Gariépy et Autobus Gaudreault inc. |
2008 QCCLP 1280 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 12 décembre 2006, madame Linda Gariepy (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision rendue le 30 octobre 2006 par la Commission des lésions professionnelles.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête de la travailleuse, confirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 30 septembre 2004 à la suite d’une révision administrative et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 9 avril ni le 20 mai 2004.
[3] L’audience sur la présente requête s’est tenue à Joliette le 17 décembre 2007 en présence des parties et de leurs procureurs.
[4] La requête en révision de la travailleuse comporte deux volets. Elle allègue que la décision est entachée d’un vice de fond au sens du 3e paragraphe de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Elle invoque aussi la découverte d’un fait nouveau au sens du premier paragraphe de cette disposition.
[5] Lors d’une conférence téléphonique tenue le 23 octobre 2007, les deux procureurs ont demandé à la Commission des lésions professionnelles de procéder en deux temps. Ils demandent que la présente audience porte uniquement sur l’ouverture à la révision au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi soit la découverte de faits nouveaux.
[6] En général, la Commission des lésions professionnelles ne procède pas ainsi. Elle entend les parties tant pour décider de l’ouverture à la révision que pour se prononcer sur le fond. Lorsqu’elle conclut qu’il s’agit d’un fait nouveau au sens du premier paragraphe de l’article 429.56, elle se prononce sur le bien-fondé de la contestation en tenant compte de l’ensemble de la preuve déjà versée au dossier et du fait nouveau mis en preuve.
[7] Dans les circonstances particulières du présent dossier et compte tenu de la demande des parties, la soussignée a accepté de décider uniquement s’il y a lieu d’accueillir la requête en révision c’est-à-dire décider si le rapport d’échographie allégué par la travailleuse constitue un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente. Le rôle de la Commission des lésions professionnelles consiste alors à déterminer si ces nouveaux éléments de preuve sont, à la face même, susceptibles de faire modifier la décision rendue.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[8] La travailleuse demande de réviser la décision rendue le 30 octobre 2006 et de convoquer les parties pour être entendues de nouveau à la lumière du fait nouveau mis en preuve.
L’AVIS DES MEMBRES
[9] Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sont d’avis d’accueillir la requête en révision de la travailleuse. Le rapport d’échographie révèle des informations qui constituent un fait nouveau susceptible de justifier une décision différente. Comme il a été obtenu à l’occasion d’un traitement reçu après l’audience tenue par la première commissaire, cet élément de preuve n’était pas disponible à ce moment-là.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[10] Dans la décision du 30 octobre 2006, la première commissaire doit déterminer si la travailleuse, une chauffeuse d’autobus scolaire, a subi une lésion professionnelle. La travailleuse prétend être atteinte d’une maladie professionnelle pour une épicondylite du coude droit ainsi qu’un kyste arthrosynovial. Subsidiairement, elle demande de reconnaître qu’elle a subi un accident du travail le 20 mai 2004.
[11] La commissaire rapporte la preuve concernant les tâches de la travailleuse et les conditions d’exercice de ce travail. Aux fins de la présente requête cet aspect de la preuve n’est pas en cause, c’est le volet médical qui nous intéresse.
[12] L’apparition de symptômes chez la travailleuse remonte à la fin mars ou au début avril 2004. La travailleuse décrit une douleur à la face externe du coude droit, au niveau de l’épicondyle, allant jusqu’au poignet (par. 13 de la décision). Puis les douleurs ont progressé. Le 20 mai 2004, elle ressent une douleur intense en tentant d’ouvrir le capot d’un autobus qui est demeuré coincé.
[13] Sur le plan du suivi médical, le diagnostic initialement posé par le Dr Forget est celui d’épicondylite au coude droit. Le 22 juin 2004, le Dr Paul-Émile Renaud, chirurgien orthopédiste, examine la travailleuse à la demande de l’employeur et diagnostique lui aussi une épicondylite du coude droit. La travailleuse bénéficie de physiothérapie, reçoit plusieurs infiltrations de cortisone et le port d’une orthèse est prescrit. Des consultations en orthopédie et en physiatrie ont lieu.
