R. c. Fortier |
2015 QCCQ 14117 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TÉMISCAMINGUE |
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LOCALITÉ DE |
VILLE-MARIE |
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« Chambre criminelle et pénale» |
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N° : |
610-01-006391-142 |
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DATE : |
27 novembre 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
MONSIEUR LE JUGE |
JACQUES LADOUCEUR, J.C.Q. |
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SA MAJESTÉ LA REINE |
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Poursuivante |
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c. |
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CHRISTOPHE FORTIER |
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Accusé |
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JUGEMENT |
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I - INTRODUCTION
[1] Accusé de tentative d’entrave à la justice en refusant de prendre la plainte d’un citoyen, cette affaire repose grandement sur la crédibilité de l’agent Christophe Fortier.
[2] L’histoire commence à Eagle Village, Témiscamingue. C’est la soirée d’Halloween en cette nuit du 26 au 27 octobre 2012 au club Dôme. Parmi les costumés, Mathieu Lemoyne personnifie un prisonnier en portant une salopette orange. À la fermeture du bar, plusieurs personnes continuent les festivités à l’extérieur, dont Mathieu Lemoyne, bière à la main. En plus de ne pas passer inaperçu avec son costume, il est bien connu des forces policières, ayant été arrêté quelques mois auparavant pour s’être livré à des voies de fait envers une policière et pour avoir endommagé le capot d’un véhicule de police.
[3] À la suite d’une altercation verbale avec l’agent Nicolas Sheridan, du service de police d’Eagle Village, monsieur Lemoyne est amené au poste de police local où il aurait, selon lui, été battu par le policier.
[4] Des ecchymoses, dont l’une particulièrement visible sur sa tempe droite ainsi qu’une mope souillée de sang ayant servi à nettoyer la cellule, confirme que des actes de violence ont été posés.
[5] Au matin, monsieur Lemoyne se présente au poste de la Sûreté du Québec (SQ) de Témiscaming, situé à une dizaine de kilomètres d’Eagle Village, pour porter plainte suite à l’événement de violence dont il prétend avoir été victime. Il y rencontre dans le stationnement l’accusé, l’agent Christophe Fortier.
[6] Trois rencontres ont lieu entre monsieur Lemoyne et l’agent Fortier au courant de la journée, la dernière ayant lieu en début d’après-midi. Au cours de ces trois rencontres, monsieur Lemoyne se trimbale, sur les instructions de l’accusé, entre le poste de police de Eagle Village, l’hôpital de Témiscaming et le poste de la SQ.
[7] De plus, plusieurs appels téléphoniques ont lieu durant cette période de temps entre l’accusé et son supérieur le lieutenant Pierre Auger au cours desquels il est question de l’obligation de prendre une plainte.
[8] Au terme de la troisième rencontre au poste de la SQ, une déclaration écrite de monsieur Lemoyne est prise dans laquelle il est question de porter plainte en déontologie policière et auprès du Conseil de bande plutôt que de s’impliquer à ce moment au niveau d’une plainte criminelle.
[9] Bon ou mauvais coup du sort, le détective François Berger, de la division des affaires internes de la SQ, s’amène au Témiscamingue en provenance de Montréal, deux jours plus tard, afin de venir y rencontrer l’accusé relativement à un autre dossier. Mis au courant par le lieutenant Auger de l’événement relatif à l’agression de monsieur Lemoyne et des circonstances entourant sa plainte auprès de l’agent Fortier, le détective Berger en profite pour faire d’une pierre deux coups et enquête aussi sur cet événement.
[10] Les démarches que le détective Berger fait au cours des jours suivants, dont l’obtention d’un mandat, lui permettent d’avoir accès au contenu des échanges de textos[1] à partir du téléphone cellulaire de l’agent Sheridan. Les résultats de son enquête mèneront à l’accusation contre l’agent Fortier de tentative d’entrave à la justice, en omettant de prendre la plainte d’un citoyen.
II - QUESTION EN LITIGE
[11] 1. Est-ce que la Cour croit la déposition de l’accusé ou dans le cas contraire, est-ce que son témoignage soulève un doute raisonnable?
2. S’il y a lieu, est-ce qu’en vertu de la preuve que le Tribunal accepte, la Cour est convaincue hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé?
III - ANALYSE
A ) La preuve pertinente[2]
[12] Selon le témoignage de monsieur Lemoyne, il se rend au poste de la SQ de Témiscaming en milieu d’avant-midi pour porter plainte.
[13] À son arrivée, l’accusé lui aurait dit : « Ça d’l’air que t’as sauté dans l’dos de Nicolas Sheridan ».
[14] Déjà au courant d’un incident entre monsieur Lemoyne et l’agent Sheridan survenu au courant de la nuit, l’accusé a d’ailleurs texté l’agent Sheridan le matin en lui écrivant : « Lemoyne / What the fuck »[3].
[15] L’accusé indique se diriger vers monsieur Lemoyne qui est dans un véhicule et que ce dernier lui dit quelque chose qui ressemble à : « Man, j’ai mangé une criss de volée par les policiers à Eagle Village. Qu’est-ce que j’peux faire? ». L’accusé remarque que monsieur Lemoyne a des ecchymoses, dont une évidente, sur la tempe au niveau de la branche de lunette.
[16] Monsieur Lemoyne témoigne qu’après le commentaire que l’accusé lui fait, il continue à lui dire qu’il veut porter plainte. Finalement, l’accusé lui indique d’aller voir Georgie McMartin, chef du département de police d’Eagle Village, puisque les événements sont survenus à cet endroit.
[17] Monsieur Lemoyne se rend voir le chef McMartin qui lui dit qu’il doit aller porter plainte à la SQ et celui-ci lui dit qu’il est déjà allé. Après avoir pris des photos de la cellule, en compagnie de monsieur Lemoyne, il explique qu’en allant à la SQ, ceux-ci prendront des photos de lui et que lui-même ne pouvait s’impliquer, car ce sont ses policiers qui sont concernés.
