Centre petite enfance la Salopette et Binet |
2011 QCCLP 1080 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Montréal |
15 février 2011 |
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Région : |
Chaudière-Appalaches |
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Dossier CSST : |
135090298 |
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Commissaire : |
Linda Daoust, juge administratif |
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Membres : |
Claude Jacques, associations d’employeurs |
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Claude Allard, associations syndicales |
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424882 |
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Centre Petite Enfance la Salopette |
Michèle Binet |
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Partie requérante |
Partie requérante |
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et |
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Michèle Binet |
Centre Petite Enfance la Salopette |
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Partie intéressée |
Partie intéressée |
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et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
Partie intervenante |
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Dossier 419009
[1] Le 7 septembre 2010, Centre de la petite enfance La salopette (Centre La salopette) (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 27 juillet 2010, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celles qu’elle a initialement rendues les 21 mai 2010 et 11 juin 2010 et déclare que madame Michèle Binet (la travailleuse) conserve une atteinte permanente à son intégrité physique ainsi que des limitations fonctionnelles et que la CSST est justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu. Elle déclare également que la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique de 3,30 %.
Dossier 424882
[3] Le 18 novembre 2010, madame Michèle Binet (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la CSST rendue le 10 novembre 2010, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 22 juin 2010 et déclare que l’emploi d’éducatrice en garderie avec tâches modifiées constitue un emploi convenable pour la travailleuse et que cette dernière est capable d’exercer cet emploi convenable à compter du 22 juin 2010. Elle déclare aussi que l’indemnité de remplacement du revenu se termine à cette date.
Dossier 425916
[5] Le 2 décembre 2010, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 10 novembre 2010, à la suite d’une révision administrative.
[6] Par cette décision, la Révision administrative confirme une décision initiale rendue par la CSST le 22 juin 2010. Le contenu de cette décision est rapporté ci-dessus au dossier 424882.
[7] Une audience est tenue à Lévis le 20 janvier 2011 en présence de la travailleuse qui est représentée par Me Véronique Parent. L’employeur est également présent et représenté par Me Nicolas Leclerc. Le procureur de la CSST, Me Stéphane Larouche, a avisé le tribunal de son absence.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
[8] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’emploi d’éducatrice en garderie avec tâches modifiées n’est pas un emploi convenable au sens de l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Subsidiairement, elle demande de déclarer qu’elle n’est pas capable d’exercer cet emploi.
[9] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la travailleuse ne conserve pas d’atteinte permanente à son intégrité physique. Il demande également de ne pas reconnaître les limitations fonctionnelles retenues par la CSST puisqu’il est d’avis que le Bureau d’évaluation médicale ne devait pas se prononcer sur l’existence de limitations fonctionnelles car le rapport final initialement émis par le médecin traitant, indiquait que la travailleuse ne conservait pas de limitations fonctionnelles et que ceci liait la CSST. Il estime donc qu’il n’y avait aucune justification au déclenchement de la procédure d’évaluation médicale sur cet élément.
L’AVIS DES MEMBRES
[10] Les membres respectivement issus des associations syndicales et des associations d’employeurs partagent le même avis. Ils estiment que la travailleuse conserve une atteinte permanente à son intégrité physique de 3 %. Ils considèrent également qu’elle ne conserve aucune limitation fonctionnelle à la suite de sa lésion professionnelle du 5 mai 2009 en raison du fait que le médecin traitant avait indiqué l’absence de limitations fonctionnelles dans le cadre de son rapport final initial. Or, selon eux, en rédigeant son rapport amendé, le médecin traitant aurait dû expliquer les raisons pour lesquelles il a décidé de modifier son opinion. Ne l’ayant pas fait, ils sont d’avis que le tribunal doit ignorer ledit rapport.
LES FAITS
[11] À l’époque pertinente, la travailleuse occupe, depuis 20 ans, un poste d’éducatrice chez l’employeur. Elle est alors âgée de 57 ans. Son horaire est de 7 h à 15 h. Elle est responsable de dix enfants âgés de quatre ans.
[12] Le 5 mai 2009, vers 12 h 30, elle s’inflige une blessure au genou gauche dans des circonstances qu’elle décrit ainsi au formulaire de Réclamation du travailleur de la CSST signé le 14 juin 2009 :
J’ai emjambé un banc d’une table de pique-nique pour aider à 2 enfants à faire un bricolage, quand de l’autre coté une petite fille de 2 ans a perdu l’équilibre (elle était de l’autre coté de la table). J’ai voulu la rattraper et mon genou est resté coincé sous la table. [sic]
[13] Lors de son témoignage à l’audience, la travailleuse indique qu’instantanément elle a ressenti une grande douleur et elle est allée chercher de la glace afin de l’appliquer sur son genou.
