Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Poirier et B. Frégeau & Fils inc.

2014 QCCLP 5316

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

24 septembre 2014

 

Région :

Montérégie

 

Dossier :

452099-62-1110

 

Dossier CSST :

138079298

 

Commissaire :

Éric Ouellet, juge administratif

 

Membres :

Jean Litalien, associations d’employeurs

 

Jean-Jacques Malenfant, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

Patrick Poirier

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

B. Frégeau & Fils inc.

Christian Lecuyer Excavation

Constructions Bricon ltée

Entreprises Daniel Robert inc.

Entreprises Éric Robert

Environnement Routier NRJ inc.

Les Entreprises C. Dubois

G.B. Excavation (Fermé)

Le Groupe Vespo

Les Entreprises Vannicola (1997)

Les Pavages Expert inc.

Valgeau inc.

Parties intéressées

            Parties intéressées

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 21 octobre 2011, monsieur Patrick Poirier (le travailleur) dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête à l’encontre de la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue 9 septembre 2011, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme la décision initialement rendue le 13 juin 2011, refusant la réclamation suite à un événement du 6 juin 2011.

[3]           À l’audience qui s’est tenue, à Longueuil, le 29 mai 2014, le travailleur est présent et représenté. B. Frégeau & Fils inc., Les Entreprises C. Dubois, Entreprises Daniel Robert inc., Les Pavages Expert inc. et Valgeau inc. (employeurs au dossier) sont également représentés.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande au tribunal de déclarer qu’il est atteint d’une maladie professionnelle.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur est atteint d’une maladie professionnelle compte tenu des risques particuliers de son travail.

[6]           Pour sa part, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la preuve prépondérante ne permet pas de conclure que le travailleur est atteint d’une maladie professionnelle.

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[7]           Monsieur Poirier, âgé de 26 ans, est opérateur de tracteur et il est au service de l’employeur depuis le mois de novembre 2009.

[8]           Le 3 juin 2011, il déclare à Les Entreprises C. Dubois qu’il a de la douleur au dos.

[9]           À sa réclamation, le travailleur déclare que depuis quatre à cinq ans, des maux de dos ont commencé, mais que depuis un à deux ans, il a aussi des douleurs au bras et à l’épaule gauches. Il attribue cela aux mouvements répétitifs et au fait qu’il se fait brasser dans le siège des équipements lourds qu’il doit opérer.

[10]        Le 6 juin 2011, il consulte le docteur Ghali qui diagnostique une entorse lombaire et une cervicobrachialgie gauche. Il déclare un arrêt de travail jusqu'au 13 juin 2011.

[11]        Lors des visites médicales subséquentes, les diagnostics sont maintenus.

[12]        Le 13 juin 2011, le docteur Ghali diagnostique une entorse lombaire avec amélioration de la sciatalgie à gauche, cervicobrachialgie et note une amélioration partielle. Il suggère de la physiothérapie et maintient l’arrêt de travail.

[13]        Le 13 juin 2011, la CSST refuse la réclamation du travailleur.

[14]        Le 21 juin 2011, le docteur Ghali maintient le diagnostic d’entorse lombaire avec cervicobrachialgie gauche améliorée, autorise la physiothérapie et des travaux légers à partir du 22 juin.

[15]        Le 4 juillet 2011, le docteur Ghali diagnostique une entorse lombaire avec cervicobrachialgie gauche et continue les travaux légers.

[16]        Le 11 juillet 2011, monsieur Poirier subit une résonance magnétique de la colonne lombaire, dont les conclusions sont les suivantes :

-    À L3-L4, arthrose légère à modérée des facettes. Bombement discal léger diffus. Pas de hernie focale. Pas de sténose;

-    À L4-L5, le disque est normal. Arthrose discrète des facettes. Pas de sténose spinale ni foraminale;

-    À L5-S1, spondylolyse bilatérale avec listhésis grade I. Bombement discal léger diffus. Sténose foraminale légère à modérée des deux côtés secondaire au listhésis. Pas de sténose spinale.

 

 

[17]        Le 19 juillet 2011, le docteur Ghali diagnostique une entorse lombaire.

