Cam-Van et Commission scolaire des Navigateurs |
2012 QCCLP 4115 |
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[1] Le 2 décembre 2010, madame Truong Cam-Van (la travailleuse) dépose une requête devant la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 29 novembre 2010 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 4 juin 2010, déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des traitements de massage reçus hors Québec et que la CSST est bien fondée de rembourser les traitements de massothérapie selon les modalités et tarifs prévus par le Règlement sur l’assistance médicale[1]. Elle confirme également la décision initialement rendue le 11 novembre 2010 et déclare que la CSST est bien fondée de refuser de rembourser les frais pour les chaussures orthopédiques et les orthèses plantaires.
[3] La travailleuse est présente et représentée à l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles siégeant à Lévis le 22 mai 2012. Commission scolaire des Navigateurs (l’employeur) est également représentée. La cause est mise en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles, par l’intermédiaire de son procureur, le remboursement complet des traitements de massothérapie reçus hors Québec en s’appuyant sur la transaction intervenue entre elle et la CSST le 19 mars 2002.
[5] De plus, elle demande à la CSST de rembourser la différence entre le coût réel des frais de traitements de massothérapie dispensés dans un centre de massothérapie de Laval et ce que lui a versé la CSST en vertu du Règlement sur l’assistance médicale, puisque la transaction du 19 mars 2012 prévoit le remboursement complet de ces frais.
[6] Finalement, la travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’autoriser le remboursement des frais d’orthèses plantaires et de chaussures orthopédiques facturés par Laboratoire orthèses prothèses M. Tremblay inc. au montant de 800 $ le 22 juin 2010.
LES FAITS
[7] La travailleuse occupe un poste d’enseignante en coiffure chez l’employeur au moment où elle subit une lésion professionnelle le 28 octobre 1985. Elle décrit ainsi les circonstances entourant la survenance de cet accident au formulaire de réclamation qu’elle produit à la CSST le 28 novembre 1985 :
Tomber, à cause de la paraffine répandue sur le plancher s’il vous plait voir description décrite dans l’avis de l’employeur.
[8] Dans cet avis on peut lire ce qui suit :
Tomber, à cause de la paraffine répandue sur le plancher entorse cheville gauche avec enflure par la suite. Et ce, durant le cours de soins esthétiques. Les élèves en sont témoins.
[9] La CSST accepte sa réclamation d’abord en relation avec le diagnostic d’entorse à la cheville, lequel est subséquemment complété par celui d’entorse lombaire.
[10] Bien que le tribunal n’entende pas reprendre en détail l’ensemble du suivi médical de ce dossier puisqu’il n’est pas en cause en l’espèce, il n’en demeure pas moins qu’il retient de ces faits que la travailleuse a subi une discoïdectomie en lien avec sa condition lombaire en 1986 à la suite de laquelle elle conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles et qu’elle a été victime de plusieurs récidives, rechutes ou aggravations par la suite.
[11] Dans le cadre de son témoignage à l’audience, la travailleuse a informé le tribunal que son médecin a prescrit des traitements de massothérapie dès la survenance de la lésion professionnelle initiale tout comme lors des récidives, rechutes ou aggravations subséquentes. Ces traitements lui apportent un soulagement important puisqu’ils contribuent à la relaxation musculaire et diminuent les douleurs ressenties.
[12] À compter de 1998, elle a cessé d’occuper son emploi à la Commission scolaire des Navigateurs, ce qui est confirmé par certains documents produits par l’employeur spécifiant qu’elle n’a pas repris le travail depuis le 22 août 1998 à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 29 juin 1998 acceptée par la CSST.
[13] Par ailleurs, le tribunal constate que le 7 août 1995, son médecin prescrit le port de souliers profonds avec orthèses plantaires, soit une paire pour le sport et une paire pour le travail. La CSST autorise le remboursement des chaussures et des orthèses plantaires prescrites par le médecin qui a charge.
[14] Le 29 juin 1998, la travailleuse consulte le docteur Jean-François Roy qui la suit depuis de nombreuses années. À la suite de cette consultation, il remplit un rapport médical destiné à la CSST où il mentionne une aggravation de séquelles de discoïdectomie L5-S1. Il réfère à un électromyogramme positif et à un phénomène de raideur accentué. Il prescrit des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie à faire cinq fois par semaine.
[15] Tel qu’indiqué plus haut, la CSST accepte cette réclamation. Le 23 novembre 1998, le docteur Roy prescrit des traitements de physiothérapie avec kinésithérapie en raison d’une incompétence discale au niveau L5-S1 post-discoïdectomie. Cette lésion professionnelle est consolidée le 16 avril 1999. Le docteur Roy rédige le rapport final et est d’opinion que la lésion n’entraîne pas d’atteinte permanente à l’intégrité physique additionnelle, mais entraîne des limitations fonctionnelles plus importantes.
[16] Le 21 juin 1999, la travailleuse est évaluée par le docteur Roy en lien avec les séquelles de discoïdectomie L5-S1 gauche dont elle est porteuse.
