Décision

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Fortier c. Meubles Léon ltée

2014 QCCA 195

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

 200-09-007482-117 (200-06-000129-109)

 200-09-007483-115 (200-06-000128-101)

 500-09-022406-128 (500-06-000538-104)

 500-09-022407-126 (500-06-000548-103)

 500-09-022408-124 (500-06-000533-105)

500-09-022409-122 (500-06-000535-100)

500-09-022410-120 (500-06-000537-106)

500-09-022413-124 (500-06-000531-109)

500-09-022414-122 (500-06-000547-105)

 

DATE :

 Le 4 février 2014

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

JACQUES DUFRESNE, J.C.A.

 

 

200-09-007482-117 (200-06-000129-109)

MAXIME FORTIER

APPELANT - Requérant

 

c.

 

MEUBLES LÉON LTÉE

INTIMÉE - Défendereresse

et

LE PRÉSIDENT DE L'OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

INTERVENANT

 

 

200-09-007483-115 (200-06-000128-101)

SONIA TREMBLAY

APPELANTE - Requérante

c.

AMEUBLEMENTS TANGUAY INC.

INTIMÉE - Défenderesse

et

LE PRÉSIDENT DE L'OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

INTERVENANT

 

 

500-09-022406-128 (500-06-000538-104)

CLAUDE ROULX

APPELANT - Requérant

c.

2763923 CANADA INC. (CENTRE HI-FI)

INTIMÉE - Défenderesse

et

LE PRÉSIDENT DE L'OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

INTERVENANT

 

 

500-09-022407-126 (500-06-000548-103)

GABRIEL BLONDIN

APPELANT - Requérant

c.

DISTRIBUTION STÉRÉO PLUS INC.

INTIMÉE - Défenderesse

et

LE PRÉSIDENT DE L'OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

INTERVENANT

 

 

500-09-022408-124 (500-06-000533-105)

JINNY GUINDON

APPELANTE - Requérante

c.

THE BRICK WAREHOUSE LP

INTIMÉE - Défenderesse

et

LE PRÉSIDENT DE L'OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

INTERVENANT

 

 

500-09-022409-122 (500-06-000535-100)

JACQUES FILION

APPELANT - Requérant

 

c.

CORBEIL ÉLECTRIQUE INC.

INTIMÉE - Défenderesse

et

LE PRÉSIDENT DE L'OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

INTERVENANT

 

 

500-09-022410-120 (500-06-000537-106)

SERGE TAHMAZIAN

APPELANT - Requérant

c.

SEARS CANADA INC.

INTIMÉE - Défenderesse

et

LE PRÉSIDENT DE L'OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

INTERVENANT

 

 

500-09-022413-124 (500-06-000531-109)

KERFALLA TOURE

APPELANT - Requérant

c.

BRAULT & MARTINEAU INC.

INTIMÉE - Défenderesse

et

LE PRÉSIDENT DE L'OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

INTERVENANT

 

 

500-09-022414-122 (500-06-000547-105)

JEAN-MICHEL NORMANDIN

APPELANT - Requérant

c.

BUREAU EN GROS (STAPLES CANADA INC.)

INTIMÉE - Défenderesse

et

LE PRÉSIDENT DE L'OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

INTERVENANT

 

ARRÊT

 

 

 

[1]           Les appelants Maxime Fortier et Sonia Tremblay se pourvoient contre les jugements rendus le 20 juin 2011 par lesquels la Cour supérieure, district de Québec (l’honorable Dominique Bélanger), rejette, à l’étape de l’autorisation, leurs requêtes amendées pour autorisation d’exercer des recours collectifs;

[2]           Les appelants Claude Roulx, Gabriel Blondin, Jinny Guindon, Jacques Filion, Serge Tahmazian, Kerfalla Toure et Jean-Michel Normandin se pourvoient contre les jugements rendus le 16 janvier 2012 par lesquels la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable André Prévost), rejette, à l’étape de l’autorisation, leurs requêtes amendées pour autorisation d’exercer des recours collectifs;

[3]           Pour les motifs du juge Dufresne, auxquels souscrit le juge Doyon, LA COUR :

[4]           ACCUEILLE, avec dépens, l’appel de l’appelante Sonia Tremblay (division d’appel de Québec) et les appels des appelants Claude Roulx, Jinny Guindon, Jacques Filion, Serge Tahmazian, Kerfalla Toure et Jean-Michel Normandin (division d’appel de Montréal);

[5]           REJETTE, avec dépens, les appels des appelants Maxime Fortier (division d’appel de Québec) et Gabriel Blondin (division d’appel de Montréal);

[6]           INFIRME les jugements de première instance dont les appels sont accueillis et procédant à rendre les jugements qui auraient dû être prononcés dans chacun de ces dossiers :

ACCUEILLE, frais à suivre, les requêtes amendées pour autorisation d'un recours collectif des appelants Sonia Tremblay, Claude Roulx, Jinny Guindon, Jacques Filion, Serge Tahmazian, Kerfalla Toure et Jean-Michel Normandin;

AUTORISE l'exercice des recours collectifs ci-après :

Une action en dommages - intérêts contre les intimées suivantes : Ameublements Tanguay inc., 2763923 Canada inc. (Centre Hi-Fi), The Brick Warehouse LP, Corbeil Électrique inc., Sears Canada inc., Brault & Martineau inc. et Bureau en Gros (Staples Canada inc.).

ATTRIBUE à Sonia Tremblay le statut de représentante aux fins d'exercer le recours collectif à l'encontre de l’intimée Ameublements Tanguay inc. pour le compte du groupe suivant :

Les personnes ayant acheté, avant le 30 juin 2010, une garantie supplémentaire en se fondant sur les représentations de l’intimée, à savoir que si elles n'achetaient pas cette garantie supplémentaire et qu'un bris survenait après l'expiration de la garantie d'un an du manufacturier, elles devraient assumer le coût des réparations ou du remplacement.

ATTRIBUE à Claude Roulx le statut de représentant aux fins d'exercer le recours collectif à l'encontre de l'intimée 2763923 Canada inc. (Centre Hi-Fi) pour le compte du groupe suivant :

Les personnes ayant acheté, avant le 30 juin 2010, une garantie supplémentaire en se fondant sur les représentations de l’intimée, à savoir que si elles n'achetaient pas cette garantie supplémentaire et qu'un bris survenait après l'expiration de la garantie d'un an du manufacturier, elles devraient assumer le coût des réparations ou du remplacement.

ATTRIBUE à Jinny Guindon le statut de représentante aux fins d'exercer le recours collectif à l'encontre de l'intimée The Brick Warehouse LP pour le compte du groupe suivant :

Les personnes ayant acheté, avant le 30 juin 2010, une garantie supplémentaire en se fondant sur les représentations de l’intimée, à savoir que si elles n'achetaient pas cette garantie supplémentaire et qu'un bris survenait après l'expiration de la garantie d'un an du manufacturier, elles devraient assumer le coût des réparations ou du remplacement.

ATTRIBUE à Jacques Filion le statut de représentant aux fins d'exercer le recours collectif à l'encontre de l'intimée Corbeil Électrique inc. pour le compte du groupe suivant :

Les personnes ayant acheté, avant le 30 juin 2010, une garantie supplémentaire en se fondant sur les représentations de l’intimée, à savoir que si elles n'achetaient pas cette garantie supplémentaire et qu'un bris survenait après l'expiration de la garantie d'un an du manufacturier, elles devraient assumer le coût des réparations ou du remplacement.

ATTRIBUE à Serge Tahmazian le statut de représentant aux fins d'exercer le recours collectif à l'encontre de l'intimée Sears Canada inc. pour le compte du groupe suivant :

Les personnes ayant acheté, avant le 30 juin 2010, une garantie supplémentaire en se fondant sur les représentations de l’intimée, à savoir que si elles n'achetaient pas cette garantie supplémentaire et qu'un bris survenait après l'expiration de la garantie d'un an du manufacturier, elles devraient assumer le coût des réparations ou du remplacement.

ATTRIBUE à Kerfalla Toure le statut de représentant aux fins d'exercer le recours collectif à l'encontre de l'intimée Brault & Martineau inc. pour le compte du groupe suivant :

Les personnes ayant acheté, avant le 30 juin 2010, une garantie supplémentaire en se fondant sur les représentations de l’intimée, à savoir que si elles n'achetaient pas cette garantie supplémentaire et qu'un bris survenait après l'expiration de la garantie d'un an du manufacturier, elles devraient assumer le coût des réparations ou du remplacement.

ATTRIBUE à Jean-Michel Normandin le statut de représentant aux fins d'exercer le recours collectif à l'encontre de l'intimée Bureau en Gros (Staples Canada inc.) pour le compte du groupe suivant :

Les personnes ayant acheté, avant le 30 juin 2010, une garantie supplémentaire en se fondant sur les représentations de l’intimée, à savoir que si elles n'achetaient pas cette garantie supplémentaire et qu'un bris survenait après l'expiration de la garantie d'un an du manufacturier, elles devraient assumer le coût des réparations ou du remplacement.

IDENTIFIE comme suit les principales questions de fait ou de droit qui seront traitées de façon collective :

a) Les intimées ont-elles fait, avant le 30 juin 2010, de fausses représentations lorsqu’elles ont vendu des garanties supplémentaires aux membres du groupe?

b) Advenant le cas, quels sont les dommages subis par les membres du groupe découlant de la faute des intimées?

c) Les intimées doivent-elles être tenues de payer des dommages punitifs?

d) Dans les cas applicables, le recours est-il prescrit?

IDENTIFIE comme suit les conclusions recherchées qui s’y rattachent :

CONDAMNE les intimées à verser à chacun des membres de leurs groupes respectifs les dommages équivalant au coût d'achat plus taxes des garanties supplémentaires, avec intérêt au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., calculés à compter de la date de signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

CONDAMNE les intimées à verser une somme à être déterminée pour chacune d'elles à titre de dommages punitifs fixés sur une base globale et forfaitaire, avec intérêt au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., calculés à compter de la date de signification de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif;

ORDONNE que les dommages précités fassent l'objet d'indemnisations individuelles et d'un recouvrement collectif uniquement pour les dommages punitifs, selon les prescriptions des articles 1031 à 1040 C.p.c.;

CONDAMNE les intimées à tout autre remède approprié jugé juste et raisonnable;

LE TOUT avec dépens, incluant les frais d’experts et les frais d’avis.

IDENTIFIE comme suit la principale question individuelle à chacun des membres :

Quel est le montant des dommages subis par chacun des membres du groupe?

DÉCLARE qu'à moins d'exclusion, les Membres seront liés par tout jugement à intervenir sur les recours collectifs de la manière prévue par la loi;

FIXE le délai d'exclusion à soixante-quinze (75) jours après la date de publication de l'avis aux membres, délai à l'expiration duquel les membres qui ne se seront pas prévalus des moyens d'exclusion seront liés par tout jugement à intervenir;

ORDONNE la publication d'un avis aux membres dans chacun des dossiers dans des termes et selon des modalités à être déterminés par le tribunal après consultation des parties, certains moyens étant proposés ci-après par les requérants :

-       La diffusion en ligne d'un communiqué de presse bilingue sur le fil de presse CNW;

-       La création d'une page web, aux frais des intimées, avec les référencements à être déterminés, reproduisant les avis aux membres simplifiés pour la durée complète des procédures.

[7]           RÉFÈRE le dossier d’Ameublements Tanguay inc. au juge en chef associé de la Cour supérieure et les dossiers de 2763923 Canada inc. (Centre Hi-Fi), The Brick Warehouse LP, Corbeil Électrique inc., Sears Canada inc., Brault & Martineau inc. et Bureau en Gros (Staples Canada inc.) au juge en chef de la Cour supérieure pour détermination du district dans lequel les recours collectifs devront être exercés et désignation du ou des juges pour les entendre.

[8]           De son côté, la juge en chef Duval Hesler, dissidente, aurait rejeté les pourvois, avec dépens.

 

 

 

 

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.

 

 

 

 

 

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

 

 

 

 

 

JACQUES DUFRESNE, J.C.A.

 

Me David Bourgoin et Me Benoît Gamache

BGA Avocats

Pour les appelants

 

Me Jacques Jeansonne et Me Marie-France Tozzi

Jeansonne Avocats

Pour l'intimée, Meubles Léon Ltée

 

Me Daniel O'Brien et Me Charles-Antoine Dorion

O'Brien avocats

Pour l'intimée, Ameublements Tanguay Inc.

 

Me Luc Hervé Thibaudeau

Lavery, De Billy

Pour l'intimée, 2763923 Canada Inc. (Centre HI-FI)

 

Me Marie-Josée Hogue

Heenan Blaikie

Pour les intimées Distribution Stéréo Plus Inc. et Bureau en Gros (Staples Canada Inc.)

 

Me Julie-Martine Loranger

Gowling Lafleur Henderson

Pour l'intimée The Brick Warehouse LP

 

Me Nicholas Rodrigo et Me Jean-Philippe Groleau

Davies Ward Phillips & Vineberg

Pour les intimées Corbeil Électrique Inc., Sears Canada Inc. et Brault & Martineau Inc.

 

Me Marc Migneault et Me Geneviève Duchesne

Allard, Renaud et Associés

Pour l'intervenant

 

Date d’audience :

Les 2 et 3 octobre 2013


 

 

MOTIFS DU JUGE DUFRESNE

 

 

[9]           Les neuf pourvois[1] dont la Cour est saisie portent sur la vente par les sociétés commerçantes intimées de contrats de garantie supplémentaire[2] (aussi appelée « garantie prolongée » ou « étendue » ou encore « complémentaire ») prévoyant notamment une protection contre une défectuosité éventuelle du bien acquis à l’expiration de la garantie de base offerte par le manufacturier.

[10]        Les faits allégués, propres à chaque appelant, varient d’une requête à l’autre, mais la toile de fond des requêtes amendées pour obtenir l’autorisation d’exercer un recours collectif contre les intimées est, à quelques variables près, la même. La définition du groupe s’articule autour des mêmes paramètres et les propositions soumises à l’appui des requêtes se recoupent pour deux d’entre elles. La troisième proposition alléguant fausses représentations résulte d’une modification apportée par amendement dans les dossiers de Montréal[3]. Cette allégation est aussi présente dans le dossier d’Ameublements Tanguay, mais non dans celui de Meubles Léon. Les appelants fondent leur recours sur la Loi sur la protection du consommateur[4] (L.p.c.).

[11]        Voilà pour le tableau d’ensemble. Allons plus en détail.

[12]        Les requêtes des appelants Sonia Tremblay et Maxime Fortier pour autorisation d’exercer un recours collectif contre les intimées Ameublements Tanguay et Meubles Léon présentent plusieurs similitudes. Elles ont fait l’objet d’une audition conjointe et donné lieu à deux jugements distincts, mais à maints égards analogues. Les appelants se pourvoient contre les jugements rendus le 20 juin 2011 par la Cour supérieure, district de Québec (l'honorable Dominique Bélanger)[5], qui refusent d’accorder l'autorisation d'exercer un recours collectif contre ces deux commerçantes.

