Doucet et Landry (Succession de) |
2007 QCCLP 5021 |
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[1] Après examen et audition et après avoir reçu l'avis des membres, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.
[2] ATTENDU que le 30 avril 2007, madame Jacqueline Doucet (la requérante) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 19 avril 2007 à la suite d’une révision administrative;
[3] ATTENDU que par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 15 janvier 2007 et déclare que la requérante n'a pas le droit de recevoir une indemnité de remplacement du revenu en vertu de l'article 58 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), puisqu'elle n'était pas la conjointe de monsieur Sylvio Landry (le travailleur) à la date du décès de ce dernier;
[4] ATTENDU que la requérante est présente et représentée à l’audience tenue le 27 août 2007 à New Richmond et que monsieur François Boudreau, président des Entreprises forestières François Boudreau inc. (l'employeur), y est également présent;
[5] ATTENDU que la requérante demande de déclarer qu'elle était la conjointe du travailleur à la date du décès de ce dernier et qu'en conséquence, elle a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue à l'article 58 de la loi;
[6] ATTENDU que le 13 janvier 1999, le travailleur subit une lésion professionnelle dans l'exercice de son emploi de camionneur pour l'employeur;
[7] ATTENDU que le 18 août 2001, cette lésion professionnelle est consolidée;
[8] ATTENDU que le 20 juin 2002, le travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale;
[9] ATTENDU qu’après consolidation de cette seconde lésion professionnelle, le travailleur est admis en réadaptation professionnelle;
[10] ATTENDU que le travailleur est déclaré capable d’exercer un emploi convenable de commis de club vidéo à compter du 26 février 2003;
[11] ATTENDU que le travailleur ne réintègre toutefois pas le marché du travail et qu'il reçoit des soins pour un cancer du foie diagnostiqué à cette époque;
[12] ATTENDU qu'à compter de l'hiver 2004, le travailleur reçoit une indemnité réduite de remplacement du revenu;
[13] ATTENDU que le 15 août 2006, le travailleur décède des suites de son cancer;
[14] ATTENDU que le 19 septembre 2006, l'exécuteur testamentaire de la succession du travailleur, monsieur Eldège Landry, communique avec l'agente d'indemnisation de la CSST responsable du dossier pour l'informer du décès du travailleur;
[15] ATTENDU que selon les notes de l'agente d'indemnisation, l'exécuteur testamentaire spécifie que le travailleur « était en union de fait » avec la requérante;
[16] ATTENDU que dans les mois suivants, la requérante demande à la CSST de lui verser l'indemnité de remplacement du revenu prévue à l’article 58 de la loi;
[17] ATTENDU que lors de l’analyse de cette demande, l’agente d'indemnisation constate que le travailleur, selon l’information contenue au dossier, résidait à Nouvelle au Québec, alors que la requérante réside à Nigadoo au Nouveau-Brunswick;
[18] ATTENDU que la CSST refuse la demande de la requérante en lui signifiant qu'elle n'a pas prouvé être la conjointe du travailleur au sens de la loi;
[19] ATTENDU que cette décision est ultérieurement confirmée à la suite d'une révision administrative, d'où le présent litige;
[20] ATTENDU que l'un des frères du travailleur, monsieur Ghislain Landry, certifie dans un document signé le 7 décembre 2006 que le travailleur « était bien le conjoint de fait ou concubin de Jacqueline Doucet de Nigadoo au Nouveau-Brunswick »;
[21] ATTENDU que la requérante témoigne à l'audience et affirme :
- qu'elle a commencé à fréquenter le travailleur au printemps 2001;
- que vers la fin de l'année 2002 ou le début de l'année 2003, ils ont commencé à vivre ensemble maritalement à Nigadoo au Nouveau-Brunswick;
- que le travailleur conservait toutefois une adresse résidentielle au Québec, notamment afin de continuer d'y recevoir les soins de santé requis par sa condition médicale;
- qu'entre-temps, le travailleur se rendait occasionnellement à Nouvelle pour de courtes périodes;
- qu'elle était publiquement représentée comme la conjointe du travailleur;
- qu'ils avaient un projet de mariage;