[17] Au terme de son évaluation, le docteur Roy conclut que la travailleuse présente une incompétence discale au niveau L5-S1 pour laquelle il recommande une chirurgie de type greffe lombaire L5-S1. Il précise que la travailleuse est réticente à l’égard de cette chirurgie et compte tenu de l’échec du traitement conservateur, il maintient les limitations suivantes, de façon permanente, soit :
- éviter de soulever des charges de plus de 10 livres;
- éviter de maintenir une même position (la travailleuse devrait être autorisée à changer ses postures au besoin et selon sa tolérance);
- éviter de travailler penchée ou accroupie.
[18] De plus, il précise que la travailleuse conserve également des limitations fonctionnelles relatives aux lésions antérieures et un déficit anatomo-physiologique additionnel de 6 %.
[19] Bien que le tribunal ne dispose pas de l’ensemble des notes évolutives de la CSST, il comprend des informations contenues au dossier, que le 13 mars 2002, cette dernière rend une décision statuant sur la capacité de la travailleuse à exercer un emploi convenable dont le tribunal ne connaît pas la nature, mais pour lequel un salaire annuel a été estimé à 14 599 $, ce qui a pour effet d’assurer à la travailleuse le versement d’une indemnité réduite de remplacement du revenu de 18 106,56 $ par année revalorisée en octobre de chaque année, applicable après l’année de recherche d’emploi, donc après 2003.
[20] Le 19 mars 2002, la travailleuse et la CSST concluent une transaction en vertu de l’article 2631 du Code civil du Québec. Le tribunal croit utile de reproduire l’ensemble de cette transaction puisqu’elle est au cœur même du présent litige.
TRANSACTION
EN VERTU DE L’ARTICLE
2631
DU
CODE CIVIL DU QUÉBEC
INTERVENUE
ENTRE
CAM VAN TRUONG
(Ci-après « la travailleuse »)
et
COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL
(Ci-après « la CSST »
DOSSIER CSST : 091976282
ATTENDU les désistements produits par la travailleuse de ses contestations déposées à la Direction de la révision administrative dans les dossiers R-091976282-00003 et R-091976282-00004;
ATTENDU que la présente transaction est entièrement liée à ces désistements produits par la travailleuse;
ATTENDU que les parties désirent régler à l’amiable le ou les litiges dans le dossier 091976282 de la CSST;
LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :
1. Le préambule fait partie intégrante des présentes;
2. Les parties reconnaissent avoir pris connaissance à la signature des présentes, de la décision rendue le 13 mars 2002, qui concerne la capacité d’exercer un emploi convenable, la déclare bien fondée et renonce à la contester;
3. L’emploi convenable n’étant pas disponible, actuellement la travailleuse a droit aux pleines indemnités de remplacement du revenu pendant une durée d’un an. Par la suite, la travailleuse aura droit aux indemnités réduites jusqu’à l’âge de 68 ans. Cependant, à compter de votre 65e anniversaire de naissance, elle diminuera progressivement : de 25 % la première année, de 50 % l’année suivante, de 75 % la dernière année, conformément à l’article 56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
4. À compter de la date de la signature de la présente, la CSST remboursera à la travailleuse des frais annuels de 1 500 $ pour travaux d’entretien du domicile, et ce, sans présentation de pièces justificatives jusqu’à l’âge de 68 ans;
5. Dans un délai de 30 jours suivant la signature de la présente, la CSST versera à la travailleuse un montant forfaitaire de 22 000 $ qu’elle utilisera pour l’adaptation de son domicile ainsi que l’achat de matériel ergonomique;
6. À compter de la signature des présentes, la CSST remboursera, sur présentation de pièces justificatives, les frais engagés pour un traitement de kinésithérapie par semaine, des orthèses plantaires moulées, ainsi que 2 paires de chaussures orthopédiques par année et ce, jusqu’à l’âge de 68 ans;
7. La présente constitue une transaction au sens de l’article 2631 du Code civil du Québec. Il ne s’agit pas d’une décision au sens de la loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui peut faire l’objet d’une demande de révision ou de contestation à la Commission des lésions professionnelles;
8. Les parties reconnaissent avoir lu et compris tous les alinéas et paragraphes de la présente transaction et s’en déclarent satisfaites;
9. Les parties reconnaissent avoir reçu toute l’assistance nécessaire afin de s’informer des conséquences de la signature de la présente transaction et déclarent en bien saisir la portée.
[21] Cette transaction est signée par monsieur Jean-Denis Guay, représentant la CSST, et par la travailleuse.
[22] Interrogée à ce sujet, la travailleuse confirme que depuis l’intervention chirurgicale subie en 1986, elle recevait des traitements de physiothérapie qui avaient été prescrits par son médecin pour soulager un peu la douleur en permettant un certain relâchement de la tension musculaire. À compter de la signature de la transaction, la travailleuse confirme que la CSST honorait intégralement l’accord intervenu entre elle et la travailleuse en ce qu’elle payait le plein remboursement des frais encourus pour les traitements de massothérapie de même que l’achat des orthèses plantaires et des chaussures orthopédiques.
