Décision

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Caron et Gaston Turcotte & Fils inc.

2009 QCCLP 6496

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec :

28 septembre 2009

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossiers :

312869-03B-0703-R           332277-03B-0711-R

 

Dossier CSST :

130784895

 

Commissaire :

Monique Lamarre, juge administratif

 

Membres :

Céline Marcoux, associations d’employeurs

 

Michel Bouchard, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Mélanie Caron

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Gaston Turcotte & Fils inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 29 avril 2009, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), dépose une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 24 mars 2009.

 

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles dispose de deux requêtes de madame Mélanie Caron (la travailleuse). Dans le dossier 332277-03B-0711, elle confirme la décision rendue par la CSST, le 26 novembre 2007, à la suite d’une révision administrative et déclare que la mise à pied de la travailleuse a été faite pour une autre cause juste et suffisante.

[3]                Dans le dossier 312869-03B-0703, la Commission des lésions professionnelles modifie la décision rendue par la CSST, le 20 février 2007, à la suite d’une révision administrative et déclare que la travailleuse a droit aux indemnités de remplacement du revenu jusqu’au 24 novembre 2006, puis du 18 avril 2007 jusqu’au 2 juillet 2007, date de son accouchement.

[4]                Aucune partie ayant demandé d’être entendue, la présente décision est rendue sur dossier conformément à l’article 429.57 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

 

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[5]                La CSST demande de réviser la décision rendue le 24 mars 2009 et de déclarer que la travailleuse a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 24 novembre 2006, puis du 18 avril 2007 jusqu’à la quatrième semaine précédant le 2 juillet 2007, date de son accouchement.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[6]                Le membre issu des associations syndicales et la membre issue des associations d’employeurs sont tous les deux d’avis d’accueillir la requête de la CSST. Le premier juge administratif a omis d’appliquer l’article 42.1 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail[2]. Or, ils sont d’avis qu’une telle omission constitue une erreur manifeste et déterminante qui donne ouverture à la révision.

 

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]                Le tribunal siégeant en révision doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 24 mars 2009.

[8]                L’article 429.49 de la loi prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu’une affaire est entendue par plus d’un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l’ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s’y conformer sans délai.

____________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[9]                Le recours en révision et en révocation est prévu à l’article 429.56 de la loi:

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendue:

 

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]           Le recours en révision et en révocation s’inscrit dans le contexte de l’article 429.49 de la loi qui prévoit qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Une décision ne peut être révisée ou révoquée que si l’un des motifs prévus par l’article 429.56 est établi.

[11]           Dans le présent cas, la CSST invoque que la décision du premier juge administratif comporte un vice de fond qui est de nature à l’invalider. La notion de « vice de fond » a été interprétée par la Commission des lésions professionnelles[3] comme étant une erreur manifeste, de droit ou de fait, ayant un effet déterminant sur l’issue du litige.

[12]           Il a été maintes fois réitéré que ce recours ne peut constituer un appel déguisé compte tenu du caractère final d’une décision de la Commission des lésions professionnelles énoncé au troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi.

[13]           Dans l’affaire C.S.S.T. et Fontaine[4], la Cour d’appel a été appelée à se prononcer sur la notion de « vice de fond ». Elle réitère que la révision n’est pas l’occasion pour le tribunal de substituer son appréciation de la preuve à celle déjà faite par la première formation ou encore d’interpréter différemment le droit. Elle établit également que la décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision. Dans l’affaire Fontaine, comme elle l’avait déjà fait dans la cause TAQ c. Godin[5], la Cour d’appel invite et incite la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d'une très grande retenue dans l'exercice de son pouvoir de révision.

[14]           Ainsi, un juge administratif saisi d'une requête en révision ne peut pas écarter la conclusion à laquelle en vient le premier juge administratif qui a rendu la décision attaquée et y substituer sa propre conclusion au motif qu'il n'apprécie pas la preuve de la même manière que celui-ci.

[15]           D’autre part, la jurisprudence a établi que l’omission ou le refus d’appliquer les dispositions législatives ou réglementaires pertinentes à un cas précis équivaut à méconnaître une règle de droit et constitue une erreur de droit manifeste qui a un effet déterminant sur le sort du litige[6].