[13]        Quant aux appelants Kerfalla Toure, Jinny Guindon, Jacques Filion, Serge Tahmazian, Claude Roulx, Jean-Michel Normandin et Gabriel Blondin, leurs requêtes pour autorisation d’exercer un recours collectif ont aussi fait l’objet d’une audition conjointe et donné lieu à sept jugements distincts, à maints égards analogues. Ils se pourvoient contre ces jugements rendus le 16 janvier 2012 par la Cour supérieure, district de Montréal (l'honorable André Prévost)[6], qui refusent d’accorder l'autorisation d'exercer un recours collectif contre Brault & Martineau, Brick, Corbeil Électrique, Sears Canada inc., 2763923 Canada inc. (Centre Hi-Fi), Bureau en Gros (Staples Canada inc.) et Stéréo Plus.

[14]        Les jugements rendus à Montréal par le juge Prévost présentent plusieurs similitudes avec les jugements rendus précédemment à Québec par la juge Bélanger, d’où l’intérêt de regrouper tous les pourvois. Fait à noter, le président de l’Office de la protection du consommateur est intervenu dans tous les pourvois, en produisant un mémoire, dont l’exposé aborde deux moyens en lien avec la condition du paragr. 1003b) C.p.c.

[15]        Un seul arrêt permettra de trancher toutes les questions soulevées en appel, qu’elles soient communes à tous les dossiers ou propres à l’un d’entre eux.

CARACTÉRISTIQUES COMMUNES DES REQUÊTES EN AUTORISATION

[16]        Celui ou celle qui demande l'autorisation d'exercer un recours collectif doit satisfaire aux exigences de l’art. 1003 du Code de procédure civile, lequel est ainsi libellé :

1003. Le tribunal autorise l'exercice du recours collectif et attribue le statut de représentant au membre qu'il désigne s'il est d'avis que:

a) les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;

b) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;

c) la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des articles 59 ou 67; et que

d) le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres.

[17]        Les parties convenaient en première instance que la condition du paragr. 1003c) était remplie. Les juges étaient manifestement du même avis puisqu’ils ont consigné, sans plus, cette admission aux jugements. Cette exigence n’est ni contestée ni l’objet d’un débat en appel. Les trois autres conditions de l’art. 1003 C.p.c. le sont, toutefois.

[18]        La description du groupe est identique dans chacune des requêtes, mais elle est fonction, d’une requête à l’autre, de la commerçante visée par la procédure :

Toutes les personnes physiques s'étant vues proposer et/ou ayant acheté au Québec une garantie prolongée sur des biens vendus [par une des intimées].

[19]        Notons que la description du groupe ne comporte pas de limite temporelle.

[20]        Les deux requêtes pour autorisation de Québec reposent principalement sur les deux propositions suivantes :

-       les commerçantes intimées ont passé sous silence, au moment d’offrir aux consommateurs l’achat d’une garantie supplémentaire, l'existence de la garantie légale applicable aux biens meubles vendus;

-       les garanties supplémentaires vendues par ces commerçantes sont inutiles ou, du moins, ne sont pas plus avantageuses que la garantie légale et, par conséquent, le simple fait de les proposer constitue une représentation fausse et trompeuse au sens de la L.p.c.

[21]        Quant aux sept requêtes de Montréal, les appelants allèguent, en outre, une troisième proposition (fausses représentations), laquelle résulte d’un amendement apporté en cours d’instance, après que les dossiers de Québec eurent été mis en délibéré :

-       Le vendeur de l’intimée a notamment représenté au requérant que s’il n’achetait pas cette garantie prolongée et qu’un bris survenait après l’expiration de la garantie d’un an du manufacturier, il devait assumer le coût des réparations ou du remplacement.

[22]        Dans Ameublements Tanguay, la requête allègue également de semblables représentations, en faisant référence au contenu de la brochure explicative de cette commerçante plutôt qu’aux arguments de ses vendeurs[7]. Le seul dossier qui, en définitive, n’allègue d’aucune façon de telles représentations est celui de Meubles Léon.

[23]        Il est acquis que les faits allégués dans les requêtes sont tenus pour avérés. En outre, tous les dossiers de Québec et de Montréal comportent des factures d’achat, des documents émanant de l’Office de la protection du consommateur, des études sur l’espérance de vie des biens meubles achetés par les appelants ainsi qu’une liste des membres retracés. Sauf dans le dossier de Tahmazian (Sears), on retrouve d’autres éléments de preuve testimoniale ou écrite, dont parfois des interrogatoires de certains appelants ou de représentants de certaines commerçantes. Enfin, des documents décrivent les plans de garantie supplémentaire offerts par les commerçantes.

[24]        Avant de résumer la teneur des jugements de première instance et d'aborder l’analyse des moyens soulevés en appel, il importe de mentionner les dispositions législatives les plus pertinentes ainsi que les principales allégations des requêtes en autorisation.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[25]        Les dispositions de la L.p.c. auxquelles réfèrent plus particulièrement les appelants sont les suivantes :

1. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

[…]

e.1) «contrat de garantie supplémentaire»: un contrat en vertu duquel un commerçant s'engage envers un consommateur à assumer directement ou indirectement, en tout ou en partie, le coût de la réparation ou du remplacement d'un bien ou d'une partie d'un bien advenant leur défectuosité ou leur mauvais fonctionnement, et ce autrement que par l'effet d'une garantie conventionnelle de base accordée gratuitement à tout consommateur qui achète ou qui fait réparer ce bien;

1. In this Act, unless the context indicates otherwise,

[…]

 (e.1) “contract of additional warranty” means a contract under which a merchant binds himself toward a consumer to assume directly or indirectly all or part of the costs of repairing or replacing goods or a part thereof in the event that they are defective or malfunction, otherwise than under a basic conventional warranty given gratuitously to every consumer who purchases the goods or has them repaired;

 

35. Une garantie prévue par la présente loi n'a pas pour effet d'empêcher le commerçant ou le fabricant d'offrir une garantie plus avantageuse pour le consommateur.

35. A warranty provided in this Act does not prevent the merchant or the manufacturer from offering a more advantageous warranty to the consumer.

37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.

37. Goods forming the object of a contract must be fit for the purposes for which goods of that kind are ordinarily used.

38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

38. Goods forming the object of a contract must be durable in normal use for a reasonable length of time, having regard to their price, the terms of the contract and the conditions of their use.

53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l'objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

Il en est ainsi pour le défaut d'indications nécessaires à la protection de l'utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu'ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

53. A consumer who has entered into a contract with a merchant is entitled to exercise directly against the merchant or the manufacturer a recourse based on a latent defect in the goods forming the object of the contract, unless the consumer could have discovered the defect by an ordinary examination.

The same rule applies where there is a lack of instructions necessary for the protection of the user against a risk or danger of which he would otherwise be unaware.

The merchant or the manufacturer shall not plead that he was unaware of the defect or lack of instructions.

The rights of action against the manufacturer may be exercised by any consumer who is a subsequent purchaser of the goods.

54. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l'article 37, 38 ou 39.

Un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant de l'article 37 ou 38 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

54. A consumer having entered into a contract with a merchant may take action directly against the merchant or the manufacturer to assert a claim based on an obligation resulting from section 37, 38 or 39.

Rights of action against the manufacturer based on an obligation resulting from section 37 or 38 may be exercised by any consumer who is a subsequent purchaser of the goods.

218. Pour déterminer si une représentation constitue une pratique interdite, il faut tenir compte de l'impression générale qu'elle donne et, s'il y a lieu, du sens littéral des termes qui y sont employés.

218. To determine whether or not a representation constitutes a prohibited practice, the general impression it gives, and, as the case may be, the literal meaning of the terms used therein must be taken into account.

228. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, dans une représentation qu'il fait à un consommateur, passer sous silence un fait important.

228. No merchant, manufacturer or advertiser may fail to mention an important fact in any representation made to a consumer.

253. Lorsqu'un commerçant, un fabricant ou un publicitaire se livre en cas de vente, de location ou de construction d'un immeuble à une pratique interdite ou, dans les autres cas, à une pratique interdite visée aux paragraphes a et b de l'article 220, a, b, c, d, e et g de l'article 221, d, e et f de l'article 222, c de l'article 224, a et b de l'article 225 et aux articles 227, 228, 229, 237 et 239, il y a présomption que, si le consommateur avait eu connaissance de cette pratique, il n'aurait pas contracté ou n'aurait pas donné un prix si élevé.

253. Where a merchant, manufacturer or advertiser makes use of a prohibited practice in case of the sale, lease or construction of an immovable or, in any other case, of a prohibited practice referred to in paragraph a or b of section 220, a, b, c, d, e or g of section 221, d, e or f of section 222, c of section 224 or a or b of section 225, or in section 227, 228, 229, 237 or 239, it is presumed that had the consumer been aware of such practice, he would not have agreed to the contract or would not have paid such a high price.

[26]        En outre, quelques mois avant la signification des requêtes en autorisation, plus exactement le 30 juin 2010, le législateur a modifié la L.p.c.[8] pour obliger le commerçant à dénoncer expressément au consommateur l’existence et le contenu de la garantie légale au moment de proposer l’achat d’une garantie supplémentaire :

228.1. Le commerçant doit, avant de proposer au consommateur de conclure, à titre onéreux, un contrat comprenant une garantie supplémentaire relative à un bien, l'informer verbalement et par écrit, de la manière prescrite par règlement, de l'existence et du contenu de la garantie prévue aux articles 37 et 38.

Dans un tel cas, il doit également, le cas échéant, l'informer verbalement de l'existence et de la durée de la garantie du fabricant offerte gratuitement à l'égard de ce bien. À la demande du consommateur, il doit aussi l'informer verbalement de la façon pour lui de prendre connaissance de l'ensemble des autres éléments de cette garantie.

Le commerçant qui propose à un consommateur de conclure un contrat comprenant une garantie supplémentaire relative à un bien sans lui transmettre préalablement les informations prévues au présent article est réputé passer sous silence un fait important et, par voie de conséquence, se livrer à une pratique interdite visée à l'article 228.

228.1. Before proposing to a consumer to purchase a contract that includes an additional warranty on goods, the merchant must inform the consumer orally and in writing, in the manner prescribed by regulation, of the existence and nature of the warranty provided for in sections 37 and 38.

In such a case, the merchant must also inform the consumer orally of the existence and duration of any manufacturer's warranty that comes with the goods. At the request of the consumer, the merchant must also explain to the consumer orally how to examine all of the other elements of the warranty.

Any merchant who proposes to a consumer to purchase a contract that includes an additional warranty on goods without first providing the information mentioned in this section is deemed to have failed to mention an important fact, and therefore to have used a practice prohibited under section 228.

[27]        Les articles 91.9, 91.10 et 91.11 du Règlement d'application de la Loi sur la protection du consommateur[9] précisent les modalités d'application de l’article 228.1 L.p.c. en lien avec les requêtes en autorisation visées par les pourvois. Ils sont ainsi libellés :

91.9. Avant de proposer de conclure à titre onéreux un contrat comprenant une garantie supplémentaire relative à un bien, le commerçant doit remettre au consommateur, sur support papier, un document sur lequel apparaît exclusivement l'avis obligatoire suivant:

«AVIS SUR LA GARANTIE LÉGALE

La Loi sur la protection du consommateur accorde une garantie sur tous les biens que vous achetez ou louez d'un commerçant.

Le bien doit pouvoir servir:

· à l'usage auquel il est normalement destiné (article 37 de la Loi);

· à un usage normal pendant une durée raisonnable, qui peut varier selon le prix payé, les dispositions du contrat et les conditions d'utilisation (article 38 de la Loi).

Pour plus de renseignements sur cette garantie légale, consultez le site de l'Office de la protection du consommateur au www.opc.gouv.qc.ca.».

91.9. Before proposing the conclusion of a contract for valuable consideration including an additional warranty on goods, the merchant must give the consumer a document in paper form containing only the following compulsory notice:

“NOTICE CONCERNING THE LEGAL WARRANTY

The Consumer Protection Act gives a warranty on all goods you purchase or lease from a merchant.

The goods must be usable

· for the purposes for which they are ordinarily used (section 37 of the Act) and

· in normal use for a reasonable length of time, which may vary according to the price paid, the terms of the contract and the conditions of use (section 38 of the Act).

For more information on this legal warranty, go to the website of the Office de la protection du consommateur at www.opc.gouv.qc.ca.”.

91.10. L'avis prévu à l'article 91.9 doit montrer au recto:

  a)      la rubrique, en caractères majuscules gras d'au moins 14 points;

  b)      au-dessous de la rubrique, la mention suivante en caractères d'au moins 14 points dans un encadrement: «La loi accorde une garantie sur le bien que vous achetez ou louez: il doit pouvoir servir à son usage normal pendant une durée raisonnable.»;

  c)      au-dessous de cet encadrement, la mention suivante en caractères italiques d'au moins 12 points: «(Le commerçant a l'obligation de vous lire le texte ci-dessus)»;

  d)      les deux premiers paragraphes, en caractères d'au moins 14 points dans un encadrement;

  e)      le troisième paragraphe, en caractères d'au moins 12 points.

91.10. The notice provided for in section 91.9 must contain, on the front,

  (a)      the heading, in bold capital type of at least 14 points;

  (b)      below the heading, the following text in type of at least 14 points in a rectangle: “The law provides a warranty on the goods you purchase or lease: they must be usable for normal use for a reasonable length of time.”;

  (c)      below that rectangle, the following text in italic type of at least 12 points: “(The merchant is required to read you the above text)”;

  (d)      the first two paragraphs, in type of at least 14 points in a rectangle;

  (e)      the third paragraph, in type of at least 12 points.

91.11. Aux fins de l'application de l'article 228.1 de la Loi, avant de proposer de conclure un contrat visé par cet article, le commerçant doit lire au consommateur la mention prescrite par le paragraphe b de l'article 91.10.

91.11. For the purposes of section 228.1 of the Act, before proposing the making of a contract referred to in that section, the merchant must read to the consumer the text prescribed in paragraph b of section 91.10.