[14] Des examens radiologiques sont demandés : une radiographie du coude droit effectuée le 9 décembre 2004 est interprétée comme étant normale et une scintigraphie osseuse effectuée le 12 juillet 2005 démontre un discret rehaussement distal à la région olécranienne droite non spécifique avec phénomène inflammatoire possible. Les épicondyles sont normaux.
[15] Devant l’échec du traitement conservateur, la travailleuse consulte le Dr Greenfield, chirurgien orthopédiste, qui demande une résonance magnétique. L’examen a lieu le 2 novembre 2005 et l’opinion de la radiologiste est ainsi libellée :
Structure compatible avec un kyste arthrosynovial situé devant la tête radiale qui, en extension, pourrait réduire l’espace résiduel pour le nerf radial qui est situé juste antérieurement. En flexum, on visualise un liséré graisseux au pourtour du nerf, mais un effet de masse pourrait se produire en extension et entraîner une symptomatologie. Le nerf est de signal normal par contre. Relier à l’histoire clinique.
Par ailleurs, signes d’un peu de tendinopathie chronique à l’insertion du tendon tricipital sur l’olécrâne, discrète. Pas d’évidence d’épicondylite.
(notre soulignement)
[16] Dans l’opinion médicale qu’il émet le 3 avril 2006, à la demande du représentant de la travailleuse, le Dr Greenfield retient des diagnostics de kyste arthrosynovial et de tendinopathie au niveau du tendon tricipital sur l’olécrâne.
[17] La première commissaire entend également le Dr John W. Osterman, qui agit comme témoin expert de l’employeur. Il n’a pas examiné la travailleuse et il émet son opinion sur l’analyse du dossier. Il signale que le diagnostic d’épicondylite a d’abord été posé par le Dr Forget sur la base des signes cliniques observés (par. 71). Les résultats de l’imagerie ont amené le Dr Greenfield à modifier son opinion diagnostique. La commissaire rapporte ainsi l’opinion du Dr Osterman :
[75] Le docteur Osterman indique que le kyste arthrosynovial peut expliquer les douleurs éprouvées par la travailleuse de par sa localisation et pourquoi elle n’a pas répondu aux traitements dispensés pour une épicondylite car elle ne présente pas cette pathologie; il s’agit ici de douleurs de type référées.
[76] Le kyste arthrosynovial ne pouvait être palpé car il est intra-articulaire; il ne pouvait être détecté qu’à l’imagerie. Il s’agit ici d’une condition personnelle qui n’a rien à voir avec le travail; c’est une condition qui n’est observée que rarement au niveau du coude .
[77] Un kyste est une enflure de la synovie dans laquelle il y a du liquide; il s’agit d’une condition idiopathique qui peut partir d’elle-même, par une infiltration ou par la chirurgie.
[78] Quant à la tendinite tricipitale, il s’agit ici d’une trouvaille radiologique qui n’a jamais été objectivée à l’examen clinique.
[18] Le Dr Osterman témoigne également sur la question de la relation avec le travail et ces différentes pathologies.
[19] Aux fins de l’analyse de l’admissibilité de cette lésion, la première commissaire procède d’abord à identifier le diagnostic de celle-ci puisque plusieurs diagnostics ont été posés. Elle retient un diagnostic de kyste arthrosynovial. Elle s’exprime ainsi :
[90] Avant même de se prononcer sur la question de la survenance d’une lésion professionnelle, le tribunal doit tout d’abord déterminer en vertu de quel diagnostic l’analyse du présent dossier doit être faite.
[91] Plusieurs diagnostics sont ici en cause : au début du suivi médical, le médecin qui avait charge a posé le diagnostic d’épicondylite droite, qui était plausible selon les examens cliniques qui ont été effectués au tout début et même plus avant tant par le médecin traitant que par les docteurs Renaud, Bonin, Lacoste et Greenfield.