[18]        Le 25 août 2011, le docteur Ghali diagnostique une entorse lombaire avec cervicobrachialgie symptomatique. Sur une prescription dans laquelle il suggère l’ostéopathie, il souligne la présence d’arthrose facettaire et spondylolisthésis gauche. Il suggère une réorientation de carrière.

[19]        Le 9 septembre 2011, la CSST, en révision administrative, confirme le refus de la réclamation du travailleur.

[20]        Le 3 avril 2012, le docteur Ghali demande un électromyogramme et pose le diagnostic d’entorse lombaire et de lombalgie chronique avec irradiation aux membres inférieurs.

[21]        Le 9 mai 2012, le docteur Vaucher, neurologue, rencontre monsieur Poirier. Il conclut de la façon suivante :

[...] Malgré les allégations de spondylolisthésis et de bombements discaux, ce patient atteint de lombalgies chroniques présente un examen neurologique normal sans évidence de souffrance radiculaire ni même d’atteinte du syndrome de la queue de cheval. Études de conduction et électromyogramme aux membres inférieurs normales. DIVM probable. Suggérons traitement conservateur et suivi en physiatrie pour DIVM.

 

 

[22]        Le 5 novembre 2012, une audience a lieu à la Commission des lésions professionnelles de Longueuil, en lien avec une question préliminaire de délai de la réclamation déposée à la CSST. Lors de cette audience, les parties admettent qu’il ne s’agit pas d’un accident de travail, mais plutôt d’une maladie professionnelle.

[23]        Le 13 novembre 2012, la Commission des lésions professionnelles[1] déclare recevable la réclamation de monsieur Poirier pour une maladie professionnelle, au motif qu’elle a été produite dans le délai prévu à l’article 272 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi).

[24]        Le 18 février 2013, le docteur Lussier diagnostique un syndrome de la charnière lombosacrée. Il prescrit des blocs facettaires L3-L4, L4-L5 et L5-S1 à gauche et à droite sous fluoroscopie. ll suggère de répéter l’opération aux trois mois pour un an.

[25]        Le 6 mars 2013, monsieur Poirier est expertisé par le docteur Legendre, à la demande de Les Entreprises C. Dubois. Le docteur Legendre conclut à un diagnostic de cervico-dorsolombalgie chronique avec discordance marquée entre le subjectif et l’objectif. Il n’y a pas d’évidence que lors de l’examen du docteur Ghali, le 5 juin 2011, il y avait présence d’une entorse lombaire, considérant l’absence d’ankylose au niveau du rachis lombaire.

[26]        Le 23 mai 2013, monsieur Poirier est expertisé, à la demande de son représentant, par le docteur Richard Lambert, physiatre. À la Revue des faits, page 3 de son expertise, le docteur Lambert mentionne que le travailleur pratiquait comme activités sportives le 4 roues, la planche à neige, le VTT occasionnellement et du golf, qu’il n’a pas fait depuis deux ans.

[27]        À l’audience, le travailleur soumet qu’il s’est blessé en effectuant son travail et qu’il souffre d’arthrose lombaire à L3-L4, L4 - L5 et d’une spondylolyse bilatérale avec listhésis de grade l et d’un bombement discal léger ainsi que d’une sténose foraminale légère des deux côtés secondaire au listhésis sans sténose spinale à L5-S1. Il soumet une résonance magnétique du 15 août 2011 de la colonne lombaire. Il ne rapporte aucun fait accidentel et il mentionne que la douleur est présente depuis cinq ans et qu’il consulte un naturopathe depuis ce temps.

[28]        Le travailleur explique qu’il travaille chez Les Entreprises C. Dubois depuis deux ans à titre d’opérateur d’équipement lourd de type chargeuse-pelleteuse (pépine), bulldozer, rouleau compacteur et pelle mécanique.

[29]        Il travaille entre 40 et 60 heures par semaine, d’avril à décembre. L’hiver, le travailleur fait du déneigement. Ses heures travaillées, selon les relevés fournis par l'employeur, sont de 1591 heures construction et hors construction en 2005, 1272 heures en 2006, 1634 heures en 2007, 1315 heures en 2008, 1359 heures en 2009, 1387 heures en 2010 et 376 heures en 2011.

[30]        L’essentiel des tâches exécutées pendant ces années a été de conduire de la machinerie lourde qui produisait de la vibration.