LES REQUÊTES EN AUTORISATION

[28]        Les faits allégués dans les requêtes sont au cœur de la procédure d’autorisation, d’autant qu’ils sont tenus pour avérés à ce stade. Il peut être utile de référer aux principales allégations, tout en gardant à l’esprit que tous les requérants ont acheté la garantie supplémentaire offerte par le représentant du commerçant. Ainsi, à titre indicatif des deux dossiers de Québec, les principales allégations de la requête dans Ameublements Tanguay sont ainsi libellées :

9.         Ni le vendeur, ni aucun autre représentant de l'intimée n'a fait mention à la requérante de la garantie légale applicable sur de tels biens et encore moins des obligations de l'intimée à cet égard, puisque si tel avait été le cas, elle n'aurait pas acheté la garantie prolongée précitée;

10.       En effet, selon la L.p.c., un bien doit pouvoir servir à un usage normal pendant une durée raisonnable;

[…]

12.       En d'autres termes, en application des dispositions pertinentes de la L.p.c., l'intimée était tenue de rendre gratuitement le service qu'elle a vendu 234,95 $ à la requérante sous forme de garantie prolongée et elle devait le mentionner ou ne pas l'omettre dans ses représentations;

[…]

14.       Pire encore, le document […] R-10 indique clairement que la garantie sur les biens achetés par la requérante se limite à celle du manufacturier, soit un (1) an, et que les coûts de réparation sont par la suite à la charge exclusive de l'acheteur;

[…]

18.       Cette protection ajoutait quatre (4) années à la garantie d'un (1) an du manufacturier;

[…]

20.       Encore une fois, ni le vendeur, ni aucun autre représentant de l'intimée n'a fait mention à la requérante de la garantie légale applicable sur de tels biens et encore moins des obligations de l'intimée à cet égard, puisque si tel avait été le cas, elle n'aurait pas acheté la garantie prolongée précitée;

[…]

22.       Donc, en application des dispositions pertinentes de la L.p.c., l'intimée était tenue de rendre gratuitement le service qu'elle a vendu 234,95 $ à la requérante sous forme de garantie prolongée et elle devait le mentionner ou ne pas l'omettre dans ses représentations;

[…]

24.       Le document […] R-14 indique encore clairement que la garantie sur […] les biens achetés par la requérante se limite à celle du manufacturier, soit un (1) an, et que les coûts de réparation sont par la suite à la charge exclusive de l'acheteur;

[…]

30.       La garantie prolongée présentée et vendue par l'intimée à la requérante était donc inutile et le simple fait de la proposer constituait une fausse représentation, dans la mesure où il n'était pas spécifiquement mentionné que le consommateur avait le choix de payer le montant de la garantie ou de ne rien payer pour […] la même protection;

31.       La vente d'une garantie prolongée […] déjà couverte par la garantie légale gratuite de la L.p.c. est non seulement inutile, mais elle constitue une représentation trompeuse;

32.       En passant ainsi sous silence un fait important, l'intimée a commis une pratique de commerce interdite et sanctionnée par la L.p.c., donnant ouverture à la présomption de dol codifiée dans cette loi et à l'annulation de la transaction touchant la garantie prolongée;

33.       Pour ses manquements aux obligations stipulées aux articles 37, 38, 45, 219 et 228 de la L.p.c., l'intimée doit être tenue au paiement de dommages punitifs à l'égard de la requérante en application de l'article 272 de cette même loi;

[29]        De même, à titre indicatif des dossiers de Montréal, les principales allégations de la requête dans Brault & Martineau sont ainsi formulées :

6.1       Le vendeur de l'intimée a notamment représenté au requérant que s'il n'achetait pas cette garantie prolongée et qu'un bris survenait après l'expiration de la garantie d'un an du manufacturier, il devrait assumer le coût des réparations ou du remplacement; [Ce paragraphe résulte d’un amendement apporté uniquement dans les sept dossiers de Montréal]

7.         Cette protection ajoutait quatre (4) années à la garantie d'un (1) an du manufacturier;

[…]

9.         Ni le vendeur, ni aucun autre représentant de l'intimée n'a fait mention au requérant de la garantie légale applicable sur de tels biens et encore moins des obligations de l'intimée à cet égard, puisque si tel avait été le cas il n'aurait pas acheté la garantie prolongée précitée;

10.       En effet, selon la L.p.c., un bien doit pouvoir servir à un usage normal pendant une durée raisonnable;

[….]

11.       Pour des appareils tels les électroménagers achetés par le requérant, la durée raisonnable d'usage normal excède largement la garantie du manufacturier d'un (1) an et la garantie prolongée de quatre (4) ans;

12.       En d'autres termes, en application des dispositions pertinentes de la L.p.c., l'intimée était tenue de rendre gratuitement le service qu'elle a vendu 289,95 $ au requérant sous forme de garantie prolongée et elle devait le mentionner ou ne pas l'omettre dans ses représentations;

[….]

19.       Toutefois, la garantie légale existait bien avant l'adoption de ces modifications à la L.p.c. et l'intimée ne pouvait s'y soustraire, au même titre que les dispositions applicables sur les pratiques de commerce;

20.       La garantie prolongée présentée et vendue par l'intimée au requérant était donc inutile et le simple fait de la proposer constituait une fausse représentation, dans la mesure où il ne lui a pas été spécifiquement mentionné qu'il avait le choix de payer le montant de la garantie ou de ne rien payer pour […] la même protection;

21.       La vente d'une garantie prolongée […] déjà couverte par la garantie légale gratuite de la L.p.c. est non seulement inutile, mais elle constitue une représentation trompeuse;

22.       En passant ainsi sous silence un fait important, l'intimée a commis une pratique de commerce interdite et sanctionnée par la L.p.c., donnant ouverture à la présomption de dol codifiée dans cette loi et à l'annulation de la transaction touchant la garantie prolongée ou à la réduction des obligations du requérant;

23.       Pour ses manquements aux obligations stipulées aux articles 35, 37, 38, 45, 219 et 228 de la L.p.c., l'intimée doit être tenue au paiement de dommages punitifs à l'égard du requérant en application de l'article 272 de cette même loi;

LES JUGEMENTS ENTREPRIS

[30]        Pour une meilleure compréhension, il peut être utile de résumer à grands traits les jugements rendus le 20 juin 2011 dans les dossiers de Québec et ceux rendus le 16 janvier 2012 dans les dossiers de Montréal, quitte à identifier, au passage, les éléments distinctifs, propres à un dossier en particulier.

Les jugements dans les dossiers de Québec

[31]        Les deux requêtes en autorisation de Québec formulent deux propositions au soutien de l’autorisation recherchée, soit le manquement des commerçantes intimées à leur devoir de renseigner les consommateurs à propos de l’existence de la garantie légale et l’inutilité de la garantie supplémentaire vendue.

[32]        Dans les deux jugements, la juge de première instance regroupe ainsi les reproches formulés par les appelants à l’endroit des intimées[10] :

[30]        Le seul reproche que la requérante fait à Ameublements Tanguay est de ne pas l’avoir informée que la loi lui accorde une garantie gratuite avant de lui offrir une garantie supplémentaire pour laquelle elle a dû débourser de l’argent. Elle allègue que l’achat de la garantie supplémentaire était complètement inutile, car elle n’ajoute rien à la garantie légale.

[33]        Pour déterminer si les faits allégués par les appelants et les autres éléments de preuve aux dossiers paraissent justifier les conclusions recherchées (paragr. 1003 b) C.p.c.), la juge examine deux questions. Dans un premier temps, elle se demande si le fait de ne pas informer un consommateur de l'existence de la garantie légale des articles 37 et 38 L.p.c., avant l'entrée en vigueur de l’article 228.1 L.p.c., constitue une pratique de commerce interdite au sens de l’article 228 L.p.c. Elle conclut par la négative.

[34]        La juge est d’avis qu'avant l'entrée en vigueur de l’article 228.1 L.p.c., le 30 juin 2010, le commerçant n'avait pas l'obligation d'informer le consommateur de l'existence de la garantie légale. Elle prend notamment appui sur les travaux parlementaires, lesquels révèlent que cet amendement législatif crée une nouvelle obligation pour le commerçant :

[38]        En plaidant que l’obligation du commerçant d’informer le consommateur de l’existence d’une garantie légale existait même avant la modification législative, la requérante allègue en quelque sorte l’inutilité de l’amendement législatif. En définitive, le législateur n’aurait rien eu à réformer, mais il l’aurait fait quand même.

[39]        Or, le législateur ne parle pas pour ne rien dire.

[…]

[44]        On constate que le projet de loi prévoit l'imposition d'un devoir d'information aux commerçants dans le but de remédier à la méconnaissance de la loi par les consommateurs. Le but est bien précis, soit d’imposer une obligation aux commerçants, obligation qui n’existait pas antérieurement.

[Références omises.]

[35]        La juge ajoute qu'en l'absence de disposition transitoire expresse à cet égard, l’article 228.1 L.p.c. ne peut avoir un effet rétroactif.

[36]        Elle fait, par ailleurs, observer que, même depuis l'entrée en vigueur de l’article 228.1 L.p.c., rien n'oblige les commerçants à mentionner que la garantie légale est gratuite et à expliquer les tenants et aboutissants de celle-ci. Elle précise davantage sa pensée en soulignant que la mise en œuvre de la garantie légale n’est pas simple :

[61]        Ajoutons à cela que si la garantie légale est gratuite, sa mise en œuvre peut ne pas l’être, car elle nécessite une analyse au cas par cas et que bien qu’elle ait de bonnes chances de jouer en faveur du consommateur, il lui incombe de démontrer que le problème qui survient empêche le bien d’être utilisé normalement, ou que le bien n’a pas connu une durée de vie raisonnable compte tenu de son prix et de l’usage adéquat qui en a été fait.

[Références omises; les italiques sont de la juge de première instance.]

[37]        Elle conclut que le premier syllogisme proposé par les appelants est « défaillant au point où il ne présente pas une apparence sérieuse de droit ».

[38]        Puis, elle examine la deuxième proposition des appelants relative au caractère inutile de la garantie supplémentaire en formulant ainsi la question : « La garantie supplémentaire est-elle totalement inutile et, de ce simple fait, constitue-t-elle une fausse représentation dans la mesure où le consommateur a le choix de payer le montant de la garantie ou de ne rien payer pour la même protection? »

[39]        Pour ce qui est de la deuxième proposition, elle résume ainsi l'argumentaire des appelants :

[64]        La prémisse de la requérante est basée sur le fait qu’étant donné que la garantie légale couvre la durée de vie utile d’un électroménager et que cette durée de vie est plus longue que la garantie offerte par le manufacturier, même prolongée par la garantie supplémentaire, il est toujours inutile pour le consommateur d’acheter un plan comme celui auquel il a souscrit.

[40]        La juge considère qu’elle ne peut tenir pour avérée l’allégation formulée de façon aussi générale de l’inutilité de la garantie supplémentaire, et rappelle que les appelants ont « le fardeau de démontrer sommairement le bien-fondé de cette opinion en démontrant en quoi la garantie supplémentaire est totalement inutile ».

[41]        Elle va au-delà de ce premier constat et examine sommairement les caractéristiques des garanties supplémentaires achetées par les appelants. Elle mentionne qu'à première vue, ces garanties sont différentes de la garantie légale, notamment au niveau de leur étendue et de leur mode d'exécution. Elle conclut que, sur ce point, les appelants n'ont pas réussi à satisfaire au fardeau que leur impose le paragr. 1003b) C.p.c :

[84]        Elle n’a pas fait cette démonstration pour les quatre appareils électroménagers qu’elle a achetés et, encore moins, pour tous les autres appareils qui pourraient être visés par le recours et par les trois autres plans de protection, dont l’un vise le remplacement des biens sans réparation, ce qui, de toute évidence, est fort différent de la protection accordée par la garantie légale.

[85]        Poussé à sa limite, le raisonnement de la requérante porte à penser que le législateur aurait dû interdire la vente de garanties supplémentaires, plutôt que de la réglementer. Or, ce n’est pas ce qu’il a fait.

[42]        Elle conclut donc que les faits allégués aux requêtes en autorisation et les autres éléments de preuve aux dossiers ne paraissent pas justifier les conclusions recherchées. En somme, les recours des appelants ne satisfont pas à la condition du paragr. 1003b) C.p.c.

[43]        La juge poursuit son analyse et examine ensuite la condition énoncée au paragr. 1003a) C.p.c.

[44]        D’avis que le groupe proposé est trop large, la juge aurait restreint la définition de celui-ci aux personnes qui ont acheté le même plan de protection que la requérante avant le 30 juin 2010, sur la base des représentations et de la forte recommandation du vendeur, alors que celui-ci n’a pas mentionné l’existence de la garantie légale, et qui ne l’auraient pas acheté si elles avaient su que la garantie légale existait.

[45]        La juge reconnaît que si la première proposition (avoir passé sous silence l’existence de la garantie légale) avait satisfait au paragr. 1003b) C.p.c., ce qui n’est pas le cas, l’exigence du paragr. 1003a) C.p.c. aurait été satisfaite, en ce qu’elle aurait soulevé des questions communes susceptibles de faire avancer les recours individuels des membres. Elle conclut, par ailleurs, que le recours fondé sur l'inutilité de la garantie supplémentaire est beaucoup trop vaste pour satisfaire à l’exigence du paragr. 1003a) C.p.c.

[46]        Enfin, sans conclure de façon formelle sur la capacité des appelants à agir en tant que représentants (paragr. 1003d) C.p.c.), étant donné les conclusions à laquelle elle arrive notamment quant aux exigences du paragr. 1003b) C.p.c., la juge exprime néanmoins de sérieuses réserves. Quoique consciente de la nécessité d’adopter une approche libérale lorsque vient le moment d’apprécier la qualification du requérant et que « la barre ne soit pas très haute » à cet égard, elle s’étonne tout de même que les requêtes, toutes pilotées par le même bureau d’avocats, sans la présence d’un organisme dévoué à la protection des consommateurs, s’en tiennent à des généralités et n’énoncent que des allégations similaires, sinon identiques, dans chacun des dossiers. Il est permis, dit-elle, « de soupçonner que ce n’est pas la requérante qui a pris l’initiative de la procédure ».

[47]        Enfin, quant à l'appelante Tremblay dans le dossier d’Ameublements Tanguay, la juge note que celle-ci travaille comme adjointe administrative au sein du cabinet qui agit au dossier et s'inquiète de la possibilité qu'elle puisse éventuellement se trouver en conflit d'intérêts.

Les jugements dans les dossiers de Montréal

[48]        Outre les deux propositions alléguées dans les districts de Québec, les appelants allèguent fausses représentations de la part des représentants et vendeurs des intimées.

[49]        Aux fins de l’examen de l’exigence du paragr. 1003b) C.p.c., les deux premiers syllogismes juridiques que proposent les appelants sont pour l’essentiel identiques à ceux proposés dans les deux affaires entendues à Québec[11].

[50]        Le juge partage à maints égards les motifs de sa collègue de Québec :

[29]  Le Tribunal est en accord avec ces conclusions de Madame la juge Bélanger et partage les motifs qu’elle exprime, notamment, en ce que :

a.  les amendements apportés par l’ajout de l’article 228.1 L.p.c. créent une nouvelle pratique de commerce interdite qui n’existait pas auparavant;

b.  cette nouvelle disposition ne comporte pas d’effet rétroactif;

c.  antérieurement au 30 juin 2010, il n’existait aucune obligation pour les commerçants de signaler aux consommateurs l’existence d’une garantie légale, non plus que sa portée;

d.  la garantie légale impose à celui qui s’en prévaut d’entreprendre des démarches pour établir que la défectuosité répond aux critères d’un vice caché et d’en faire éventuellement la preuve devant un tribunal;

e.  l’article 1 e.1) L.p.c. reconnaît spécifiquement le concept du « contrat de garantie supplémentaire » qui n’est pas tributaire de l’existence d’un vice caché; et

f.  le régime de la garantie conventionnelle diffère du régime de la garantie légale.