[18] Entre-temps, l’accusé téléphone à son supérieur, le lieutenant Pierre Auger et lui parle de la rencontre qu’il a eue avec monsieur Lemoyne. L’accusé explique qu’il aborde ce sujet en raison des marques que monsieur Lemoyne porte, pour savoir s’il a des obligations et pour l’aviser également qu’il a référé monsieur Lemoyne au chef de police d’Eagle Village.
[19] L’accusé indique qu’il se demande à ce moment s’il a fait la bonne chose. Le lieutenant Auger lui aurait dit : « On n’a pas le droit de refuser la plainte d’un citoyen », ce à quoi il aurait répondu qu’il n’avait jamais été question de plainte, monsieur Lemoyne voulant seulement de l’information.
[20] Avant de raccrocher, le lieutenant Auger demande à l’accusé de le tenir au courant s’il y a autre chose.
[21] Selon l’accusé, le lieutenant Auger ne lui ordonne pas de faire autre chose, mais lui rappelle l’obligation qu’il a de prendre une plainte et que si le lieutenant Auger lui avait demandé d’ouvrir un dossier, il l’aurait ouvert.
[22] Quant au lieutenant Auger, il indique qu’il reçoit un appel de l’accusé et qu’il lui dit, malgré le fait que monsieur Lemoyne ait été renvoyé à la police d’Eagle Village de faire un rapport sur la situation pour confirmer que monsieur Lemoyne s’est présenté. Lors de ce premier appel, l’accusé ne lui a pas dit spécifiquement que monsieur Lemoyne veut porter plainte, mais il lui demande d’ouvrir un dossier, c’est-à-dire de rédiger un rapport.
[23] Monsieur Lemoyne se présente à la SQ à Témiscaming un peu plus tard et demande à l’accusé de prendre des photos de lui. L’accusé lui mentionne qu’il ne peut pas prendre de photos puisqu’il n’a pas de dossier.
[24] Dans son témoignage, l’accusé indique que monsieur Lemoyne a précisé que c’est le chef de police d’Eagle Village qui l’a renvoyé pour la prise de photos.
[25] La version de l’accusé est qu’il indique à monsieur Lemoyne que pour prendre des photos, il doit avoir un dossier et qu’autrement il ne peut pas. Il aurait mentionné à monsieur Lemoyne : « Je ne prends pas de photos comme ça, je ne suis pas photographe ».
[26] Puis, l’agent Fortier conseille à monsieur Lemoyne de prendre ses propres photos au cas où il y aurait des complications et d’aller à l’hôpital.
[27] Vers 11 h 21, l’accusé texte l’agent Sheridan et lui écrit ce qui suit : « Faut que je te parle »[4].
[28] Une minute plus tard, l’accusé effectue un deuxième appel au lieutenant Auger pour l’informer de ce qui s’est passé.
[29] Selon l’agent Fortier, le lieutenant Auger lui dit : « Christophe, ça s’en vient touchy un peu cette affaire-là. Ouvre un dossier, prends des photos et une déclaration, une déclaration pure ou orientée et force-toi pour écrire ». De plus, le lieutenant Auger lui demande de retrouver monsieur Lemoyne pour la prise de déclaration et l’ouverture de dossier.
[30] Quant au lieutenant Auger, il témoigne, par rapport à ce deuxième appel, que l’accusé lui indique que monsieur Lemoyne s’est présenté de nouveau au poste, qu’il voulait porter plainte et qu’il voulait un « photo shoot ». Il a alors dit : « On ne refusera jamais de prendre une plainte, prends une déclaration pure, prends des photos, on fera des analyses ».
[31] Selon le lieutenant Auger, ça discute alors beaucoup et il donne l’ordre à l’agent Fortier de faire un rapport et de compléter tout ce qui en est. Il est question, de la part de l’accusé, que monsieur Lemoyne soit retourné au chef McMartin, mais le lieutenant Auger refuse.
[32] Lorsque contre-interrogé, il est suggéré au lieutenant Auger que ses notes personnelles, rédigées la journée même, ne faisaient pas mention qu’il ait indiqué à l’agent Fortier d’ouvrir un dossier lors du deuxième appel. Or, après vérification des notes, cette mention y apparaît clairement.
[33] Un peu après midi, l’information relative au numéro de téléphone de monsieur Lemoyne est extraite du CRPQ[5]. À partir de cette information, l’accusé communique avec monsieur Lemoyne qui est à l’hôpital, et lui demande de venir le rencontrer.
[34] Monsieur Lemoyne, selon l’accusé, revient au poste à l’intérieur d’un délai de 5 minutes, et ce dernier lui fait une narration verbale des événements. Ensuite l’agent Fortier communique avec le lieutenant Auger.
[35] Selon l’accusé, lors de cet appel, il mentionne que monsieur Lemoyne est au poste et que ce qu’il veut faire, c’est une plainte en déontologie et au Conseil de bande. Le lieutenant Auger ne lui aurait rien dit de plus, sauf qu’il réitère qu’il n’a pas le droit de refuser de prendre une plainte. Il est possible que le lieutenant Auger lui réitère ses directives, mais il n’en est pas certain.
[36] Selon le lieutenant Auger, lors de cet appel, il indique à l’accusé qu’il maintient son ordre d’ouvrir un dossier.
[37] Entre l’arrivée de monsieur Lemoyne au poste et l’appel au lieutenant Auger, l’accusé reçoit le texto suivant de l’agent Sheridan : « What’s up? »[6].
[38] Après l’appel au lieutenant Auger, l’accusé commence la déclaration écrite du plaignant.