[31]        Monsieur Claude Dubois a aussi témoigné à l’audience. Monsieur Dubois est président des Entreprises C. Dubois. Il explique essentiellement que ses équipements sont très récents et possèdent des sièges pneumatiques qui peuvent être ajustés, pour un meilleur confort, sauf pour le rouleau compacteur.

[32]        L’employeur explique de plus que le travailleur possède un véhicule de type Jeep tout terrain avec lequel il s’amusait sur ses chantiers. Monsieur Dubois a d’ailleurs vu certains exploits du travailleur sur vidéo.

[33]        Le docteur Richard Lambert, physiatre, et le docteur Pierre Legendre, chirurgien-orthopédiste, ont été entendus à l’audience.

[34]        L’expertise médicale du docteur Lambert se lit comme suit :

Monsieur dit mesurer 5 pieds 7 ½ pouces et peser 167 livres.

 

À I’inspection on note les séquelles d’une luxation acromioclaviculaire droite avec voussure à cet endroit.

 

L’indice de Schober est à 15/23.

 

Les amplitudes du rachis dorso-lombosacré sont les suivantes :

Flexion antérieure                                 80°

Extension                                            30°

Rotation droite                                      22°

Rotation gauche                                   25°

Latéroflexions droite et gauche              30°

 

La marche sur les talons et la pointe des pieds est normale.

 

L’examen neurologique des membres inférieurs est normal.

 

Les épreuves de mises en tension radiculaire sont négatives autant pour les nerfs sciatique que fémoral.

 

La mensuration des membres inférieurs démontre :

Droite               Gauche

• À 15 cm au dessus du pôle supérieur de la rotule         54 cm               52.2 cm

• À 15 cm en dessous du pôle inférieur de la rotule         36.2 cm            36.8 cm

 

L’examen des hanches et des sacro-iliaques est normal.

 

L’examen des tissus mous est normal.

 

L’examen palpatoire rapporte une douleur à la palpation sur les épineuses de L4, L5 et S1.

 

L’examen neurologique des membres supérieurs est normal.

 

La mensuration des membres supérieurs démontre :

Droite               Gauche

 

• À 10 cm au dessus du pli du coude                             32 cm               31.5 cm

• À 10 cm en dessous du pli du coude                           25.2 cm            26 cm

 

Les amplitudes du rachis cervical sont les suivantes :

Flexion antérieure                                 55°

Extension                                            62°

Rotation droite                                      52°

Rotation gauche                                   55°

Latéroflexions droite et gauche              38°

 

Douleur à la palpation paravertébrale C6-C7 droite et C3-C4 jusqu’à C6-C7 gauche.

 

L’examen des tissus mous démontre qu’il n’y a pas de cellulalgie, mais qu’il y a une augmentation de tension légèrement douloureuse aux trapèzes droit et gauche à la partie supérieure.

 

Au niveau des épaules, les amplitudes articulaires sont complètes bilatéralement.

 

La mise en tension résistée des tendons de la coiffe est négative à droite, mais à gauche, en abduction reproduit une douleur à la face antérieure de l’épaule. La manœuvre de Jobe est négative à droite et légèrement positive à gauche. Les manœuvres de Neer et de Speed sont négatives bilatéralement. La manœuvre du foulard est positive uniquement à droite. Les autres manœuvres étaient négatives bilatéralement.

 

[…]

 

DISCUSSION :

 

Premièrement, en ce qui concerne le diagnostic, le terme de dysfonction lombosacrée est un terme général et il faut rechercher le générateur de la douleur. Cliniquement le patient présente une lombalgie probablement d’origine discale de type instabilité lombaire. Les étapes à suivre, même si je m’oriente vers une pathologie discale, seraient donc que le patient ait :

 

a)  des blocs facettaires à visée diagnostique et thérapeutique pour déterminer si le générateur de la douleur est au niveau facettaire;

b) une épidurale caudale à visée diagnostique et thérapeutique pour déterminer s’il y a une irritation dure-mérienne intrarachidienne et

c)  s’il n’y a toujours pas d’amélioration, une provocation discale ou discographie avec CT Scan. Le but de ce troisième examen serait donc de reproduire les douleurs du patient pour déterminer si l’intérieur du disque est responsable de la douleur du patient. Il s’agirait donc d’un test diagnostique. Si oui, on pourrait conclure à une IDD (Internal Disc Disruption). Si ce test est positif; à ce moment une thérapie en conséquence pourrait être envisagée.