[51]        Les garanties supplémentaires vendues par les intimées se distinguent, selon le juge, de la garantie légale, qu'il associe davantage à une garantie contre les vices cachés. Il est d'avis que la clarté des termes des garanties supplémentaires, tant quant à leur durée qu'à leur portée, offre un avantage certain au consommateur, ne serait-ce qu’en facilitant le traitement de la réclamation par opposition au fardeau d’établir l’existence d’un vice caché. La garantie supplémentaire, de nature conventionnelle, procure au consommateur « une certaine tranquillité d'esprit pour une période définie ». De plus, cette garantie inclut certains services que n'offre pas la garantie légale. Le juge considère qu'il est donc inexact d'affirmer que les garanties supplémentaires n'offrent rien de plus que la garantie légale.

[52]        Il conclut, à l’instar de la juge dans les dossiers de Québec, que les faits allégués et les autres éléments de preuve relatifs aux deux premières propositions des appelants (l’omission de renseigner sur l’existence de la garantie légale et l’inutilité des garanties supplémentaires vendues) ne paraissent pas justifier les conclusions recherchées.

[53]        Au sujet de l’allégation de fausses représentations, selon laquelle les représentants (vendeurs) des intimées auraient tous dit aux appelants que s'ils n'achetaient pas la garantie supplémentaire et qu’un bris survenait après l’expiration de la garantie de base du fabricant (généralement d’un an), ils devraient assumer le coût des réparations ou du remplacement du bien, le juge considère que ces représentations ne sont ni inexactes ni « intrinsèquement fausse[s] ou trompeuse[s] » et s’en explique :

[44]        Interprétée littéralement, elle ne l’est pas. Au moment où elle est formulée, le vendeur ne peut présumer que l’appareil est affecté d’un vice caché. De plus, la garantie du manufacturier couvrant une période d'un an, le vendeur peut raisonnablement présumer que s’il existe un vice caché au moment de la vente, il y a de très fortes probabilités qu’il se manifeste pendant cette période.

[45]        En somme, le vendeur semble plutôt faire, ici, référence à des défectuosités qui ne correspondent pas aux critères d’un vice caché.

[54]        Le juge ajoute qu'en l'absence d'allégations spécifiques qui laisseraient croire à l'existence d'un stratagème mis en place par les intimées, une allégation répétée systématiquement dans chaque dossier doit être considérée avec prudence. Selon lui, elle ne peut, à elle seule, conférer une apparence de droit au syllogisme juridique proposé par les appelants :

[49]      En l’absence d’allégations qui rapportent des faits laissant croire à l’existence d’un stratagème convenu sur une longue période de temps chez un même commerçant, ou entre les commerçants de chaînes différentes, pour formuler certaines représentations spécifiques à l’égard de la vente de garanties prolongées, il faut prendre avec beaucoup de circonspection une telle allégation répétée systématiquement dans dix dossiers différents.

[50]      D’ailleurs, les tribunaux se montrent généralement réticents à autoriser des recours collectifs qui se fondent sur des fausses représentations en l’absence d’allégations de faits laissant présumer un stratagème [Références omises].

[51]      L’allégation contenue au paragraphe 6.1 de la requête amendée pour autorisation apparaît donc gratuite et ne peut fonder, à elle seule, la partie du syllogisme portant sur la formulation de représentations trompeuses de la part de l’intimée.

[52]      Le Tribunal conclut que le syllogisme juridique proposé par le requérant ne tient pas la route. Les faits allégués à la requête ne paraissent pas justifier les conclusions recherchées.

[55]        Le juge écarte donc les trois syllogismes avancés par les appelants et conclut en conséquence que les requêtes ne satisfont pas à l’exigence du paragr. 1003b) C.p.c., ce qui emporte le rejet de la requête pour autorisation.

[56]        Pour ce qui est des dossiers pour lesquels la prescription des recours des appelants Guindon et Normandin est invoquée par les intimées Brick et Bureau en Gros, le juge n'estime pas nécessaire d'examiner ce moyen de défense.

[57]        Dans deux autres dossiers, soit ceux des intimées Corbeil Électrique et Distribution Stéréo Plus, le juge se prononce sur l'argument selon lequel les recours des appelants Filion et Blondin seraient dirigés contre les mauvaises personnes. Dans le premier cas, il considère que le juge du fond serait en meilleure position pour apprécier l’argument. Dans le second, il conclut que le recours a été intenté contre la mauvaise personne, en l’occurrence le franchiseur plutôt que contre la commerçante locale qui a consenti la garantie supplémentaire.

[58]        Au sujet de l’exigence du paragr. 1003a) C.p.c. (questions identiques, similaires ou connexes), le juge note un certain assouplissement de la jurisprudence quant à cette exigence. Bien que la définition du groupe proposé par les appelants soit très large, le juge considère qu’une question de droit commune aurait pu se poser, soit celle de l'existence, avant le 30 juin 2010, d'une obligation pour les intimées d'informer les consommateurs de l'existence et des effets de la garantie légale couvrant le bien vendu. Si le recours collectif était autorisé, le juge estime que le groupe ne comprendrait cependant que les membres s’étant vu offrir une garantie prolongée avant le 30 juin 2010, et non après cette date, et ce, qu’ils l’aient achetée ou non.

[59]        Quant aux allégations spécifiques dans le dossier de Toure (Brault et Martineau) visant les membres du groupe ayant pu être victimes, après le 30 juin 2010, de représentations trompeuses, le juge considère non représentative la situation de M. Clément. Par ailleurs convaincu que le recours collectif dans Blondin (Distribution Stéréo Plus), s’il était autorisé, devrait se limiter aux seuls membres s’étant vu offrir ou ayant acquis une garantie supplémentaire avant le 30 juin 2010, le juge estime que la situation de M. Rochon, lequel a acheté ses biens postérieurement à cette date, n’est pas pertinente.

[60]        Enfin, pour ce qui est du critère énoncé au paragr. 1003d) C.p.c., le juge partage le malaise exprimé par sa collègue dans les dossiers de Québec à propos de la qualité des représentants, et ce, même s’il est conscient qu’il faut adopter une approche libérale lorsqu’il s’agit d’évaluer la capacité des appelants d’assurer une représentation adéquate des membres. Il épouse également la préoccupation de sa collègue voulant que toutes les requêtes résultent de l’initiative des avocats aux dossiers et non des appelants. À l’instar de celle-ci, il met en doute la capacité des appelants de représenter adéquatement les membres du groupe.

[61]        Dans le cas des appelants Guindon (Brick) et Roulx (Centre Hi-Fi), leurs témoignages hors cour confortent le juge de première instance dans son opinion que la démonstration n’a pas été faite que l’un ou l’autre « serait en mesure de prendre les décisions visant le bon déroulement du recours au bénéfice de l’ensemble des membres ». Comme il conclut, par ailleurs, que les faits allégués aux requêtes ainsi que les autres éléments de preuve aux dossiers ne paraissent pas justifier les conclusions recherchées (paragr. 1003b) C.p.c.), le juge ne se prononce pas de façon formelle sur la qualité des appelants (paragr. 1003d) C.p.c.).

[62]        Les sept requêtes des appelants, comme les deux de Québec, sont ainsi rejetées, d’où les pourvois.

MOYENS D’APPEL

[63]        La principale question consiste à savoir si les requêtes des appelants satisfont aux critères d’autorisation de l’article 1003 C.p.c. Les moyens d’appel particularisés s’articulent pour l’essentiel autour des sujets suivants :

À propos du critère du paragr. 1003b) C.p.c. :

-       La garantie contre les vices cachés n’est pas la seule prévue par la L.p.c;

-       L’obligation de renseigner le consommateur au moment de la vente d’une garantie supplémentaire existait avant l’entrée en vigueur, le 30 juin 2010, de l’article 228.1 L.p.c.;

-       L’analyse des faits effectuée en fonction du caractère inutile des garanties supplémentaires; et

-       L’exclusion de la notion de mandat apparent dans Stéréo Plus.

À propos du paragr. 1003a) C.p.c. :

-       L’analyse trop restrictive de ce critère; et

-       La modification du groupe à une étape préliminaire.

À propos du paragr. 1003d) C.p.c. :

-       Avoir tiré des inférences négatives sur la base d’hypothèses, de spéculations et de perceptions.

ANALYSE

[64]        La Loi sur la protection des consommateurs, précitée, est d’ordre public[12] et le consommateur ne peut renoncer à un droit que lui confère cette loi. On peut généralement qualifier cette loi d’ordre public de protection[13].

[65]        Par ailleurs, au stade de l’autorisation, le juge doit adopter une approche souple pour la vérification des conditions de l’article 1003 C.p.c. Les faits sont alors tenus pour avérés. Les autres éléments de preuve versés aux dossiers, dont les pièces, déclarations assermentées et interrogatoires, doivent aussi être pris en compte à ce stade[14]. En outre, les exigences de l’article 1003 C.p.c. sont cumulatives. Le fardeau de satisfaire toutes et chacune de ces conditions revient à celui ou celle qui recherche l’autorisation.

[66]        Il est généralement préférable que le juge d’autorisation se prononce sur chacune des conditions, et ce, même s’il suffit que l’une d’entre elles ne soit pas remplie pour rejeter la requête. Comme le jugement qui rejette la requête en autorisation est sujet à appel de plein droit (art. 1010 C.p.c.) et que l’appel incident n’est pas nécessairement requis pour discuter des conditions satisfaites de l’avis du juge de première instance, la Cour gagne à connaître la décision du juge autorisateur sur chacune des exigences de l’article 1003 C.p.c.[15]

[67]        Tout récemment, la Cour suprême a cerné, une fois de plus, dans Infineon Technologies AG[16], les exigences et critères de l’article 1003 C.p.c. Les motifs conjoints des juges LeBel et Wagner dégagent, à partir des arrêts de principe maintes fois cités, les règles d’interprétation déjà établies et les actualisent en quelque sorte. Il importe de référer à quelques extraits de cet arrêt : 

[59]      À l’étape de l’autorisation, le tribunal exerce un rôle de filtrage.  Il doit simplement s’assurer que le requérant a satisfait aux critères de l’art. 1003 C.p.c., sans oublier le seuil de preuve peu élevé prescrit par cette disposition.  La décision du tribunal saisi de la requête en autorisation est de nature procédurale puisqu’il doit décider si le recours collectif peut être autorisé à aller de l’avant.

[60]        Comme elle l’a souligné dans Marcotte c. Longueuil (Ville), 2009 CSC 43, [2009] 3 R.C.S. 65, par. 22, notre Cour ainsi que la Cour d’appel du Québec ont toujours favorisé une interprétation et une application larges des conditions d’autorisation du recours collectif.  Ainsi que l’a indiqué notre Cour dans cet arrêt, la jurisprudence a clairement voulu faciliter l’exercice des recours collectifs comme moyen d’atteindre le double objectif de la dissuasion et de l’indemnisation des victimes [références omises].  La Cour d’appel l’a habilement résumé dans l’arrêt Nadon c. Ville d’Anjou, [1994] R.J.Q. 1823, p. 1827-1828 :

[. . .] la jurisprudence a généralement établi que les conditions de l’article 1003 doivent être interprétées de façon non restrictive et qu’elles laissent peu de discrétion au tribunal lorsqu’elles sont remplies, sans pour autant que le tribunal ait à se prononcer sur le bien-fondé en droit des conclusions en regard des faits allégués.

[61]        À la présente étape, le tribunal, dans sa fonction de filtrage, écarte simplement les demandes frivoles et autorise celles qui satisfont aux exigences relatives au seuil de preuve et au seuil légal prévus à l’art. 1003.  Le but de cet examen n’est pas d’imposer un lourd fardeau au requérant, mais simplement de s’assurer que des parties ne soient pas inutilement assujetties à des litiges dans lesquels elles doivent se défendre contre des demandes insoutenables.  La Cour d’appel a décrit l’exigence relative au seuil comme suit : « le fardeau en est un de démonstration et non de preuve » ou, en anglais, [traduction]  « the burden is one of demonstration and not of proof » [références omises].

[…]

[65]        Comme nous pouvons le constater, la terminologie peut varier d’une décision à l’autre.  Mais certains principes bien établis d’interprétation et d’application de l’art. 1003 C.p.c. se dégagent de la jurisprudence de notre Cour et de la Cour d’appel.  D’abord, comme nous l’avons déjà dit, la procédure d’autorisation ne constitue pas un procès sur le fond, mais plutôt un mécanisme de filtrage.  Le requérant n’est pas tenu de démontrer que sa demande sera probablement accueillie.  De plus, son obligation de démontrer une « apparence sérieuse de droit », « a good colour of right » ou « a prima facie case » signifie que même si la demande peut, en fait, être ultimement rejetée, le recours devrait être autorisé à suivre son cours si le requérant présente une cause défendable eu égard aux faits et au droit applicable.

[66]        Un examen de l’intention du législateur confirme également l’existence de ce seuil peu élevé.  Des modifications successives au C.p.c. témoignent clairement de l’intention de la législature du Québec de faciliter l’exercice des recours collectifs.  Par exemple, l’art. 1002 C.p.c. exigeait auparavant que le requérant dépose une preuve par affidavit à l’appui de la requête en autorisation, ce qui le soumettait ainsi, comme affiant, à un interrogatoire à l’étape de l’autorisation aux termes de l’art. 93.  L’abolition de l’exigence de l’affidavit et les restrictions sévères apportées aux interrogatoires à l’étape de l’autorisation dans la dernière réforme de ces dispositions relatives au recours collectif (L.Q. 2002, ch. 7, art. 150) envoient le message clair qu’il serait déraisonnable d’exiger d’un requérant qu’il établisse plus qu’une cause défendable.

[67]        À l’étape de l’autorisation, les faits allégués dans la requête du requérant sont tenus pour avérés.  Le fardeau imposé au requérant à la présente étape consiste à établir une cause défendable, quoique les allégations de fait ne puissent être « vague[s], générale[s] [ou] imprécise[s] » [référence omise].

[68]        Tout examen du fond du litige devrait être laissé à bon droit au juge du procès où la procédure appropriée pourra être suivie pour présenter la preuve et l’apprécier selon la norme de la prépondérance des probabilités.

[Je souligne.]

[68]        Le législateur a, il est vrai, assujetti le recours collectif à un mécanisme de filtrage. Si la Cour suprême n’a pas abaissé les seuils légal ou de preuve pour satisfaire aux exigences de cette disposition, elle ne les a pas non plus relevés. Que ces seuils soient peu élevés, ils doivent néanmoins être franchis.

[69]        Le juge autorisateur doit adopter, il est vrai, une démarche analytique souple, mais encore faut-il que les allégations de la requête ne participent pas uniquement de généralités. En effet, plus l’allégation est générale, moins les faits ressortent, et plus on court le risque de se rapprocher davantage de l’opinion. Bref, les allégations de fait doivent être suffisamment précises de manière à soutenir efficacement la reconnaissance du droit revendiqué et ainsi permettre au juge autorisateur d’en apprécier la suffisance[17].