[39] Pendant que monsieur Lemoyne est rencontré par l’agent Fortier, ce dernier reçoit un texto de l’agent Sheridan qui se lit ainsi : « En passant, y’a pogné ma duty belt pis y m’a punché dans tête le fameux Mathieu Lemoyne. / Criss de cave! »[7].
[40] Entre le 27 octobre et le 1er novembre 2012, l’agent Sheridan et l’accusé s’échangent de nombreux textos dont les deux suivants, un peu avant minuit le 27 octobre.
N.S. Pis un gros merci pour aujourd’hui en passant.
C.F. Rien là bro.[8]
B) Droit pertinent et analyse
1) Les étapes 1 et 2 de R. c. W.(D.)
[41]
Dans R. c. Dinardo
[42] Au départ, il faut dire que chaque fois que l’agent Fortier, seul témoin entendu en défense, est confronté à des questions délicates par rapport aux textos (pièce P-3) qui sont très compromettants, il a pour seule réponse qu’il ne sait pas, s’évitant ainsi de donner la réponse évidente qui aurait pour résultat de le désavantager, pour ne pas dire de l’incriminer.
[43] À titre d’exemple, lorsqu’on lui demande des explications par rapport au texto fait après qu’il ait dirigé monsieur Lemoyne à l’hôpital, où il indique à l’agent Sheridan : « Faut que je te parle »[9], l’accusé indique ne pas se souvenir avoir texté ça et donc, ne pas se souvenir avoir parlé à l’agent Sheridan et se rappelant encore moins ce qui aurait été dit.
[44] Notons aussi le texto de l’agent Sheridan, alors que l’accusé est en rencontre avec monsieur Lemoyne. L’agent Sheridan y donne sa version des faits en indiquant à l’accusé que monsieur Lemoyne lui a pogné sa « duty belt », qu’il lui a punché la tête et qu’il est un « criss de cave »[10]. On s’étonne ici du traitement privilégié à l’égard de l’individu faisant l’objet de la rédaction du rapport d’enquête…
[45] Contre-interrogé à savoir s’il trouve ça particulier que pendant qu’il rencontre une victime, le suspect lui envoie un texto concernant l’événement pour lequel il y a pratiquement une plainte de portée, l’agent Fortier répond qu’il n’a « aucune opinion sur le sujet ».
[46] Tel que mentionné, cette même journée en fin de soirée, l’agent Sheridan écrit : « Fais-toi en pas, pis un gros merci pour aujourd’hui en passant ». Ce à quoi l’accusé réplique : « Rien-là bro »[11]. Confronté à ce texto, à savoir à quoi il fait référence, il rétorque : « Non, ça ne m’aiguillonne pas sur absolument rien ». Le procureur lui demande s’il a rendu un service à l’agent Sheridan cette journée-là et l’accusé répond étonnamment qu’il n’est pas capable de l’expliquer.
[47] Dans des textos échangés deux jours plus tard, en fin d’après-midi, l’agent Sheridan indique que les « affaires internes » veulent le rencontrer et l’accusé se questionne à savoir s’« il » a porté plainte depuis, le « il » en question étant de toute évidence « Lemoyne »[12]. Pourquoi donc l’accusé se questionne-t-il quant au fait que monsieur Lemoyne ait porté plainte ou pas?
[48] Dans son témoignage, l’accusé indique que le lieutenant Pierre Auger est « un bon boss ». Lorsque contre-interrogé, concernant le texto où il écrit qu’il a hâte que le lieutenant Auger finisse sa carrière avec son propre 9 mm, exprimant là son souhait qu’il se suicide, et confronté à l’ensemble de l’échange très peu flatteur qu’il a avec l’agent Sheridan concernant le lieutenant[13], l’accusé confirme qu’il considère que Pierre Auger est un « dangereux », à savoir que son seul but dans la vie est qu’il veut traverser un de ses agents. On est évidemment loin de la notion de « bon boss ».
[49] Lorsque confronté au texto de l’agent Sheridan qui lui dit : « Peut-être Pierre y’est allé voir Mathieu pour le pousser d’aller au criminel au lieu… »,[14] le procureur lui demande si le « au lieu » fait référence à la déontologie. L’accusé répond qu’il ne le sait pas. Ce qui est invraisemblable.
[50] Même s’il ne faut pas prendre au pied de la lettre les commentaires des agents Fortier et Sheridan par rapport au lieutenant Auger, il reste que ceux-ci démontrent la colère qu’ils éprouvent à son égard en raison du fait que celui-ci, à leurs yeux, a agi comme trouble-fête en ordonnant qu’un dossier soit ouvert et que monsieur Lemoyne soit rencontré par l’accusé, en plus d’avoir la croyance que le lieutenant faisait des démarches pour pousser monsieur Lemoyne à poursuivre au criminel.
[51] Dans un autre texto, l’agent Sheridan écrit : « Moi j’trouve ça pas mal fuck all qu’un p’tit criss qui frappe la police se tourne de bord pour aller faire des plaintes »[15], ce à quoi l’accusé répond : « Prochaine fois que j’le vois, m’a lui conseiller de déménager. »[16]
[52] Confronté à ce texto, l’accusé confirme qu’il fait référence à Mathieu Lemoyne.
[53] Les questions du procureur sur les raisons pour lesquelles il allait conseiller à monsieur Lemoyne de déménager mènent à un échange qui a lieu sur un ton aigre-doux qui révèle clairement l’inimitié et l’antipathie de l’accusé à l’endroit de monsieur Lemoyne.
[54] Puis, confronté au texto où l’agent Sheridan dit : « J’tais plus à l’aise avec la déontologie qu’les affaires internes disons »,[17] l’accusé, à nouveau de façon surprenante, répond au procureur qu’il ne sait pas à quoi l’agent Sheridan réfère…
[55] Cinq jours après l’événement, s’amorce un échange de textos entre les agents Fortier et Sheridan[18] :
C.F. Nick, fais pas chier bro / Pis texte-moi rien.