[23] À titre illustratif, le procureur de la travailleuse produit une facture envoyée à la CSST le 20 août 2008 pour des traitements de massothérapie dispensés par le centre de massothérapie de Limoilou à Québec pour lesquels elle a été remboursée en intégralité par la CSST le 25 septembre 2008. Il produit aussi une facture provenant de ce même centre de massothérapie pour des traitements reçus entre le 27 juillet et le 14 décembre 2007, pour un total de 1 995 $, accompagnée de l’avis de paiement de la CSST au même montant émis le 4 janvier 2008.
[24] En fait, la travailleuse informe le tribunal qu’elle a reçu le remboursement intégral de ses traitements de massothérapie jusqu’au 5 mai 2009. À compter de cette date, la CSST a cessé de rembourser intégralement le coût des traitements de massothérapie, mais lui a plutôt remboursé le tarif prévu au Règlement sur l’assistance médicale.
[25] Devant cet état de fait, la travailleuse a communiqué avec une agente de la CSST afin d’obtenir des explications. L’intervenante avec qui elle a discuté l’a référée à la Commission des lésions professionnelles. On l’a alors informée que pour contester devant cet organisme, une décision écrite devait d’abord être rendue par la CSST. La travailleuse a donc communiqué de nouveau avec la CSST qui ne voulait pas rendre de décision par écrit en l’absence de factures.
[26] Relativement au remboursement des chaussures orthopédiques et d’orthèses plantaires, la travailleuse indique qu’elle effectuait la commande de ces chaussures par téléphone chez le fournisseur autorisé par la CSST, soit Laboratoire d’orthèses prothèses M. Tremblay inc.
[27] De 2003 à juillet 2009, l’orthésiste envoyait directement la facture à la CSST. La travailleuse n’avait donc pas à rembourser le coût d’achat de ses éléments d’assistance médicale personnels. Néanmoins, en 2010, bien que la travailleuse ait transmis une commande téléphonique au fournisseur, elle n’a pas reçu ses souliers. Elle a donc communiqué avec ce dernier qui lui a dit que la CSST refusait de rembourser les chaussures facturées le 22 juin 2010 puisqu’il s’agissait de la troisième paire de chaussures réclamée dans la même année.
[28] Il appert du dossier que la travailleuse avait antérieurement fait une réclamation du même type en juillet 2009, puis une autre le 27 octobre 2009. En lien avec les factures de 2009, la CSST n’a pas payé en intégralité le remboursement du coût d’achat des orthèses plantaires et des chaussures orthopédiques. La travailleuse a donc dû rembourser à l’orthésiste un montant de 125 $ pour l’achat des chaussures. La CSST n’avait pas avisé au préalable la travailleuse qu’elle n’entendait plus rembourser l’intégralité de l’achat des orthèses plantaires et des chaussures orthopédiques. Le 11 novembre 2010, la CSST rend une décision en vertu de laquelle elle refuse de rembourser les frais pour les chaussures orthopédiques ainsi que pour les orthèses plantaires. Elle s’exprime comme suit à ce sujet :
Madame,
Nous avons bien reçu votre demande de remboursement. Nous vous informons que nous ne pouvons rembourser les frais pour les chaussures orthopédiques ainsi que pour les orthèses plantaires. En effet, vous n’avez pas demandé à la CSST l’autorisation d’engager cette dépense. De plus, vous avez déjà reçu le nombre maximal de chaussures et d’orthèses allouées pour les 12 derniers mois.
[...]
[29] La travailleuse témoigne en indiquant que par temps froid, ses douleurs lombaires sont beaucoup plus importantes. D’ailleurs, son médecin lui a recommandé de déménager à Montréal où la température est quelque peu plus clémente et, idéalement, de quitter le pays pour aller dans des endroits plus chauds en période hivernale. À cette fin, la travailleuse et son époux se rendent au Vietnam pendant la saison hivernale. Ils y vont depuis 2005, mais pour l’hiver entier, depuis 2007. Au cours de cette période, la travailleuse continue de recevoir des traitements de massothérapie prescrits par son médecin et autorisés par la CSST, lesquels sont dispensés par un massothérapeute vietnamien, tel qu’il appert des factures de massothérapie produites au dossier. La travailleuse signale qu’elle n’a pas demandé, depuis 2007, le remboursement de ses traitements de massothérapie dispensés au Vietnam puisqu’elle était en discussion avec la CSST.
