Constantinescu c. Agence du revenu du Québec |
2012 QCCQ 5909 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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LOCALITÉ DE |
LAVAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
540-32-022102-097 |
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DATE : |
Le 16 juillet 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
JULIE MESSIER, J.C.Q. |
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CÉCILIA CONSTANTINESCU |
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Partie demanderesse |
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c. |
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L'AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Cécilia Constantinescu présente un Appel sommaire en matière fiscale de son avis de cotisation de l'année 2006. Madame Constantinescu conteste suite à la vente d'un immeuble l'imposition de revenus à titre de revenus d'entreprise qualifiant ce revenu plutôt de gain en capital. Elle conteste le choix de Revenu Québec de la maison déclarée résidence familiale. Finalement, elle conteste la décision de Revenu Québec de refuser à titre de dépense d'entreprise la somme de 6 300 $, qu'elle a versé à sa mère pour différents travaux.
QUESTIONS EN LITIGE
[2] La vente des immeubles a-t-elle donné lieu à un revenu à titre de gain en capital ou à un revenu d'entreprise?
[3] Quel est l'immeuble qui doit être considéré comme résidence principale pour l'année 2006?
[4] Madame Constantinescu a-t-elle fait la preuve qu'une somme de 6 3000 $ fut payée pour des services rendus par sa mère à son entreprise d'agent immobilier?
LES FAITS
[5] En 2006, madame Constantinescu a vendu deux immeubles. Un de ces immeubles était détenu en copropriété (50-50) avec son conjoint, Iulian Ionel Constantinescu, le […] et l'autre lui appartenant entièrement, soit le […].
[6] Dans sa déclaration madame Constantinescu a déclaré le […] comme résidence principale et a déclaré un gain en capital pour le […]. Par la suite, suivant le conseil de son comptable, elle demande que le titre de résidence principale soit inversé, car ce n'est qu'après le dépôt de sa déclaration qu'elle aurait appris de son comptable qu'elle avait le droit de désigner la rue Marc résidence principale, puisque son conjoint l'y a habité.
« Car mon conjoint a habité la rue Marc on avait le droit de désigner comme résidence principale à la place de rue Stanislas, une facilité fiscale de quelle on n'avait pas connaissance quand j'ai introduit mon déclaration d'impôt 2006 en 2007 et de quelle mon comptable m'a parlé beaucoup plus tard. » (sic)
Et, elle demande que le gain soit maintenu en gain de capital et non d'entreprise.
[7] Revenu Québec explique que pour décider si la vente donnait un gain en capital ou un revenu d'entreprise, ils ont examiné plusieurs faits. Ils ont retenu que madame Constantinescu exerce depuis 2003 la profession d'agent immobilier. Ensuite, l'agente de Revenu Québec a analysé les transactions immobilières effectuées entre 2002 et 2006. Madame Constantinescu a acheté durant cette période douze immeubles ou terrains, seule ou conjointement avec son conjoint et en a revendu dix. Huit immeubles sont des maisons unifamiliales, il y a deux condos, un terrain vacant et un immeuble commercial. Revenu Québec a considéré deux résidences à titre de résidences principales et leur vente n'a pas été imposée : 58e avenue en 2005 et […] en 2006.
[8] L'agente a ensuite recueilli les explications de madame Constantinescu et de son conjoint relativement à l'achat et la vente de tous ces immeubles. Elle rapporte avoir obtenu les explications écrites suivantes pour cinq des immeubles, aucune information n'est fournie pour les autres transactions.
§ Terrains vacants achetés pour la construction d'une résidence principale, vendus à cause des voisins harcelants.
§ 2555 Havre-des-Îles, #125, acheté comme investissement pour sa fille quand elle serait plus grande, offert à la mère de madame Constantinescu, vendu parce que pas trouvé de locataire et conflit avec la direction.
§ 2555 Havre-des-Îles, #617, acheté parce qu'était déjà loué et ayant vu sur la rivière, il semblait être une bonne affaire. Mais, le locataire a quitté, aucun autre n'ayant été trouvé pour le remplacer le couple a décidé de vendre.