[92] Parce que la pathologie ne répondait pas aux traitements conservateurs comme le repos, la physiothérapie et les infiltrations, ce qui est possible pour ce type de maladie, une investigation médicale plus poussée a été demandée un an plus tard et celle-ci a été réalisée à l’été et à l’automne 2005, soit une scintigraphie osseuse et un examen d’imagerie par résonance magnétique.
[93] C’est à partir de ce moment que l’évolution du dossier a pris une autre tournure. L’imagerie médicale a démontré ce qui ne pouvait être soupçonné à l’examen clinique, soit un kyste arthrosynovial intra-articulaire, qui, rappelons-le, est « situé devant la tête radiale qui, en extension, pourrait réduire l’espace résiduel pour le nerf radial qui est situé juste antérieurement. En flexum, on visualise un liséré graisseux au pourtour du nerf, mais un effet de masse pourrait se produire en extension et entraîner une symptomatologie ».
[94] L’imagerie a clairement démontré qu’il n’y avait pas d’épicondylite; il s’agit de douleurs irradiées car au site du kyste, la travailleuse n’éprouvait aucun symptôme et il ne pouvait être palpé puisqu’il est situé à l’intérieur de l’articulation.
[95] C’est pourquoi, après avoir reçu les résultats de ces examens, le docteur Greenfield modifie son diagnostic. Il écrit au représentant de la travailleuse en avril 2006 que les diagnostics à retenir ici sont un kyste arthrosynovial au coude droit et une tendinopathie tricipitale; cette dernière n’a ici aucune corrélation clinique, la travailleuse n’éprouvant aucune douleur à ce site.
[96] Comme l’a expliqué le docteur Osterman à l’audience, c’est également pourquoi la condition n’a pas répondu aux traitements qui lui ont été administrés, ceux-ci n’étant pas appropriés pour un kyste arthrosynovial, et n’ont eu aucun effet.
[97] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que c’est en vertu du diagnostic de kyste arthrosynovial que l’analyse de la présente doit être effectuée.
(notre soulignement)
[20] Puis elle conclut qu’il s’agit d’une condition purement personnelle, de cause idiopathique, sans aucun lien avec le travail :
[98] Or, est-ce qu’un kyste arthrosynovial peut être occasionné par des gestes survenus au travail ou aggravé par un traumatisme survenu également au travail? La Commission des lésions professionnelles n’en est pas convaincue.
[99] La preuve médicale prépondérante est à l’effet qu’un kyste arthrosynovial, comme celui dont madame Gariépy est porteuse, n’est pas occasionné par une activité de travail ou un traumatisme. Il s’agit, comme l’a expliqué le docteur Osterman, d’une enflure de la synovie qui est de cause idiopathique, et qui peut disparaître d’elle-même, par infiltration directe ou bien par une chirurgie. Le fait de solliciter une articulation n’a pas pour effet d’aggraver la condition mais la douleur éprouvée est bien réelle lorsqu’il y a compression d’une structure qui se trouve à proximité.
[100] Même le docteur Greenfield n’est pas très convaincant lorsqu’il indique que les exigences du travail peuvent causer un kyste arthrosynovial et qu’il existe une possibilité qu’un traumatisme ait pu aggraver cette condition. Il ne s’agit que d’une affirmation sans aucune explication de sa part.
[101] La Commission des lésions professionnelles ne met pas en doute le fait que madame Gariépy soit toujours très souffrante, car sa condition n’est toujours pas traitée mais malheureusement, il s’agit d’une condition personnelle qui s’est tout simplement manifestée sans aucun lien avec le travail.
[102] Compte tenu de ces motifs, le tribunal ne croit pas utile de procéder à l’analyse de la réclamation quant à une maladie professionnelle ni de la survenance d’un événement imprévu et soudain qui serait survenu le 20 mai 2004, puisque la condition de kyste arthrosynovial est indépendante de tout lien avec le travail.
[103] Pour tous ces motifs, la requête de madame Gariépy est rejetée.