N.S. Le club mentionné au-dessus Lol.
C.F. T’es-tu sur la brosse? / Criss Nick, j’ai fait ce que j’ai pu bro.
N.S. Non, mais sérieux. As-tu des conseils à me donner. Non, je chauffe.[19]
C.F. En personne big.
N.S. J’suis proche de Pembroke. Ok.
C.F. Autrement, ferme ta yeule.
[56] L’accusé tente d’expliquer ces échanges en disant d’une part que ce dont il parle, c’est de sa rencontre qu’il a eue avec les affaires internes pour un autre dossier et d’autre part en affirmant que le policier Sheridan n’a aucun lien avec cet autre dossier. Pourquoi donc l’agent Sheridan a-t-il besoin de conseils concernant une affaire impliquant l’accusé dans laquelle l’agent Sheridan n’est pas impliqué?
[57] La Cour souligne aussi que l’accusé donne une réponse sibylline lorsqu’il dit que selon lui, lors d’un appel au lieutenant Auger, ce dernier lui fait un sermon pour lui dire qu’il a l’obligation de prendre une plainte. Ce à quoi l’accusé aurait répondu qu’il n’est pas question de prendre une plainte, car tout ce que monsieur Lemoyne veut, c’est savoir ce qu’il peut faire. Or, l’une des choses qu’une victime de violence peut faire et qui constitue en fait la principale chose qu’elle peut faire, c’est de porter une plainte criminelle.
[58] Également, la narration par l’accusé de sa deuxième rencontre avec monsieur Lemoyne n’aide pas sa cause. Selon l’accusé, monsieur Lemoyne lui aurait dit que le chef de police d’Eagle Village veut qu’il prenne des photos, ce à quoi l’accusé répond : « Si j’ai pas de dossier, je ne prends pas de photos. Je suis policier, je ne suis pas photographe. » Autrement dit : « Si je prends des photos, je devrai ouvrir un dossier. »…
[59] L’attitude de l’agent Fortier, à ce moment, démontre clairement sa volonté de ne pas prendre une plainte et son non-respect de ses obligations en tant que policier d’enquêter sur les crimes commis, dont plus spécifiquement un crime sérieux impliquant de la violence.
[60] De plus, son affirmation voulant qu’il dise à monsieur Lemoyne d’aller à l’hôpital au cas où il aurait des complications, constitue de toute évidence une échappatoire. La Cour se questionne sur le fait que l’accusé se soucie de monsieur Lemoyne et des complications possibles au niveau de ses blessures survenues plusieurs heures auparavant, mais qu’il ne se préoccupe pas d’accomplir d’abord et avant tout ses devoirs d’agent de la paix.
[61] Lors du dernier appel au lieutenant Auger, la version de l’accusé soulève des questionnements sérieux quand au fait que monsieur Lemoyne veuille aller en déontologie ou au Conseil de bande. Cela est plutôt surprenant de la part d’un individu comme monsieur Lemoyne qui ne connaît pas vraiment le système. Si tel est le cas, c’est clairement le résultat d’une initiative proposée par l’accusé afin d’éviter une plainte criminelle. Aussi, cet appel démontre la persistance de l’accusé qui s’est par ailleurs buté au lieutenant Auger qui a alors maintenu son ordre d’ouvrir un dossier.
[62] Les mêmes commentaires s’appliquent d’ailleurs quant à la mention dans la déclaration écrite (pièce P-1) de monsieur Lemoyne, de vouloir porter plainte en déontologie.
[63] Cette histoire de plainte en déontologie ou au Conseil de bande s’apparente à une manœuvre stratégique de diversion, d’autant plus que monsieur Lemoyne, selon le témoignage de l’accusé, n’a jamais dit qu’il ne voulait pas faire de plainte au criminel. D’ailleurs, comment expliquer, tel que son témoignage le confirme, que l’agent Fortier n’ait jamais offert à monsieur Lemoyne de porter plainte au criminel? Lorsqu’une présumée victime se présente au poste de police, l’agent de la paix sait très bien que cette personne ne vient pas pour faire des démarches en matières civiles ou déontologiques.
[64] Le texto suivant transmis deux jours plus tard par l’agent Sheridan à l’accusé, où ils commentent la présence de plusieurs voitures au poste de police, dont celle de monsieur Lemoyne est plutôt révélateur : « Y veulent une déclaration qui dit qu’y veut des charges au criminel ».[20]
[65] Dans son rapport d’événement (pièce P-8) lequel est rédigé dans les instants suivant la déclaration de monsieur Lemoyne, l’accusé indique à la page 3 au 5e paragraphe que c’est lors du premier appel que le lieutenant Auger lui a demandé d’écrire un rapport d’événement. Or, tout en admettant qu’au moment de la rédaction, les événements étaient frais dans sa mémoire, l’accusé indique que c’est une erreur de sa part. La Cour ne le croit pas et considère la version dans le rapport d’événement comme étant plus fiable à ce sujet.
[66] Enfin, la déclaration (pièce P-1) écrite en partie par monsieur Lemoyne et en partie par l’accusé est plutôt singulière, et ce, tant au niveau de la forme que du fond.
[67] Comme le souligne le procureur en poursuite, il est très étonnant de constater les aspects traités dans la déclaration, à partir du moment où l’accusé prend le contrôle du crayon. On y parle alors de la compréhension par monsieur Lemoyne du fait que des photos n’ont pas été prises lors de la première demande et de l’événement ayant impliqué une policière un an auparavant. Il s’agit d’éléments très collatéraux dont la pertinence est douteuse.