[14] Elle n’a pu continuer à s’occuper des enfants et elle a aussi été incapable de superviser la sieste qui débutait à 13 h 15. Par contre, elle a poursuivi sa journée de travail en demeurant sur place.
[15] Dans les jours suivants, elle a continué à travailler, mais seulement avec l’aide d’une stagiaire puisque les malaises à son genou gauche augmentaient.
[16] A partir du 5 mai 2009, elle a dû prendre des journées de congé, tout en poursuivant un travail allégé à temps partiel. Elle a également reçu des traitements de chiropractie.
[17] Le 3 juin 2009, elle consulte la docteure Paule Laflamme qui diagnostique une entorse du genou gauche. Elle suggère des anti-inflammatoires, des traitements de chiropractie et un arrêt de travail.
[18] Une résonance magnétique du genou gauche pratiquée le 26 juillet 2009 démontrait ceci :
Signes de dégénérescence mixoide de la corne postérieure du ménisque interne sans évidence de déchirure. Modifications d’arthrose dégénérative légère du compartiment fémoro-tibiale interne. Présence d’un kyste de Baker concomittant.
[19] La docteure Laflamme revoit la travailleuse le 28 juillet 2009. Elle note de la douleur au niveau de la région latérale interne lors du valgus et un peu de douleur à la mobilisation de la rotule. Elle prolonge l’arrêt de travail jusqu’au 19 août 2009.
[20] Ce jour-là, la patiente présente une limitation de la flexion à 110 degrés. Une consultation en orthopédie est requise.
[21] Le docteur Jean Potvin, orthopédiste, examine la travailleuse le 9 septembre 2009. Il constate que le genou est sec, que les mouvements sont complets et qu’il n’y pas d’instabilité ligamentaire. Il recommande une arthroscopie diagnostique car il soupçonne une déchirure méniscale au blocage mécanique.
[22] Le docteur Yves Ferland, orthopédiste, voit la travailleuse le 11 septembre 2009. Il conclut à une gonarthrose du genou gauche sans évidence de lésion méniscale. Il recommande un traitement conservateur et un retour au travail.
[23] Le 22 septembre 2009 un formulaire d’assignation temporaire de travail permet le retour à un travail de bureau à la condition que madame Binet soit capable de se mobiliser afin d’éviter la position statique debout.
[24] Une arthroscopie du genou gauche est effectuée le 15 octobre 2009 par le docteur Potvin. Il note un début d’arthrose au niveau de la surface portante du condyle fémoral interne avec fragmentation du cartilage mais sans dénuement de l’os sous-chondral. Le ménisque est normal de même que le compartiment externe. Il procède à la régularisation du cartilage articulaire fémoral et exécute un trou de forage au niveau de la zone d’ostéochondrite.
[25] Le 10 novembre 2009, le docteur Potvin consolide la lésion professionnelle avec atteinte permanente à l’intégrité physique mais sans limitations fonctionnelles. Il s’agit d’un rapport final qu’il identifie comme tel.
[26] Le 6 janvier 2010, en descendant de sa voiture, la travailleuse perd pied en raison de la présence d’un morceau de glace. Elle glisse mais ne tombe pas complètement car elle se retient au moyen du volant. Elle ressent une douleur au genou gauche.
[27] Le 12 janvier 2010, le docteur Potvin signe un deuxième rapport final par lequel il consolide cette fois la lésion au 4 janvier 2010 avec atteinte permanente. Il réitère toutefois l’absence de limitations fonctionnelles.
[28] Le 15 janvier 2010, le docteur Eddie Thomas mentionne dans un rapport médical transmis à la CSST que la patiente s’est infligée une nouvelle torsion au genou gauche le 6 janvier 2010.
[29] Le 25 janvier 2010, le docteur Potvin revoit la travailleuse afin de rédiger un rapport d’évaluation finale. Après avoir examiné sa patiente, il conclut cette fois :
LIMITATIONS FONCTIONNELLES :
Je pense que cette patiente conservera donc des limitations fonctionnelles surtout à cause de son métier en garderie car elle doit être à genoux 60 % de son temps. Je crois qu’il serait très difficile pour elle de retourner au même emploi. Je pense qu’elle devrait être recyclée dans un emploi qui demande moins de flexion forcée au niveau du genou dû à son atteinte ostéochondrale.
[30] Il lui accorde un déficit anatomo-physiologique de 1 % pour une méniscectomie interne sans séquelles fonctionnelles.
[31] Dans le cadre de cette évaluation du 25 janvier 2010, le docteur Potvin omet de mentionner la chute sur la glace et la blessure au genou du 6 janvier 2010.
[32] Le 3 février 2010, la CSST rend une décision à l’effet qu’il n’y a pas de relation entre le diagnostic de kyste de Baker au genou gauche et l’événement du 5 mai 2009.