 

[16]           Sans reprendre tous les éléments de preuve au dossier, il y a lieu de rapporter brièvement les faits suivants.

[17]           Le 23 octobre 2006, la travailleuse est embauchée comme peintre par Gaston Turcotte & Fils inc. (l’employeur) dans le cadre d’un contrat de peinture à l’intérieur d’une usine d’aluminium. Le 28 octobre 2006, son médecin traitant, le docteur Côté, signe un certificat visant le retrait préventif et l’affectation de la travailleuse enceinte.

[18]           Le 1er novembre 2006, étant donné les risques ergonomiques et chimiques identifiés au poste de travail de la travailleuse, le médecin désigné par le directeur de la santé publique émet un rapport médico-environnemental recommandant la réaffectation immédiate de la travailleuse. Le 2 novembre 2006, la travailleuse remet à l’employeur le certificat de retrait préventif exigeant sa réaffectation immédiate.

[19]           Étant donné la présence des risques chimiques, la réaffectation n’est pas envisageable et la travailleuse est mise en retrait préventif. L’employeur verse alors à la travailleuse les sommes auxquelles elle a droit soit pour une période de trois semaines se terminant le 19 novembre 2006.

[20]           Le 22 novembre 2006, la travailleuse est mise à pied. Le formulaire de cessation d’emploi émis par l’employeur indique que c’est pour manque de travail et que le dernier jour payé est le 17 novembre 2006.

[21]           Le 6 décembre 2006, la travailleuse remplit un formulaire de plainte en vertu de l’article 227 de la LSST alléguant avoir été mise à pied à la suite de l’exercice d’un droit.

[22]           Le 18 janvier 2007, la CSST rend une décision par laquelle elle détermine que la travailleuse est admissible au programme de maternité sans danger. Elle précise que la travailleuse a cessé de travailler le 30 octobre 2006 et qu’elle a droit de recevoir des indemnités à compter de cette date jusqu’au 19 novembre 2006 et que l’employeur les a informés qu’il n’y avait plus de travail pour la travailleuse depuis le 20 novembre 2006. À la suite d’une révision administrative, la CSST confirme cette décision initiale.

[23]           Le 2 juillet 2007, la travailleuse accouche.

[24]           Le 26 octobre 2007, le conciliateur décideur de la CSST rejette la plainte déposée en vertu de l’article 227 de la LSST au motif que l’employeur a démontré que la travailleuse avait été mise à pied pour une cause juste et suffisante.

 

[25]           Le premier juge administratif était donc saisi de deux contestations de la travailleuse, une portant sur la plainte en vertu de l’article 227 de la loi (332277-03B-0711) et l’autre, sur le droit à l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse en relation avec le droit au retrait préventif (312869-03B-0703).

[26]           La requête en révision de la CSST ne concerne que le dossier 312869-03B-0703 portant sur le droit à l’indemnité de remplacement du revenu.

[27]           À cet égard, le premier juge administratif cite les articles 36 , 40 et 41 de la LSST qu’il considère pertinents. Dans le cadre du litige dont il est saisi, il est appelé à se prononcer sur la période à laquelle la travailleuse a droit à l’indemnité de remplacement du revenu. Après avoir apprécié la preuve soumise devant lui, le premier juge administratif modifie la décision de la CSST rendue à la suite de la révision administrative et conclut que la travailleuse a droit aux indemnités de remplacement du revenu jusqu’au 24 novembre 2006, puis du 18 avril 2007 jusqu’au 2 juillet 2007, date de son accouchement.

[28]           La requête de la CSST ne concerne uniquement que la date de fin du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

[29]           La CSST invoque que, depuis l’institution du Régime québécois d’assurance parentale, en vigueur depuis 1er janvier 2006, la travailleuse admissible à ce régime et bénéficiant d’une indemnité de remplacement du revenu en relation avec le programme de maternité sans danger, cesse d’être indemnisée par la CSST à compter de la quatrième semaine précédant la date de l’accouchement. Elle indique que, afin de s’harmoniser à ce nouveau Régime québécois d’assurance parentale, la LSST a été modifiée pour ajouter le nouvel article 42.1 qui se lit comme suit :

42.1. Une travailleuse n'est pas indemnisée en vertu des articles 40 à 42 à compter de la quatrième semaine précédant celle de la date prévue pour l'accouchement, telle qu'inscrite dans le certificat visé à l'article 40, si elle est admissible aux prestations payables en vertu de la Loi sur l'assurance parentale (chapitre A-29.011). La travailleuse est présumée y être admissible dès ce moment.