[30] Il appert d’ailleurs des notes évolutives de la CSST que le 12 mai 2009, en vue de répondre aux demandes de la travailleuse, monsieur Luc Jacques de la CSST procède à une revue du dossier et indique que depuis la transaction survenue le 19 mars 2002, la CSST rembourse à la travailleuse les traitements de massothérapie qu’elle réclame. Il poursuit en mentionnant qu’une analyse du dossier lui a permis de constater que le coût de chaque traitement est passé de 56,50 $ en avril 2002 à 110 $ en décembre 2007. De plus, il indique que suite à certaines anomalies observées à l’automne 2008 concernant les réclamations de remboursement de la travailleuse, un mandat a été donné au service des enquêtes spéciales de la CSST afin de faire la lumière sur certains aspects et de valider l’authenticité des factures qui ont été soumises par la travailleuse. Il poursuit en indiquant qu’au Québec, la pratique de la massothérapie n’est pas un acte protégé ce qui permet à n’importe qui de s’improviser massothérapeute. Il mentionne ensuite ce qui suit :
Toutefois, dans les rares cas où la CSST rembourse les frais de kinésithérapie (massothérapie), elle le fait dans le cadre de la réadaptation physique au tarif de traitement de physiothérapie prévu au Règlement sur l’assistance médicale et ce, peu importe le type de thérapeute.
Le fait de signer un accord en 2002, sans mentionner le montant rattaché au remboursement qui serait effectué, ne désengageait pas la CSST de son obligation de respecter les tarifs prévus au Règlement sur l’assistance médicale. Dans ce même accord de 2002, dans le même paragraphe, nous avions aussi convenu de rembourser les frais engagés pour des orthèses plantaires moulées ainsi que 2 paires de chaussures orthopédiques par année. Or, ces orthèses et chaussures orthopédiques ont toujours été remboursées en conformité avec les tarifs prévus au Règlement sur l’assistance médicale. Il doit en être ainsi pour les traitements de massothérapie.
Pour ce qui est du remboursement à l’étranger des frais de massothérapie, nous allons poursuivre notre recherche pour savoir si nous devons répondre positivement ou négativement à cette demande et de quelles façons encadrer cette dernière.
(Notre soulignement)
[31] Le 26 mai 2009, monsieur Jacques rédige une nouvelle note relativement au remboursement des frais de massothérapie à l’extérieur du Québec. L’objectif est de déterminer si la CSST peut rembourser ces frais de massothérapie à l’extérieur du Québec. Il écrit ce qui suit :
- ASPECT LÉGAL
Dans certains cas, lorsqu’un travailleur déménage ou obtient des soins à l’extérieur du Québec, la CSST peut rembourser ces soins d’assistance médicale ou de réadaptation. La procédure et les tarifs varient selon qu’il existe ou non une entente avec le pays en question.
Toutefois, peu importe qu’il y ait entente ou non avec le pays, l’autorisation préalable de la CSST est toujours requise.
Or, dans le dossier actuel, la travailleuse désire se faire donner des traitements de massothérapie aux États-Unis, lorsqu’elle séjourne pour une certaine période chez son fils en Californie.
- ANALYSE ET RÉSULTATS :
Considérant :
· Que le remboursement de la travailleuse de frais de massothérapie découle d’un accord signé en mars 2002;
· Que l’accord de mars 2002 prévoyait un traitement de kinésithérapie par semaine donné par un kinésithérapeute (lettre de Me Annie Laprade du 22 janvier 2002) et dispensé initialement dans une clinique de physiothérapie (lettre de Mme Louise Giguère du 22 janvier 2002);
· Que les premiers traitements de massothérapie étaient donnés par une massothérapeute membre de la Fédération québécoise des massothérapeutes et que depuis décembre 2002 nous remboursons des massages donnés par un centre de massothérapie qui n’est pas incorporé ou enregistré comme compagnie et dont les traitements sont donnés ‘’bénévolement’’ par la mère du propriétaire;
· Qu’il est difficile pour la CSST d’obtenir des pièces justificatives appropriées (enquête des Services des enquêtes spéciales de la CSST de février 2009);
· Que dans ce dossier, il a été démontré la difficulté pour la CSST de faire une gestion rigoureuse des frais de massage qui lui sont présentés et de la qualité des traitements qui sont prodigués à la travailleuse.
· Nous considérons que l’accord de mars 2002 prévoyant que la CSST remboursera, sur production de pièces justificatives, les frais engagés pour un traitement de kinésithérapie par semaine ne justifie pas que la CSST rembourse ces frais, si ces traitements sont reçus à l’extérieur du Québec et plus particulièrement dans un Pays où aucune entente n’a été signée pour le remboursement de tels frais.
La travailleuse en sera informée.
(notre soulignement)
[32] À l’audience, la travailleuse précise qu’à l’époque de ces discussions avec la CSST, il était question de traitements de massothérapie en Californie puisque l’un de ses fils y habite et lorsqu’elle se rend au Vietnam, elle fait toujours une escale de quelques jours en Californie afin de se reposer pour que le voyage en avion ne soit pas trop pénible pour elle.