[33] Cette décision n’a pas été contestée.
[34] Le 3 mars 2010, à la suite de la demande de la CSST, le docteur Michel Blanchet, chirurgien orthopédiste, examine la travailleuse. On lui demande de se prononcer quant à l’atteinte permanente à l’intégrité physique et quant aux limitations fonctionnelles.
[35] Il indique que le genou gauche ne présente pas d’épanchement intra-articulaire. La mobilisation de la rotule n’est pas douloureuse. Lors de la mobilisation passive du genou, il remarque une bonne stabilité latéro-latérale [sic] et antéro-postérieure et la mise en tension des ligaments collatéraux ne met pas en évidence d’instabilité. La manœuvre de McMurray reproduit une légère douleur au niveau du compartiment interne. Lors de la mobilisation passive du genou gauche, il met en évidence un léger crépitement non douloureux. Il n’accorde aucune atteinte permanente à l’intégrité physique et il estime que la patiente ne présente pas de limitations fonctionnelles en relation avec l’événement du 5 mai 2009. Il ajoute cependant qu’elle présente un début d’arthrose au niveau du compartiment fémoro-tibial interne et qu’il s’agit d’une lésion d’ostéo-arthrite non reliée à l’événement du 5 mai 2009.
[36] Le 12 mars 2010, la docteure Laflamme rédige un rapport complémentaire dans lequel elle commente l’évaluation rédigée le 25 janvier 2010 par le docteur Potvin. Elle y mentionne qu’elle appuie les conclusions de ce dernier Elle exprime son accord avec l’existence de limitations fonctionnelles conséquentes à la lésion professionnelle du 5 mai 2009.
[37] Le 31 mars 2010, la docteure Laflamme mentionne à son rapport médical la présence d’un kyste de Baker. Elle évoque une nouvelle torsion du genou.
[38] Ce jour-là, une demande est acheminée au Bureau d’évaluation médicale afin que ce dernier se prononce sur l’atteinte permanente à l’intégrité physique et les limitations fonctionnelles
[39] Le 28 avril 2010, la docteure Laflamme mentionne à son rapport qu’il est nécessaire de faire évaluer la travailleuse en ergothérapie.
[40] Le 18 mai 2010, le docteur René Landry, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, examine la travailleuse et rend un avis.
[41] À l’examen objectif, il observe que la travailleuse ne peut s’accroupir qu’au quart en raison de l’augmentation de la douleur diffuse au niveau du genou gauche et surtout à la région antéro-interne.
[42] Compte tenu du diagnostic retenu d’entorse au genou gauche avec lésion ostéo-chrondrale du condyle fémoral interne, il accorde une atteinte permanente de 3 % qu’il détaille ainsi :
SÉQUELLES ACTUELLES :
CODE DESCRIPTION DAP
103499 Atteinte des tissus mous du membre inférieur gauche 2 %
(genou avec aggravation d’une condition préexistante
ostéochondrale condyle fémoral interne) avec séquelles
fonctionnelles
106824 Perte de 10° de flexion du genou gauche par 1 %
comparaison
Total : 3 %
[43] Le pourcentage pour douleurs et perte de jouissance de la vie est de 0,3 %.
[44] Il retient les limitations fonctionnelles suivantes :
[…]
Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
· Travailler en position accroupie, ramper, grimper, effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes du genou gauche.
Éviter les activités qui impliquent de :
· Soulever, porter et tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 15 kilos;
· Des mouvements répétitifs ou fréquents avec effort du genou gauche (comme pour l’actionnement d’un pédalier ou pour la marche prolongée);
· Éviter de rester debout plus d’une heure environ;
· Éviter de pivoter sur le membre inférieur gauche;
· Éviter de monter fréquemment plusieurs escaliers;
· Marcher sur un terrain accidenté ou glissant ou de travailler dans une position instable telle des échafaudages, des échelles ou des escaliers.
[45] Le 27 mai 2010, la docteure Laflamme rédige un nouveau rapport médical dans lequel elle appuie les conclusions du docteur Landry à l’effet que la patiente ne peut reprendre ses tâches habituelles.
[46] Le 14 juin 2010, une visite du poste de travail est effectuée par l’agent de la CSST, monsieur Kevin Auger. La travailleuse et une représentante de l’employeur sont présentes.
[47] Dans ses notes évolutives, monsieur Auger précise que l’évaluation du poste de travail est effectuée en fonction des limitations fonctionnelles émises par le Bureau d’évaluation médicale.