(notre soulignement)
[21] La Commission des lésions professionnelles doit aujourd’hui déterminer s’il y a lieu de réviser cette décision en raison de la découverte de faits nouveaux.
[22] Le pouvoir de révision est prévu à l’article 429.56 de la loi :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[23] Il faut d’entrée de jeu rappeler le caractère final d’une décision de la Commission des lésions professionnelles énoncé au troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi :
429.49.
(…)
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[24] La jurisprudence[2] a établi trois critères pour conclure à l’existence d’un fait nouveau soit :
1- la découverte postérieure à la décision d’un fait nouveau;
2- la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale;
3- le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige, s’il eut été connu en temps utile.
[25] Il est bien établi que le recours en révision ne peut pas permettre de compléter ou bonifier une preuve. Une partie ne peut pas tenter de venir combler les lacunes de la preuve qu'elle a eu l'occasion de faire valoir en premier lieu par le recours en révision. Agir ainsi compromettrait le principe de stabilité et de finalité des décisions.
[26] Comme fait nouveau, la travailleuse allègue un rapport d’échographie du coude droit daté du 4 mai 2006 demandé par le Dr Greenfield. Compte tenu des prétentions des parties, il y a lieu de reproduire au complet le rapport de cet examen :
ÉCHOGRAPHIE DU COUDE DROIT :
Il n’y a pas d’épanchement intra-articulaire.
Présence d’une formation kystique mesurant environ 1 cm dans les deux axes. Ce kyste est plurilobulé et est situé en antéro-externe. On suspecte un prolongement vers l’articulation huméro-radiale. À noter qu’au passage de la sonde vis-à-vis de kyste, aucune des douleurs habituelles de la patiente n’est reproduite. (Même avec une pression très importante aucune douleur n’est reproduite).
Insertion du tendon commun des fléchisseurs : sans particularité.
Insertion du tendon commune des extenseurs : petit enthésophyte. Un peu de tendinose se manifestant par un tendon hypoéchogène dans sa portion profonde. Le tendon n’est pas vraiment augmenté de volume. Deux petites calcifications linéaires sont identifiées dans la tendinose. Elles mesurent toutes deux moins de 3 mm de longueur. Pas d’hypervascularisation au doppler de puissance.
OPINION :
Tendinose du tendon commun des extenseurs avec de petites calcifications mais sans évidence de déchirure. À noter que les douleurs de la patiente sont reproduites au passage de la sonde vis-à-vis l’insertion du tendon ce qui confirme votre diagnostic clinique d’épicondylite.
Kyste à la face antéro-externe du coude droit non douloureux. Il s’agit soit d’un kyste mucoïde (ganglion cyst) ou d’un kyste arthro-synovial à localisation inhabituelle. Je ne crois pas que ce kyste explique les symptômes de la patiente d’où ma réticence de ponctionner… À discuter.
[27] La travailleuse dépose également copie du rapport d’évaluation médicale du Dr Greenfield daté du 12 septembre 2006. Le Dr Greenfield retient alors comme «diagnostic préévaluation» celui d’épicondylite au coude droit.
[28] La travailleuse soumet que cette échographie confirme l’existence du diagnostic d’épicondylite et démontre que la symptomatologie qu’elle présente n’est pas attribuable au kyste arthrosynovial qui avait été vu antérieurement à l’imagerie par résonance magnétique. Ce fait nouveau est de nature à modifier la décision rendue puisqu’il contredit directement la conclusion de la première commissaire qui attribue la symptomatologie à un kyste arthrosynovial et à l’inexistence d’une épicondylite au coude droit.
[29] S’agit-il de la découverte postérieure d’un fait qui n’était pas disponible au moment où s’est tenue l’audience initiale devant la première commissaire?
[30] L’échographie est effectuée le 4 mai 2006 soit après l’audience tenue devant la première commissaire le 6 avril précédent. Le dossier a cependant a été pris en délibéré le 12 mai 2006, la commissaire ayant permis le dépôt de littérature médicale et de commentaires supplémentaires. L’examen en question a donc lieu après l’audience mais avant que la décision soit rendue le 30 octobre 2006.