[33] Le 1er mai 2010, la travailleuse écrit à la CSST afin d’obtenir le remboursement des frais engagés pour les massages reçus au Vietnam en 2008, 2009 et 2010 et le remboursement de la différence entre les frais de massothérapie engagés et reçus au Canada pour l’année 2009 et le montant versé par la CSST conformément au Règlement sur l’assistance médicale. Elle accompagne cette demande de paiement de factures pour des massages thérapeutiques dispensés au Vietnam au coût total de 1 760 $, de même que des factures produites par madame Francine Jean, massothérapeute et membre du syndicat professionnel des massothérapeutes du Québec, pour les traitements dispensés en 2009 pour un total de 1 960 $.
[34] Le 4 juin 2010, la CSST rend une décision en vertu de laquelle elle refuse le remboursement des traitements de massothérapie reçus à l’extérieur du Québec, considérant que les frais encourus à l’extérieur du Québec ne sont pas visés par l’accord intervenu entre les parties. La CSST précise également que les autres frais payés en 2009 l’ont été au tarif prévu au Règlement sur l’assistance médicale.
[35] Le 11 novembre 2010, la CSST rend une décision refusant de rembourser les frais pour les chaussures orthopédiques ainsi que pour les orthèses plantaires facturés le 22 juin 2010 par le Laboratoire orthèses prothèses M. Tremblay inc. Comme principaux motifs du refus, la CSST mentionne que la travailleuse n’a pas demandé une autorisation préalable avant d’engager cette dépense et de plus, elle a déjà reçu le nombre maximal de chaussures et d’orthèses allouées pour les 12 derniers mois.
[36] Le 29 novembre 2010, la révision administrative confirme ces deux décisions. En ce qui a trait au remboursement intégral des traitements de massothérapie dispensés au Québec, la révision administrative ne fait pas droit aux prétentions du procureur de la travailleuse considérant plutôt que le coût des traitements de massothérapie n’est assumé par la CSST que selon les conditions et les modalités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) et/ou par le Règlement sur l’assistance médicale.
[37] Relativement aux massages reçus à l’extérieur du Québec, la révision administrative considère que même s’il y a eu transaction en mars 2002, la CSST doit respecter la loi dans sa façon de payer ces frais et plus précisément le Règlement sur l’assistance médicale. La révision administrative est d’avis que la CSST n’était pas tenue d’acquitter le coût puisque, d’une part, la travailleuse n’a pas obtenu d’autorisation préalable et, d’autre part, qu’il n’y a aucune entente hors Québec avec la Californie. Le tribunal est actuellement saisi d’une requête à l’encontre de cette décision.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[38] Dans un premier temps, le procureur de la travailleuse indique qu’en lien avec le refus de rembourser la paire d’orthèses plantaires et la paire de chaussures orthopédiques facturées le 22 juin 2010, la CSST semble simplement avoir appliqué un raisonnement administratif selon lequel il s’agissait de la production d’une troisième facture au cours d’une période de 12 mois.
[39] Or, il réfère à la lettre et à l’esprit de la transaction et plus particulièrement à l’article 6 qui se lit comme suit :
6. À compter de la signature des présentes, la CSST remboursera, sur présentation de pièces justificatives, des frais engagés pour un traitement de kinésithérapie par semaine, des orthèses plantaires moulées, ainsi que 2 paires de chaussures orthopédiques par année et ce, jusqu’à l’âge de 68 ans.
[40] Sur la base de cet article, le procureur de la travailleuse soutient que la transaction liant la CSST et la travailleuse prévoit le remboursement de deux paires de chaussures orthopédiques et d’orthèses plantaires par année. À défaut, de l’avoir précisé autrement, il argue que la notion de « par année » doit être interprétée comme étant une année civile. Le procureur de la travailleuse rappelle que cette dernière a fait deux réclamations en 2009 pour des orthèses et des chaussures orthopédiques et une seule réclamation en 2010, soit le 22 juin 2010.
[41] À son avis, la CSST ne dispose d'aucun motif lui permettant de refuser le remboursement des orthèses et des chaussures orthopédiques facturées le 22 juin 2010.
[42] De plus, il est d’opinion que ce remboursement doit être complet et non pas en fonction du Règlement sur l’assistance médicale. À ce sujet, il prétend que si la CSST désirait limiter la portée de la transaction, elle devait le faire en des termes explicites, ce qu’elle n’a pas cru utile de faire. Dans ces circonstances, et comme elle l’a fait pendant de nombreuses années, la CSST doit rembourser les « frais engagés », soit la totalité des frais encourus pour l’achat d’orthèses plantaires et de chaussures orthopédiques au montant total de 800 $ tel qu’il appert de la facture du 22 juin 2010.
[43] Par ailleurs, relativement aux traitements de kinésithérapie (massothérapie), le procureur de la travailleuse insiste sur le fait que depuis la signature de l’entente, le 19 mars 2002, la CSST a toujours payé le plein montant des frais de massothérapie encourus au Québec. Il souligne que ceci est d’ailleurs corroboré par différents avis de paiement produits au dossier de même que le témoignage de la travailleuse non contredit à cette fin.
