Décision

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C A N A D A

C A N A D A

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE QUÉBEC

 

COUR DU QUÉBEC

   Chambre civile

 

Dossier: 200-22-016577-017

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE:

MONSIEUR LE JUGE MICHAEL SHEEHAN

JS-0626

 

 

 

DATE:  20011221

 

 

 

 

COMMISSION DES NORMES DU TRAVAIL, personne morale de droit public légalement constituée en vertu du chapitre N-1.1 des Lois refondues du Québec, ayant son siège au 400, boul. Jean-Lesage, Québec (Qué.) G1K 8W1, district de Québec.

 

Représentée par Me André Goulet

(COMMISSION DES NORMES DU TRAVAIL)                     # 90

                        Partie demanderesse

 

c.

 

BRADCO LTÉE, personne morale de droit privé ayant son siège et sa place d'affaires au 109, rue d'Amsterdam en la cité de St-Augustin-de-Desmaures, G3A 1V9, district de Québec.

 

Représentée par Me Pierre Hémond

(BROCHET, DUSSAULT, LAROCHELLE)                          # 101

Partie défenderesse

 

 

Audience tenue à Québec le 19 décembre 2001

 

 

J U G E M E N T

 

[1]                                        La Commission des normes réclame de Bradco pour le bénéfice des salariés, monsieur Élément et sa conjointe madame Morin, du salaire, des bénéfices marginaux et des pénalités totalisant 2 774,11 $ à la suite de leur mise à pied en juillet 2000.

LA QUESTION

[2]                                        Ce litige soulève une seule question:

                        Le congédiement de monsieur Élément et de sa conjointe madame Morin résulte-t-il d'une faute grave de leur part?

LES FAITS

[3]                                        Bradco est une entreprise faisant la vente de produits de premiers soins sur tout le territoire du Québec, dans les pharmacies et auprès d'entreprises industrielles.  En août 97, elle retient les services de Camil Élément comme représentant des ventes au Lac St-Jean, pour remplacer un représentant qui quitte.

[4]                                        En décembre 97, monsieur Élément se voit confier le territoire de Montréal et on lui remet un inventaire de base de produits à vendre.  En novembre 98, madame Sonya Morin, la conjointe de monsieur Élément, se joint à lui pour effectuer elle aussi, des ventes sur le territoire de Montréal.  Pour effectuer ses ventes, elle utilise le même inventaire de base que monsieur Élément.

[5]                                        Les ventes et les livraisons sont effectuées à même cet inventaire de base et à chaque semaine, l'inventaire est renfloué et rétabli à son niveau d'origine à partir des renseignements indiqués aux bons de commande, bons de livraison et registres d'utilisation des produits de l'inventaire complétés et transmis à Bradco par les représentants des ventes.

[6]                                        Bradco n'a aucune politique de promotion de ses produits par la remise d'échantillons gratuits auprès de clients.  Par ailleurs, il n'est pas interdit à un représentant des ventes de faire une telle remise de produits, à ses propres frais, dans le but de mousser sa clientèle et d'augmenter sa commission.

[7]                                        À la suite de divers incidents survenus au printemps 2000, monsieur Élément et madame Morin sont convoqués au siège social de Bradco à St-Augustin, en banlieue de Québec, afin que la compagnie puisse procéder à une vérification du contenu de leur inventaire.  Cette vérification révèle un écart avec l'inventaire d'origine démontrant un manque de produits d'une valeur de quelque 4 000 $ au détail et 2 000 $ au prix coûtant.

[8]                                        Sur ce constat, monsieur Élément et madame Morin sont congédiés sans préavis.

[9]                                        À la suite d'une plainte à la Commission des normes et d'une mise en demeure du 12 janvier 2001, la Commission signifie ses procédures le 22 février 2001.