[31] Le procureur de l’employeur prétend que la travailleuse connaît l’existence de ce fait nouveau à tout le moins depuis le 4 mai 2006, date où elle se soumet à l’examen. Il ignore à quelle date lui a été prescrit cet examen par le Dr Greenfield mais il soumet qu’il n’était pas impossible de connaître ce fait lors de l’audience du 6 avril 2006. Il fait valoir que la travailleuse ou son représentant de l’époque[3] aurait pu aviser de cet examen à venir lors de l’audience ou réserver ses droits à cet égard. Elle aurait pu également demander une réouverture d’enquête après avoir passé cet examen.
[32] La Commission des lésions professionnelles ne peut retenir la prétention de l’employeur à ce sujet.
[33] La soussignée a pris connaissance des notes sténographiques[4] de l’audience tenue par la première commissaire et du dossier afin de vérifier ce qui a été mis en preuve au sujet de l’examen d’échographie à venir.
[34] Lors de la consultation du 25 janvier 2006, le Dr Greenfield, après avoir pris connaissance du rapport de résonance magnétique, prescrit une «aspiration du kyste». À l’audience du 6 avril 2006, il n’est pas question d’une éventuelle échographie. Cependant, interrogée sur ses traitements, la travailleuse témoigne qu’elle attend un rendez-vous à l’Hôpital Sacré-Cœur «pour faire fondre le kyste». Elle a téléphoné pour prendre rendez-vous mais elle n’a pas encore obtenu une date[5].
[35] Le Tribunal comprend que l’examen d’échographie du 4 mai 2006 est fait dans le cadre du traitement visant la ponction du kyste. L’examen a effectivement lieu à l’Hôpital Sacré-Cœur mais la radiologiste décide de ne pas procéder à la ponction du kyste compte tenu de ses observations.
[36] La travailleuse a donc témoigné au moment de l’audience de ce qu’elle savait soit l’attente d’un traitement pour une ponction du kyste. Elle ne pouvait pas présumer du résultat et n’avait pas de raisons de croire que cet examen allait amener des informations nouvelles. C’était d’abord et avant tout un traitement pour le kyste qu’elle allait subir et non une nouvelle investigation.
[37] Lorsque l’échographie est effectuée le 4 mai 2006, la travailleuse n’en connaît pas davantage le résultat. Dans sa requête, la travailleuse allègue avoir reçu copie de ce rapport d’échographie le 7 novembre 2006, ce que l’employeur admet. Ce délai de six mois pour obtenir le résultat d’un examen est très long et étonne. Mais c’est la preuve au dossier.
[38] C’est donc à ce moment-là que la travailleuse prend connaissance du rapport d’échographie et elle soumet sa requête en révision le 12 décembre, soit dans les 45 jours de la découverte de ce fait nouveau tel que l’exige la jurisprudence[6].
[39] L’examen d’échographie n’est pas un fait nouveau découvert postérieurement. Ce n’est pas un fait qui existait au moment de l’audience et qu’il a été impossible d’obtenir puisqu’il a lieu postérieurement à l’audience. Toutefois, comme il survient peu de temps après l’audience, il peut donner lieu à la découverte d’un fait nouveau s’il met en évidence une information de nature à modifier la décision rendue.
[40] L’employeur réfère à plusieurs décisions de la Commission des lésions professionnelles refusant de considérer comme un fait nouveau un examen obtenu postérieurement à une décision. Cela aurait pour effet que les décisions de la Commission des lésions professionnelles ne seraient jamais finales. La jurisprudence signale d’ailleurs que le fait allégué doit être un fait qui existait au moment de l’audience initiale.
[41] La soussignée partage ces principes. Cependant en matière de tests, d’examens radiologiques ou d’interventions chirurgicales, le fait nouveau n’est pas l’examen en lui-même mais ce qu’il révèle.