[44] Bien que la loi en soit une d’ordre public, le procureur de la travailleuse insiste sur le fait que les parties peuvent y déroger par transaction comme ils l’ont fait en l’espèce. Il est d’opinion que rien ne justifie la CSST de ne pas payer la totalité des frais de traitements de massothérapie dispensés au Québec sans contrevenir à la transaction qu’un représentant dûment autorisé de la CSST a signée le 19 mars 2002.
[45] De plus, il insiste sur le fait que cette transaction ne limite pas l’endroit où les traitements de massothérapie sont dispensés, pas plus qu’il ne limite le remboursement de ces traitements au tarif prévu au Règlement sur l’assistance médicale. Pourtant, le représentant de la CSST avait tout le loisir de le faire lors de la transaction, ce qu’il a choisi de ne pas faire en toute connaissance de cause.
[46] Dans ce contexte, le procureur de la travailleuse plaide que la CSST doit rembourser en totalité les frais engagés pour les traitements de massothérapie dispensés à la travailleuse en 2008, 2009 et 2010, tant au Québec qu’au Vietnam, puisque la travailleuse a fourni des pièces justificatives au soutien de cette réclamation.
[47] Quant à la représentante de l’employeur, bien qu’elle admette que rien ne soit spécifiquement prévu à la transaction à l’égard du remboursement de traitements de massothérapie à l’extérieur du pays, elle est d’opinion que ces traitements ne devraient pas être remboursés.
[48] De même, elle est d’avis que l’accord ne prévoit que le remboursement d’un traitement de kinésithérapie par semaine sans spécifier s’il doit être remboursé en totalité. Selon elle, en ce qui a trait aux traitements hors Québec, en l’absence de précision à cette fin dans la transaction, c’est le Règlement sur l’assistance médicale qui doit s’appliquer.
[49] En réaction à ces arguments, le procureur de la travailleuse indique que rien n’exclut les traitements de massothérapie à l’extérieur du Québec et que la CSST ajoute une condition à la transaction en exigeant une autorisation préalable avant que différentes dépenses soient faites par la travailleuse, ce qui lui apparaît illégal.
L’AVIS DES MEMBRES
[50] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis.
[51] Ils considèrent que conformément à la transaction intervenue le 19 mars 2002 entre la CSST et la travailleuse, cette dernière a droit au remboursement des frais réellement engagés pour l’achat d’orthèses plantaires, de chaussures orthopédiques et des frais de massothérapie, selon les modalités prévues à la transaction, que ce soit au Québec ou à l’étranger, dans la mesure où elle fournit des pièces justificatives.
[52] Ils sont d’opinion que la CSST ne peut réduire la portée de la transaction en ne remboursant que les tarifs prévus au Règlement sur l’assistance médicale.
[53] Ils sont d’avis d’accueillir la requête déposée par la travailleuse le 2 décembre 2010 et d’infirmer la décision rendue par la CSST le 29 novembre 2010 à la suite d’une révision administrative.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[54] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a droit au remboursement des frais suivants :
- Une paire de chaussures orthopédiques et une paire d’orthèses plantaires facturées le 22 juin 2010 au coût de 800 $;
- La différence entre le tarif prévu au Règlement sur l’assistance médicale quant au remboursement des frais de kinésithérapie dispensés au Québec et le plein montant déboursé par la travailleuse pour l’année 2009;
- Le remboursement des traitements de massage thérapeutique dispensés au Vietnam au cours des années 2008 à 2010 inclusivement.
[55] En vue de se prononcer à cette fin, le tribunal constate des éléments contenus au dossier que la pierre angulaire du présent litige est la transaction au sens de l’article 2631 du Code civil intervenue entre la travailleuse et la CSST le 19 mars 2002. Cet article se lit comme suit :
2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l’exécution d’un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques. Elle est indivisible quant à son objet.
[56] En l’espèce, le tribunal comprend que la transaction intervenue entre la CSST et la travailleuse le 19 mars 2002 visait à régler les contestations logées par la travailleuse à l’encontre d’une décision de la révision administrative, tel qu’il appert du préambule de cette transaction et du formulaire de désistement complété par la travailleuse parallèlement à la signature de la transaction.
[57] Il appert également des faits qu’entre mars 2002 et mai 2009, la CSST a appliqué cette transaction en procédant au remboursement complet de l’ensemble des frais de massothérapie de même que du coût d’achat d’orthèses plantaires et de chaussures orthopédiques conformément à la transaction, ne faisant aucune référence à cette époque au Règlement sur l’assistance médicale qui prévoit un tarif ne couvrant pas le remboursement intégral de ces frais.
[58] Ce n’est qu’à compter de mai 2009 que la CSST remet en question la portée de la transaction et soutient plutôt qu’elle ne peut aller au-delà du tarif prévu au Règlement sur l’assistance médicale.
[59] Sur la base du changement de position de la CSST, le tribunal comprend qu’elle remet quelque peu en question la portée de la transaction qu’elle a valablement signée par l’intermédiaire de son représentant le 19 mars 2002. Le tribunal signale que la CSST n’est pas intervenue au dossier et n’était donc pas présente à l’audience pour faire valoir quelque motif que ce soit à l’égard de la validité de cette transaction.