 

Deuxièmement, monsieur Poirier me semble réellement souffrant au niveau lombosacré et le traitement sous forme de blocs facettaires ou d’épidurale serait conseillé. Un programme de rééducation est également essentiel chez lui.

 

Troisièmement monsieur présente une condition personnelle préexistante qui est une spondylolyse L5 avec listhésis de grade I de L5 sur S1 avec phénomènes dégénératifs.

 

Quatrièmement, on remarque que monsieur était déjà suivi depuis 2004 en massothérapie pour des douleurs à plusieurs sites, comme mentionné précédemment, et entre autres aux niveaux lombaire et cervical.

 

Cinquièmement, lorsque l’on révise l’investigation, on note principalement à la résonance magnétique qu’il présente des phénomènes légers d’ostéoarthrose facettaire en L3-L4, L4-L5, bombements légers L3-L4, L4-L5, spondylolyse et listhésis déjà décrits et sténose foraminale secondaire au spondylolisthésis L5-S1 de léger à modéré bilatéralement. Il n’y a donc pas de preuve qu’il y a une détérioration majeure du point de vue radiologique de la condition du patient.

 

Sixièmement, la littérature rapporte que pour les lombalgies, les vibrations globales du corps telles qu’on les retrouve chez les conducteurs de machinerie lourde sont un des facteurs qui contribue à la lombalgie. (cf. annexe I).

 

Septièmement, lorsqu’on analyse le travail de monsieur Poirier, il est donc indéniable qu’il a été exposé à des vibrations de basses fréquences lorsqu’il conduit la machinerie lourde. Il m’a rapporté qu’il a commencé à conduire ce type de machinerie en 2004 et c’est en 2004 qu’il a commencé à être symptomatique. L’exposition a été partielle de 2004 à 2006 et par la suite il travaillait à temps plein sur la machinerie. Il est donc improbable que les douleurs lombaires notées dès le départ étaient en relation avec la conduite de la machinerie lourde puisqu’elles sont survenues en 2004. Par contre, comme il est reconnu que les vibrations globales du corps sont un des facteurs considérés dans la lombalgie, elles ont probablement contribué à rendre les douleurs lombaires déjà présentes plus symptomatiques. On ne peut donc parler ici de maladie professionnelle, mais on pourrait considérer que monsieur avait une condition personnelle préexistante qui était déjà symptomatique et que les risques reliés à son travail ont contribué à rendre cette condition plus symptomatique.

 

Huitièmement, je n’ai pas suffisamment d’éléments au dossier ni dans la littérature médicale pour relier la condition cervicale au travail de monsieur à conduire de la machinerie lourde.

 

Neuvièmement, il pourrait y avoir une certaine relation entre la tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche et le travail de monsieur. Pour l’épaule gauche, nous suggérons un programme d’exercices et une infiltration au besoin. Mais, il ne semble pas jusqu’à présent que la condition de l’épaule ait été déclarée comme étant en relation avec le travail de monsieur Poirier.

 

 

[35]        L’expertise du docteur Legendre se lit comme suit :

MANIFESTATIONS SUBJECTIVES ACTUELLES :

 

L’expertisé se plaint d’un inconfort au niveau cervico-dorso-lombaire. Cet inconfort se transforme en douleur lors de la flexion du rachis lombaire et par la position assise plus d’une heure. Il se plaint également d’inconfort au niveau de l’aspect supérieur de l’épaule gauche qui se transforme également en douleur lors des efforts contre résistance avec le membre supérieur gauche. L’expertisé ne se plaint d’aucune sciatalgie ni parésie ou paresthésie au niveau de ses membres inférieurs. Il ne se plaint pas de brachialgie avec symptôme neurologique au niveau des membres supérieurs.

 

Les douleurs sont diminuées par les changements de position.

 

L’expertisé nous dit qu’il n’est pas limité dans ses activités de la vie quotidienne et domestique. Il conduit son automobile. Il fait ses commissions.