[42] Le procureur de la travailleuse invoque la décision rendue dans Unimin Canada ltée et Labelle[7]. Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles avait conclu dans sa décision initiale que le travailleur n'est pas atteint d’une maladie professionnelle parce que la preuve ne démontrait pas qu’il était atteint d’une silicose. Elle a rendu sa décision essentiellement à l'égard de l'interprétation de l'imagerie pulmonaire, après avoir noté l'absence d'une biopsie pulmonaire qui aurait permis d'établir un diagnostic de façon précise et définitive. Le fait nouveau invoqué par le travailleur est justement une biopsie pulmonaire, démontrant qu'il est porteur d'une silicose simple.
[43] La requête en révision est accueillie et la Commission des lésions professionnelles s’exprime ainsi :
[14] En matière de fait nouveau, la jurisprudence du tribunal est à l’effet qu’il doit s’agir de la découverte postérieure d’un fait nouveau, impossible à obtenir au moment de l’audience initiale et dont le caractère déterminant aurait eu un effet sur le sort du litige. En l’instance, ces critères sont démontrés.
[15] Dans une décision rendue en 2002 [2], le tribunal est saisi d’une requête alléguant la découverte d’un fait nouveau. On y précise que ce ne sont pas les rapports médicaux qui constituent le fait nouveau, mais bien ce qu’ils contiennent comme information. Ainsi, la vraie question est de savoir si la condition notée dans les rapports médicaux, est une condition qui existait avant la décision rendue par le tribunal. C’est ce qui est démontré en l’instance. La chirurgie subie par le travailleur en février 2004 met en évidence une condition existante en tout temps pertinent avant la décision de la Commission des lésions professionnelles datée du 5 septembre 2003.
[16] Aussi, il ne s’agit pas, pour le travailleur, d’une bonification de sa preuve après enquête ou de la création d’une preuve après enquête. Le travailleur est atteint d’une maladie pulmonaire et c’est dans le cadre des soins et traitements requis par cette maladie qu’il a subi la chirurgie du mois de février 2004. La disponibilité de cette preuve médicale est tributaire des symptômes que présente le travailleur, indépendamment des litiges concernant l’origine professionnelle de sa condition pulmonaire.
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[2] Chabot et Toitures Qualitoit inc., 137462-32-0005, 22 avril 2002, P. Simard
[44] C’est également de cette façon que la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision analyse les prétentions d’une travailleuse dans la décision Gariepy et Centre de santé services sociaux Laval[8]. La travailleuse invoquait un fait nouveau, soit une nouvelle intervention chirurgicale au genou droit. Après avoir rappelé les critères applicables, ci-haut énoncés, la Commission des lésions professionnelles conclut ainsi :
[28] L'intervention chirurgicale du 17 juillet 2006 ne constitue pas en soi un fait nouveau parce qu'il s'agit d'une chirurgie qui a été effectuée postérieurement à l'audience initiale du 31 mai 2006 et à la décision du 10 juillet 2006. Cependant, elle aurait pu donner lieu à la découverte d'un fait nouveau si, comme le prétend madame Gariépy, elle avait permis de mettre en évidence une fracture de la rotule.
[29] Ce n'est toutefois pas le cas. (…)
[45] Dans le présent dossier, l’échographie effectuée pour la ponction du kyste ne constitue pas en soi un fait nouveau mais elle contient des informations qui constituent des faits nouveaux. Compte tenu du court délai entre l’examen et l’audience, la condition décrite à l’examen était certes présente au moment de l’audience.
[46] La Commission des lésions professionnelles estime donc que les deux premiers critères sont rencontrés. L’échographie a révélé postérieurement à la décision des faits nouveaux. Reste à déterminer s’il s’agit de faits de nature à faire modifier la décision rendue. S’agit-il d’un fait qui «aurait pu justifier une décision différente» s’il avait été connu en temps utile?