[70]        Au stade de l’autorisation, l’examen ne consiste pas à procéder à l’appréciation détaillée du bien-fondé du recours collectif, mais à vérifier si la requête et les éléments de preuve qui parfois complètent le dossier font état d’une cause défendable, voire soutenable ou justifiable, pour emprunter à des synonymes. La fonction de tamisage consiste à « réserver le même sort aux recours qui, sans être frivoles, sont manifestement mal fondés »[18], soit le refus d’autorisation du recours.

[71]        Cet exercice est, par nature, discrétionnaire. Il s’ensuit que la discrétion dont dispose le juge autorisateur dans l'appréciation des conditions prévues à l’article 1003 C.p.c. a pour corollaire une norme d'intervention en appel exigeante, comme le soulignent les juges LeBel et Wagner dans l’arrêt Vivendi Canada :

[34] Consciente de l’importance du pouvoir discrétionnaire reconnu au juge d’autorisation à l’égard des critères prévus à l’art. 1003 C.p.c., la Cour d’appel du Québec a affirmé à maintes reprises qu’elle ne détient qu’un pouvoir limité d’intervention en la matière et qu’elle doit faire preuve de déférence envers la décision du juge d’autorisation. Ainsi, elle n’interviendra en appel d’une décision sur une requête en autorisation d’exercer un recours collectif que si le juge d’autorisation a commis une erreur de droit ou si son appréciation des critères énoncés à l’art. 1003 C.p.c. est manifestement non fondée [références omises].[19]

[72]        Cela dit, examinons maintenant les moyens d’appel eu égard aux exigences de l’article 1003 C.p.c.

[73]        Comme il n’est pas contesté que la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des articles 59 ou 67 C.p.c., il n’y a pas lieu d’y revenir. L’exigence du paragr. 1003c) C.p.c. est, de toute manière, satisfaite, en l’espèce. Qu’en est-il des autres conditions?

Les questions communes (paragr. 1003a) C.p.c.)

[74]        Le critère du paragr. 1003a) C.p.c. est peu difficile à satisfaire, comme le rappelle la Cour suprême dans Infineon, précité :

[72]        Cette thèse comporte des lacunes.  Il n’est pas nécessaire, en effet, que les demandes individuelles des membres du groupe proposé soient fondamentalement identiques les unes aux autres.  Le seuil nécessaire pour établir l’existence des questions communes à l’étape de l’autorisation est peu élevé.  Comme l’a souligné la Cour d’appel dans l’arrêt Collectif de défense des droits de la Montérégie (CDDM) c. Centre hospitalier régional du Suroît du Centre de santé et de services sociaux du Suroît, 2011 QCCA 826 (CanLII), par. 22, même la présence d’une seule question de droit identique, similaire ou connexe serait suffisante pour satisfaire à l’exigence de la question commune prévue à l’al. 1003a), pourvu que son importance soit susceptible d’influencer le sort du recours collectif.

[73]      Il n’est pas nécessaire non plus que chaque membre du groupe adopte un point de vue identique ni même similaire relativement au défendeur ou au préjudice subi.  Pareille exigence serait incompatible avec le souci de l’économie des ressources judiciaires auquel les recours collectifs répondent en permettant d’éviter les instances dédoublées ou parallèles [référence omise]. […][20]

[75]        Dans Vivendi Canada, la Cour suprême, sous la plume des juges LeBel et Wagner, réitère le caractère peu exigeant du critère du paragr. 1003a) C.p.c. :

[58] Un thème se dégage de la jurisprudence québécoise : les exigences du C.p.c. en matière de recours collectif sont souples. En conséquence, même si les circonstances varient d’un membre du groupe à l’autre, le recours collectif pourra être autorisé si certaines questions sont communes  [références omises]. Pour satisfaire au critère de la communauté de questions de l’al. 1003a) C.p.c., le requérant doit démontrer qu’un aspect du litige se prête à une décision collective et qu’une fois cet aspect décidé, les parties auront réglé une part non négligeable du litige  [références omises]. Ainsi, la seule présence d’une question de droit ou de fait identique, connexe ou similaire suffit pour satisfaire au critère énoncé à l’al. 1003a) C.p.c. sauf si cette question ne joue qu’un rôle négligeable quant au sort du recours. Il n’est pas requis que la question permette une résolution complète du litige [référence omise].

[59] Bref, il est permis de conclure que les questions communes n’appellent pas nécessairement des réponses communes. Au stade de l’autorisation, la procédure civile québécoise retient une conception souple du critère de la communauté de questions. En conséquence, le critère de l’al. 1003a) peut être respecté même si des réponses nuancées doivent être apportées, pour les divers membres du groupe, aux questions communes soulevées par le recours collectif.[21]

[76]        En l’espèce, les deux juges de première instance estiment que la définition du groupe n’est pas suffisamment circonscrite. Leur redéfinition correspond davantage à ce que révèlent les dossiers. Ainsi, le groupe ne viserait que la période avant le 30 juin 2010, soit avant la mise en œuvre de l’article 228.1 L.p.c. À cet égard, ils ont raison d’exclure la période subséquente. Les éléments référant à la période subséquente sont excessivement ténus et non significatifs.

[77]        La juge Bélanger délimite en ces termes le groupe : les personnes qui ont acheté, avant le 30 juin 2010, la garantie supplémentaire offerte sur la base des représentations et de la forte recommandation du vendeur, pour lesquelles le vendeur n’a pas mentionné l’existence de la garantie légale et qui ne l’auraient pas achetée si elles avaient su que la garantie légale existait[22]. Le juge Prévost aurait également inclus les personnes à qui une garantie supplémentaire a été offerte[23].

[78]        À mon avis, si la requête des appelants devait être autorisée, le groupe devrait être mieux circonscrit pour n’inclure que les personnes ayant acheté, avant le 30 juin 2010, une garantie supplémentaire en se fondant sur les représentations de l’une des intimées, à savoir que s'il n'achetait pas cette garantie supplémentaire et qu'un bris survenait après l'expiration de la garantie d'un an du manufacturier, il devrait assumer le coût des réparations ou du remplacement. Avec égards, les personnes « s’étant vu proposer » une garantie supplémentaire, mais ne l’ayant pas achetée n’ont subi aucun préjudice et devraient, en conséquence, être exclues du groupe.

[79]        Par ailleurs, la juge Bélanger est d’avis qu’il y aurait nécessité de créer des sous-groupes « pour tenir compte des différentes garanties offertes par les différents manufacturiers concernant les différents produits »[24]. Il faudrait, de surcroît, exclure « les consommateurs qui ont bénéficié de la garantie supplémentaire et ceux qui veulent maintenir cette garantie »[25]. Enfin, elle considère que le recours basé sur l’inutilité de l’achat du plan de protection ne satisfait pas au critère énoncé au paragr. 1003a) C.p.c., ajoutant toutefois que si autorisé, ce recours devrait être mieux circonscrit.

[80]        L’exercice n’est pas nécessairement simple, mais pas au point de ne pas satisfaire à l’exigence du paragr. 1003a) C.p.c., encore que la question de former des sous-groupes peut être examinée plus amplement au fond, si le recours devait être autorisé.

[81]        Il fait peu de doute, en l’espèce, que les recours des membres soulèvent une ou des questions communes. Les recours envisagés sont centrés sur l’offre ou la vente d’une garantie supplémentaire à l’occasion de la vente d’un bien par l’une ou l’autre des commerçantes intimées. La toile de fond est fort semblable, voire quasi identique, surtout si on réduit le groupe, comme les juges de première instance le suggèrent avec beaucoup de pertinence.

[82]        Les requêtes satisfont à l’exigence du paragr. 1003a) C.p.c.

La suffisance des faits allégués (paragr. 1003b) C.p.c.)

[83]        À cette étape, je rappelle que les allégations de la requête doivent être tenues pour avérées[26], mais le juge doit aussi « prendre en considération les pièces produites au dossier et tenir compte des interrogatoires versés au dossier »[27].

[84]        En l’espèce, les juges arrivent à la conclusion que les faits allégués aux requêtes ainsi que les autres éléments de preuve aux dossiers ne paraissent pas justifier les conclusions recherchées. À mon avis, ils ont raison quant aux deux premières propositions, mais non quant à la troisième, qui constitue une cause d’action distincte des deux premières. Voici pourquoi.

[85]        Les appelants relèvent quatre erreurs de droit que les juges auraient commises en appréciant la suffisance de leurs allégations. Reprenons un à un leurs propositions. Rappelons, par commodité, que les deux premières propositions concernent les neuf recours collectifs, alors que la troisième est invoquée dans les sept dossiers de Montréal et dans celui d’Ameublements Tanguay. Les deux premières sont si intimement liées qu’il vaut mieux les aborder ensemble.

[86]        Première proposition : Les intimées ont passé sous silence l’existence de la garantie légale. Deuxième proposition : L’inutilité des garanties supplémentaires.

[87]        Les appelants soutiennent qu’il ne s’agit pas d’invoquer la rétroactivité de l’article 228.1 L.p.c. en vigueur depuis le 30 juin 2010, mais de demander l’application des mesures existantes avant cette modification législative. Le commerçant avait déjà l'obligation, en vertu des articles 261 et 262 L.p.c., de renseigner correctement le consommateur de l’existence de la garantie légale. Si les commerçantes intimées avaient rempli leur obligation, les consommateurs n’auraient pas acheté de garanties supplémentaires, puisque les garanties supplémentaires proposées ne couvrent que les bris déjà couverts par l’article 37 L.p.c., et ce, pour une durée inférieure à celle établie en vertu de l’article 38 L.p.c. De façon plus imagée, ils plaident que les commerçantes intimées ne vendaient, ni plus ni moins, que la garantie légale.

[88]        Pour eux, le simple fait de ne pas avoir mentionné l'existence de la garantie légale, lorsque les intimées proposaient au consommateur l'achat d'une garantie supplémentaire, contreviendrait à l'article 228 L.p.c. et permettrait au consommateur de se prévaloir de la présomption de dol que crée l'article 253 L.p.c.

[89]        L’argumentation des appelants emporte nécessairement l’interprétation du régime légal établi en vertu de la L.p.c. et cela, non dans l’abstrait, mais dans le contexte particulier de la vente de garanties supplémentaires.

[90]        Dans Trudel c. Banque Toronto-Dominion, la Cour conclut qu’au stade de l’autorisation, le juge saisi d'une pure question d'interprétation doit la trancher[28].

[91]        En l'espèce, la première proposition alléguée par les appelants soulève une question d'interprétation (l’obligation de renseignement). Cette question devait être tranchée au stade de l'autorisation, comme l'ont d’ailleurs fait les juges de première instance. Il s'agit de déterminer s’ils ont commis une erreur révisable. Je suis d’avis qu’il n’en est rien.

[92]        Les appelants ont concédé, dès le début de l’audience en appel, que les garanties supplémentaires offertes n’étaient pas illégales. Ils ne remettent en cause que les pratiques des intimées.

[93]        Le législateur n’a jamais interdit la vente de garantie supplémentaire. Si elle n’avait aucune utilité ni n’apportait rien de plus que la garantie légale, le législateur en aurait sans doute prohibé la vente. Il s’en est toujours gardé. Il a même indiqué, à l’article 35 L.p.c., qu’«[u]ne garantie prévue par la présente loi n'a pas pour effet d'empêcher le commerçant ou le fabricant d'offrir une garantie plus avantageuse pour le consommateur ».

[94]        De plus, la L.p.c. règlementait, jusqu’à l’entrée en vigueur de la Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur et d’autres dispositions législatives[29], le 30 juin 2010, les contrats de garantie supplémentaire, mais uniquement pour la vente d’automobiles ou de motocyclettes. À compter de cette date, l’offre et la vente de garantie supplémentaire lors de l’achat d’un bien de consommation sont dorénavant assujetties au cadre réglementaire édicté. Cette loi n’est toutefois pas rétroactive, ce que notent les juges de première instance. Le législateur réalise son objectif en insérant, après le paragr. 1(e), le paragr. 1(e.1), soit la définition de « contrat de garantie supplémentaire »[30], auparavant contenue à l’article 260.6 L.p.c.[31], et en édictant l’article 228.1 L.p.c. Enfin, le gouvernement décrète, au même moment, le règlement d’application de cette nouvelle disposition.

[95]        Avant l’entrée en vigueur de l’article 228.1 L.p.c., la loi n’imposait au commerçant aucune obligation, ni explicite ni implicite, d’expliquer l'existence et le contenu de la garantie légale énoncée aux articles 37 et 38 L.p.c. avant de proposer à leurs clients l'achat d'une garantie supplémentaire. L’exercice aurait été périlleux si les vendeurs ou représentants des appelants s’étaient aventurés à expliquer, à leur manière, les caractéristiques et la portée de la garantie légale. Le risque de mal renseigner le consommateur sur les distinctions à faire entre les caractéristiques de l’une par rapport à l’autre aurait été élevé et la marge d’erreur, particulièrement grande. Il s’agit d’observer les mesures et modalités mises en place dans les règles adoptées pour la mise en œuvre de l’obligation de renseigner en vertu de l’article 228.1 L.p.c. pour s’en convaincre[32].

[96]        De plus, plusieurs documents émanant de l’Office de la protection du consommateur, dont un communiqué de presse du 4 octobre 2010, attestent qu’en matière de garantie supplémentaire, les règles ont changé :

Garantie supplémentaire : les règles ont changé

Québec, le 4 octobre 2010 - L'Office de la protection du consommateur rappelle que les consommateurs québécois bénéficient de nouvelles protections lorsqu'un commerçant leur offre d'acheter une garantie supplémentaire, parfois appelée garantie prolongée.

En effet, depuis le 30 juin dernier, un commerçant qui veut vendre une garantie supplémentaire à un consommateur doit d'abord l'informer sur certaines garanties « gratuites » prévues par la Loi sur la protection du consommateur et par le fabricant.

[97]        Il ne s’agit pas ici d’ignorer ou de nier l’obligation de renseignement qu’impose au commerçant l’article 228 L.p.c., lequel interdit à celui-ci de passer sous silence un « fait important ». Les appelants allèguent que l’omission consiste à ne pas avoir porté à leur connaissance, au moment de la vente d’une garantie supplémentaire, l’existence de la garantie légale des articles 37 et 38 L.p.c., lesquels, comme la Cour en a déjà décidé dans l’arrêt Martin c. Pierre St-Cyr Auto caravanes ltée, « constituent des applications particulières de la notion de vice caché, concept que l’on retrouve d’ailleurs à titre de fondement de l’article 53 de la L.P.C. »[33]. L’intervenant semble persuadé de l’existence d’une jurisprudence contradictoire relativement à la nature de la garantie légale prescrite aux articles 37 et 38 L.p.c. Il n’en est rien. Qu’il y ait déjà eu une controverse à propos de la nature de la garantie légale des articles 37 et 38 L.p.c., celle-ci remonte à fort longtemps. La qualification de ces dispositions est aujourd’hui celle que préconisait l’auteur Claude Masse[34]. Encore récemment, la Cour a réitéré, dans l’arrêt Martin c. Pierre St-Cyr Auto caravanes ltée, précité, l’interprétation qui s’est imposée au fil des années.