 

ÉVALUATION OBJECTIVE :

 

Monsieur Poirier nous semble en bon état général. Il ne semble pas souffrant lors de la prise de l’anamnèse. Il se déplace avec aisance, rapidité et sans rectitude de son rachis ni restreinte de ses mouvements spontanés des membres supérieurs. Il se dévêt en relation de l’examen de son rachis et de ses membres supérieurs.

 

Nous mesurons monsieur Poirier à cinq pieds sept pouces et nous le pesons à cent soixante-huit livres.

 

Nous notons un bronzage extensif. Lorsque nous demandons au travailleur l’origine de ce bronzage, il nous dit qu’il est allé en République Dominicaine le 4 janvier dernier pour une période de deux semaines. Nous observons également une luxation acromio-claviculaire droite évidente. Il nous dit qu’il a chuté le 2 janvier dernier et qu’il a obtenu des radiographies qui n’ont pas démontré de fracture. Actuellement, il ne présente pas de douleur à ce site.

 

À l’inspection du rachis cervical, on peut noter une lordose physiologique. Les amplitudes articulaires actives, mesurées par goniomètre, démontrent une flexion à soixante degrés (60°), une extension à quarante degrés (40°), des flexions latérales à quarante degrés (40°) et des rotations à soixante degrés (60°). Il n’y a pas de douleur exprimée lors de l’obtention de ces amplitudes articulaires. Il y a toutefois inconfort à la palpation de l’apophyse épineuse de C7 en postérieur. Il n’y a pas de douleur à la palpation de la musculature para vertébrale.

 

L’examen neurologique radiculaire au niveau des membres supérieurs ne démontre aucun déficit sensitif ou moteur respectivement dans les dermatomes et myotomes de C5 à TI. Les réflexes ostéo tendineux au niveau des membres supérieurs sont présents et symétriques.

 

À l’inspection du rachis dorso-lombaire, on peut noter une cyphose dorsale et une lordose lombaire physiologiques. Il n’y a pas de scoliose. En appui bipodal, on peut noter un bassin au niveau. Les angles de taille sont symétriques.

 

Les amplitudes articulaires actives, à partir de la position debout, démontrent une flexion antérieure du rachis dorso-lombaire à cent degrés (100°) avec un Schober modifié qui passe de 15 à 21.5 centimètres. Toujours en position debout, on note une extension à trente degrés (30°), des flexions latérales à quarante degrés (40°) et en position assise, des rotations dorso-lombaires à trente degrés (30°). Là encore, il n’y a pas de douleur exprimée lors de l’obtention de ces amplitudes articulaires en actif.

 

Il y a présence de douleur à la palpation au niveau de la région lombaire basse centrale, mais aucunement en para vertébral. Il n’y a pas de spasme musculaire para vertébral.

 

Les tests du tripode ne s’accompagne pas de bascule postérieure du tronc. La manœuvre de Lasègue ne s’accompagne pas de sciatalgie. Les manœuvres d’étirement des nerfs fémoraux ne s’accompagnent pas de cruralgie.

 

L’examen neurologique radiculaire au niveau des membres inférieurs ne démontre aucun déficit sensitif ou moteur respectivement dans les dermatomes et myotomes de L4 à S1. Les réflexes ostéo tendineux rotuliens et achilléens sont présents et symétriques.

 

La palpation et la mobilisation passive des hanches et des sacro-iliaques sont indolores.

 

La démarche se fait sans aucune boiterie.

 

À l’inspection des épaules, nous avons déjà mentionné la présence d’une luxation acromioclaviculaire droite. On note également un développement musculaire au-delà de la normale de façon symétrique. Il n’y a pas de scapula alata.

 

Les amplitudes articulaires actives au niveau des épaules démontrent une flexion et une abduction à cent quatre-vingt degrés (180°), une rotation externe à quatre-vingt-dix degrés (90°) et une rotation interne à soixante-dix degrés (70°). II n’y a pas d’arc douloureux. Il n’y a pas de douleur à la palpation en sous acromial ou en acromioclaviculaire, ceci même s’il y a luxation acromioclaviculaire droite. Les tests de Hawkins sont négatifs bilatéralement.

