DÉCISION
[1] Le 26 septembre 2001, Dany Cardinal (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la révision administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 21 août 2001.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu'elle a initialement rendue le 30 novembre 2000 et réclame au travailleur un montant de 517,72$
[3] Le travailleur se représente seul à l'audience. Canbro Inc (l'employeur) n'est pas représenté, n'a fait aucune représentation ni motivé son absence à l'audience.
[4] La Commission des lésions professionnelles a accordé une journée de délai au travailleur pour le dépôt de ses talons de chèques entre le 31 octobre 2000 et le 16 novembre 2000.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande de ne rembourser qu'un montant de 246 56$ correspondant aux indemnitées qu'il a reçues durant les quatre jours où il a effectué un retour au travail progressif.
LES FAITS
[6] Le 29 mai 2000, le travailleur s'inflige une entorse lombaire au travail laquelle ne nécessite pas d'arrêt du travail immédiat. Il est référé en physiothérapie tout en effectuant normalement son travail d'opérateur. Il ne cesse de travailler qu'à la mi-août 2000. Cependant, selon un rapport de l'employeur au dossier, celui-ci a réclamé à la CSST un montant de 216,33$ suite aux absences du travailleur pour recevoir des traitements entre les 17 juillet et le 10 août 2000. La CSST a remboursé l'employeur le 21 septembre 2000.
[7] Le 17 octobre 2000, le docteur Pharand, médecin traitant, suggère une évaluation en ergothérapie et veut revoir le travailleur dans 14 jours. Le 26 octobre 2000, il recommande un retour au travail 2 jours/semaine durant 14 jours puis 3 jours/semaine durant 14 jours. L'entorse lombaire du travailleur fut consolidée le 10 novembre 2000.
[8] Dans les faits, le travailleur effectue un retour au travail progressif à son emploi pré-lésionnel les 31 octobre, 2 novembre, 7 novembre et 9 novembre 2000. Le13 novembre 2000, il reprend son travail à plein temps.
[9] Le 27 novembre 2000, la CSST réclame au travailleur une somme de 246,56$ correspondant à des indemnités reçues, sans droit, entre le 13 novembre et le 16 novembre 2000.
[10] Le 30 novembre 2000, la CSST lui demande de rembourser 517,72$ pour le motif qu'il a commencé à travailler progressivement à partir du 30 octobre 2000 et que son employeur lui a versé un salaire pour les jours travaillés.
[11] Le 19 décembre 2000, le travailleur explique à la CSST que son agente l'avait informé qu'il ne devrait rembourser qu'un montant de 493 12$ correspondant à huit jours d'indemnités. Il est d'accord pour rembourser ce montant. Il prétend que le montant total qui lui est maintenant réclamé pour 8 jours, soit 764,28$ (246,56$ + 517,72$), correspond à peu près à son salaire pour 14 jours de travail. Tout compte fait, il considère qu'il a été pénalisé de retourner progressivement au travail.
[12] Aux notes évolutives du dossier, l'agent d'indemnisation écrit ce qui suit:
«Le 19 décembre 2000 le travailleur conteste la décision du 30 novembre 2000 portant sur le trop payé de 517.72$.
Ce trop payé est à la suite d'un retour au travail progressif à partir du 30 octobre 2000. Le travailleur a reçu son indemnité de remplacement de revenu journalière de 61.64$ alors que à la suite de la déduction des revenues d'emploi (rat progressif) il n'avait droit qu'à 24.66$ par jour. Il est a noter que pour établir un calcul équitable pour le travailleur, les revenues d'emploi sont appliqués sur une base hebdomadaire correspondant à la période de gain salariale.
une différence de 36.98$ par jours pour 14 jours = 517.72$» [sic]
[13] Les indemnités qui ont été versées par la CSST du 3 novembre au 16 novembre 2000, soit 14 jours à 61,64$/jour, totalisent 862,96$. De ce montant, la CSST a déjà réclamé 246,56$ pour la période du 13 au 16 novembre 2000.
[14] Le travailleur déclare à l'audience qu'il a été rémunéré par son employeur pour les jours où il a travaillé entre le 30 octobre et le 16 novembre 2000.
[15] Dans sa décision du 21 août 2001, le réviseur de la CSST écrit ce qui suit:
«Essentiellement, dans ce dossier, l'agente d'indemnisation a calculé que compte tenu que le travailleur avait effectué un retour au travail progressif à compter du 30 octobre 2000, celui-ci a reçu un salaire de la part de son employeur. L'agente au dossier a donc procédé à un calcul consistant à déduire les revenus tirés de l'employeur d'un montant fixé à titre d'indemnité de remplacement du revenu. Des faits et observations au dossier, il apparaît, à sa face même, que le calcul a été effectué selon les normes, les politiques et les procédures de la Commission. On constate au dossier qu'il y a une différence de 36,98$ que le travailleur a reçu quotidiennement et ce, pour 14 jours, donc, pour un total de 517,72$. Ce trop perçu par le travailleur devient donc exigible par la Commission.»