[47] La travailleuse prétend que l’échographie révèle un fait nouveau qui peut modifier le diagnostic retenu par la première commissaire. Le radiologiste est d’avis que l’examen confirme le diagnostic d’épicondylite et que le kyste n’explique pas les symptômes de la patiente. Si la commissaire avait pu prendre connaissance de ce rapport d’examen, sa décision aurait-elle été la même? N’aurait-elle pas plutôt considéré que la preuve prépondérante démontre la présence d’une épicondylite? La question du diagnostic retenu est ici déterminante car ayant retenu un diagnostic de kyste arthrosynovial, la première commissaire a retenu qu’il s’agit d’une condition purement personnelle sans lien avec le travail.
[48] Sur le caractère déterminant du fait nouveau invoqué, l’employeur a déposé une opinion écrite du Dr Osterman et a fait témoigner celui-ci. Le Dr Osterman explique d’abord l’utilisation des différents tests que l’on retrouve au dossier : résonance magnétique, échographie et scintigraphie osseuse et commente les résultats de chacun.
[49] Concernant la scintigraphie osseuse du 12 juillet 2005, il explique qu’elle visait à éliminer la possibilité d’une algodystrophie réflexe au membre supérieur droit et l’examen n’a effectivement pas démontré de signes d’une telle atteinte. Le nucléiste qui procède à l’examen note un léger rehaussement à la région olécrânienne mais aucun au niveau des épicondyliens. Le Dr Osterman en conclut qu’il n’y avait pas à ce moment-là de processus inflammatoire au niveau de l’épicondyle.
[50] Quant à la résonance magnétique du 2 novembre 2005, elle révèle la présence du kyste arthrosynovial et elle confirme en quelque sorte la scintigraphie sur le fait qu’il n’y a pas d’évidence d’épicondylite. Elle révèle des signes de tendinopathie à l’insertion du tendon tricipital sur l’olécrâne, ce qui ne fait pas l’objet de débat ici.
[51] Comte tenu de ces éléments déjà au dossier, que révèle de nouveau l’échographie du 4 mai 2006? L’échographie confirme d’abord la présence du kyste déjà visualisé à la résonance. Quant au fait qu’il soit indolore, il réfère à son témoignage lors de la première audience sur la difficulté de palper ce kyste situé à l’intérieur de l’articulation.
[52] Quant à la tendinose du tendon commun des extenseurs, il s’agit là de l’épicondyle mais l’échographie démontre, à son avis, un processus dégénératif et non un processus inflammatoire aigu. De plus, l’absence d’épanchement, le fait que le tendon ne soit pas augmenté de volume et le fait qu’il n’y ait pas d’hypervascularisation sont tous des signes d’une absence de processus inflammatoire.
[53] Il estime également que la présence de petites calcifications est récente, sinon elles auraient été détectées à la résonance magnétique.
[54] Selon lui, l’échographie n’ajoute rien au débat. Elle confirme la présence du kyste et révèle une pathologie dégénérative au niveau de l’épicondyle. Il signale que le radiologiste ne retient pas un diagnostic d’épicondylite. Le fait que la douleur soit reproduite au passage de la sonde ne confirme pas à ses yeux une épicondylite, comme l’affirme le radiologiste. Elle est le signe d’une épicondylalgie, une douleur au niveau de l’épicondyle mais attribuable à la tendinose.
[55] Concernant le rapport d’évaluation médicale du Dr Greenfield du 12 septembre 2006, le Dr Osterman signale que celui-ci modifie les diagnostics retenus dans son opinion du 3 avril 2006, soit ceux de kyste arthrosynovial et de tendinopathie au niveau du tendon tricipital sur l’olécrâne, pour un diagnostic d’épicondylite au coude droit mais sans aucune référence à l’échographie. À l’examen, il rapporte une douleur à la palpation au niveau de l’épicondyle droit avec extension forcée du poignet droit. Le Dr Osterman signale que cette douleur à l’épicondyle peut aussi bien s’expliquer par le kyste, tel qu’il en a témoigné lors de la première audience.