 

AVIS MÉDICAL MOTIVÉ :

 

            1. Diagnostic à retenir en regard avec un événement survenu le 6 juin 2011.

 

Considérant la localisation des douleurs au niveau du cou et du membre supérieur gauche ;

 

Considérant l’absence d’ankylose au niveau du rachis lombaire ;

 

Considérant la présence de douleur à la palpation aux régions dorsale haute et lombaire gauche ;

 

Considérant les antécédents de douleur rachidienne et au niveau des épaules ;

 

Considérant l’évaluation radiologique subséquente et l’absence de radiculopathie au niveau des membres inférieurs ;

Nous posons un diagnostic de cervico-dorso-lombalgie chronique. Il n’y a pas d’évidence que lors de l’examen du docteur Ghali, le 6 juin 2011, il y avait présence d’une entorse lombaire, considérant l’absence d’ankylose au niveau du rachis lombaire.

 

            2. Date de consolidation.

 

Du point de vue médical, nous sommes d’avis qu’actuellement, l’état objectif du travailleur est tout à fait normal et il n’y a pas d’autre traitement ou investigation qui pourrait modifier l’état de monsieur Poirier.

 

Nous consolidons médicalement en date d’aujourd’hui, le 6 mars 2013.

 

            3. Traitement.

 

Considérant la présence de cervico-dorso-lombalgie chronique ;

 

Considérant l’absence de trouvaille objective, soit une ankylose, un spasme musculaire ou même des signes d’ankylose ou d’inflammation au niveau de l’épaule gauche ;

 

Considérant ainsi une discordance marquée entre le subjectif et l’objectif ;

 

Considérant qu’un spondylolisthésis grade I en L5 S1 n’est pas reconnu comme une lésion qui est associée à une plus grande incidence de douleur lombaire ;

 

Nous sommes d’avis que les traitements à date ont été adéquats et qu’ils sont suffisants. Il n’y a pas d’autre traitement ou investigation à suggérer.

 

            4. Atteinte permanente.

 

S’il y avait reconnaissance d’une lésion professionnelle, il n’y aurait pas lieu d’accorder un pourcentage d’atteinte permanente suite à la consolidation, vu l’absence de trouvaille objective.

 

            5. Limitations fonctionnelles.

 

Considérant la réponse à la question précédente ;

 

Il n’y a aucune limitation fonctionnelle temporaire ou permanente. Occasionnellement, des restrictions fonctionnelles peuvent être accordées relativement à un problème de douleur rachidienne invalidante et récidivante. Toutefois, ici nous constatons que même s’il y a eu allégation d’inconfort ou de douleur lombaire depuis plusieurs années, ce n’est que depuis juin 2011 qu’il y a absence du travail. Sur cette base, il n’y a pas lieu d’accorder des restrictions fonctionnelles.

 

Au meilleur de mes connaissances et concernant l’examen du système musculo squelettique seulement.

 

 

[36]        À l’audience, le docteur Lambert explique d’emblée qu’il est d’accord avec les amplitudes mesurées par le docteur Legendre qui sont mineures. Il précise aussi que le résultat de la résonance magnétique est hors norme pour un jeune homme de 26 ans.

[37]        Il explique essentiellement que le travailleur souffre d’une dysfonction lombosacrée ou d’une entorse. Il s’agit d’une condition personnelle préexistante, mais selon lui, la vibration a rendu symptomatique cette condition personnelle puisque le travailleur était déjà fragile. Les vibrations sont en relation avec les douleurs lombaires.

[38]        Pour sa part, le docteur Legendre témoigne qu’il y a certains éléments de fait au dossier qui ne plaident pas en faveur d’une aggravation d’une condition personnelle.

[39]        Pour le docteur Legendre, il n’y a pas d’évidence objective d’une lésion professionnelle puisque les douleurs du travailleur persistent et demeurent invalidantes, même lorsqu’il arrête de travailler et ses douleurs sont subjectives. Il n’y a pas de spasmes ni d’ankyloses.

[40]        Pour le docteur Legendre, la seule chose qui le sépare du docteur Lambert est la question du risque particulier du travail de monsieur Poirier.

[41]        Doctrine à l’appui, le docteur Legendre explique qu’il n’y a pas de relation établie entre la vibration et le travail.

[42]        Le docteur Legendre admet que les vibrations ont pu amener des changements radiologiques, mais il n’y a pas eu de dégénérescence discale en association avec les vibrations même si les symptômes sont survenus au travail, il n’y a, selon le docteur Legendre, aucun signe clinique permettant de constater une aggravation objective.