L'AVIS DES MEMBRES
[16] Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis que le calcul des indemnités effectué par la CSST est conforme à l'article 52 de la loi et que le travailleur doit rembourser le montant réclamé. Le membre issu des associations syndicales est plutôt d'avis que l'article 61 de la loi doit s'appliquer et qu'il appartient à l'employeur de verser le plein salaire au travailleur lors de son retour au travail progressif.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[17] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le montant de 517,72$ réclamé par la CSST est justifié.
[18] Pour décider de cette question, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le mode de calcul de l'indemnité de remplacement du revenu effectué par la CSST est conforme à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1](la loi). Les dispositions pertinentes à l'étude du présent dossier sont les articles 44 à 46 ainsi que 52 de la loi.
44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.
Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.
________
1985, c. 6, a. 44.
45. L'indemnité de remplacement du revenu est égale à 90 % du revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi.
________
1985, c. 6, a. 45.
46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.
________
1985, c. 6, a. 46.
52. Malgré les articles 46 à 48 et le deuxième alinéa de l'article 49, si un travailleur occupe un nouvel emploi, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'il tire de son nouvel emploi.
________
1985, c. 6, a. 52.
[19] En vertu des articles 44 et 46, le droit à l'indemnité de remplacement du revenu découle de l'incapacité du travailleur à exercer son emploi. Cette incapacité est présumée tant que la lésion professionnelle n'est pas consolidée.
[20] L'emploi occupé par le travailleur au moment de la lésion du 29 mai 2000 était celui d'opérateur. Il est devenu incapable d'exercer cet emploi en août 2000 et la fin de cette incapacité est le 10 novembre 2000, date de consolidation de sa lésion.
[21] L'article 52 de la loi prévoit que malgré l'article 46 notamment, qui traite de la durée de l'incapacité, l'indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'un travailleur tire d'un nouvel emploi qu'il occupe.
[22] Il s'agit en l'espèce de décider si le travailleur occupait un nouvel emploi au sens de l'article 52, lors de son retour au travail progressif entre le 31 octobre et le 9 novembre 2000.
[23] Dans une affaire semblable, "Hamel et Sobey's Québec"[2], la Commission des lésions professionnelles a donné l'interprétation suivante à la notion de "nouvel emploi" visé à l'article 52 de la loi :
«Devant cette situation, il semble ressortir que la seule disposition pouvant recevoir application est l'article 52 de la loi même si cela exige d'interpréter la notion de «nouvel emploi» comme incluant l'exercice de son emploi prélésionnel mais à temps partiel…»
Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles avait aussi examiné l'application des articles 61 et 180 de la loi lesquels traitent du salaire versé par l'employeur lorsque le travailleur doit s'absenter pour recevoir des soins ou subir des examens médicaux et lors d'une assignation temporaire.
[24] Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles est aussi d'avis que l'article 52 de la loi doit s'appliquer. En effet, la lésion du travailleur n'étant pas consolidée, il avait droit à la poursuite de son indemnité de remplacement du revenu. En outre, même si le travailleur n'a pas exercé comme tel un nouvel emploi lors de son retour au travail progressif, son emploi habituel d'opérateur qu'il a exercé, à demi-temps, doit être interprété comme un "nouvel emploi" au sens de l'article 52 de la loi Ainsi, la CSST se devait de déduire de l'indemnité de remplacement du revenu, le revenu net que le travailleur a tiré de l'emploi qu'il a exercé entre le 30 octobre et le 13 novembre 2000.
[25] Comme le soulignait par ailleurs la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire précitée :
«Tous les autres travailleurs qui reçoivent une indemnité de remplacement du revenu, qu'ils soient non consolidés, en réadaptation, en recherche d'emploi ou en recherche d'un emploi convenable, et qui perçoivent en même temps un revenu d'emploi, voient leur indemnité réduite de cette somme en vertu de l'article 52.»
[26] Dans une autre affaire[3], la Commission des lésions professionnelles exprimait ce qui suit sur l'article 52 de la loi :
«L'ensemble des articles de la section I du chapitre III (art. 44 à 82 de la loi), qui traite des indemnités, montre, au contraire, que le législateur s'assure que le travailleur reçoit une juste indemnité mais sans pour autant que ce droit fasse en sorte qu'il y ait enrichissement sans cause. C'est la philosophie que l'on retrouve à l'article 52…»
[27] En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que les sommes réclamées au travailleur sont conformes au calcul effectué en vertu de l'article 52 de la loi. Ainsi, le travailleur doit en effectuer le remboursement.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de Dany Cardinal, le travailleur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la CSST, le 21 août 2001;
DÉCLARE que le montant de 517 72$ réclamé par la CSST est justifié;
|
|
|
Véronique Bergeron |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.