JP 1249 |
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TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-53-000217-040 |
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DATE : |
8 septembre 2005 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
JUGE MICHÈLE PAUZÉ |
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AVEC L'ASSISTANCE DES ASSESSEURS: |
Me Marie-Claude Rioux |
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Me William Hartzog |
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COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE pour Madame Linda Desrochers, 360 rue St-Jacques, bureau 310, Montréal, P.Q. H2Y 1P5 |
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Demanderesse |
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c. |
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LINDA LEE et JONATHAN ZACK, 12 273 boul. Gouin O., Pierrefonds, P.Q. H8Z 1W7, tous deux faisant affaires sous le nom de: Meubles Accents |
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Et |
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AUDREY FAHEY, 462 - 23e avenue, Ile Perrot, P.Q. J7V 4N4 |
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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[1]
Le Tribunal des droits de la personne (ci-après
appelé le Tribunal) est saisi d'une demande introductive d'instance par
laquelle la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
(ci-après appelée la Commission), agissant au nom de la plaignante Linda
Desrochers, allègue que les défendeurs Linda Lee, Jonathan Zack et Audrey Fahey
ont porté atteinte aux droits de madame Desrochers d'être traitée en toute
égalité, sans distinction ou exclusion fondée sur le sexe (allaitement) en
l'empêchant d'avoir accès à un lieu public et d'y obtenir les biens et services
qui y sont disponibles, le tout en contravention avec les articles
[2]
La Commission allègue également que les
défendeurs ont porté atteinte aux droits de madame Desrochers à la sauvegarde
de sa dignité, sans distinction ou exclusion fondée sur le sexe (allaitement),
contrairement aux articles
[3] Les conclusions demandées au Tribunal sont:
"D'ordonner aux parties défenderesses Jonathan Zack, Linda Lee, et Audrey Fahey de verser solidairement à la plaignante Linda Desrochers, une somme de deux mille dollars (2 000$) à titre de dommages moraux pour l'atteinte à son droit à la reconnaissance et à l'exercice de ses droits en toute égalité, sans discrimination fondée sur le sexe, et pour l'atteinte à son droit à la sauvegarde de sa dignité.
LE TOUT avec intérêts au
taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article
LA PREUVE:
L'incident au magasin Meubles Accent:
[4] Le 7 novembre 2002, la plaignante madame Linda Desrochers se rend, avec son bébé âgé de quelques semaines, au magasin Meubles Accent en compagnie de sa voisine Colleen Glover et l'enfant de celle-ci âgé d'environ 2 ans.
[5] Madame Glover qui avait déjà fixé son choix sur un modèle de chaise, voulait avoir l'opinion de la plaignante sur la couleur des tissus.
[6] Assises à la table d'un mobilier de salle à manger, la vendeuse madame Audrey Fahey, qui avait reconnu madame Glover, leur apporte différents échantillons de tissus.
[7] Mesdames Desrochers et Glover sont les seules clientes présentes dans le magasin.
[8] Peu de temps après leur arrivée, le bébé de madame Desrochers s'agite. La plaignante, toujours assise au même endroit, commence à allaiter le bébé.
[9] Selon madame Glover, la vendeuse, madame Audrey Fahey, s'adresse à elle en désignant la plaignante. Elle lui dit que cette conduite n'est pas appropriée: "This is inacceptable, even though it's a beautiful thing for a mother", ajoutant "you have to leave".
[10] Invitées à ce faire par madame Fahey, mesdames Desrochers et Glover quittent le magasin. En défense, madame Lee prétend qu'elles ont quitté de leur propre chef sans que la vendeuse ne le leur ait demandé.
[11] Madame Glover indique que lors des événements, la plaignante est devenue tout rouge, qu'elle avait les larmes aux yeux. Elles ont quitté rapidement le magasin humiliées et en état de choc.
[12] Le lendemain, madame Glover contacte la propriétaire du magasin, madame Linda Lee, pour se plaindre de la situation et demander des excuses. Madame Lee lui aurait alors signifié être en accord avec les agissements de sa vendeuse. Elle aurait mentionné que la vendeuse n'avait rien fait de mal car il est interdit de boire ou de manger dans le magasin.