§ […] achetée comme résidence principale, les parties ont découvert un vice de construction au toit et au revêtement de vinyle, le couple a décidé de vendre parce que cette maison avait été mal construite.
§ […], aussi achetée en 2005, pour être habitée, monsieur Constantinescu l'aurait d'ailleurs habité seul dû à des frictions avec la mère de madame. L'immeuble est vendu au printemps quand le couple trouve un terrain vacant pour construire.
[9] D'autres explications verbales furent apportées par les parties pour d'autres immeubles.
§ En plus du condo à Havre-des-Îles, une maison sur la 7e rue à Laval fut aussi achetée pour y loger la mère de madame Constantinescu.
§ Le 700 de la rue Luc fut achetée dans la perspective que les parents de monsieur Constantinescu en visite au Québec désirent y rester, ce qui ne fut pas le cas.
§ Le 304, boul. Léger fut acheté suite à une reprise de finance dans le but d'être loué. Aucun locataire n'ayant été trouvé la maison fut vendue.
§ Le 131 rue Cologne a été vendue parce qu'un voisin a informé monsieur et madame Constantinescu que la maison avait des problèmes de fondation.
[10] L'agente en analysant les faits en relation avec la loi et les critères jurisprudentiels a déterminé que puisque neuf des immeubles détenus par monsieur et madame Constantinescu de 2002 à 2006 ont été détenus 12 mois et moins, il est difficile de croire que l'intention de monsieur et madame Constantinescu était de les conserver à long terme à titre d'investissements locatifs ou de les utiliser à titre de résidence principale.
[11] Madame Constantinescu plaide que le Tribunal dans son analyse ne doit pas tenir compte des achats et ventes à l'extérieur de l'année d'imposition en litige. Elle plaide de plus que les dossiers de son conjoint auraient dû être analysés à différentes dates et par différents juges.
[12] Cet élément ayant déjà été tranché par le juge Jean-Pierre Archambault dans sa décision du 10 avril 2012, suite à une demande de remise qui fut refusée maintenant la réunion des dossiers, il n'y a pas lieu pour le Tribunal d'en discuter à nouveau.
[13] Au soutien de son Appel sommaire, madame Constantinescu a joint des motifs écrits sur lesquels elle témoigne à l'audition. Elle soulève les motifs supplémentaires suivants :
§ Que l'article 274 de la Loi sur les impôts lui donne la latitude de choisir la résidence qui sera considérée comme principale pour une année donnée.
§ Durant l'année 2006, les deux résidences furent habitées par des membres de la famille lui donnant ainsi la possibilité de choisir, et elle appose son choix à la résidence sur la rue Marc.
[14] En effet, madame Constantinescu, ses enfants, sa mère et son mari sont demeurés au […] suite à la vente du 58e avenue. La maison a été achetée le 8 juillet 2005. Celle de la rue Marc fut achetée le 9 décembre 2012. Monsieur et madame Constantinescu ont acheté la maison sur la rue Marc pour y emménager après qu'ils ont découvert à l'automne que la maison sur Stanislas était affectée d'anomalies au niveau de la toiture et du revêtement extérieur. Parce qu'ils auraient acheté sans garantie légale, ils auraient alors eu peur et décidé de vendre la maison rue Stanislas, ce qu'ils firent au mois de juin 2006.
[15] Leur intention était donc de vendre Stanislas pour habiter Marc. Mais, avant d'habiter Marc le conjoint de madame Constantinescu devait y apporter quelques rénovations. À la même période, une situation conflictuelle se serait développée entre la mère de madame Constantinescu et monsieur Constantinescu. Monsieur Constantinescu aurait, à ce moment, décidé d'aller habiter la maison de la rue Marc.
[16] Finalement, au printemps 2006, monsieur et madame Constantinescu ont trouvé un terrain vacant près de l'école de leur fille et ont décidé de vendre les deux résidences, d'aller en loyer pour un an, pour se faire construire une maison sur ce terrain.