[98]        L’article 228.1 L.p.c. est de droit nouveau. Il crée une nouvelle pratique obligatoire pour les commerçants, sans effet rétroactif. Cette disposition et le règlement d'application correspondant contiennent plusieurs obligations de divulgation spécifiques pour les commerçants, de sorte qu’avant l'entrée en vigueur de l’article 228.1 L.p.c., ces derniers n’étaient pas soumis à l'obligation d'informer les consommateurs de l'existence et du contenu de la garantie légale.

[99]        Les juges de première instance concluent que les appelants n’ont pas de cause défendable lorsqu’ils allèguent que les commerçantes intimées ont passé sous silence l’existence de la garantie légale. En effet, ils n’y étaient pas tenus avant le 30 juin 2010. On ne saurait donc soutenir raisonnablement que les appelants ont commis une faute en n’informant pas leurs clients de l’existence de la garantie légale. L’appel à cet égard doit échouer.

[100]     Quant aux allégations de la requête pour des fautes qu’auraient commises les intimées après le 30 juin 2010, les éléments aux dossiers sont extrêmement ténus, lorsque présents, comme les juges l’ont, à juste titre, fait remarquer. En outre, le juge Prévost a raison d’observer que si les requêtes devaient être accueillies, le groupe devrait nécessairement être réduit aux membres ayant fait affaires avec les intimées avant le 30 juin 2010. Sa collègue dans les dossiers de Québec conclut dans le même sens lorsqu’elle mentionne que si autorisé, « ce recours devrait être mieux circonscrit »[35].

[101]     La première proposition ne satisfait donc pas au critère du paragr. 1003b) C.p.c. Passons à l’analyse de la seconde, tout en gardant à l’esprit que l’analyse de l’une est étroitement liée à l’autre. Les deux allégations tiennent pour l’essentiel d’une même cause d’action.

[102]     Les appelants soutiennent que les juges ont commis une erreur en droit en analysant les faits à la lumière du critère de l’inutilité des garanties supplémentaires. De leur point de vue, une garantie supplémentaire doit être plus avantageuse que les garanties de bon fonctionnement et de durabilité énoncées aux articles 37 et 38 L.p.c., ce qui n’est pas le cas. Comme leur durée est plus courte que la durée moyenne d'usage des biens qu'elles couvrent, elle est nécessairement moins avantageuse. Les garanties supplémentaires offertes sont non seulement inutiles, mais elles constituent des représentations trompeuses.

[103]     En outre, ils reprochent aux juges de première instance d'avoir assimilé la garantie légale à une simple garantie contre les vices cachés, alors qu'elle comporterait également une garantie de durabilité. Enfin, les appelants estiment que les juges de première instance se sont livrés à un examen prématuré et incomplet de la preuve qui leur a été présentée, en omettant de tenir compte des clauses d'exclusion prévues à chaque contrat de garantie supplémentaire. D'après eux, ces exclusions sont si nombreuses qu'elles permettent de conclure, prima facie, que les garanties supplémentaires offertes par les intimées ne sont pas plus avantageuses que la garantie légale.

[104]     L’intervenant partage pour l’essentiel le point de vue des appelants. Il insiste sur le fait que la garantie légale d'usage et de durabilité énoncée aux articles 37 et 38 L.p.c. se distingue de la garantie légale contre les vices cachés. Ces dispositions garantissent au consommateur un résultat précis, alors que la garantie contre les vices cachés s'intéresse à la cause de la défectuosité. L'intervenant est d'avis que les juges de première instance ont erré en affirmant que la garantie légale des articles 37 et 38 L.p.c. exige la preuve d'un vice caché. D'après l'intervenant, un tel raisonnement vide l’article 54 L.p.c. de son sens.

[105]     Qu’en est-il?

[106]     Pour les appelants, comme les garanties supplémentaires offertes sont de plus courte durée que l’espérance de vie moyenne des biens couverts, elles sont nécessairement moins avantageuses que la garantie légale. Or, ce qui importe davantage, ce n’est pas tant la durée de la garantie supplémentaire offerte que sa portée. En appel, les appelants corrigent quelque peu le tir. Ils n’insistent plus uniquement sur la courte durée des garanties supplémentaires, mais mettent l’accent sur l’étendue de leurs exclusions.

[107]     Les juges de première instance ont examiné la couverture offerte par chacun des neuf plans de protection (garanties supplémentaires) et ont conclu qu’à leur face même, ces garanties présentent des avantages par rapport à la garantie légale. Cette conclusion de fait repose sur des éléments aux dossiers et requiert déférence.

[108]     Ils ont constaté que ces garanties supplémentaires possèdent une valeur intrinsèque, ne serait-ce qu’en ce qui a trait à leur mise en œuvre et à l'assouplissement du fardeau de preuve du consommateur et à la précision de leur durée.

[109]     La garantie supplémentaire ou prolongée procure au consommateur une plus grande paix d’esprit. Point n’est besoin d’invoquer la loi et ses présomptions. En cas de bris ou de défectuosité, le consommateur s’en remet tout simplement aux modalités de la garantie supplémentaire. Le bris ou la défectuosité n’a pas à équivaloir à vice caché. Le consommateur n’a pas à invoquer la présomption qu’il s’agit d’un vice caché survenu prématurément. D’ailleurs, si, comme le soutiennent les appelants, les garanties supplémentaires n’apportent rien de plus que ce que procure déjà la garantie légale, pourquoi le législateur a-t-il prescrit des règles et modalités encadrant la vente de garantie supplémentaire plutôt que d’en prohiber la vente, si ce n’est que la garantie légale et la garantie supplémentaire ne sont ni identiques ni équivalentes. L’absence d’obligation de démontrer la présence d'un vice caché ou de débattre s’il s’en trouve un n’est pas non plus négligeable. Toutes ces caractéristiques et distinctions ressortent clairement du dossier.

[110]     En outre, ces garanties supplémentaires confèrent plusieurs avantages par rapport à la garantie légale. Les juges de première instance en fournissent des illustrations. Pour chacune des garanties analysées, les juges relèvent certains avantages particuliers qui leur sont propres. À titre indicatif : un service d'entretien préventif, un service de soir et de fin de semaine, une protection contre la perte de nourriture, une protection contre les surtensions, un service à domicile, une option de remplacement après un certain nombre de pannes répétitives, la possibilité d’obtenir une indemnité équivalant à la différence entre le prix payé et celui moindre annoncé par un concurrent dans les 30 jours de la vente et le remplacement des biens sans réparation et la possibilité dans le même délai d’échanger le produit pour un autre. Et c’est sans compter que le consommateur n’a pas à débattre de l’existence d’un vice caché.

[111]     Par ailleurs, il est vrai de dire que les appelants présentent en appel leur argument sous un jour différent. Les allégations de leurs requêtes, même amendées, reposent strictement sur le caractère inutile des garanties supplémentaires. Ils n’allèguent pas, à proprement parler, qu’elles étaient moins avantageuses que la garantie légale.

[112]     La réponse à l’une et l’autre de ces propositions est, de toute manière, la même. Les garanties supplémentaires visées par les requêtes ne sont, comme les juges en ont décidé, ni inutiles ni sans avantages pour le consommateur par rapport à la garantie légale. En effet, les garanties supplémentaires proposées offraient davantage que la garantie légale, en plus de procurer bien d’autres services ou avantages.

[113]     Enfin, le simple fait de les proposer ne saurait équivaloir à représentation fausse et trompeuse au sens de l’article 219 L.p.c., comme le soutiennent les appelants. L’offre d’une garantie supplémentaire est légitime en soi. Elle n’est certes pas illégale.

[114]     Ainsi, pas plus que la première proposition, la deuxième ne trouve d’assises dans les dossiers tels que constitués.

[115]     En résumé, les juges ont conclu que les faits allégués ne paraissent pas justifier les conclusions recherchées quant aux deux premières propositions soumises par les appelants. Leur conclusion à cet égard est exempte d’erreur. Les requêtes en autorisation, tablant uniquement sur l’omission des intimées de mentionner l’existence de la garantie légale et sur le caractère inutile des garanties supplémentaires offertes ou moins avantageuses que la garantie légale, sont manifestement mal fondées. Les juges ont eu raison de ne pas accorder l’autorisation recherchée en fonction de ces causes d’action intimement liées l’une à l’autre.

[116]     Il reste donc la troisième proposition, qui tient d’une cause d’action distincte des deux premières propositions. Elle est propre aux sept dossiers de Montréal et au dossier d’Ameublements Tanguay. C’est donc dire que la requête dans le dossier de Meubles Léon ne satisfait pas, en l’absence d’allégation de fausses représentations, à l’exigence du paragr. 1003b) C.p.c.

[117]     Troisième proposition : Les fausses représentations.

[118]     L’allégation de fausses représentations est identique dans chacune des sept requêtes en autorisation de Montréal et est ainsi libellée :

6.1       Le vendeur de l'intimée a notamment représenté au requérant que s'il n'achetait pas cette garantie prolongée et qu'un bris survenait après l'expiration de la garantie d'un an du manufacturier, il devrait assumer le coût des réparations ou du remplacement;

[119]     Le dossier d’Ameublements Tanguay comporte deux allégations essentiellement de même nature, mais formulées quelque peu différemment :

14.       Pire encore, le document […] R-10 [brochure explicative de la garantie supplémentaire proposée] indique clairement que la garantie sur les biens achetés par la requérante se limite à celle du manufacturier, soit un (1) an, et que les coûts de réparation sont par la suite à la charge exclusive de l'acheteur;

24        Le document […] R-14 [brochure explicative de la garantie supplémentaire proposée] indique encore clairement que la garantie sur […] les biens achetés par la requérante se limite à celle du manufacturier, soit un (1) an, et que les coûts de réparation sont par la suite à la charge exclusive de l’acheteur;

[Mots soulignés dans la requête]

[120]     Dans le dossier d’Ameublements Tanguay, la juge ne traite pas spécifiquement de l’allégation de fausses représentations du paragr. 14 de la requête en autorisation. Dans les dossiers de Montréal, le juge motive sa décision d’écarter l’allégation du paragr. 6.1 des requêtes.

[121]     Le juge Prévost considère qu’interprétée littéralement (celle du paragr. 6.1 des requêtes), une telle représentation, dans la mesure où elle est faite, n’est pas totalement inexacte[36]. Par ailleurs, le « caractère répétitif et systématique de cette représentation » pour tous les membres, pour autant de commerçantes vendant des produits parfois différents, le rend perplexe, d’autant que la période couverte par les recours est étendue. En l’absence d’allégations qui rapportent des faits laissant croire à l’existence d’un stratagème, il juge qu’« […] [i]l faut prendre avec beaucoup de circonspection une telle allégation répétée systématiquement dans dix dossiers différents ». L’allégation du paragr. 6.1 lui paraît ainsi gratuite. Il conclut « que le syllogisme proposé par le requérant ne tient pas la route ».

[122]     Avec égards, je ne partage pas cet avis. L’absence d’un stratagème ou d’un complot n’est pas fatale ici. Le poids d’éléments complémentaires présents au dossier permet d’établir une cause défendable. À elle seule, l’allégation de fausses représentations répétée machinalement dans les sept dossiers de Montréal serait insuffisante pour établir une cause défendable au sens de l’arrêt Infineon[37]. Mais il se trouve qu’en l’espèce, cette simple affirmation trouve écho dans certains éléments de la preuve documentaire et testimoniale aux dossiers qui en quelque sorte peuvent être qualifiés, du moins à ce stade préliminaire, d’assises factuelles[38].

[123]     Il peut être utile de rappeler que les intimées ne nient pas catégoriquement le fait que leurs vendeurs aient pu avoir recours à cet argument de vente. Ils soutiennent plutôt que cette représentation n’est ni fausse ni inexacte. En outre, certaines brochures de publicité versées aux dossiers et le site internet de Brault & Martineau font mention de cet argument qui vise à informer ou mousser la vente d’une garantie supplémentaire[39]. La brochure publicitaire d’Ameublements Tanguay reprend essentiellement la formulation de l’allégation. Dans Brick, l’appelante Guindon mentionne au cours de son interrogatoire avoir fait l’objet de semblables représentations. Interrogé sur affidavit, le directeur régional de Meubles Léon, François Towner, confirme la teneur de semblables représentations, quoique la requête n’allègue toutefois pas « fausses représentations ».

[124]     Lorsqu’un vendeur des intimées représente à l’un des appelants que s'il n'achète pas une garantie supplémentaire et qu'un bris survient après l'expiration de la garantie du manufacturier, il devrait assumer le coût des réparations ou du remplacement, son argument sert en pratique à mousser la vente d’une garantie supplémentaire ou dit autrement, à pousser le consommateur à acheter cette garantie. S’agit-il pour autant de fausses représentations au sens de la L.p.c.? Pas certain, mais il est préférable, dans le contexte de l’exigence du paragr. 1003b) C.p.c., de laisser cette question au juge du fond qui aura un tableau plus complet pour en décider.

-       Conclusions sur le paragr. 1003b) C.p.c.

[125]     En l’espèce, on se trouve devant des causes d’action dissociables. Les deux premières propositions participent d’une même cause d’action « individualisée et dissociable », distincte de celle émanant de la troisième proposition. Ainsi, les conclusions de la requête en autorisation prenant appui sur les deux premières propositions peuvent être écartées[40]. Elles le seront puisqu’elles ne satisfont pas à l’exigence du paragr. 1003b) C.p.c., comme les juges de première instance en ont d’ailleurs décidé.

[126]     À l’inverse, l’allégation de fausses représentations aux paragr. 14 et 24 dans Ameublements Tanguay et celle au paragr. 6.1 dans les dossiers de Montréal satisfont au critère du paragr. 1003b) C.p.c. Comme la requête dans Meubles Léon ne repose que sur les deux premières propositions (absence d’allégation de fausses représentations), l’autorisation ne peut être accordée.

[127]     Par ailleurs, certaines intimées ont soulevé, dans des dossiers de Montréal, des moyens d’irrecevabilité, qui ont aussi fait l’objet de décisions par le juge de première instance. Il y a donc lieu d’aborder les moyens d’appel correspondants.

-       Les dossiers Corbeil Électrique et Stéréo Plus (l’absence de lien de droit).

[128]     Dans le cas de l'intimée Corbeil Électrique, le juge considère qu'à l'étape de l'autorisation, il est trop tôt pour trancher définitivement l’argument de l’absence de lien de droit entre l’appelant Filion et l’intimée Corbeil Électrique. Il fait observer que les mots « représenté par le franchisé » sur la facture pour les biens vendus à M. Filion laissent planer un doute sur la nature exacte de la relation entre le franchiseur Corbeil Électrique et son franchisé. Il considère qu’il ne peut dans ce contexte rejeter la requête en autorisation pour ce seul motif. Le juge du fond sera mieux placé, selon lui, pour décider s’il existe une relation mandant-mandataire entre Corbeil Électrique et son franchisé. Il a raison. Il est préférable, en cas de doute, de laisser au juge du fond le soin de décider de cette question.

