetti ne constitue pas un manquement à une règle prévue au Code d’éthique et de déontologie de la Ville de Brossard.

 

 

 

__________________________________

SYLVIE PIÉRARD,

Juge administrative

 

 

 

 

 

__________________________________

RICHARD QUIRION,

Juge administratif

SP/RQ/lg

 

Me Joël Mercier

CASAVANT MERCIER

Pour Claudio Benedetti

 



[1].   L.R.Q., c. E-15.1.0.1.

[2].   Règlement numéro REG-216 : Règlement relatif au Code d’éthique et de déontologie des élus.

[3].   Association de soccer de Brossard c. Létourneau, 2012 QCCS 5024 .

[4].   Bourassa, CMQ-63969 et CMQ-63970, 30 mars 2012.

[5].   Id.

[6].   Code d’éthique et de déontologie, page 2.

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