[48] Après avoir recueilli toutes les informations relatives à chacune des activités requises lors d’une journée de travail type, soit de 7 h à 15 h, monsieur Auger fait ressortir les situations problématiques suivantes :
Ø Habiller et déshabiller les enfants pour les sorties à l’extérieur (position accroupie ou agenouillée) autre élément problématique lors de la sieste ou des jeux au sol, la travailleuse n’est pas capable d’asseoir au sol;
Ø Assister les enfants au toilette ;
Ø Consoler les enfants alors que la travailleuse affirme qu’elle doit s’agenouiller ou s’accroupir. [sic]
[49] Au sujet de l’habillage des enfants, monsieur Auger indique que la travailleuse peut modifier sa posture en utilisant un banc ou une chaise sur roulettes afin d’éviter de s’accroupir ou d’effectuer des mouvements extrêmes du genou.
[50] Sur cet aspect, la travailleuse manifeste son désaccord car elle affirme que l’espace est insuffisant pour installer une chaise dans le vestiaire et que de toute manière, ainsi assise, il lui est impossible d’aider les enfants à s’habiller ou à se déshabiller. De plus, elle estime qu’assise, il lui est impossible d’intervenir rapidement si, à quelque distance, deux enfants se disputent.
[51] Monsieur Auger indique également que l’employeur est ouvert à modifier les horaires du groupe dont la travailleuse est responsable afin que celle-ci puisse utiliser une chaise et qu’il y ait ainsi un nombre plus restreint d’enfants simultanément dans le vestiaire.
[52] L’agent de la CSST indique également dans ses notes qu’il est possible d’utiliser une chaise à roulettes ou encore un petit banc pour les tâches suivantes :
Ø Aider les enfants dans leur habillement;
Ø Consoler les enfants, leur parler ou les prendre dans les bras;
Ø Utiliser une chaise ergonomique pouvant s’ajuster jusqu’à 12 pouces du sol lorsque des jeux sont faits au sol et indique également que les activités dirigées peuvent être effectuées en position debout ou assise sur une chaise.
[53] Au sujet de la sieste des enfants, monsieur Auger indique que l’employeur est prêt à retirer à la travailleuse les tâches inhérentes à cette période afin d’éviter qu’elle soit en position assise au sol, accroupie ou à genoux. Il indique alors qu’une autre éducatrice pourrait la remplacer à ce moment-là. L’employeur modifierait ainsi l’horaire de préparation du matériel pédagogique qui serait plutôt fixé de 13 h 30 à 14 h 15.
[54] Au niveau des sorties hivernales dans la cour extérieure, monsieur Auger signale que l’employeur offre encore d’accommoder la travailleuse en attitrant cette tâche à une autre personne et en demandant plutôt à madame Binet d’effectuer une surveillance dans la partie déneigée.
[55] Compte tenu de toutes les modifications au poste d’éducatrice sus-mentionnées monsieur Auger conclut que la travailleuse n’a pas à accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent de travailler en position accroupie et que l’utilisation d’une chaise à roulettes ferait en sorte que les limitations fonctionnelles seraient respectées.
[56] Le 21 juin 2010, l’agent rédige une note à l’effet qu’il informe la travailleuse que ses limitations fonctionnelles seront respectées en modifiant certaines méthodes de travail et en retirant certaines tâches. La travailleuse exprime son désaccord.
[57] La décision de capacité d’exercer l’emploi d’éducatrice avec tâches modifiées est rendue par la CSST le 22 juin 2010.
[58] La travailleuse a effectué des travaux légers jusqu’au 22 juin 2010. Elle affirme qu’à compter de cette date, l’employeur ne l’a pas rappelée afin d’effectuer des tâches légères. Or, elle a refusé d’essayer d’occuper l’emploi convenable déterminé par la CSST.
[59] Le 21 juillet 2010, la travailleuse s’inflige une nouvelle entorse au genou gauche alors qu’elle tente d’éviter un chat.
[60] Le 27 octobre 2010, le genou gauche de madame Binet « lâche ». Elle déboule un escalier et s’inflige une blessure au talon de même qu’une entorse au genou gauche (pièce E-6).
[61] Le 17 janvier 2011, le docteur Philippe Larivière, chiropraticien, rédige un rapport qui retrace l’historique de l’état du genou gauche de madame Binet depuis le 5 mai 2009. Dans ce document, il réfère d’ailleurs à une première opinion qu’il a signée en septembre 2009.
[62] Il est d’avis que depuis septembre 2009, le genou gauche de la travailleuse demeure très fragile et que celui-ci perd régulièrement et subitement de la force dans les escaliers ou en marchant, et que cela cause une torsion ainsi que de nouvelles entorses. Il indique que l’examen orthopédique démontre des tests de McMurray et Apley positifs et semblables à ceux qu’il avait constaté lors de la consultation initiale du 20 juillet 2009. Il note que la palpation du ligament collatéral médial gauche, de la capsule articulaire du genou gauche et du muscle poplité gauche est douloureuse.