[60] En l’espèce, l’article de la transaction qui vise directement le remboursement formulé par la travailleuse est l’article 6 qui se lit comme suit :
6. À compter de la signature des présentes, la CSST remboursera, sur présentation de pièces justificatives, les frais engagés pour un traitement de kinésithérapie par semaine, des orthèses plantaires moulées, ainsi que 2 paires de chaussures orthopédiques par année, et ce, jusqu’à l’âge de 68 ans;
[nos soulignements]
[61] Avant de se prononcer spécifiquement sur la portée à donner à cette transaction, le tribunal croit utile de rappeler que la loi est d’ordre public tel que le prévoit expressément l’article 4 en ces termes :
4. La présente loi est d'ordre public.
Cependant, une convention ou une entente ou un décret qui y donne effet peut prévoir pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la présente loi.
[nos soulignements]
__________
1985, c. 6, a. 4.
[62] La Commission des lésions professionnelles a déjà eu à se pencher sur la portée à donner au caractère d’ordre public de la loi.
[63] Dans l’affaire Barrette-Chapais ltée et Béland[3], le juge administratif Jean-François Clément a procédé à une revue de la jurisprudence sur le sujet à laquelle la soussignée considère utile de référer.
[64] Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles établit que le travailleur a droit de renoncer à un droit né et actuel dans la mesure où son consentement à cette renonciation n’est pas vicié. Le tribunal s’exprime comme suit à cette fin :
[25] Il est clair que le travailleur a le droit inaltérable de réclamer des prestations de la CSST lorsqu’il est victime d’une lésion professionnelle. Le corollaire de ce principe est qu’il a tout autant le droit d’y renoncer pourvu que le droit soit né et actuel et que son consentement ne soit pas vicié. En l’espèce, le document signé par le travailleur est clair et aucune preuve n’a pu permettre au tribunal de conclure à un vice de consentement. Au surplus, le droit du travailleur est né, ouvert et actuel depuis la survenance de l’événement le 29 mai 2003.
[26] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est d’ordre public. C’est ce que déclare l’article 4 de la Loi :
4. La présente loi est d'ordre public.
Cependant, une convention ou une entente ou un décret qui y donne effet peut prévoir pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la présente loi.
__________
1985, c. 6, a. 4.
[27] Ce caractère d’ordre public ne signifie cependant pas qu’il est interdit à une partie de renoncer, dans certaines circonstances, aux avantages qui en découlent. Le tribunal comprend difficilement comment une personne pour qui des droits ont été prévus ne pourrait pas décider d’y renoncer en toute connaissance de cause, une fois son droit ouvert. Il s’agirait alors de la négation de la faculté pour un bénéficiaire de décider ce qu’il veut faire de son droit, lequel n’appartient qu’à lui.
[28] De plus, s’il n’en était pas ainsi, il serait impossible de concilier tout dossier relevant sur la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, de la Loi sur les normes du travail2, ou de toute autre loi d’ordre public.
[29] Dans l’affaire Léonard et G. Lebeau ltée3, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, à l’étude de la preuve, estime que la déclaration d’appel était visée dans une entente signée entre les parties. Elle constate donc que le travailleur y a renoncé de façon implicite en signant l’entente. Elle rappelle que le droit d’appel n’est pas lui-même un droit d’ordre public, mais doit plutôt être considéré comme un droit personnel rattaché à la personne de son bénéficiaire. Une partie peut donc valablement transiger dans le cadre d’une loi d’ordre public lorsque son droit est né et actuel, ce qui est le cas en l’espèce puisque le droit du travailleur était né et actuel depuis plusieurs mois lorsqu’il a signé le document du 10 octobre 2003.
[30] Dans l’affaire Robichaud et Rénovations Danar ltée4, la travailleuse avait signé une transaction après que la CSST eût rendu une décision initiale. La réclamation était donc bien née et actuelle. En l’absence de preuve que le document signé par le travailleur n’était pas le fruit d’un consentement libre et éclairé, la Commission des lésions professionnelles décide alors que la travailleuse s’est désistée de sa réclamation pour lésion professionnelle. Les faits de ce dossier s’appliquent très bien à la présente cause, surtout qu’aucune preuve d’erreur ou de vice de consentement n’a été apportée.
[31] Dans l’affaire Degrés et Centre hospitalier Douglas5, la Commission des lésions professionnelles décide que le document signé par le travailleur constituait une renonciation valide à ses droits d’appel puisqu’ils étaient nés et actuels au moment de la signature de l’entente.