[17] À l'audience, madame Constantinescu ajoute que la résidence sur Marc fut achetée pour que sa mère aille y résider ce qu'elle aurait refusé. Puis, sa mère ayant menacé monsieur Constantinescu de dire qu'il l'a battait, le couple aurait pris la décision qu'il aille vivre dans cette maison pour se protéger. Quant au salaire payé à sa mère, madame Constantinescu donne les détails suivants : ce fut pour des travaux de peinture, recevoir les clients, et travaux sur la rue Marc. Elle lui a payé ces services en argent comptant et sa mère les a déclarés.
ANALYSE ET MOTIFS
[18] En vertu de l'article 1014 de la Loi sur les impôts, L.R.Q., c I-3, une cotisation est réputée valide et tenante et il appartient au contribuable qui la conteste de démontrer qu'elle est injustifiée.
[19] Madame Constantinescu prétend que les deux immeubles vendus en 2006 ont été achetés dans le but de servir de résidences principales, et qu'une doit être considérée à cet effet, et ce, à son choix, soit celle de la rue Marc et l'autre doit être imposée sur la base de gain en capital.
[20] Ministère du Revenu prétend que l'achat d'une des maisons, soit la rue Marc constituait une affaire de nature commerciale pour madame Constantinescu qui est agent immobilier, et ce, dans but d'acheter, rénover et vendre. Quant à la maison sur Stanislas, elle doit être considérée comme la résidence principale.
[21] Pour les motifs ci-après indiqués, le tribunal conclut au bien-fondé de la prétention du défendeur et au rejet de l'appel.
[22] L'article I de la Loi sur les impôts définit le terme entreprise comme :
« Une profession, un métier, un commerce, une manufacture ou une activité de quelque genre que ce soit, y compris; un projet comportant un risque ou une affaire à caractère commercial, mais ne comprend pas une charge ni un emploi. »
[23] Il n'est pas contesté qu'un revenu et/ou gain généré par la disposition d'un actif faisant partie d'un patrimoine d'affectation soit imposable.
[24] En l'absence d'une définition statutaire du terme "gain en capital", les Tribunaux ont élaboré plusieurs critères facilitant la qualification d'une transaction à titre de gain en capital.
[25] La Cour du Québec dans l'arrêt Lavallée c. Sous-ministre du Revenu du Québec [1]rappelle ces critères déjà énumérés dans l'arrêt Ace Holdings ltd [2][
a) L'intention qui prévalait lors de leur aliénation, parce que l'intention originelle peut varier;
b) L'existence, dès l'acquisition, d'une intention alternative ou subsidiaire;
c) La possibilité de réaliser un profit d'une façon différente de celle originellement envisagée;
d) Les connaissances acquises en la matière par le contribuable et résultant de son expérience dans le domaine immobilier;
e) Le comportement ou la conduite du contribuable tant avant que postérieurement à la transaction qui donne lieu au litige;
f) Les pouvoirs corporatifs, lorsque le contribuable est une compagnie;
g) La relation qui peut exister entre les activités ordinaires de l'entreprise et la transaction effectuée.
h) La profession ou l'occupation principale du contribuable, qui n'est pas nécessairement un critère déterminant;
i) La répétition des transactions de même nature, soit par le contribuable ou par des personnes ou compagnies qui lui sont reliées."
[26] Madame Constantinescu, à sa déposition écrite, a tenté de démontrer qu'en tout temps l'intention a été d'habiter Marc une fois les rénovations faites, puisque Stanislas était affublé de vices, donc conforme au critère (a) permettant la qualification de la transaction à titre de gain en capital. Cette version a différé à l'audition lorsque Madame Constantinescu a déclaré que la maison sur Marc fut achetée pour y établir sa mère.
[27] Or, bien que Madame Constantinescu ait eu maintes occasions de prouver ce qu'elle avance, aucune preuve documentaire ne fut fournie. Par exemple, si Stanislas était affecté de défaut : des photos, rapport d'expert ou autre auraient pu aider à soutenir cette allégation. Si monsieur Constantinescu a habité la rue Marc, les voisins l'ont peut-être vu ou rencontré.