[63] Il ajoute que malgré des soins chiropratiques réguliers, des exercices de réadaptation, le port de nouvelles orthèses et des périodes de repos, le genou gauche demeure instable.
[64] Il est d’avis que les blessures récidivantes que la patiente subit régulièrement proviennent d’un état qui résulte de l’incident survenu le 5 mai 2009. Il conclut :
Il n’est pas acceptable pour celle-ci de continuer à travailler en se poussant avec sa jambe sur une chaise à roulettes comme le souhaite son employeur.
[65] Lors de son témoignage, la travailleuse explique qu’elle a persisté à refuser d’occuper l’emploi convenable avec tâches modifiées déterminé par la CSST.
[66] Malgré le fait qu’elle apprécie beaucoup son travail auprès des enfants, elle motive cette décision en disant qu’elle est convaincue que sa santé, sa sécurité de même que celles des enfants sont en péril. Si un enfant se blesse, elle est persuadée qu’elle n’aura pas le temps de se déplacer afin d’intervenir rapidement dans l’hypothèse où elle doit utiliser une chaise à roulettes Elle prétend aussi que même si on lui enlève les tâches reliées à la sieste, elle doit tout de même ramasser les matelas et les déposer dans une armoire et que ceci implique des efforts pour son genou.
[67] Elle ajoute qu’elle ne peut également entrer dans les salles de toilette avec sa chaise à roulettes et que le nettoyage du plancher de la toilette par l’éducatrice est souvent nécessaire après le passage des enfants.
[68] De plus, elle est d’avis qu’il est impossible d’entrer une chaise à roulettes sous les tables de jeux, tel que le démontrent les photographies déposées lors de l’audience (pièce E-1 en liasse).
[69] Au sujet de la sécurité des enfants, la lettre de madame Marylin Chénard, parent d’un enfant du Centre La salopette, est déposée (pièce E-2). Cette lettre indique l’inquiétude de ce parent lorsqu’elle apprend que malgré la compétence professionnelle reconnue de madame Binet, un enfant pourrait être laissé sous la surveillance d’une éducatrice qui ne peut se pencher au sol et qui n’est pas en mesure de réagir rapidement en cas d’accident.
[70] La travailleuse indique qu’elle estime qu’elle doit s’accroupir 75 % du temps. À cet effet, la représentante de la travailleuse a déposé au dossier du tribunal une lettre signée par huit collègues de travail qui partagent cette opinion et qui évaluent à ce pourcentage le temps alloué aux activités exigeant quotidiennement une « flexion ».
[71] Madame Binet signale qu’une éducatrice à l’emploi de la garderie utilise une chaise à roulettes orthopédique qui a été prescrite pour un mal de dos et non pour un mal de genoux.
[72] Repassant toutes les tâches décrites au document intitulé Description d’emploi, la travailleuse déclare que plusieurs des tâches y apparaissant sont incompatibles avec la condition de son genou. Elle cite particulièrement les tâches reliées à la prévention, à l’habillage, à l’hygiène des enfants, à leur sécurité, à certains jeux et à la décoration des salles.
[73] Elle est d’avis que peu importe le quart de travail aménagé par l’employeur, en pratique, le travail requis auprès des enfants exige fréquemment de s’accroupir et de se mettre à genoux.
Le témoignage de madame Francine Vallée
[74] Elle est directrice adjointe au Centre La salopette depuis dix ans. Auparavant, elle occupait un poste d’adjointe administrative et s’occupait de huit enfants âgés de 42 à 48 mois.
[75] Elle précise que la travailleuse est une excellente éducatrice et que la garderie était prête à être conciliante afin de faire en sorte qu’elle puisse effectuer son travail. La direction était prête à faire toutes les modifications et les aménagements qui s’imposaient.
[76] Elle fait part que la direction était encline à modifier l’horaire de travail afin que madame Binet n’ait pas à être en contact avec les jeunes enfants. L’employeur souhaitait aussi acheter une chaise spécialement adaptée à la condition du genou de la travailleuse. Elle indique d’ailleurs que des employées en surplus de poids utilisent déjà des chaises afin de se déplacer.
[77] Au sujet de l’utilisation du vestiaire, l’employeur songeait à aménager les périodes de temps afin de laisser toute la place à la travailleuse lorsqu’elle y descendait avec les enfants dont elle avait la garde.
[78] Elle indique également qu’un sondage effectué par l’employeur démontre que le temps requis en position accroupie, est évalué non pas à 75 %, tel que le prétend la travailleuse, mais plutôt entre 10 à 25 % lors des activités d’une journée normale. Commentant le sondage effectué auprès des éducatrices et auquel madame Binet référait, le témoin rectifie cette donnée en expliquant que le terme « position fléchie » implique autant les mouvements du dos que ceux du genou. Selon elle, on arrive au résultat de 75 % seulement en combinant ces mouvements.