[13] De son côté, madame Lee confirme avoir reçu un appel de madame Glover. Elle affirme que madame Glover était très fâchée des événements de la veille et qu'elle a exigé des excuses.
[14] Elle précise que la vendeuse lui a rapporté, le lendemain, avoir eu des problèmes avec ces deux clientes. Selon madame Lee, les deux clientes ont été averties que leur conduite était "inappropriée" parce qu'elles occupaient une table située à l'entrée du magasin, que l'enfant de madame Glover était turbulent et que les anneaux métalliques retenant les échantillons de tissus pouvaient égratigner la table. Selon elle, le départ des clientes du magasin n'avait rien à voir avec l'allaitement du bébé.
[15] La vendeuse, madame Fahey, était absente à l'audience.
[16] Lors de son témoignage, madame Lee explique que l'allaitement en public peut être conflictuel. Certaines personnes sont pour, alors que d'autres sont contre. Elle indique que personnellement elle a eu peur que cela affecte son commerce.
[17] Sensibilisée à la situation vécue dans le magasin par madame Glover, la journaliste au quotidien The Gazette, madame Cheryl Cornacchia, est venue témoigner devant le Tribunal. Elle explique avoir contacté madame Lee pour discuter des événements. Dans son article paru le 12 novembre 2002, elle écrit: "Meubles Accent owner Linda Lee said that while she's not opposed to breast-feeding in a food court or on a public bench, it can make a store look bad. People in Dorval are conservative."
[18] Suite à la parution de cet article dans "The Gazette", une station radiophonique a fait une tribune sur les événements. Madame Lee témoigne que plusieurs clients sont passés au magasin et ont téléphoné pour faire part de leur mécontentement. Madame Lee signale avoir fermé son commerce peu de temps après, en mars 2003.
[19] La plaignante témoigne que cette mésaventure l'a beaucoup embarrassée et choquée. Elle y a repensé à chaque fois qu'elle a eu à allaiter en public.
La propriété du magasin Meubles Accent:
[20] Dans son témoignage, de même que dans son mémoire, madame Lee indique qu'elle était la propriétaire du magasin Meubles Accent, maintenant fermé.
[21] C'est d'ailleurs ce qui se retrouve dans la déclaration d'immatriculation, matricule 2260758992. À cette déclaration, madame Lee y exploite seule l'entreprise Meubles Accent soit au 2660 de Salaberry à Montréal. Cette entreprise est qualifiée de "retail sales furniture and giftware (new)".
[22] Meubles Accent est le seul nom utilisé par madame Lee. Une mise à jour au registraire des entreprises du Québec démontre que celle-ci créée le 25 avril 2002 a été radiée d'office le 24 septembre 2004. On y constate également qui y est coché la case "0 personne(s) liée(s)".
[23] L'adresse de résidence de madame Lee est située sur le boulevard Gouin à Pierrefonds.
[24] La Commission poursuit également monsieur Jonathan Zack. Monsieur Zack habite à la même adresse résidentielle que madame Lee. Dans son témoignage, monsieur Zack affirme avec véhémence n'avoir aucun lien avec l'entreprise de madame Lee.
[25] Il exploite différentes entreprises sous le numéro de matricule 2245635190. Ces entreprises sont qualifiées de "cement repairs, mason work" et de "property management and holdings". Dans sa déclaration d'immatriculation, on constate que monsieur Zack opère ses activités sous les noms de "Construction Radbord" et de "Les Immeubles Radbord". Toutes les entreprises de monsieur Zack sont situées sur le boulevard Gouin. Dans sa déclaration, monsieur Zack indique les noms d'entreprises suivantes: Accent Fourniture, en date du 7 août 2000, Construction Radbord, en date du 25 mars 1996, Les Immeubles Radbord, en date du 7 octobre 1996, Meubles Accent, en date du 7 août 2000, Radbord Holdings, en date du 7 octobre 1998.
[26] Une mise à jour au registraire des entreprises du Québec démontre que tous ces noms et entreprises sont toujours en vigueur.
[27] Quant à l'appellation "Meubles Accent", monsieur Zack témoigne qu'il s'agit d'une entreprise dont les opérations se déroulent uniquement par Internet. Il a d'ailleurs produit une série de factures émises par cette entreprise portant le nom commercial de "Meubles Accent.com".