[43]        La loi définit comme suit une lésion professionnelle et une maladie professionnelle :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

[…]

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

 

 

[44]        L’article 30 de la loi qui édicte ce qui suit :

30.  Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

 

 

[45]        Pour pouvoir bénéficier de l’application de l’article 30 précité, le travailleur doit démontrer, par une preuve prépondérante, que sa maladie est caractéristique de son travail ou qu’elle est directement reliée aux risques particuliers que son travail comporte.

[46]        Le législateur a prévu ces deux modes distincts d’établissement de l’existence d’une maladie professionnelle via l’article 30 précité, en voulant que la démonstration qu’une maladie est caractéristique d’un travail donné soit faite, selon la jurisprudence, à l’aide d’études épidémiologiques fondées sur des données statistiques. Il n’en va pas de même en ce qui a trait à la maladie reliée aux risques particuliers du travail. Cette deuxième situation est distincte de la maladie caractéristique d’un travail et vise les maladies causées par l’emploi exercé dans le cas spécifique d’un travailleur et des risques particuliers qu’aurait connu un travailleur, et ce, dans un contexte bien précis[3].

[47]        En l’espèce, les deux experts s’entendent pour dire que le travailleur est porteur d’une condition personnelle préexistante. Cette condition était présente et symptomatique avant que le travailleur ne débute son emploi.

[48]        Or, la question que le tribunal doit se poser est de savoir si le travail a aggravé cette condition personnelle, par les risques particuliers de son travail.

[49]        En l’espèce, le travailleur plaide que les vibrations des machineries qu’il opère sont la source de ses maux. Le tribunal n’a pas reçu de preuve ou mesure établissant l’importance ou l’intensité des vibrations et secousses auxquelles le travailleur a été exposé. Seul le témoignage du travailleur a été entendu sur l’intensité des vibrations et n’est pas suffisant en l’espèce. Aussi, de son côté, l'employeur Les Entreprises C. Dubois a fait la preuve que sa machinerie est récente et munie de sièges ajustables.

[50]        La preuve a démontré que le travailleur s’adonne à une activité personnelle relativement violente soit la conduite de véhicule hors route. Le travailleur a d’ailleurs utilisé son véhicule sur les chantiers de l’employeur qui sont très accidentés.

[51]        Les docteurs Lambert et Legendre sont par ailleurs d’accord sur le risque important d’une telle activité concernant la condition lombaire du travailleur, évidemment selon le degré d’exposition, qui semble être assez important selon la preuve entendue.

[52]        Finalement, la preuve médicale prépondérante plaide plus en faveur d’une condition personnelle qui n’a pas été réveillée par le travail puisque le travailleur demeure symptomatique même en arrêt de travail. Aussi, ses heures travaillées annuelles ne sont pas très importantes et la doctrine de la jurisprudence soumise et commentée à l’audience ne plaide pas en faveur d’un rôle contributif très important des vibrations lors des problèmes de dos.

[53]        D’ailleurs, dans la décision Brisson et Boisaco inc.[4], déposée à l’audience, on y lit ce qui suit concernant la vibration :

[95]      La Commission d'appel en matière de lésions professionnelles a déjà énoncé que, pour établir de façon prépondérante une relation causale entre les vibrations subies par un conducteur de véhicules et des blessures ou maladies à la colonne lombaire, il faut être en mesure de quantifier le facteur de risque, en l'occurrence les vibrations, en termes de fréquence et d'importance sur une période d'exposition bien déterminée. Selon cette jurisprudence, la preuve ne peut se limiter à la seule affirmation du conducteur voulant qu'il ait été soumis à des vibrations de basse fréquence19, mais doit être présentée de façon telle qu'elle permette au tribunal d'apprécier l'importance du facteur de risque.

 

[96]      Quant à l'exposition aux facteurs physiques, le tribunal ne possède aucune preuve ou mesure établissant l'importance ou l'intensité des vibrations, secousses et « brassage » auxquels le travailleur a été exposé. Cette lacune dans la preuve est amplifiée par le témoignage du travailleur concernant l'influence de plusieurs éléments, notamment l'âge et la qualité de l'équipement utilisé, la topographie des chantiers et les différentes fonctions effectuées, sur les facteurs de risque identifiés. Le tribunal souligne que même le témoignage du travailleur concernant cet aspect a été nuancé par d'autres témoins. Le tribunal retient alors que les facteurs de risque identifiés fluctuaient de mois en mois et d'année en année, selon l'emploi occupé et le travail effectué.

