Décision

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Côté c. Sears Canada inc.

2013 QCCQ 1839

JD1788

 
COUR DU QUÉBEC

Chambre civile

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE RIMOUSKI

LOCALITÉ DE RIMOUSKI

« Division des petites créances »

N° :

100-32-004855-111

 

 

 

DATE :

29 janvier 2013

 

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE GABRIEL DE POKOMÁNDY, J.C.Q.

 

 

 

GUY CÔTÉ

 

Partie demanderesse

 

c.

 

SEARS CANADA INC.

 

Partie défenderesse

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

 

 

[1]           Guy Côté cherche le recouvrement du coût de la laveuse à linge automatique achetée chez un dépositaire de Sears Canada inc. et qui a cessé de fonctionner de façon prématurée.

[2]           La défenderesse conteste la réclamation en soumettant que la garantie conventionnelle était expirée et qu'elle estime n'avoir aucune obligation étant donné que le demandeur a eu recours à un réparateur non agréé par Sears Canada inc., privant celle-ci de l'opportunité de vérifier si l'appareil pouvait être réparé.

[3]           Il est établi que Guy Côté s'est porté acquéreur le 4 août 2009 d'une laveuse à linge automatique à chargement frontal de marque Kenmore, modèle 110.47571603 portant le numéro d'identification du fabricant HLW3324870. Il s'agit d'un appareil électroménager haut de gamme, affiché au prix régulier de 1 099,99 $, que le demandeur a payé 999,99 $ après un rabais de 100 $.

[4]           Selon le Guide d'utilisation et d'entretien, Sears Roebuck and Co. et Sears Canada inc. garantissaient le bon fonctionnement de l'appareil ménager pendant l'année qui suit la date de l'achat. Si l'appareil devait faire défaut pendant cette période, que ce soit à la suite de vices de matériaux ou de fabrication, l'acheteur pouvait obtenir la réparation gratuite en signalant le numéro de téléphone fourni.

[5]           Le dimanche 12 décembre 2010, vers 18 h, la laveuse s'est mise à fuir.

[6]           Le demandeur a tenté de rejoindre le technicien responsable des réparations de Sears dans la région, mais il n'a eu aucune réponse.

[7]           Devant l'urgence de la situation, il a communiqué avec le Service de réparation Gilles Dubé de Rimouski pour avoir des conseils.

[8]           On lui a recommandé d'arrêter l'appareil, et le lendemain matin, à la première heure, on est allé voir le problème.

[9]           L'examen de l'appareil a permis de constater que la cuve de la laveuse a été défoncée par le moteur étant donné qu'un boulon qui retenait le moteur s'était dévissé et était tombé.

[10]        Lorsque le demandeur a communiqué avec le service à la clientèle de Sears Canada inc., on a refusé toute assistance, car la garantie conventionnelle était écoulée, et par surcroît il a eu recours aux services d'un réparateur autre que le technicien de Sears.

[11]        Le demandeur a communiqué avec le service local de réparation de Sears, et après avoir expliqué la situation on lui a dit que le coût de la cuve qu'il fallait remplacer était de 550 $, auquel il fallait ajouter les autres pièces et le coût de la main-d'œuvre. Selon l'estimation qu'on lui a faite, les frais reliés à la réparation risquaient de dépasser la valeur de la laveuse.

[12]        Devant l'attitude peu réceptive de la défenderesse, le demandeur s'est procuré un autre appareil ménager auprès d'un autre commerçant au lieu de faire réparer celui brisé.

[13]        Il demande maintenant d'être remboursé du prix de cet appareil dont la durée de vie l'a déçu par rapport à ce qu'il s'attendait d'un appareil qui était représenté de haut de gamme.

[14]        Quoique mise en demeure par une lettre du 21 décembre 2010, Sears Canada inc. a refusé de payer quoi que ce soit, et on lit dans la contestation des procédures devant la division des petites créances que la défenderesse n'a pas l'intention de contribuer en quoi que ce soit à la perte subie par le demandeur.

[15]        À l'audience, Sears Canada inc. a maintenu la position qu'elle n'avait aucune obligation légale de remplacer l'appareil et qu'elle aurait peut-être pu le faire réparer si elle en avait eu la chance. Elle estime donc n'avoir aucune obligation envers le demandeur.