[79] Référant aux photographies déposées (E-1 en liasse), elle souligne que les enfants peuvent s’asseoir sur les bancs du vestiaire lorsqu’ils mettent leurs bottes. Étant assise, la travailleuse peut donc les assister adéquatement.
[80] Elle considère que cette dernière aurait dû revenir au travail et essayer d’occuper l’emploi avec les tâches modifiées puisque l’employeur tenait à collaborer afin de l’accommoder eu égard à ses besoins.
[81] Elle croit également que la chaise à roulettes pouvait être utilisée pour la plupart des jeux et que les activités dirigées pouvaient se faire soit debout ou assise
[82] Madame Vallée dit avoir rencontré la travailleuse le 11 novembre 2010. Elle a alors remarqué que depuis juin 2010, son état physique et psychologique s’étaient sensiblement détériorés. À partir de ce moment-là et face à cette constatation, elle a conclu que la travailleuse n’était plus apte à revenir au travail.
[83] Enfin, elle admet que si elle était propriétaire d’une garderie, elle n’embaucherait pas une éducatrice dont le genou présente une telle condition.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[84] La procureure de la travailleuse est d’avis que l’emploi déterminé par la CSST n’est pas un emploi convenable car il ne respecte pas les termes de l’article 2 de la loi. Elle soumet que le conseiller en réadaptation de la CSST a tenté de rendre convenable un emploi qui ne l’était pas. Elle indique que l’approche de monsieur Auger est théorique mais inapplicable en pratique car cela ne tient pas compte des imprévus. Or, le travail avec de jeunes enfants comporte une large part d’imprévus. Elle indique, entre autres, que la condition du genou gauche de la travailleuse fait en sorte qu’il lui est difficile de se déplacer même avec une chaise à roulettes puisqu’elle doit pousser cette chaise avec une jambe seulement. Elle ajoute enfin que le fait de devoir monter et descendre souvent les escaliers pendant une journée va à l’encontre des limitations fonctionnelles émises à la suite de l’avis du Bureau d’évaluation médicale. Elle estime que la travailleuse a raison de craindre pour sa sécurité et celle des enfants.
[85] Pour sa part, la procureure de l’employeur argumente que la travailleuse a participé au processus de réadaptation, mais qu’elle a par la suite refusé d’occuper le poste déterminé malgré les nombreuses modifications et le fait qu’il pouvait être adapté compte tenu de l’entière collaboration de l’employeur.
[86] De plus, elle souligne principalement que le docteur Potvin a rédigé deux rapports finaux distincts démontrant clairement que la travailleuse ne conservait aucune limitation fonctionnelle. Puis, à la suite d’un examen du 25 janvier 2010, ce médecin rédige pourtant un rapport amendé dans lequel il ne fait aucune mention de la chute et de la torsion du genou que s’est infligée la travailleuse le 6 janvier 2010. Par ailleurs, il ne donne aucune explication motivant son changement d’avis mais il parle désormais de l’existence de limitations fonctionnelles.
[87] Le procureur de l’employeur estime donc que ce rapport ne doit pas être pris en considération et que le Bureau d’évaluation médicale n’aurait pas dû se prononcer sur les limitations fonctionnelles puisque le docteur Potvin était initialement du même avis que le docteur Blanchet à l’effet que la travailleuse ne conservait aucune limitation fonctionnelle. La CSST était donc liée sur cette question.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[88] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse conserve une atteinte permanente à la suite de sa lésion professionnelle du 5 mai 2009 de même que le pourcentage de celle-ci, le cas échéant. Elle doit également se prononcer sur l’existence de limitations fonctionnelles, déterminer si l’emploi d’éducatrice en garderie avec tâches modifiées constitue un emploi convenable et si la travailleuse était capable d’exercer cet emploi convenable à compter du 22 juin 2010.
[89] D’abord, conformément aux dispositions des articles 44, 46, 47 et 57 de la loi, le droit à l’indemnité de remplacement du revenu d’un travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée est fonction de sa capacité à exercer l’emploi qu’il occupait au moment de la survenance de cette lésion.
44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.
Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.
__________
1985, c. 6, a. 44.
46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.
__________
1985, c. 6, a. 46.
47. Le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi convenable.
__________
1985, c. 6, a. 47.
57. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants :
1° lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48 ;
2° au décès du travailleur; ou
3° au soixante-huitième anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui-ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.
__________
1985, c. 6, a. 57.
[90] La capacité d’un travailleur à refaire son emploi dépend des limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle et aussi de la compatibilité de celles-ci avec les exigences physiques caractéristiques de cet emploi.
[91] L’article 203 de la loi prévoit que c’est le médecin traitant du travailleur qui a la responsabilité de déterminer si la lésion professionnelle du travailleur a entraîné une incapacité permanente et des limitations fonctionnelles.