L'ANALYSE DES FAITS:
[28] Dans la présente affaire, il n'est pas contesté que la vendeuse s'est adressée à madame Glover et a utilisé le mot "inapproprié" en désignant l'endroit où se trouvait la plaignante.
[29] Selon les témoins de la Commission, la vendeuse aurait exigé que madame Desrochers et madame Glover quittent immédiatement le magasin.
[30] La défenderesse, madame Lee, prétend que le comportement de la plaignante et de madame Glover a été jugé inapproprié car elles occupaient une table située à l'entrée du magasin, que l'enfant de madame Glover était turbulent et que les anneaux métalliques retenant les échantillons de tissus pouvaient égratigner la table.
[31] Cette version est difficile à croire pour les motifs suivants: premièrement, la turbulence de l'enfant de madame Glover n'a pas été mise en preuve. Deuxièmement, il est vrai que la plaignante et madame Glover occupaient une table à l'entrée du magasin mais la preuve révèle que c'est la vendeuse qui leur a apporté les échantillons de tissus. Elle ne considérait donc pas qu'il était dangereux, pour le mobilier, d'examiner des échantillons de tissus à cet endroit.
[32] La plaignante et madame Glover étaient les seules clientes présentes dans le magasin. Si, par la suite, la vendeuse considérait qu'il était hasardeux de comparer les échantillons de tissus à cet endroit, elle aurait demandé aux clientes de se déplacer ailleurs dans le magasin plutôt que de qualifier leur conduite "d'inappropriée".
[33] De même, la défenderesse, madame Lee, admet que madame Glover, très fâchée, l'a appelée le lendemain, pour se plaindre de la conduite de la vendeuse et exiger des excuses. Si l'expulsion du magasin était la conséquence d'un comportement déplacé susceptible d'abîmer le mobilier, est-il plausible que madame Glover aurait appelé le lendemain pour demander des excuses? Le Tribunal ne le croit pas.
[34] Madame Glover témoigne à l'effet que Linda Lee s'est dite en accord avec la conduite de sa vendeuse. Le Tribunal est d'avis que l'allaitement a été au cœur de cette conversation téléphonique sinon comment expliquer la déclaration de madame Lee à la journaliste voulant que "it can make a store look bad. People in Dorval are conservative". De plus, lors de son témoignage, madame Lee a expliqué que l'allaitement en public peut être conflictuel puisque certaines personnes sont pour, alors que d'autres sont contre.
[35] Finalement, malgré que la défenderesse soit d'avis que la plaignante et madame Glover ont quitté le magasin de leur propre gré, ces dernières témoignent à l'effet qu'elles y ont été contraintes. L'ensemble du témoignage de ces personnes est cohérent et crédible. Leur expulsion explique donc le fait que madame Glover ait appelé madame Lee le lendemain pour exiger des excuses.
[36] Pour l'ensemble de ces motifs, le Tribunal conclut que la plaignante a été contrainte de quitter le magasin parce qu'elle y allaitait son enfant.
LES QUESTIONS DE DROIT APPLICABLE:
[37] Le Tribunal doit décider si:
1. Les défendeurs ont-ils porté atteinte aux droits de la plaignante, madame Desrochers, en l'empêchant d'allaiter son enfant au magasin Meubles Accent?
2. Dans l'affirmative, quelle est l'indemnité due à la plaignante, madame Desrochers, pour les dommages moraux subis?
LE DROIT APPLICABLE:
[38] Les dispositions pertinentes de la Charte se lisent comme suit:
"4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.
10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.
15. Nul ne peut, par discrimination, empêcher autrui d'avoir accès aux moyens de transport ou aux lieux publics, tels les établissements commerciaux, hôtels, restaurants, théâtres, cinémas, parcs, terrains de camping et de caravaning, et d'y obtenir les biens et les services qui y sont disponibles."
[39] Depuis plusieurs années, la promotion de l'allaitement est devenue un des objectifs principaux de l'Organisation mondiale de la santé (OMS)[2]. Les bienfaits de l'allaitement ont également été reconnus au niveau international dans la Convention relative aux droits de l'enfant[3], ratifiée par le Canada en 1991, où on peut lire à l'article 24:
"1. Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s'efforcent de garantir qu'aucun enfant ne soit privé du droit d'avoir accès à ces services.