[68] La Cour s’arrête ici puisque ce qui est écrit précédemment nous apparaît suffisant pour justifier que la version de l’accusé ne soit pas crue et que la preuve présentée en défense ne soulève pas de doute raisonnable.
[69] Mais l’analyse ne s’arrête pas là.
2) La preuve hors de tout doute raisonnable de l’infraction reprochée
[70]
C’est dans l’arrêt Beaudry de la Cour suprême du Canada[21]
que les principes relatifs à une accusation d’entrave à la justice ont été
établis. La Cour y rappelle que l’agent de police a le devoir d’appliquer la
loi et d’enquêter sur un crime et confirme que le principe selon lequel il incombe
au policier d’appliquer le droit criminel est bien établi en common law
étant d’ailleurs codifié à l’article
[71] Par contre, la Cour suprême indique également que le policier, qui a des motifs raisonnables de croire qu’une accusation a été commise ou qu’une enquête plus approfondie permettrait d’obtenir des éléments de preuve susceptible de mener à des accusations, peut exercer son pouvoir discrétionnaire, mais que ce pouvoir n’est pas absolu. Cette décision doit être justifiée subjectivement et objectivement.
[72] On doit tenir compte des circonstances matérielles et la justification avancée doit être proportionnée à la gravité des actes, le pouvoir discrétionnaire devant avoir été manifestement exercé dans l’intérêt public.
[73] Ici, la preuve révèle un refus volontaire et réfléchi de la part de l’accusé de remplir les obligations qu’il a en tant que policier, et ce, malgré les ordres donnés par son supérieur le lieutenant Auger en ce sens. Témoignage que la Cour n’a aucune raison de mettre en doute et qu’elle considère comme avéré.
[74]
L’article
[75] Dans le Halsbury’s Laws of Canada - Police, Security and Emergencies 2014 Reissue, l’auteur Jennifer Freund, au niveau des devoirs de common law des policiers, indique que leurs pouvoirs incluent ceux de préserver la paix, prévenir le crime, d’obtenir et de préserver la preuve, d’enquêter les crimes et d’appréhender les contrevenants.[22]
[76] Il est clair ici que l’accusé a tout fait pour tenter d’entraver la justice en refusant de prendre une plainte à l’encontre de l’agent Sheridan. Ou plutôt, a tout fait et également, s’est assuré de ne rien faire en ce sens, malgré ses devoirs et l’ordre de son supérieur.
[77]
Tel que l’a souligné la Cour suprême dans R. c. Barros[23],
il n’est pas nécessaire de démontrer que l’accusé a atteint son objectif ou
qu’il est parvenu à commettre l’acte en question pour commettre le crime prévu
à l’article
[78] Si l’on peut penser que, lors de la première intervention auprès de monsieur Lemoyne, l’accusé était motivé par l’intention de ne pas prendre la plainte, ses agissements ne correspondent pas suffisamment à l’élément matériel. En effet, on peut assimiler ces agissements à une simple façon de tenter de transférer la responsabilité d’entreprendre des démarches d’enquête, en espérant, même si cela était peu probable, que le chef de police d’Eagle Village prenne l’affaire en main. Par contre, on ne peut évacuer ces agissements afin d’évaluer le comportement de l’accusé pour la suite des choses.
[79] C’est en fait à partir de la deuxième rencontre que les agissements, les omissions ainsi que l’intention de l’accusé sont suffisamment prouvés pour cristalliser l’infraction reprochée.
[80] Au surplus, en ce qui concerne l’intention, le comportement postérieur de l’accusé à l’infraction[25] et plus particulièrement l’échange de textos (pièce P-3) démontre clairement cette intention spécifique en plus de faire la preuve, sans que cela ne soit nécessaire, d’un mobile pour l’accusé d’agir ainsi, à savoir son amitié envers l’agent Sheridan et son hostilité envers monsieur Lemoyne.
[81] La Cour ajoute que si le soutien et la solidarité sont des valeurs importantes dans la société, dont à l’intérieur des corps policiers, il demeure que ces valeurs doivent s’exercer d’abord et avant tout en fonction de la collectivité et non pas afin de satisfaire des intérêts personnels.
[82] Tel que le confirme la Cour suprême dans l’arrêt Beaudry, l’agent manque à son devoir en accordant un traitement de faveur à quelqu’un parce qu’il est policier.[26]
[83] En ce faisant, l’accusé a non seulement manqué à ses devoirs dont ceux d’intégrité, de service et de justice, mais il a aussi commis un acte criminel, soit une tentative d’entrave à la justice. La preuve, dont les textos, ne laisse place à aucun doute raisonnable. Si une image vaut mille mots, on peut dire ici que mille mots valent une image. Claire et nette.
[84] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[85] DÉCLARE l’accusé coupable de l’accusation telle que portée.
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__________________________________ JACQUES LADOUCEUR, J.C.Q |
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Me Jean-Claude Latraverse |
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Pour la poursuivante |
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Me Pierre Grygiel |
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Pour l’accusé |
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Dates d’audience : |
1er et 2 octobre 2015 |
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ANNEXE A
Transcription des messages textes échangés entre
Christophe Fortier et Nicolas Sheridan
(Extraits de la pièce P-3 : relevé Telus du 514 [...] de Nicolas Sheridan)
27 OCTOBRE 2012
1. 7:37:14 C.F. Lemoyne
2. 7:37:17 What the fuck
3. 11:21:22 C.F. Faut que je te parle.
4. 12:35:10 N.S. What’s up
5. 13:07:17 N.S. En passant, y’a pogné ma duty belt pis y m’a punché dans tête le fameux Mathieu Lemoyne.
6. 13:08:05 Criss de cave
7. 16:05:14 C.F. Quoi tu fais
8. 16:05:54 N.S. J’vais aller au gym dans pas long.
9. 16:06:17 C.F. OK.