[56] Dans les circonstances du présent dossier, la Commission des lésions professionnelles estime que ce rapport d’échographie constitue un élément de preuve qui «aurait pu justifier une décision différente» s’il avait été connu en temps utile au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi. Le troisième critère est donc aussi rencontré.
[57] La première commissaire a retenu de la preuve un diagnostic de kyste arthrosynovial au motif que «l’imagerie a clairement démontré qu’il n’y avait pas d’épicondylite». Compte tenu de ce diagnostic, elle rejette la réclamation pour lésion professionnelle puisqu’il s’agit d’une condition «indépendante de tout lien avec le travail». C’est là le fondement même de sa décision.
[58] Or dans le rapport d’échographie du 4 mai 2006, la Dre Danielle Bédard, radiologiste, est d’opinion que son examen confirme le diagnostic clinique d’épicondylite. Elle indique que le kyste n’explique pas les symptômes de la patiente et elle ne procède pas à la ponction du kyste. Il s’agit d’une opinion qui repose à la fois sur une lecture de l’imagerie et sur une corrélation avec certains éléments cliniques, soit la présence de douleur au passage de la sonde servant à l’examen.
[59] La Commission des lésions professionnelles considère que ce rapport d’échographie est un élément de preuve qui aurait pu avoir un caractère déterminant sur le sort du litige s’il avait été connu de la première commissaire. Si elle avait eu en mains ce rapport d’échographie, elle aurait dû en apprécier la valeur probante à la lumière de l’ensemble de la preuve. Cette preuve porte sur l’élément principal de sa décision. On ne peut pas présumer de sa conclusion, l’aurait-elle écartée ou retenue, mais la Commission des lésions professionnelles estime que cette preuve est susceptible de justifier une décision différente.
[60] Le procureur de la travailleuse soumet que ce rapport ne prête pas à interprétation. La Commission des lésions professionnelles n’est pas de cet avis. Les différents éléments signalés par le Dr Osterman démontrent que ce nouvel élément de preuve soulève un débat. La valeur probante de ce rapport devra donc être appréciée à la lumière de l’ensemble de la preuve notamment les différents rapports d’imagerie au dossier, les différents examens cliniques au dossier, l’évolution de la condition de la travailleuse et les opinions des experts. L’existence d’un kyste est incontestable mais tout le débat consiste à déterminer si ce kyste est responsable de la symptomatologie ou si la travailleuse souffre d’une épicondylite.
[61] Compte tenu de la demande des parties, celles-ci seront convoquées à nouveau pour être entendues sur le bien-fondé de la contestation en tenant compte de la preuve déjà versée au dossier, du rapport d’échographie du 4 mai 2006 et du rapport d’évaluation médicale du Dr Greenfield du 12 septembre 2006.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête en révision de madame Linda Gariepy, la travailleuse;
RÉVISE la décision rendue le 30 octobre 2006 par la Commission des lésions professionnelles;
CONVOQUERA les parties à une nouvelle audience.
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Lucie Nadeau |
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Commissaire |
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Me André G. Lavoie |
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LAVOIE, MÉNARD, AVOCATS |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Jean-François Gilbert |
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GILBERT, AVOCATS |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, C.L.P. 107558-73-9811, 17 mars 2000, A. Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., C.L.P. 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, 2000LP-165; Soucy et Groupe RCM inc., C.L.P. 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, 2001LP-64; Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, C.L.P. 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, C.L.P. 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque
[3] La travailleuse a un nouveau représentant pour la requête en révision.
[4] Déposées au dossier par l’employeur.
[5] Notes sténographiques de l’audience tenue le 6 avril 2006, pp. 84-85.
[6] Arbour et Banque nationale du Canada, C.L.P. 104372-63-9808, 27 septembre 1999, C. Bérubé; Desmarais et Les aliments Carrières inc., C.L.P. 144661-62B-0008, 21 août 2002, L. Boucher
[7] [2004] C.L.P. 910
[8] C.L.P. 275641-63-0503, 21 décembre 2006, C.-A Ducharme
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