 

Toutefois, la date prévue pour l'accouchement peut être modifiée lorsque la Commission est informée par le médecin traitant de la travailleuse, au plus tard quatre semaines avant la date prévue au certificat mentionné au premier alinéa, d'une nouvelle date prévue pour l'accouchement.

 

2005, c. 13, a. 91; D. 374-2006, a. 1

 

 

 

[30]           À l’appui de sa requête, la CSST dépose une lettre datée du 11 juillet 2007 adressée à la travailleuse déterminant qu’elle est admissible au Régime québécois d’assurance parentale et qu’elle a droit à des prestations qui y sont prévues.

[31]           La CSST invoque que, en déclarant que la travailleuse avait droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à la date prévue pour l’accouchement, le premier juge administratif a omis d’appliquer l’article 42.1 de la LSST ce qui constitue un vice de fond qui est de nature à invalider la décision. Ni la travailleuse, ni son représentant n’ont formulé de commentaires à la suite du dépôt de la requête de la CSST.

[32]           La preuve soumise devant le premier juge administratif démontre que la date d’accouchement de la travailleuse est le 2 juillet 2007. La preuve démontre également qu’elle est admissible au Régime québécois d’assurance parentale. Ainsi, en concluant que la travailleuse a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à la date de son accouchement, soit le 2 juillet 2007, force est de constater que le premier juge administratif a omis d’appliquer l’article 42.1 de la LSST.

[33]           Or, tel que mentionné précédemment, la jurisprudence reconnaît que l’omission d’appliquer une règle de droit constitue une erreur manifeste et déterminante. Dans le présent cas, il s’agit sûrement d’un oubli et les représentants des parties n’ont pas non plus soulevé l’application de cette disposition devant le premier juge administratif. Cependant, il n’en reste pas moins que d’omettre d’appliquer une règle de droit correspond à un vice de fond qui donne ouverture à la révision de la décision.

[34]           Dans ces circonstances, le tribunal siégeant en révision est d’avis qu’il y a lieu d’accueillir la requête et de déclarer, comme le requiert la CSST, que la travailleuse a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 24 novembre 2006, puis du 18 avril 2007 jusqu’à la quatrième semaine précédant le 2 juillet 2007, date de son accouchement.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

 

ACCUEILLE la requête de la Commission de la santé et de la sécurité du travail;

RÉVISE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 24 mars 2009;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 20 février 2007 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que madame Mélanie Caron, la travailleuse a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 24 novembre 2006, puis du 18 avril 2007 jusqu’à la quatrième semaine précédant le 2 juillet 2007, date de son accouchement.

 

 

 

 

 

Monique Lamarre

 

 

 

 

Monsieur Alain Lachance

C.S.D.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Lucie Rondeau

PANNETON LESSARD

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           2005, c. 13, a. 91; D. 374-2006, a. 1.

[3]           Voir notamment Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ;  Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .

[4]          [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[5]           Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).

[6]           CSST et Del Grosso, [1998] C.L.P. 866 ; Côté et Inerballast inc., [2000] C.L.P. 1125 ; Doré et Autobus Trans-Nord ltée, 152762-64-0012, 23 avril 2002, M. Bélanger; Opron inc. et C.L.P. et P.G. du Québec et CSST, C.S. Longueuil, 505-17-001370-032, 12 avril 2002, J. Verrier, juge; Services Aéroportuaires Natesco inc. et CSST, 159169-64-0104, 23 avril 2004, N. Lacroix (décision accueillant une requête en révision); Terrassements Lavoie ltée et Conseil Conjoint (FTQ) [2004] C.L.P. 194 ; I.M.P. Group limited et CSST [2007) C.L.P. 1558 .

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