10. 16:06:38 N.S. J’pense, si j’arrête d’être paresseux Lol.
11. 16:07:40 L’ami de Mathieu, ça l’air qu’il criait d’la rue en direction de notre maison à matin. J’étais couché. Paul lui a parlé vite faite.
12. 16:08:02 Y criait à propos des 2 policiers qui ont battu son chum Lol.
13. 16:08:41 Mais y’a circulé pas mal vite quand Paul lui a dit de décolisser.
14. 16:09:15 C.F. Lol.
15. 16:26:16 Ostie de bande d’épais.
16. 16:58:19 C.F. Finalement, fuck le gym.
17. 16:59:44 N.S. Ha ha oui, je m’ais couché à 6 h, debout à 9 h. Y’a du poivre qu’y est rentré dans mon oeil quand je me suis touché la face. Trop fatigué Lol.
18. 17:00:06 C.F. Bravo.
19. 17:00:17 N.S. Merci ha ha
20. 20:40:04 N.S. Et puis, le moose party à soir, tu y vas toujours pas?
21. 20:41:15 C.F. Non.
22. 20:50:25 C.F. Je m’excuse encore les boys mais merci beaucoup, votre présence a vraiment été appréciée.
23. 20:50:30 Merci.
24. 22:51:21 N.S. Pas de problème. Anytime tu veux partir de chez-vous checker le Playboy channel appelle-moi j’te ramasse.
25. 22:52:57 C.F. Merci big.
26. 23:51:20 C.F. Je m’excuse de vous avoir mis là-dedans.
27. 23:53:14 N.S. T’a rien à t’excuser, j’étais déjà chez Marco et j’attendais. J’t’ais bien content d’aller porter Marco chez-vous. Fais-toi en pas. Pis un gros merci pour aujourd’hui en passant.
28. 23:53:43 C.F. Rien là bro.
29. 00:16:26 Merci encore.
30. 00:17:19 N.S. All good bro. Anytime.
31. 00:17:38 C.F. Merci.
28 OCTOBRE 2012
32. 16:38:02 N.S. Travailles-tu aujourd’hui?
33. 16:39:15 C.F. Non, je gosse.
34. 16:41:36 N.S. OK.
35. 16:41:45 M’en va au gym moi.
29 octobre 2012
36. 17:08:28 N.S. Affaires internes veulent que Brian l’appelle et François Berger veut me rencontrer mercredi 14 h.
37. 17:30:09 C.F. Quoi
38. 17 30:44 Y’as-tu porté plainte depuis
39. 17:31:32 N.S. C’est une bonne question.
40. 17:31:51 Mon boss m’a dit de m’appeler un avocat avant le meeting.
41. 17:33:03 C.F. C’est sûr.
42. 17:33:14 Pis c’est qui Berger
43. 17:34:56 N.S. Le gars des affaires internes ça d’l’air.
44. 17:38:24 C.F. OK y vont venir en autobus ou quoi. .
45. 17:43:05 Criss de Pierre à marde
46. 17:52:19 Là moi j’ai ben hâte de voir kesser qui vont trouver contre moi.
47. 18:06:14 N.S. C’est sûr que c’est Pierre. Ostie de crosseur.
48. 18:07:47 Y s’inquiète toujours de son cul à lui pis y s’en criss des gars sur la route.
49. 18:08:51 C.F. Oui, drette ça.
50. 18:09:14 Ça va être bon pour nous quand y va partir.
51. 18:09:36 N.S. Mets-en.
52. 18:13:23 Peut-être Pierre y’est allé voir Mathieu pour le pousser d’aller au criminel au lieu.
53. 18 :13 :32 Esti d’gros tas crosseur Lol.
54. 19:01:07 C.F. Ça pas de sens.
55. 19:01:29 Check ben, m’a passer l’hiver suspendu.
56. 19:09:27 N.S. Pour moi y vont pas me suspendre y vont me colisser dehors on a pas de syndicat pour nous protéger Lol.
57. 19:12:02 C.F. Le seul but de Pierre, c’est de traverser les gars.
58. 19:14:22 N.S. Je pense qui serait mieux de finir sa carrière aux affaires internes Lol.
59. 19:14:29 C.F. Toi, comment ça va
60. 19:14:59 Moi j’ai hâte qui finisse sa carrière avec son propre 9 mm.
61. 19:17:16 N.S. Ha ha drette là à son bureau Lol.
62. 19:18:05 Moi ça va, j’trouve ça pas mal fuck all qu’un p’tit criss qui frappe la police se tourne de bord pour aller faire des plaintes.
63. 19:18:26 J’tais plus à l’aise avec la déontologie qu’les affaires internes disons.
64. 19:19:06 C.F. Prochaine fois que j’le vois, m’a lui conseiller de déménager.
65. 19:20:16 C’est normal mec.
66. 19:20:22 N.S. J’pensais justement lui donner le même conseil.
67. 19:20:45 51 Pointe-aux-Cèdres, Tee Lake Lol.
68. 19:22:04 C.F. Es-tu à Eagle Village demain
69. 19:32:22 N.S. Oui, on est dans un cours de RCR au Dôme toute la journée.
70. 19:53:15 C.F. Comme ça tu vas pouvoir réanimer tes victimes.
71. 19:58:11 N.S. Ha ha. T’es bien comique Lol.
72. 20:00:16 Georgie nous appelle à 9 h ce matin, on s’est couché à 4 h 30 a.m., il nous dit allez-y c’est obligatoire criss
73. 20:26:51 C.F. Lol.
74. 20:27:21 Y’as-tu pris ses cours de gestion à même place que mon boss.
75. 20:28:10 N.S. Lol. Oui, l’école nationale des crosseurs.
76. 20:28:33 C.F. National crosseur Lampoon / Ça fit ça.