203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :
1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;
2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;
3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.
Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.
__________
1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.
[92] Puis l’article 224 de la loi prévoit que si les conclusions du médecin qui a charge ne sont pas contestées par le biais de la procédure d’évaluation médicale, la CSST est liée par ces conclusions aux fins de rendre une décision sur la capacité du travailleur à exercer son emploi compte tenu des limitations fonctionnelles qu’il conserve de sa lésion professionnelle.
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .
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1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[93] Conformément aux dispositions de l’article 358 de la loi, ni le travailleur ni l’employeur ne peuvent contester une question d’ordre médical sur laquelle la CSST est liée en vertu de l’article 224 .
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365 .
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1 .
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1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.
[94] En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles retient que le docteur Potvin est le médecin qui a charge au sens de la loi. Il a produit le rapport final prévu par l’article 203 de la loi.
[95] Ce médecin a rédigé deux rapports finaux dans lesquels il indiquait clairement que la travailleuse conservait une atteinte permanente à son intégrité physique, mais qu’elle ne conservait pas de limitations fonctionnelles.
[96] La jurisprudence constante du tribunal est à l’effet qu’il est de l’essence même d’un rapport final émis par un médecin qui a charge de ne pouvoir être modifié subséquemment, sauf en certaines circonstances bien particulières[2].
[97] Par ailleurs, la jurisprudence relative à ces circonstances particulières est bien établie[3]; le médecin traitant peut produire un nouveau rapport final uniquement pour corriger une erreur manifeste ou encore, pour émettre une nouvelle conclusion médicale fondée sur une évolution exceptionnelle et inattendue de l'état du travailleur et qui a pour effet notamment, d'entraîner une modification des limitations fonctionnelles déjà reconnues.
[98] La production d’un nouveau rapport final par le médecin traitant ne doit pas constituer un moyen utilisé par le travailleur pour faire indirectement ce que la loi ne lui permet pas, soit contester l’opinion de ce médecin.
[99] Dans l’affaire Lévesque et Foyer Chanoine Audet inc. (Centre de santé Paul Gilbert) [4], la Commission des lésions professionnelles indique à ce sujet qu’il faut procéder à une analyse des faits et des circonstances qui ont conduit le médecin traitant à modifier son rapport final pour bien apprécier la validité de la nouvelle opinion qu’il émet. Elle indique aussi que la modification de l’opinion première du médecin traitant doit reposer sur des éléments sérieux démontrés par la preuve et non pas sur une quelconque complaisance à l’égard de celui qui réclame une nouvelle opinion.
[100] En appliquant ces principes, la Commission des lésions professionnelles estime que le document complémentaire dicté le 25 janvier et signé le 10 février 2010 par le docteur Potvin ne peut pas remplacer le rapport final qu’il avait préalablement produit.
[101] En modifiant son rapport, le docteur Potvin n’indique pas qu’il s’agit de corriger une erreur manifeste commise lors de ses premières évaluations, et rien n’indique non plus qu’il tient compte d’une évolution exceptionnelle et inattendue de la condition de sa patiente. Aucun argument médical obtenu après l’émission du rapport final et permettant de justifier le changement radical d’opinion du médecin n’est fourni.
[102] De plus, cette nouvelle conclusion laisse aussi perplexe compte tenu qu’il évite complètement de mentionner un élément essentiel, soit la chute ayant causé une blessure au genou gauche de la travailleuse le 6 janvier 2010 et l’impact de celle-ci.
[103] Dans le présent dossier, à la suite de la production des rapports finaux du docteur Potvin, le docteur Blanchet était d’accord avec ce dernier quant à l’absence de limitations fonctionnelles. La seule question qui demeurait en litige et qui devait donc être soumise au Bureau d’évaluation médicale était celle de l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique.
[104] La soussignée fait siens les propos tenus par la juge administratif Lemire dans l’affaire Dominico Neglia et Boulangerie Andalos[5]
[39] La procédure d’évaluation médicale est une procédure destinée à régler des litiges, non à en créer.
[105] Enfin, le tribunal estime que la CSST n’était pas liée par le dernier rapport émis en février 2010 par le docteur Potvin et qui modifiait la question des limitations fonctionnelles.
[106] Il est impossible de comprendre pourquoi en janvier 2010, le docteur Potvin estimait que la travailleuse ne conservait aucune limitation fonctionnelle alors qu’il en arrive à une conclusion différente quelques semaines plus tard.
[107] Pour l’ensemble de ces motifs, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion qu’à la suite de sa lésion professionnelle du 5 mai 2009, la travailleuse ne conserve pas de limitations fonctionnelles et qu’elle est donc conséquemment devenue capable d’exercer son emploi d’éducatrice à compter du 22 juin 2010.