 

[…]

 

[98]      Le tribunal retient de la littérature médicale soumise que la conduite de véhicules lourds joue un rôle contributif moins important lors de problèmes au dos, particulièrement la dégénérescence, que les facteurs génétiques et certains autres facteurs environnementaux. D'ailleurs, certains auteurs ont conclu qu'il n'existait pas de corrélation significative entre l'exposition à des vibrations de basse fréquence ou les  traumatismes au dos et la dégénérescence discale20. D'autres ont suggéré que la conduite de l'équipement lourd, bien qu'elle puisse parfois accentuer la symptomatologie, n'est pas la cause de dégénérescence21.

 

[99]      La preuve présentée par l'employeur, laquelle est davantage corroborée par la littérature médicale, indique que les causes de dégénérescence sont nombreuses et multifactorielles. Il est évident que l'exposition aux vibrations n'est pas le facteur de risque le plus nocif au niveau musculosquelettique. Donc, il est permis de croire que la condition du travailleur peut résulter de facteurs de risque autres que le travail.

 

[100]    Également, l'évolution de l'histoire médicale du travailleur tend à supporter plus la thèse d'une condition médicale préexistante que d'une maladie professionnelle. Depuis de nombreuses années, le travailleur consulte en raison de douleurs lombaires persistantes. Les notes médicales témoignent d'une structure musculosquelettique vulnérable chez le travailleur. Déjà en 1992, une radiographie de sa colonne lombaire a mis en évidence des phénomènes de spondylose vertébrale avec ostéophytose à plusieurs niveaux. Cette pathologie a été confirmée presque dix ans plus tard par une tomodensitométrie lombaire et une résonance magnétique. L'âge du travailleur au moment où la radiographie a été réalisée et la nature de la pathologie est donc plus compatible avec une condition personnelle qu'avec une maladie professionnelle.

_______________

19          Voir, entre autres, Ladouceur et Laiterie Lowe (1983) ltée, C.A.L.P. 13850-64-8907, 19 décembre 1991, R. Brassard; Charbonneau et 2528-4340 Québec inc., [1995] C.A.L.P. 129; Guérin et J.B. Hunt Transport inc., C.A.L.P. 77255-60-9602, 21 mars 1977, L. Thibault; Tessier-Provencher et Scobus (1992) inc., C.A.L.P. 83343-62B-9610, 4 juin 1997, B. Lemay, Bédard et Transport Richard (1983) inc., C.L.P. 100907-31-9805, 28 janvier 2000, J.-L. Rivard.

20             Précitées, notes 2 et 4.

21             Précitées, notes 2 et 4.

 

[54]        Compte tenu de ce qui précède, le tribunal rejette la requête du travailleur.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Patrick Poirier, le travailleur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 9 septembre 2011, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’est pas atteint d’une maladie professionnelle.

 

 

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Éric Ouellet

 

 

 

Me Jean-Sébastien Brady

C.S.D.

Représentant de la partie requérante

 

Me Marie-Pier Comeau

LEBLANC LAMONTAGNE & ASSOCIÉS

Représentante de B. Frégeau & Fils inc., Les Entreprises C. Dubois,

ainsi que Entreprises Daniel Robert inc.

 

Me Priscilla Boisier

GESTESS INC.

Représentante de Environnement Routier NRJ inc.

 

Me Giulio B. Vani

PEIZLER & VANI AVOCATS S.A.

Représentant de Les Entreprises Vannicola (1997)

 

Me Sylvana Markovic

VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON

Représentante de la partie intervenante



[1]           2012 QCCLP 7298.

[2]          RLRQ, c. A-3.001.

[3]           Emploi et Immigration Canada et Boisvert, C.A.L.P. 55888-05-9312, 15 janvier 1997, M. Lamarre, révision rejetée, 3 mars 1998, B. Roy.

[4]           C.L.P. 229324-09-0403, 27 juillet 2007, D. Sams.

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