LES MOTIFS

[10]                                    À l'encontre de la demande, Bradco prétend que monsieur Élément et madame Morin furent congédiés au motif qu'ils ont commis des fautes graves en s'appropriant sans droit du matériel étant en leur possession et qui était destiné à la vente auprès des clients de la compagnie.  Dans le cas de monsieur Élément, on ajoute qu'il a subtilisé auprès d'un client, une liste de prix d'un compétiteur.

[11]                                    Pour les raisons ci-après indiquées, ces prétentions sont mal fondées.

[12]                                    La Loi sur les normes prévoit qu'un employeur doit donner un avis écrit à un salarié avant de mettre fin à son contrat de travail ou de le mettre à pied pour six mois ou plus[1].  Cet avis n'est pas requis à l'égard d'un salarié qui commet une faute grave[2].

[13]                                    La vérification d'inventaire effectuée par Bradco en juillet 2000 a révélé un écart important de quelque 4 000 $ au détail entre le contenu de l'inventaire remis en décembre 97 et celui dont disposaient monsieur Élément et madame Morin en juillet 2000.  Cet écart s'explique essentiellement par le fait que monsieur Élément avait pris l'habitude de piger dans l'inventaire afin de remettre des articles de promotion à ses clients sans que lui ni madame Morin n'aient jamais fait de rapport à cet égard à Bradco et cela, sur une période de près de trois ans alors qu'en temps normal, ils auraient dû le faire au fur et à mesure afin que l'inventaire soit toujours renfloué et tenu à son niveau d'origine.

[14]                                    Cette négligence de leur part, de faire des rapports hebdomadaires complets à leur employeur Bradco, constituait certainement une cause juste et suffisante de congédiement.  D'autre part, rien dans la preuve ne permet de conclure que monsieur Élément et encore moins madame Morin aient eu l'intention de frauder ou de voler leur employeur Bradco.

[15]                                    Dans Beverini, la Cour a établi que pour congédier un salarié sans préavis, il ne suffit pas pour l'employeur d'établir une faute légère ou mineure ou une simple justification légale.  Il faut une faute grave et sérieuse qui rend indispensable une rupture immédiate suite à des faits d'inconduite d'une sérieuse gravité.  Il pourra s'agir d'un incident impardonnable et si grave qu'il suppose le renvoi du salarié sur-le-champ ou d'une série de faits de moindre importance ou d'un comportement que répètera le salarié malgré un ou des avertissements sérieux[3].

[16]                                    Il est manifeste que monsieur Élément et madame Morin ont tous deux été négligents et imprudents dans le maintien à jour de leur inventaire de même que dans la confection et la remise des rapports qu'ils devaient faire à leur employeur.  Enfin, de par leur conduite, ils ont grandement contribué à la dégradation des relations entre eux et leur employeur.  D'autre part, il n'y a aucune preuve à l'effet qu'ils aient volé ni voulu voler leur employeur tel que ce dernier le prétend.

[17]                                    À la lumière de l'ensemble des circonstances de ce cas et de la règle applicable, le Tribunal ne peut conclure qu'ils ont commis une "faute grave" tel que défini par la jurisprudence.  En conséquence, la Cour conclut que Bradco n'était pas exonérée de son obligation de donner son préavis ni de payer le salaire, les indemnités et les pénalités réclamées.  La demande doit donc être accueillie telle que formulée.

[18]                                    PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

                        CONDAMNE Bradco Ltée à payer à la Commission des normes du travail 2 774,11 $ dont 2 311,76 $ avec intérêts selon le règlement en vertu de l'article 28 de la Loi du ministère du Revenu auquel réfère la Loi sur les normes du travail à compter de la mise à la poste de la mise en demeure et 462,35 $ avec les intérêts au taux légal depuis l'assignation;

                        LE TOUT avec dépens.

 

                        MICHAEL SHEEHAN, Juge à la Cour du Québec



[1]        Loi sur les normes du travail, L.R.Q. c. N-1.1, art. 82

 

[2]        Voir supra note 1, art. 82.1

[3]        Commission des normes c. Beverini inc., C.P. Montréal:  500-02-039690-818, 16 septembre 82

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