[28] Le Tribunal retient les enseignements de la Cour d'appel dans Parisi[3] qui reconnaît qu'une analyse des années passées peut-être utile pour déterminer les habitudes d'un contribuable dans ses transactions immobilières. Ainsi, selon l'analyse des transactions de 2002 à 2006 démontre une intention de spéculation.
[29] Le Tribunal ne retient aucun des motifs soulevés par madame Constantinescu pour justifier les ventes rapides et fréquentes durant toutes ces années de ces immeubles, soit la difficulté de trouver des locataires, changement de décision familiale, vice important des immeubles achetés.
[30] À nouveau, rappelons l'absence totale de preuve au soutien de ces affirmations. Pour la difficulté de location, Madame Constantinescu aurait pu déposer toutes les recherches de crédit faites ou les annonces passées. Quant au vice important, comme celui rapporté pour la maison sur Stanislas, aucune expertise, mise en demeure au vendeur, photos ne furent déposées démontrant l'existence de ces défauts. D'ailleurs, monsieur Constantinescu étant dans le domaine de la rénovation, le Tribunal trouve surprenant qu'il se retrouve si souvent à acheter des résidences affectées de vices malgré son expertise dans le domaine.
[31] Le Tribunal retient plutôt les critères d, e, h et i précités de l'arrêt Lavallée. Les faits montrent que madame Constantinescu a une connaissance dans le domaine immobilier, et ce, par son travail d'agent immobilier, et devant la version contradictoire des faits présentés quant aux motifs d'achat de la résidence sur la rue Marc le Tribunal retient que cette résidence fut achetée dans un but de spéculation. Le Tribunal conclut que cette transaction immobilière effectuée par madame Constantinescu pour les années d'imposition en cause s'apparente à une affaire de nature commerciale, et doit être imposée comme revenu d'entreprise.
Rue Marc résidence principale
[32] L'article 274 de la Loi sur l'impôt précise qu'une seule résidence par année peut être définie comme résidence principale et qu'il s'agit de la résidence qui est normalement habitée, soit par le particulier, son conjoint ou un enfant.
[33] Aux présentes, alors qu'il appartenait à madame Constantinescu d'établir de façon prima facie que son conjoint a « normalement habité » la maison sur la rue Marc, aucune preuve n'a été déposée soutenant que le conjoint de madame Constantinescu a même habité ladite résidence. Les faits démontrent plutôt que cette résidence fut achetée dans le principal but d'en tirer un revenu.
[34] Dans Côté c. Ministère du Revenu du Québec[4], le juge Millar a souligné que le juge qui entend les arguments des parties doit prendre en considération des éléments factuels tels :
§ État civil du contribuable;
§ La fonction de travail;
§ Les déplacements de séjours;
§ Le lieu physique de la résidence;
§ L'endroit où se situent les comptes bancaires;
§ Le permis de conduire;
§ Le lieu de résidence désigné par le contribuable dans les formulaires et documents.
[35] La preuve a démontré qu'à la vente de la résidence sur la 58e avenue, la famille a déménagé sur la rue Stanislas. Aucune preuve n'a été déposée pour montrer que monsieur Constantinescu possédait des biens sur la rue Marc ou qu'il avait indiqué cette adresse comme sa résidence à quelques entités légales que ce soit.
[36] La preuve est nettement prépondérante à l'effet que la résidence sur la rue Stanislas fut celle normalement habitée. La qualité du témoignage de l'appelante à l'audition et la preuve entendue ne permettent pas non plus de conclure autrement.
[37] Finalement, quant à la somme de 6 300 $ que madame Constantinescu allègue avoir dépensé à titre de dépenses d'entreprise, aucune preuve prépondérante n'a été faite par Madame Constantinescu pouvant soutenir cette allégation.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE l'appel sommaire;
MAINTIENT l'Avis de cotisation de 2006.
Le tout sans frais.
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__________________________________ JULIE MESSIER, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
Le 23 avril 2012 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.