[16]        Étant donné qu'il est établi que deux réparateurs, dont celui même de Sears, ont émis l'avis que la réparation de l'appareil n'était pas économiquement envisageable, le Tribunal est d'avis que l'argument de Sears que le demandeur aurait dû donner à la défenderesse une chance de procéder à une telle réparation est sans fondement.

[17]        Il reste la question de la garantie.

[18]        Il est acquis que la garantie légale donnée par le manufacturier de réparer l'appareil pendant l'année suivant son acquisition était écoulée.

[19]        Cependant, l'article 1726 du Code civil du Québec prévoit :

Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus. […]

[20]        De plus, l'article 38 de la Loi sur la protection du consommateur (L.R.Q. c. P-40.1) qui traite de la durée de fonctionnement d'un bien énonce que :

Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

[21]        La machine à laver achetée neuve visée dans la présente instance a cessé de fonctionner après seulement 13 mois de son acquisition.

[22]        Pour un appareil haut de gamme, payé au prix que le demandeur a payé, cette durabilité est bien au-dessous des attentes qu'un consommateur peut avoir à son égard.

[23]        Il a clairement été établi que le bris découle d'un défaut de fabrication ou de conception qui a permis la chute d'un boulon qui servait à fixer le moteur au châssis.

[24]        Le moteur ainsi détaché touchait à la cuvette pendant son fonctionnement et l'a défoncée.

[25]        Aux termes de la Loi sur la protection du consommateur, le fabricant et les distributeurs assument une garantie légale de base qui bénéficie à l'acheteur. Cette garantie légale porte, entre autres, sur la qualité et la durabilité du bien.

[26]        Bien que le fabricant et le vendeur ne puissent être tenus responsables indéfiniment des défauts qui peuvent apparaître à la suite de l'usage d'un bien ni de ceux qui peuvent se révéler à la suite d'une mauvaise utilisation du bien par l'acquéreur, ce qui n'est pas le cas ici, le bien doit fonctionner convenablement pendant une durée raisonnable à partir de la date de la vente[1].

[27]        Un bris prématuré permet, à lui seul, la déduction raisonnable qu'un défaut à l'état latent existait au moment de la vente. En effet, un boulon qui par l'effet de l'usure se dévisse et empêche les composantes de l'appareil de demeurer stables constitue un défaut caché latent de l'appareillage.

[28]        Certes, les défauts qui se révèlent à l'usage doivent être appréciés par le Tribunal en tenant compte du prix payé par l'acquéreur, les stipulations du contrat et les conditions d'utilisation du bien.

[29]        Par contre, en jaugeant ces critères, dans la présente instance le Tribunal est d'avis que la défectuosité du bien relève de la garantie légale.

[30]        La garantie conventionnelle ne peut réduire les effets de la garantie légale. Elle peut en principe être plus avantageuse que la garantie légale, mais ne peut servir à la limiter.

[31]        Il nous apparaît que le prix payé ainsi que la qualité représentée par le vendeur et le fabricant de cet appareil et les conditions d'utilisation justifient de conclure que cet appareil aurait dû avoir une durabilité de plus de 13 mois.

[32]        Dans ces circonstances, le demandeur est justifié de réclamer du fabricant, du vendeur et du distributeur une compensation.

[33]        Le montant d'indemnité doit tenir compte du temps écoulé et du bénéfice tiré de l'usage de l'appareil par le demandeur.

[34]        Il ne serait donc pas équitable de résilier le contrat intervenu purement et simplement entre les parties et de remettre au demandeur le prix qu'il a payé.

[35]        À notre avis, en estimant une durabilité raisonnable de l'ordre de dix ans, le bénéfice qu'a tiré le demandeur de cet appareil doit être considéré comme l'équivalent de 12 % de sa valeur.

[36]        Le Tribunal est donc d'avis que la défenderesse doit indemniser Guy Côté d'un montant de 875 $ pour la perte de cette laveuse qui s'est brisée de façon prématurée à cause d'un vice de fabrication.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE partiellement la demande;

CONDAMNE Sears Canada inc. à payer à Guy Côté la somme de 875 $, avec intérêt au taux de 5 %, augmentée de l’indemnité additionnelle calculée suivant l’article 1619 du Code civil du Québec depuis le 21 décembre 2010;

Et les frais de 100 $.

 

 

 

__________________________________

GABRIEL de POKOMÁNDY, J.C.Q.

 



[1]     Nicole L'HEUREUX, Droit de la consommation, 4e édition, p. 65

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