[129]     Par contre, le juge estime que la situation de Stéréo Plus se distingue de celle de Corbeil Électrique, et, à mon avis, il a raison. L’appelant Blondin a acheté un bien du franchisé de St-Jérôme de Stéréo Plus, 3586899 Canada inc. (Marlain) ainsi qu’une garantie supplémentaire. Or, le dossier révèle que la garantie supplémentaire a été consentie par le franchisé lui-même et non par le franchiseur. Ce franchisé, contrairement à la plupart des franchisés de la même bannière, offre et vend ses propres garanties supplémentaires, dites « maison ». Le juge de première instance a donc eu raison de conclure que le recours de l'appelant Blondin est effectivement dirigé contre le mauvais défendeur, puisque la garantie supplémentaire a été consentie par la commerçante locale (la franchisée) et non par le franchiseur poursuivi. Les éléments pertinents du dossier sont sans équivoque. Il y a donc absence de lien de droit entre le requérant et Stéréo Plus. La notion de mandat apparent n’entre aucunement en jeu en l’espèce. La requête ne peut donc satisfaire à la condition du paragr. 1003b) C.p.c., ce qui emporte que l’autorisation doit être refusée.

-       Les dossiers Brick et Bureau en Gros (la prescription)

[130]     Les intimées Brick et Bureau en Gros soutiennent que les recours intentés contre elles sont prescrits. Les requêtes en autorisation auraient été signifiées plus de trois ans après l’acquisition de la garantie prolongée.

[131]     Vu sa conclusion selon laquelle l’intimée Brick n’a pas fait de fausses représentations, le juge considère qu’« il n’est pas nécessaire d’analyser cet aspect du litige ». Il tire la même conclusion dans le cas de Bureau en Gros.

[132]     Le 8 août 2007, l'appelante Guindon achète des meubles chez Brick. À la suite des représentations du vendeur, elle achète une garantie supplémentaire de cinq ans au coût de 254,99 $, plus taxes. Puis, le 12 novembre 2010, elle intente le recours.

[133]     Le 25 janvier 2006, l’appelant Normandin fait l'acquisition d’un ordinateur. À la suite des représentations du vendeur, il achète une garantie supplémentaire de deux ans au-delà de l’année de garantie du manufacturier au coût de 149,99 $. Un mois plus tard, le 25 février, l’appelant est remboursé du prix d’achat de l’ordinateur et de cette garantie au moment d’acheter un modèle différent ainsi qu’une autre garantie supplémentaire. Puis, le 16 décembre 2010, il intente le recours.

[134]     Les intimées invoquent la prescription du recours. Il s’est écoulé plus de trois ans entre l’achat de la garantie supplémentaire et le dépôt de la requête en autorisation dans Brick comme dans Bureau en Gros.

[135]     L’intimée Brick soutient que les représentations en cause ne suspendent pas la prescription, de sorte que le recours est prescrit. Seule une impossibilité d’agir peut, à son avis, suspendre la prescription, ce qui n'est aucunement allégué en l’espèce. Rien au dossier n’indique que le vendeur aurait représenté que l’appelante ne bénéficiait d’aucune protection après l’expiration de la garantie du manufacturier, d’autant que l’ignorance de la loi n’est pas en soi un motif de prescription.

[136]     L’intimée Bureau en Gros soutient que les représentations alléguées par l’appelant ne constituent pas de fausses représentations, d’autant que son vendeur était en droit de présumer que l’appelant possédait déjà des connaissances générales de base, notamment à propos de l’existence de la garantie légale. Elle souligne qu’aucun fait générateur de droits n’a été caché à l’appelant entre 2006 et 2009. Ce dernier ne peut donc prétendre qu’il était dans l’impossibilité d’agir étant donné son ignorance des dispositions pertinentes de la L.p.c. concernant la garantie légale.

[137]     Rien ne s’oppose à ce que la prescription du recours soit soulevée au stade de l’autorisation. L’argument n’est pas dénué d’intérêt en l’espèce, mais il me paraît préférable de laisser au juge du fond le soin d’en décider. Voici pourquoi.

[138]     Les éléments aux dossiers ne révèlent pas l'existence de circonstances qui auraient eu pour effet de suspendre l'écoulement du délai de prescription et de placer les appelants dans l'impossibilité d'agir en regard de sa réclamation. D’ailleurs, les appelants n’allèguent ni n’invoquent l’impossibilité d’agir. Ils soutiennent plutôt que le comportement dolosif des intimées suspend la prescription.

[139]     Cela dit, au stade de l’autorisation, le seuil de preuve est peu élevé. L’allégation de fausses représentations est tenue pour avérée, sans plus. On ne saurait pour autant tenir pour acquis que le juge du fond conclura nécessairement à fausses représentations. Il conclurait en ce sens que le débat sur la prescription ne serait pas clos pour autant. Le caractère imprescriptible du recours plaidé par les appelants est discutable en droit et, de toute façon, la qualification des représentations par le juge du fond ne sera pas sans incidence sur la question de prescription.

[140]     Ainsi, le moyen de prescription soulevé par les intimées Brick et Bureau en Gros doit être écarté au présent stade, mais ces dernières ne seront pas pour autant empêchées de le soulever à nouveau au fond.

La représentation adéquate des membres du groupe (paragr. 1003d) C.p.c.)

[141]     La capacité des appelants de représenter adéquatement les membres du groupe s’évalue de façon libérale. Le seuil pour satisfaire à cette condition n’est pas élevé. La Cour suprême l’a, encore une fois, rappelé dans Infineon, précité :

[149]     Selon l’alinéa 1003d) C.p.c., « le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant [doit être] en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres ».  Dans Le recours collectif comme voie d’accès à la justice pour les consommateurs (1996), Pierre-Claude Lafond avance que la représentation adéquate impose l’examen de trois facteurs : « l’intérêt à poursuivre [. . .], la compétence [. . .] et l’absence de conflit avec les membres du groupe [. . .] » (p. 419).  Pour déterminer s’il est satisfait à ces critères pour l’application de l’al. 1003d), la Cour devrait les interpréter de façon libérale.  Aucun représentant proposé ne devrait être exclu, à moins que ses intérêts ou sa compétence ne soient tels qu’il serait impossible que l’affaire survive équitablement.

[150]     Même lorsqu’un conflit d’intérêts peut être démontré, le tribunal devrait hésiter à prendre la mesure draconienne de refuser l’autorisation.  D’après Lafond à la p. 423, « [e]n cas de conflit, le refus de l’autorisation nous apparaît une mesure trop radicale qui porterait préjudice aux membres absents, d’autant plus que le juge siégeant au stade de la requête pour autorisation a le pouvoir d’attribuer le statut de représentant à un autre membre que le requérant lui-même ou le membre proposé ».  Puisque l’étape de l’autorisation vise uniquement à écarter les demandes frivoles, il s’ensuit que l’al. 1003d) ne peut avoir pour conséquence de refuser l’autorisation en présence d’une simple possibilité de conflit.  Ce point de vue est d’ailleurs étayé par la jurisprudence qui semble refuser l’autorisation en vertu de l’al. 1003d) pour cause de conflit d’intérêts seulement lorsque les représentants demandeurs omettent de divulguer des faits importants ou intentent le recours dans le seul but d’obtenir des gains personnels. [Références omises.][41]

[142]     Les juges expriment de sérieux doutes envers les appelants, mais sans conclure de façon formelle que l’exigence du paragr. 1003d) n’est pas satisfaite, du moins, pas expressément. Les appelants croient que cette conclusion s’infère toutefois de leurs propos.

[143]     Avec égards pour l’opinion contraire, je suis d’avis que huit des neuf appelants satisfont au critère peu exigeant du paragr. 1003d) C.p.c. Seul le requérant Roulx, dans Centre Hi-Fi, n’a pas établi sa capacité à représenter le groupe auquel il appartient. Son interrogatoire est particulièrement révélateur à cet égard.

[144]     D’abord, chacun des neuf appelants s’est vu offrir et a acheté une garantie supplémentaire au moment de l’achat d’un bien chez l’une ou l’autre des commerçantes intimées. Ils sont, sans équivoque, membres du groupe, et le seraient toujours, même si la description devait être mieux circonscrite, comme mentionnée ci-dessus.

[145]     Ils n’ont pas nécessairement recueilli tous les renseignements ou documents à partir desquels les avocats ont préparé les requêtes en autorisation, comme les juges le mentionnent. Les avocats au dossier en demande auraient été les principaux artisans des requêtes, en quelque sorte les initiateurs de celles-ci, du moins davantage que ne l’auraient été les appelants. Les avocats de ces derniers considèrent que les commentaires exprimés par les juges de première instance à ce sujet s’assimilent, jusqu’à un certain point, à un « procès d’intention ».

[146]     Les juges autorisateurs doivent s’interroger sur la capacité du requérant à représenter adéquatement le groupe (paragr. 1003d) C.p.c.). Il s’agit essentiellement d’un exercice discrétionnaire qui requiert déférence.

[147]     Cela dit, les juges peuvent déceler, à l’occasion, des indices qui laissent croire que les démarches ayant donné naissance à la requête portent fortement l’empreinte des avocats, mais cela ne discrédite pas nécessairement celui ou celle qui fait valoir une cause d’action qui apparaît suffisamment sérieuse alors que, sans lui, le groupe serait privé de l’exercice d’un droit.

[148]     Dans ce contexte, les démarches effectuées par les requérants sont souvent un indice de leur intérêt et de leur capacité à représenter adéquatement le groupe. Il faut reconnaître que l’implication des appelants dans la collecte des renseignements ayant permis la signification des requêtes paraît limitée, mais pas au point de mettre en doute leur capacité d’assumer le rôle qui leur revient, d’autant qu’ils ont démontré être vraiment membres du groupe qu’ils entendent représenter. Certains d’entre eux ont été interrogés hors cour; la plupart, sinon tous, ont assisté aux audiences en première instance. L’exigence du paragr. 1003d) C.p.c. est satisfaite en l’espèce, malgré les interrogations légitimes des juges de première instance. Un commentaire s’impose toutefois dans le cas de l’appelant Claude Roulx.

[149]     L’interrogatoire au préalable de M. Roulx est singulièrement révélateur de son peu d’intérêt. Sauf pour avoir contacté le cabinet d’avocats au dossier à la suite d’un article ou avis publié dans un journal qui faisait, semble-t-il, état des intentions de ce cabinet d’entamer des procédures en recours collectif, il n’a rien fait d’autre, du moins si on se fie uniquement à son interrogatoire au préalable. Il s’en est remis aux avocats à maints égards, comme le souligne le juge de première instance. Ainsi, il n’a pris connaissance de la requête originale que bien après sa production et reconnaît n’avoir lu la requête qu’en diagonale. Au moment de son interrogatoire, il ignore que celle-ci a fait l’objet de modifications deux semaines auparavant. Enfin, il n’a pris connaissance de la liste des membres potentiels que le matin de l’interrogatoire. Bref, s’il ne fallait que référer à son interrogatoire préalable, M. Roulx n’aurait pas satisfait au critère du paragr. 1003d) C.p.c., puisqu’il ne paraît manifester que très peu d’intérêt et ne fait montre, lors de cet interrogatoire, d’aucune compétence pour piloter le dossier. Il aurait pu s’agir d’un de ces rares cas où on peut envisager le remplacement du représentant, ou à la limite, le rejet de la requête, faute d’un représentant adéquat.

[150]     Cependant, M. Roulx a témoigné par la suite devant le juge de première instance pour expliquer sa mauvaise performance lors de l'interrogatoire préalable et établir sa capacité d'agir au nom du groupe. Le juge n’en touche pas mot, ne référant qu’à son interrogatoire hors cour. Or, il fournit à l’audience des raisons pour expliquer son témoignage confus lors de l’interrogatoire préalable et rétablit, du même coup, certains faits. Ces explications suffisent à établir qu’il est intéressé à s’investir dans les procédures et qu’il possède les qualités pour représenter adéquatement le groupe. Il n’a pas à être le représentant idéal, dans la mesure où il paraît suffisamment maîtriser les trois facteurs énumérés dans l’arrêt Infineon, précité. C’est à mon avis le cas. En effet, il possède l’intérêt à poursuivre, jouit de la compétence minimalement requise et, enfin, rien n’indique qu’il est en conflit avec les membres du groupe. L’appelant Roulx satisfait donc, lui aussi, à l’exigence du paragr. 1003d) C.p.c.

[151]     Par ailleurs, dans Ameublements Tanguay, la juge trouve préoccupant, à juste titre, que la personne qui requiert le statut de représentante soit une employée du cabinet d’avocats qui agit au dossier. Elle y perçoit la possibilité éventuelle d’un conflit d’intérêts.

[152]     La possibilité d’un conflit d’intérêts est réelle (ex. insatisfaction des membres du groupe dans le travail des avocats qui les représentent, alors que leur représentante est une préposée de ces derniers). La conséquence, si le conflit d’intérêts se concrétise, n’est pas nécessairement le remplacement de la représentante si, par ailleurs, celle-ci remplit bien son rôle. Il faut plutôt envisager la substitution des avocats, qui ont ainsi placé ou accepté de placer la requérante dans une situation précaire. Cette possible conséquence devrait réfréner les avocats qui, pour s’empresser à déposer une requête ou pour toute autre raison, même des plus valables (ex. le droit à l’avocat de son choix), placent le représentant(e) dans une situation intenable ou, à tout le moins, délicate. Le commentaire vaut davantage en matière de recours collectif que pour l’exercice d’un recours individuel dans la mesure où le représentant n’agit pas que pour lui-même, mais pour toutes les personnes qui sont membres du groupe.

[153]     Enfin, même si les appelants avaient raison de soutenir, comme ils le font, que, dans Ameublements Tanguay, les inférences ont été tirées sans qu’aucune représentation n’ait été formulée en argumentation (présence d’un conflit d’intérêts potentiel), le reproche devient sans objet dans la mesure où cette question a été ouvertement débattue en appel.

CONCLUSIONS

[154]     En résumé, je propose que sept des neuf pourvois soient accueillis et que l’autorisation d’exercer un recours collectif soit accordée en conséquence, mais uniquement en fonction de l’allégation de « fausses représentations ». Il s’agit du dossier d’Ameublements Tanguay dans le district de Québec, et des dossiers suivants dans le district de Montréal : Brick, Corbeil Électrique, Sears Canada, Brault & Martineau, Centre Hi-Fi et Bureau en Gros. Je suis d’avis que ces pourvois devraient être accueillis, avec dépens, mais frais à suivre pour les requêtes en autorisation.

[155]     Dans chacun de ces dossiers, le groupe visé par le recours collectif devrait être circonscrit en ces termes :

Les personnes ayant acheté, avant le 30 juin 2010, une garantie supplémentaire en se fondant sur les représentations de l’intimée, à savoir que si elles n'achetaient pas cette garantie supplémentaire et qu'un bris survenait après l'expiration de la garantie d'un an du manufacturier, elles devraient assumer le coût des réparations ou du remplacement.