[108] En effet, en tenant compte des dispositions législatives, notamment en regard du droit à l’indemnité et au recouvrement des prestations, ainsi que de la jurisprudence et s’inspirant du jugement de la Cour d’appel dans l’affaire Desrivières c. General Motors du Canada[6], le tribunal considère que la travailleuse a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 22 juin 2010, soit jusqu’à ce que la CSST statue sur sa capacité à exercer son emploi, et ce, même si la lésion professionnelle était déjà consolidée. Les articles 132 et 133 de la loi démontrent que la cessation du versement de l’indemnité de remplacement du revenu et l’obligation de récupération dépendent non pas de la consolidation de la lésion, mais de la conjonction des deux éléments, à savoir la consolidation et le fait de ne pas conserver de limitations fonctionnelles, informations dont la CSST ne disposaient qu’au moment où elle a rendu sa décision du 22 juin 2010 [7].
[109] Enfin, le tribunal retient l’avis du docteur Landry quant à l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique de 3,30 % puisque cette conclusion reflète les constatations objectives révélées par l’examen de ce médecin, soit une perte de 10 degrés de flexion et une atteinte des tissus mous du membre inférieur gauche avec séquelles fonctionnelles.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 419009
ACCUEILLE en partie la requête du Centre de la petite enfance La salopette, l’employeur;
MODIFIE la décision rendue le 27 juillet 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit cesser le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 22 juin 2010;
DÉCLARE que madame Michèle Binet, la travailleuse, conserve une atteinte permanente de 3,30 %, à la suite de sa lésion professionnelle du 5 mai 2009.
Dossiers 424882 et 425916
REJETTE la requête de madame Michèle Binet, la travailleuse;
ACCUEILLE la requête du Centre de la petite enfance La Salopette, l’employeur;
INFIRME la décision rendue le 10 novembre 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail n’avait pas à déterminer un emploi convenable;
DÉCLARE que la travailleuse est capable d’exercer son emploi d’éducatrice.
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Linda Daoust |
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Me Véronique Parent |
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ANDRÉ-YVES RHÉAUME, avocat |
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Représentante de la travailleuse |
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Me Nicolas Leclerc |
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Groupe ACCISST (Le) |
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Représentant de l’employeur |
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Me Stéphane Larouche |
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VIGNEAULT, THIBODEAU, GIARD |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Polaszek et Hôpital Reine-Élisabeth, C.L.P., 69046-60-9505, 30 juillet 1996, B. Lemay.
[3] Voir à ce sujet : Talbot et C.H. La Piéta, [1991] C.A.L.P. 492 ; Soucy et Les Outils Fuller ltée, C.A.L.P. 60914-60-9407, 5 mars 1996, J.-Y. Desjardins; Polaszek et Hôpital Reine Élisabeth, C.A.L.P. 69046-60-9505, 30 juillet 1996, B. Lemay; Fata et Pavage CCA inc., [1997] C.A.L.P. 1102 , révision rejetée, C.A.L.P. 84456-60-9612, 25 février 1998, T.Giroux; Lamontagne-Maguire et C.L.S.C. Samuel de Champlain, C.A.L.P. 87804-62-9704, 25 février 1998, B. Lemay; Thériault et Deniso Lebel inc. (Div. Scierie), C.L.P. 114363-01A-9904, 26 janvier 2000, G. Tardif; Weiland et Publi-Calen Art ltée, C.L.P. 180412-61-0203, 7 juin 2002, L. Nadeau; Larocque c. Commission des lésions professionnelles et Épiciers Unis Métro-Richelieu, Super C et CSST, C.S., Hull, 550-05-011759-027, j. Isabelle; Lanciault et Tricots Maxime inc., C.L.P. 170601-63-0110, 13 juin 2002, F. Juteau, révision rejetée, 25 juillet 2003, G. Godin; Paul et Épicerie Guilbert et Lacasse et CSST, C.L.P. 114450-07-9904, 31 mars 2003, M. Langlois; Brière et Les pelouses L. Lévesque & Fils inc., C.L.P. 194150-64-0211, 6 août 2003, J.-F. Martel; Lachance et Gestion Loram inc., [2004] C.L.P. 1015 , révision rejetée, 214050-64-0308, 20 mai 2005, L. Boucher; Desbiens et ADM AGRI Industries ltée, C.L.P. 265571-71-0506, 13 février 2006, C. Racine.
[4] C.L.P. 136386-03B-0004, 18 juillet 2001, M. Cusson, révision rejetée, 30 novembre 2001, C. Lessard.
[5] C.L.P., 336990-71-0712, 19 juin 2008, Y. Lemire.
[6] [2000] C.L.P. 60 (C.A.)
[7] St-Pierre et Société canadienne des postes (2007), CLP 447
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.