77. 20:30:15 N.S. Super crosseur trooper
30 octobre 2012
78. 11:57:18 C.F. What’s up
79. 12:32:48 N.S. D’la merde Lol. Lunch break du cours RCR.
80. 12:34:33 Hey
81. 12:45:23 C.F. Ouf fuck.
82. 12:52:56 N.S. Ouain.
83. 12:52:58 Toi.
84. 12:56:35 C.F. J’arrive à Témis.
85. 12:57:24 Pis là j’men va dans l’bois faire mon set up de chasse.
86. 13:32:08 N.S. Tu ne seras pas à ton rendez-vous demain. Lol.
87. 13:32:25 C.F. Oui.
88. 13:32:57 M’en va dans le coin de la traverse de Matawa.
89. 13:45:11 N.S. Ha ok. Genre la 533
90. 13:46:44 C.F. Oui.
91. 16:18:52 C.F. Man, mon spot y’est malade.
92. 16:50:00 N.S. Ha ouain C’est pour la chasse aux écureuils. Lol.
93. 16:50:20 C.F. Oui, drette ça.
94. 16:51:12 N.S. So, mon boss m’a avisé que mon meeting avec les affaires internes est cancellé pour demain.
J’ai demandé pourquoi. Il m’a dit le gars était occupé avec un autre dossier.
95. 16:52:13 C.F. Le mien.
96. 16:53:09 N.S. J’sais pas. François Berger, c’est-tu l’gars qui te rencontre
97. 16:55:52 C.F. Non, moi c’est Marcel quelque chose.
98. 17:01:35 N.S. Ha ok
99. 17:02:05 C.F. Lagacé
100. 17:02:44 N.S. Y m’agace Lagacé Lol.
101. 17:02:53 Laguss.
102. 17:03:09 C.F. Ouf tu fais de l’humour en plus.
103. 17:03:36 N.S. Je suis polyvalent.
104. 17:03:41 Ha ha
105. 17:07:25 C’est qui qui est en service aujourd’hui. J’ai vu deux nouveaux dans la Impala
106. 17:33:00 C.F. Aumond et le nouveau.
107. 17:33:23 Y’a du monde au poste en criss.
108. 17:37:52 N.S. Criss, y doivent avoir un SWAT team pour venir m’arrêter Lol.
109. 17:38:57 C.F. Lol. Le char à Lemoyne est au bureau.
110. 17:39:47 N.S. Ah y rencontrent peut-être Lemoyne Lol. Quelle heure ton rendez-vous?
111. 17:40:10 C.F. Demain, 14 h.
112. 17:40:28 N.S. Y veulent une déclaration qui dit qu’y veut des charges au criminel.
113. 17:40:52 Son char y’est là live.
114. 17:40:57 C.F. Ça devait être 10 h, mais mon avocate part de Montréal demain matin.
115. 17:41:07 Y’était là y’a 15 minutes.
116. 17:41:37 N.S. Ton avocat, c’est un gars issu de votre syndicat ou ton propre avocat.
117. 17:41:52 J’aurais peut-être besoin de sa carte d’affaires Lol.
118. 17:42:20 C.F. Un avocat référé par mon syndicat.
119. 17:42:56 N.S. C’est quoi le char Lemoyne.
120. 17:43:14 C.F. Un Kia noir.
121. 17:44:13 N.S. M’a l’faire sauter Lol.
122. 17:44:25 C.F. Niaise pas.
123. 17:44:39 C.F. Si y watch tes textos.
124. 17:45:14 N.S. Juste une blague.
125. 17:45:27 C.F. Je sais ben.
126. 17:45:34 N.S. C’est pour ça que je mets toujours des Lol.
127. 17:45:36 Ha ha
128. 17:46:40 C’est toute d’la merde c’t’affaire-là anyways.
129. 17:48:08 C.F. D’la grosse marde.
130. 17:51:40 N.S. On a toute faite by the book moi pis Brian. Pis l’autre, y’arrête pas d’aller pleurer au poste.
131. 17:51:48 Ça me dépasse.
132 17:52:48 C.F. Je sais, ça tient pas debout.
133. 18:48:25 N.S. J’ai passé le poste aller faire mes emplettes au Provigo. Ton boss est toujours là.
134. 18:49:12 Pis y’a un pick-up avec une grande antenne de CB couleur foncée avec un back rack.
135. 18:50:15 C.F. Oui.
136. 18:50:21 J’sais pas c’est qui.
31 octobre 2012
137. 11:37:35 N.S. Pis mon Christo. Ça tu bien allé?
138. 18:03:03 N.S. Pis, ça va-tu.
139. 18:04:21 C.F. Oui, ça bien été.
140. 18:04:45 N.S. C’est-tu fini.
141. 18:06:43 C.F. Là, ils vont soumettre le dossier aux procureurs d’après moi.
142. 18:07:43 N.S. Ha ok.
143. 18:07:54 Es-tu suspendu
144. 18:08:06 C.F. Pas comme c’est là.
145. 18:08:20 N.S. C’est bon ça.
146. 18:08:31 C.F. Peut-être dans une heure.
147. 18:09:33 N.S. Ah ok. Quand tu vas à job.
148. 18:10:55 C.F. Oui. Lol. Genre.
149. 18:16:23 N.S. Merde.
150. 18:18:31 C.F. Let see.
151. 18:18:33 Pis toi, as-tu donné ben des bonbons.
152. 18:19:01 N.S. On est là live au poste de Eagle.
153. 18:19:24 N.S. Paul donne des bonbons. Les gars d’ambulance sont ici.
154. 18:19:36 Moi j’ai mes pieds sur le bureau Lol.
155. 18:22:20 C.F. Ok.
156. 20:01 :21 N.S. Pis.