[156]     Il s’impose d’harmoniser les conclusions de l’arrêt et des autorisations en fonction des présents motifs, tout en laissant à la Cour supérieure le soin de déterminer, après audition des parties, les termes et modalités de publication de l’avis aux membres et d’attribuer alors les frais liés aux modalités arrêtées. Enfin, le délai d'exclusion (art. 1007 C.p.c.) est porté à 75 jours.

[157]     Par ailleurs, j’estime que les deux autres pourvois devraient être rejetés, avec dépens. Il s’agit du dossier de Meubles Léon dans le district de Québec, et du dossier de Stéréo Plus dans le district de Montréal.

 

 

 

 

JACQUES DUFRESNE, J.C.A.



 

 

MOTIFS DE LA JUGE EN CHEF

 

 

[158]     J'ai pris connaissance de l’opinion de mon collègue le juge Dufresne. Celui-ci résume bien la trame factuelle. Je n'y reviens pas. Je partage son analyse quant aux critères d’autorisation pour déposer un recours collectif selon les paragraphes 1003 a), c) et d) C.p.c.

[159]     Avec égards pour l'opinion contraire, cependant, les appelants ne satisfont pas, selon moi, au critère de l’article 1003 b) C.p.c., soit la suffisance des faits allégués.

[160]     Je conviens avec les juges de première instance que pour l’essentiel, les appelants ne démontrent pas une apparence sérieuse de droit en ce qui concerne la fausse représentation à propos de la garantie supplémentaire que se seraient procurés les membres putatifs du groupe.

[161]     Certes, une approche permissive est de mise dans l’autorisation de déposer un recours collectif[42]. Mais la/le juge autorisateur doit filtrer les demandes insoutenables. Il ne saurait avaliser l’utilisation du recours collectif à mauvais escient, soit l’imposition de la coûteuse obligation de se défendre dans un litige frivole ou voué à l’échec. C’est pourquoi la Cour suprême rappelait récemment qu’en l’absence d’apparence sérieuse de droit, l’autorisation ne saurait réussir[43]. Autrement dit, les appelants doivent établir une cause défendable.

[162]     Par ailleurs, comme le souligne à juste titre mon collègue, cet exercice de filtrage est discrétionnaire.

[163]     Il en résulte à mon sens que la déférence s’impose.

[164]     En première instance, le juge Prévost conclut, dans les dossiers provenant de la division d’appel de Montréal, que le recours pour fausses représentations ne franchit pas le seuil minimal de l’apparence sérieuse de droit. La juge Bélanger traite indirectement de cette question et en vient à la même conclusion quant à l’affaire Tremblay, émanant de la division d’appel de Québec.

[165]     Résumons tout d’abord la position des appelants. Les intimées auraient fait de fausses représentations en laissant croire qu’après la garantie d’un an du manufacturier, les appelants auraient à assumer le coût des réparations des biens achetés, des meubles et des appareils électroménagers. Or comme la garantie légale prévue aux articles 37, 38 et 53 L.p.c. peut excéder un an, cette représentation serait fausse.

[166]     Le juge Prévost a pour sa part fait deux constatations. L’unique allégation visant de fausses représentations émanait d’un amendement de dernière heure et il a estimé que cette allégation présentait un caractère gratuit. Or, s’il est vrai que les faits, à l’étape de l’autorisation, doivent être tenus pour avérés, cela n’empêche pas la ou le juge autorisateur d’apprécier prima facie leur vraisemblance, selon la simple norme du bon sens, sans quoi de multiples recours manifestement mal fondés devraient être autorisés. Le juge Prévost, dans l’exercice légitime de sa discrétion, a estimé qu’un vice caché, particulièrement dans des meubles ou des appareils d’utilisation fréquente, sinon quotidienne, se manifesterait dans la première année de l’achat, donc durant la garantie du fabricant. En d’autres mots, les défauts ultérieurs découleront généralement de l’usure et des conditions d’usage du bien et, faute de garantie conventionnelle, le coût de les réparer incombera effectivement aux acheteurs. Dans cette perspective, a-t-il tranché, il n’est pas inexact de déclarer qu’après un an, l’étendue de la garantie légale est incertaine et que le défaut résultant de l’usure normale ne sera probablement pas couvert sous cette seule garantie.

[167]     Je suis d’accord avec ce raisonnement.

[168]     D’autre part, la juge Bélanger souligne avec raison qu’un bris survenant après la garantie du manufacturier peut être exclu des garanties légales[44]. Elle ajoute, aux paragraphes suivants de son jugement, ce qui suit[45] :

[2] La question porte principalement sur l'obligation pour un commerçant d'informer un consommateur de l'existence de la garantie légale avant de lui proposer l'achat d'une garantie prolongée.

[3] Un amendement législatif entré en vigueur le 30 juin 2010 oblige un commerçant à informer un consommateur de l'existence de la garantie légale, avant de lui vendre une garantie supplémentaire.

[4] La requérante soutient toutefois que cette obligation existait avant même que l'amendement législatif n'intervienne.

. . .

[23] Malgré le fait que depuis le 30 juin 2010, les gens sont informés de l’existence de la garantie légale, ils achètent quand même un plan de protection.

[38] En plaidant que l’obligation du commerçant d’informer le consommateur de l’existence d’une garantie légale existait même avant la modification législative, la requérante allègue en quelque sorte l’inutilité de l’amendement législatif. En définitive, le législateur n’aurait rien eu à réformer, mais l’aurait fait quand même.

[169]     Je ne trouve rien à redire quant à ces énoncés et j’estime qu’aucune erreur n’entache les raisonnements ni de l’un, ni de l’autre des juges saisis des requêtes pour autorisation.

[170]     En effet, dans les circonstances de l’espèce, c’est à bon droit que les juges de première instance ont constaté que la représentation reprochée correspondait prima facie à la situation dans les faits, à savoir que la garantie légale est une notion à géométrie variable qui procure une protection imprécise après un an d’usure normale d’un bien de la nature de ceux qui nous concernent.

[171]     D’autre part, une précision s’impose quant à la représentation que nous devons tenir pour avérée. Plutôt que de dire qu’aucune garantie ne s’applique après un an, l’essence de la représentation est que les coûts, passé ce délai, sont à la charge des appelants. Or les appelants devraient effectivement, en l’absence d’une garantie prolongée conventionnelle, assumer, dans un premier temps, le coût des réparations. Ce n’est que s’ils se déchargent de leur fardeau de prouver le vice caché antérieur à la vente qu’ils obtiendront, en justice, le remboursement des intimées. L’issue d’un tel recours étant pour le moins incertaine, on comprend pourquoi les intimées ont dépeint comme ils l’ont fait la situation qui prévaudrait à l’expiration de la garantie du manufacturier. Je ne saurais y voir aucune fausse représentation.

[172]     Par ailleurs, la garantie conventionnelle consentie offre indéniablement des avantages qui pallient la portée indéterminée de la garantie légale après un an d’utilisation. La garantie prolongée offre tranquillité d’esprit et va bien au-delà de la garantie légale, ainsi que l’ont constaté, au vu des faits allégués, les juges de première instance qui, du reste, n’étaient pas saisis de la question de savoir si le prix de la garantie excédentaire était justifié sur le marché. Or, ce que les appelants demandent, essentiellement, c’est d’être remboursés du prix payé pour une garantie prolongée qui leur a effectivement été accordée, en plus évidemment de réclamer des dommages punitifs auxquels je ne vois aucune justification légale.

[173]     Je partage donc l’opinion des juges de première instance : les faits allégués ne justifient pas, prima facie, les conclusions recherchées. Les appelants n’ont pas établi une cause défendable au sens de 1003 b) C.p.c.

[174]     Pour ces motifs, je serais d’avis de rejeter l’appel avec dépens.

 

 

 

 

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.

 



[1]     Deux des appels portent sur des jugements rendus par la Cour supérieure dans le district judiciaire de Québec, soit ceux des appelants Tremblay (Ameublements Tanguay) et Fortier (Meubles Léon). Les sept autres portent sur des jugements rendus par la Cour supérieure dans le district de Montréal. Il s'agit des pourvois interjetés par les appelants Toure (Brault & Martineau), Guindon (The Brick Warehouse), Filion (Corbeil Électrique), Tahmazian (Sears), Roulx (2763923 Canada inc. - Centre Hi-Fi), Normandin (Bureau en Gros) et Blondin (Stéréo Plus).

[2]     Le paragraphe 1 e.1) de la Loi sur la protection des consommateurs définit ainsi l’expression « contrat de garantie supplémentaire » : un contrat en vertu duquel un commerçant s'engage envers un consommateur à assumer directement ou indirectement, en tout ou en partie, le coût de la réparation ou du remplacement d'un bien ou d'une partie d'un bien advenant leur défectuosité ou leur mauvais fonctionnement, et ce autrement que par l'effet d'une garantie conventionnelle de base accordée gratuitement à tout consommateur qui achète ou qui fait réparer ce bien.

[3]     L’amendement a été apporté en première instance dans chacun des dossiers du district judiciaire de Montréal après la mise en délibéré des requêtes pour autorisation du district judiciaire de Québec.

[4]     L.R.Q., c. P-40.1.

[5]     Tremblay c. Ameublements Tanguay inc., 2011 QCCS 3078; Fortier c. Meubles Léon ltée, 2011 QCCS 3069.

[6]     Toure c. Brault & Martineau inc., 2012 QCCS 99; Guindon c. Brick Warehouse, l.p., 2012 QCCS 100; Filion c. Corbeil Électrique inc., 2012 QCCS 101; Tahmazian c. Sears Canada inc., 2012 QCCS 102; Roulx c. 2763923 Canada inc. (Centre Hi-Fi), 2012 QCCS 103; Normandin c. Bureau en gros (Staples Canada inc.), 2012 QCCS 104; Blondin c. Distribution Stéréo plus inc., 2012 QCCS 105.

[7]     Jugement entrepris dans Ameublements Tanguay, paragr. 14.

[8]     Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur et d’autres dispositions législatives, L.Q. 2009, c. 51, art. 13.

[9]     R.R.Q. 1981, c. P. 40.1, r.3.

[10]    Comme les deux jugements rendus à Québec le 20 juin 2011 sont, à l’instar des requêtes en autorisation, semblables, je ne référerai qu'au jugement de la Cour supérieure dans l'affaire Tremblay c. Ameublements Tanguay inc., lorsque l'extrait cité se retrouve également dans le jugement rendu le même jour dans Fortier c. Meubles Léon ltée.

[11]    Jugement dans Toure c. Brault & Martineau inc., paragr. 26. Je ne référerai qu'au jugement dans l'affaire Toure c. Brault & Martineau inc., lorsque l'extrait cité se retrouve également dans les six autres jugements entrepris en provenance de Montréal.

[12]    Nichols c. Toyota Drummondville (1982) inc., J.E. 95-668, [1995] R.J.Q. 746, 748, juge Gendreau (C.A.).

[13]    Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Les Obligations, 6e éd., par Pierre-Gabriel Jobin avec la collaboration de Nathalie Vézina, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, no 147, p. 215.

[14]    Union des consommateurs c. Bell Canada, [2012] R.J.Q. 1243, 2012 QCCA 1287, paragr. 88, juge Chamberland, requête pour autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 17 janvier 2013, 34994.

[15]    Del Guidice c. Honda Canada inc., [2007] R.J.Q. 1496, 2007 QCCA 922, juge Pelletier; Paquin c. Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, J.E, 2005-2235, [2005] R.J.Q. 2840, requête pour autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 18 mai 2006, 31278.

[16]    Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59.

[17]    Labelle c. Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux - région de Montréal, J.E. 2011-446, 2011 QCCA 334, paragr. 59 et 60, juge Gagnon.

[18]    Pierre-Claude Lafond, Le recours collectif, le rôle du juge et sa conception de la justice, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2006, p. 111 et 112.

[19]    Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1, paragr. 34.

[20]    Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, supra, note 16, paragr. 72 et 73, juges LeBel et Wagner.

[21]    Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, supra, note 19, paragr. 58 et 59.

[22]    Jugement entrepris dans Ameublements Tanguay, paragr. 93.

[23]    Jugement entrepris dans Brault & Martineau, paragr. 68.

[24]    Jugement entrepris dans Ameublements Tanguay, paragr. 104.

[25]    Ibid., paragr. 110.

[26]    Pharmascience inc. c. Option Consommateurs, [2005] R.J.Q. 1367, 2005 QCCA 437, paragr. 29, juge Gendreau, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 25 août 2005, 30922.

[27]    Union des consommateurs c. Bell Canada, supra, note 14, paragr. 88. Voir aussi Tonnelier c. Québec (Procureur général), J.E. 2012-1864, 2012 QCCA 1654, paragr. 57-58, juge Dufresne.

[28]    Trudel c. Banque Toronto-Dominion, J.E. 2007-701, 2007 QCCA 413, paragr. 2 et 3.

[29]    L.Q. 2009, c. 51.

[30]    Ibid., art. 1.

[31]    Cette disposition traitait de la conclusion de contrat de garantie supplémentaire relatif à une automobile ou à une motocyclette et faisait référence au paragr. 321(d) L.p.c., qui est toujours en vigueur.

[32]    Voir la citation des articles 91.9, 91.10 et 91.11 du Règlement d'application de la L.p.c. au paragr. 27 des présents motifs et la note 9 correspondante.

[33]    Martin c. Pierre St-Cyr Auto caravanes ltée, J.E. 2010-596, 2010 QCCA 420, paragr. 20, juge Vézina.

[34]    Clause Masse, Loi sur la protection du consommateur - Analyse et commentaires, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1999, p. 259.

[35]    Jugement entrepris dans Ameublements Tanguay, paragr. 113.

[36]    Jugement entrepris dans Brault & Martineau, paragr. 43 et 44.

[37]    Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, supra, note 16, paragr. 134.

[38]    Ibid.

[39]    Pour l'intimée Ameublements Tanguay, les pièces R-10, R-14, R-16, PA-5 et PA-6; pour l'intimée Brault & Martineau, la pièce R-11.

[40]    Banque Nationale du Canada c. Société Rodaber ltée, SOQUIJ AZ-98011662, J.E. 98-1765, juge LeBel (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 6 mai 1999, 26909. Voir aussi Oznaga c. Société d'exploitation des loteries, [1981] 2 R.C.S. 113, 128 et 129; Cheftechi c. Esposito, SOQUIJ AZ-92011179, J.E. 92-133 (C.A.) ; Henderson c. Québec (Procureur général), [2007] R.J.Q. 2174, 2007 QCCA 1138, paragr. 87 et 88.

[41]    Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, supra, note 16, paragr. 149 et 150.

[42]     Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, paragr. 60.

[43]     Ibid., paragr. 66.

[44]     Tremblay c. Ameublements Tanguay inc., 2011 QCCS 3078, paragr. 65.

[45]     Ibid., paragr. 2-4; 23; 38.

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