2. Les États parties s'efforcent d'assurer la réalisation intégrale du droit susmentionné et, en particulier, prennent les mesures appropriées pour:
(…)
e) Faire en sorte que tous les groupes de la société, en particulier les parents et les enfants, reçoivent une information sur la santé et la nutrition de l'enfant, les avantages de l'allaitement au sein, l'hygiène et la salubrité de l'environnement et la prévention des accidents, et bénéficient d'une aide leur permettant de mettre à profit cette information."
[40] Comme le Tribunal l'a déjà souligné, l'allaitement n'est pas un geste d'exhibition, il s'agit d'un geste naturel intimement lié à la capacité d'une femme de donner naissance à un enfant[4].
[41] Par ailleurs, les tribunaux ont déjà reconnu les bienfaits de l'allaitement maternel. Dans l'affaire Schafer c. Canada (Attorney General)[5], on peut lire ceci:
"Breast-feeding
The world Health Organisation, Health an Welfare Canada and the Canadian Pediatric Society have for the past 20 years actively promoted breast-feeding. Exclusive breast-feeding is recommended for the first 6 to 12 months of life for maximum nutritional, immunological and developmental benefit to an infant.
About 75% to 80% of mothers begin breast-feeding. There is no accurate data about its duration. It is estimated that only 25-30% of mothers continue to breast-feed for 6 months. Exclusive breast-feeding does not persist after 2 months for a majority of breast-feedings mothers.
Breast-feeding is a high frequency irregularly scheduled activity. The mother must be well nourished and needs frequent rest periods. The women's ability to sustain lactation requires help with other children and household tasks and emotional encouragement. Mother and child must be in close proximity. The surroundings must be clean and comfortable with some degree of privacy. Few work sites can accommodate these needs."
[42] Ces extraits démontrent les bienfaits de l'allaitement. Ils démontrent également que cette tâche est extrêmement exigeante et expliquent que peu de mères poursuivent toujours l'allaitement après une période de 2 mois. Il est permis de croire que, si l'allaitement était vu comme un geste naturel admis en public, les mères trouveraient la tâche d'allaiter moins lourde.
[43] En effet, l'allaitement se déroule à des périodes fréquentes et irrégulières. C'est donc dire qu'en l'absence de tolérance face à l'allaitement dans les endroits publics, les mères qui allaitent se trouvent coupées de la vie en société pour une période pouvant varier de 6 à 12 mois ou même plus. L'exclusion d'une mère d'un endroit public, pour ce motif, peut avoir un impact significatif sur sa détermination à poursuivre l'allaitement.
[44] Dans l'affaire Brooks c. Canada Safeway Ltd[6], la Cour suprême a décidé que les distinctions fondées sur la grossesse sont des distinctions fondées sur le sexe, puisque la possibilité de devenir enceinte est réservée au sexe féminin.
[45] C'est d'ailleurs ce raisonnement qui a été appliqué dans l'affaire Poirier c. British Columbia (Ministry of Municipal Affairs, Recreation and Housing)[7]. Dans cette affaire, le Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a décidé que:
"The capacity to breastfeed is unique to the female gender. I conclude therefore that discrimination on the basis that a woman is breastfeeding is a form of sex discrimination."
[46] Le Tribunal a lui aussi déjà conclu que l'exclusion d'un lieu public d'une femme qui allaite est une exclusion fondée sur le sexe puisque l'allaitement est physiologiquement réservé aux femmes[8].
[47]
Comme le prévoit l'article
[48] Le Tribunal conclut donc que selon les critères établis par la Cour suprême dans l'affaire Bergevin[9], la plaignante a été victime d'une exclusion, fondée sur un des motifs énoncés à l'article 10, le sexe, et que cette exclusion a eu pour effet de compromettre son droit à l'égalité dans l'accès à un lieu public.
[49] Le Tribunal doit maintenant déterminer si tous les défendeurs sont responsables de l'atteinte discriminatoire commise envers la plaignante. La vendeuse est l'auteure directe de la discrimination puisque c'est elle qui a demandé à la plaignante de quitter le magasin. De plus, le Tribunal a déjà statué qu'un employeur doit être tenu responsable des actes posés par son employé, surtout dans le cadre d'une atteinte à un droit protégé par les lois sur les droits de la personne[10]. C'est donc dire que la responsabilité de madame Linda Lee, en tant qu'employeur, doit également être retenue.