[22] ATTENDU que l'employeur explique à l’audience être informé que le travailleur, après avoir vendu la résidence familiale quelques années avant son décès, a loué un appartement à Nouvelle, principalement pour permettre aux membres de sa famille d'y séjourner lors de visites occasionnelles dans la région;
[23] ATTENDU que le représentant de la requérante dépose à l'audience un affidavit circonstancié du parrain du travailleur, monsieur Jean-Roch Landry, lequel affirme que la requérante était, selon lui, la conjointe du travailleur depuis 2002 et précise que lors de son décès, ils faisaient vie commune depuis plusieurs années;
[24] ATTENDU que plusieurs documents attestent que la requérante et le travailleur ont acquis des biens ensemble pendant leur vie commune;
[25] ATTENDU que l'avis de décès publié dans l'hebdomadaire de la Baie-des-Chaleurs présente la requérante comme la conjointe du travailleur;
[26] Le membre issu des associations d'employeurs et celui issu des associations syndicales sont tous deux d'avis que la requête de la requérante devrait être accueillie. Selon eux, la preuve prépondérante démontre qu'elle vivait maritalement avec le travailleur, qu'elle résidait avec lui depuis plus de trois ans et qu'elle était publiquement représentée comme sa conjointe. Conséquemment, ils estiment qu'elle avait le droit de recevoir une indemnité de remplacement du revenu pendant les trois mois qui ont suivi le décès;
[27] CONSIDÉRANT que la Commission des lésions professionnelles doit décider si la requérante a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue à l'article 58 de la loi, lequel énonce ce qui suit :
58. Malgré le paragraphe 2° de l'article 57, lorsqu'un travailleur qui reçoit une indemnité de remplacement du revenu décède d'une cause étrangère à sa lésion professionnelle, cette indemnité continue d'être versée à son conjoint pendant les trois mois qui suivent le décès.
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1985, c. 6, a. 58
[28] CONSIDÉRANT que la notion de conjoint est définie comme suit à l'article 2 de la loi :
« conjoint » : la personne qui, à la date du décès du travailleur:
1° est liée par un mariage ou une union civile au travailleur et cohabite avec lui; ou
2° vit maritalement avec le travailleur, qu'elle soit de sexe différent ou de même sexe, et:
a) réside avec lui depuis au moins trois ans ou depuis un an si un enfant est né ou à naître de leur union; et
b) est publiquement représentée comme son conjoint;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1
[29] CONSIDÉRANT qu'au moment de son décès, le travailleur n'était pas lié à une autre personne par un mariage ou une union civile;
[30] CONSIDÉRANT que la résidence d'une personne est le lieu où elle demeure de façon habituelle[2];
[31] CONSIDÉRANT que le témoignage de la travailleuse paraît crédible et qu'il est corroboré par l'employeur, par le parrain et le frère du travailleur, et par l'exécuteur testamentaire de la succession;
[32] CONSIDÉRANT que la preuve prépondérante laisse voir que même si le travailleur avait un pied-à-terre à Nouvelle, sa résidence principale était, depuis la fin de 2002 ou le début de 2003, à Nigadoo au Nouveau-Brunswick;
[33] CONSIDÉRANT que la preuve prépondérante démontre que la requérante vivait maritalement avec le travailleur lors de son décès, qu'elle résidait avec lui depuis au moins trois ans et était publiquement représentée comme sa conjointe.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de madame Jacqueline Doucet, la requérante;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 19 avril 2007 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la requérante était la conjointe de monsieur Sylvio Landry, le travailleur, à la date du décès de ce dernier;
DÉCLARE que la requérante a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue à l'article 58 de la loi.
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Raymond Arseneau |
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Commissaire |
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Me Damien St-Onge |
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ST-ONGE & ASSELS |
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Représentant de la partie requérante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.