157. 20:03 :15 J’m’en viens faire un p’tit tour vite au Témis, comme ça mon boss pourra pas dire que j’ai pas participé Lol.
158. 20:12 :08 C.F. Lol.
159. 20:43:27 C.F. Ça va être long en criss.
160. 20:44:31 N.S. C’est good man. Moi, j’ai fini mon shift. J’quitte demain matin pour Montréal me vider les boules.
161. 20:45:01 C.F. Ok, chanceux Lol.
162. 21:00:27 N.S. Oui, Lol.
1er novembre 2012
163. 11:51:42 N.S. On devrait commencer un club à Témiscamingue, le club pour les membres de ceux qui sont sous enquête par les affaires internes.
164. 11:52:41 En passant, as-tu des conseils à me donner par rapport à ton meeting pour le mien. Moi, j’ai pas d’avocat qui monte de Montréal pour me protéger Lol.
165. 11:52:44 C.F. D’après toi, j’suis dans quel club.
166. 11:53:32 Nick, fais pas chier bro.
167. 11:53:48 Pis texte moi rien.
168. 11:53:55 N.S. Le club mentionné au-dessus Lol.
169. 11:54:18 C.F. T’es-tu sur la brosse
170. 11:54:49 Criss Nick, j’ai fais c’que j’ai pu bro.
171. 11:54:52 N.S. Non, mais sérieux. As-tu des conseils à me donner. Non, je chauffe.
172. 11:55:11 C.F. En personne big.
173. 11:55:22 N.S. J’suis proche de Pembroke. Ok
174. 11:55:26 C.F. Autrement, ferme ta yeule.
175. 11:55:37 N.S. La semaine prochaine.
176. 11:55:54 J’suis back mercredi.
177. 11:55:55 C.F. Nick, je trust même pas les textes.
178. 11:56:19 N.S. Pas de stress, je comprends.
179. 11:57:21 C.F. Les gars des affaires internes méritent juste une affaire. Leur propre gun dans yeule pis c’est eux qui poussent sur le trigger.
180. 11:58:46 Je peux pas comprendre comment des flics se ramassent aux affaires internes.
181. 11:59:15 Honnêtement ça devait être des outsider.
182. 11:59:34 Je m’excuse bro.
183. 12:00:58 Je comprends leur dynamique, mais criss que je f’rais pas leur job.
184. 12:01:25 N.S. J’ai presque frappé une dinde sur le chemin Lol.
185. 12:01:49 C.F. Good Thanksgiving.
186. 12:01:58 I’m cooking.
187. 12:05:59 Nick, je sais que t’as bien faite ta job mais arrête d’en parler ok.
188. 12:06:14 T’es un pro mec ça va ben allé.
189. 12:06:26 Je me couche. À plus.
190. 12:06:45 N.S. Ok biggy. Bonsoir.
191. 12:07:10 C.F. Take care. Enjoy your time with your family.
192. 12:07:24 N.S. Merci.
193. 12:07:43 C.F. Ça va ben aller man.
[1] Voir Annexe A où l’ensemble des textos échangés entre l’accusé et Nicolas Sheridan, du 27 octobre au 1er novembre 2012 à 12h07 et apparaissant à la pièce P-3 a été reproduit intégralement afin d’avoir une meilleure compréhension des faits à la base du jugement. Les textos ont été retranscrits en écrivant les mots complets, plutôt que les abréviations utilisées, pour en faciliter la lecture. De plus, chaque texto a été numéroté afin de pouvoir en faciliter la référence lors de la lecture du jugement. Les textos que la Cour considère comme étant plus pertinents sont en caractères gras.
[2] Certaines disparités et inexactitudes quant aux heures des événements se retrouvent dans la preuve. La chronologie a été établie selon la séquence logique, en s’appuyant sur la preuve présentée et aussi, sur les inférences qui en découlent.
[3] Voir Annexe A, textos nos 1 et 2 du 27 octobre 2012.
[4] Voir Annexe A, texto no 3 du 27 octobre 2012.
[5] Journalisation du CRPQ (Centre de renseignements policiers du Québec), page 2 (pièce P-9)
[6] Voir Annexe A, texto no 4 du 27 octobre 2012
[7] Voir Annexe A, textos nos 5 et 6 du 27 octobre 2012.
[8] Voir Annexe A, textos nos 27 et 28 du 27 octobre 2012.
[9] Voir Annexe A, texto no 3 du 27 octobre 2012.
[10] Voir Annexe A, textos nos 5 et 6 du 27 octobre 2012.
[11] Voir Annexe A, textos nos 27 et 28 du 27 octobre 2012.
[12] Voir Annexe A, textos nos 36 à 39 du 29 octobre 2012
[13] Voir Annexe A, textos nos 45 à 77 du 29 octobre 2012.
[14] Voir Annexe A, texto no 52 du 29 octobre 2012.
[15] Voir Annexe A, texto no 62 du 29 octobre 2012.
[16] Voir Annexe A, texto no 64 du 29 octobre 2012.
[17] Voir Annexe A, texto no 63 du 29 octobre 2012.
[18] Voir Annexe A, textos nos 166 à 174 du 1er novembre 2012
[19] En disant « Non, je chauffe », l’agent Sheridan répond de toute évidence à la question « T’es-tu sur la brosse? ».
[20] Voir Annexe A, texto no 112 du 29 octobre 2012.
[21] R.
c. Beaudry,
[22] Halsbury’s Laws of Canada - Police, Security and Emergencies 2014 Reissue, HPO-38 Police duties at common law. Les devoirs policiers étant clairs, il n’est pas nécessaire de traiter l’impact du Code de déontologie, ni des politiques de gestion (pièce P-12).
[23]
[24] R. c. Barros, op. cit. note 23, para. 46.
[25]
R. c. White
[26] Op. cit. note 21, page 216.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.