[50] En ce qui concerne monsieur Jonathan Zack, ce dernier a fermement maintenu n'avoir aucun lien avec le magasin Meubles Accent situé sur la rue Salaberry. De plus, madame Lee explique que c'est elle qui est propriétaire du magasin visité par la plaignante. Cette affirmation est d'ailleurs corroborée par le fait que, selon le registraire des entreprises du Québec, l'entreprise de madame Lee était une entreprise individuelle, sans aucune autre personne liée, qui a été radiée d'office le 24 septembre 2004 alors que toutes les entreprises de monsieur Zack, portant des numéros d'immatriculation différents, sont encore en activité. Pour ces motifs, le Tribunal conclut que la responsabilité de monsieur Zack ne peut être retenue.
LES DOMMAGES:
[51]
En
vertu de l'article
"Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnue par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
(…)."
[52] Dans le cas présent, la Commission demande au Tribunal d'ordonner aux défendeurs de verser solidairement à la plaignante la somme de 2 000$ à titre de dommages moraux.
[53] De son côté, la défenderesse Linda Lee, prétend que les dommages réclamés sont exagérés, qu'elle a subi des dommages à sa réputation en plus de devoir fermer son magasin. De plus, comme elle était absente au moment des faits, elle considère que sa responsabilité devrait être moindre.
[54] Lors de son témoignage, la plaignante indique que cette mésaventure l'a beaucoup embarrassée et choquée. Elle explique y avoir repensé à chaque fois qu'elle a eu à allaiter en public.
[55] Dans l'affaire Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Giguère) c. Ville de Montréal précitée, le Tribunal a accordé 1 000$ à titre de dommages moraux subis à l'exclusion d'une femme d'un lieu public, durant quelques minutes, parce qu'elle allaitait son fils.
[56] En l'espèce, le Tribunal considère qu'une somme de 1 000$ représente bien les dommages moraux subis par la plaignante puisqu'elle a dû quitter le magasin à cause de l'intolérance de la vendeuse.
LE DISPOSITIF:
[57] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[58] ACCUEILLE la demande introductive d'instance quant aux défenderesses mesdames Linda Lee et Audrey Fahey;
[59] REJETTE la demande introductive d'instance quant au défendeur Jonathan Zack mais sans frais.
[60] DÉCLARE que les défenderesses mesdames Linda Lee et Audrey Fahey, en excluant la plaignante d'un lieu public parce qu'elle allaitait son enfant, ont porté atteinte à son droit d'être traitée en pleine égalité sans distinction fondée sur son sexe;
[61]
ORDONNE
aux défenderesses mesdames Linda Lee et Audrey Fahey de verser solidairement à
la plaignante, madame Linda Desrochers, la somme de
1 000$ à titre de dommages moraux;
[62]
LE
TOUT avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à
l'article
[63] LE TOUT AVEC DÉPENS.
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__________________________________ MICHÈLE PAUZÉ, J.T.D.P. |
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Date d’audience : |
31 mai 2005 |
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[1] L.R.Q. c. C-12
[2] L'énoncé conjoint Protection, encouragement et soutien de l'allaitement maternel (OMS/UNICEF, 1989); Déclaration d'Innocenti sur la protection, la promotion et le soutien de l'allaitement maternel (OMS/UNICEF, 1990). Dans cette déclaration, on indique notamment qu'il faut supprimer les obstacles à l'allaitement maternel au niveau des services de santé, du lieu de travail et de la collectivité.
[3] Résolution 44/25 du 20 novembre 1989
[4] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Giguère) c. Montréal (Ville de), (2003) C.H.R.R. D/67 (T.D.P.Q.)
[5] (1996) O.J. no. 1915 (QL).
[6]
[7] (1997)
[8] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Giguère) c. Montréal (Ville de), précité note 4
[9] C.S.R. de Chambly c.
Bergevin
[10] Commission des droits de
la personne et des droits de la jeunesse (Justine Duguay) c. Produits de
sécurité North Ltée, T.D.P.Q.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.