[32] Dans l’affaire Lessard et Produits miniers Stewart inc.6, la Commission des lésions professionnelles était saisie d’un dossier où une entente était intervenue dans un litige entrepris en vertu de la Loi sur les normes du travail. À l’étude du document, le commissaire exprime l’avis que la terminologie utilisée dans la rédaction du contrat ne laisse planer aucun doute quant à l’intention du travailleur d’accepter et de renoncer à ses recours incluant une réclamation éventuelle à la CSST. La travailleuse ne pouvait donc pas soumettre une telle réclamation puisque sa renonciation valait pour des recours potentiels découlant de droits ayant déjà existé antérieurement à l’entente.
[33] Dans l’affaire Maheux et Enseignes Laval7, la Commission des lésions professionnelles rappelle les mêmes principes, à savoir que le droit né et actuel d’un travailleur en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles peut faire l’objet d’une renonciation valable malgré le caractère d’ordre public de la loi.
2 L.R.Q., c. N-1.1.
3 [1992] C.A.L.P. 267 .
4 C.L.P. 158584-72—0102, 4 février 2002, P. Perron.
5 C.L.P. 147040-72-0009, 7 février 2002, M.-H. Côté.
6 [1998] C.L.P. 269 , révision rejetée, C.L.P. 88727-08-9705, 19 mars 1999, J.-G. Roy, requête en révision judiciaire rejetée, [1999] C.L.P. 825 (C.S.)
7 C.L.P. 100998-02-9804, 27 avril 1999, N. Tremblay.
[nos soulignements]
[65] Dans la présente affaire, le tribunal constate qu’au moment où la CSST a conclu une transaction au sens du Code civil avec la travailleuse, cette dernière détenait un droit né et actuel sur la base duquel les parties ont transigé. D’ailleurs, le tribunal constate que l’article 4 de la loi prévoit qu’il est possible de déroger par entente, convention ou décret à la loi malgré son caractère d’ordre public dans la mesure où cette dérogation a pour effet d’être plus avantageuse que ce qui est prévu à la loi.
[66] En l’espèce, les différentes clauses de la transaction prévoient certes des modalités plus avantageuses pour la travailleuse que celles prévues au Règlement sur l’assistance médicale. Parallèlement, la CSST y trouve son compte puisqu’elle met fin à certains litiges qui auraient pu engendrer des frais importants.
[67] Pour en venir à la conclusion que cette transaction est plus avantageuse, le tribunal retient notamment que le remboursement des frais engagés pour des traitements de kinésithérapie (massothérapie) une fois par semaine, de même que le remboursement de deux paires de chaussures orthopédiques et d’orthèses plantaires par année est plus avantageux que ce que prévoit la loi, puisqu’il ne limite pas le remboursement de ces frais d’assistance médicale au tarif prévu au Règlement sur l’assistance médicale qui est moins généreux.
[68] Force est de constater que, pour la CSST, avec l’écoulement du temps, cette clause peut paraître plus désavantageuse que le remboursement du tarif prévu au Règlement sur l’assistance médicale. Toutefois, le tribunal rappelle que l’analyse du caractère avantageux de la transaction doit se faire au moment de la signature et dans sa globalité. La soussignée est d’avis que la CSST a conclu cette transaction le 19 mars 2002 puisqu’elle y trouvait son compte en limitant certains frais futurs qu’auraient pu occasionner les lésions professionnelles subies par la travailleuse.
[69] Au surplus, la soussignée rappelle que la CSST n’est pas intervenue au présent litige et n’a fait valoir aucun motif permettant de douter de la validité de la transaction intervenue entre les parties le 19 mars 2002.
[70] Dans ces circonstances, le tribunal n’a d’autre choix que d’appliquer cette transaction dans la mesure où elle lui apparaît basée sur des droits nés et actuels et sur le consentement des parties à la transaction qui n’a pas été viciée.
[71] Vu ce qui précède, le tribunal est d’opinion que la transaction intervenue entre la CSST et la travailleuse le 19 mars 2002 lie les parties et est au cœur du présent litige.
[72] En vertu de cette transaction, il apparaît clair au tribunal que la travailleuse avait droit au remboursement d’orthèses plantaires et de chaussures orthopédiques deux fois par année. À cet égard, le tribunal partage l’interprétation du procureur de la travailleuse quant à la notion de « par année ». Ainsi, à défaut de prévoir d’autres modalités, le sens commun permet au tribunal de conclure que la notion d’année fait référence à une année civile s’écoulant du 1er janvier au 31 décembre.
[73] Or, la preuve révèle que la travailleuse a réclamé le remboursement de frais d’orthèses plantaires et de chaussures orthopédiques à deux occasions en 2009 et à une seule occasion en 2010, soit le 22 juin 2010.
[74] Par conséquent, le tribunal conclut que la travailleuse avait droit au remboursement des frais d’orthèses plantaires et de chaussures orthopédiques facturés le 22 juin 2010.
[75] Ce remboursement devait-il couvrir l’intégralité du coût d’achat?
[76] Avec respect pour l’opinion contraire, la soussignée conclut par l’affirmative, en raison du libellé même de la transaction intervenue entre les parties qui prévoit des modalités plus avantageuses que le Règlement sur l’assistance médicale.
[77] À ce sujet, le tribunal est d’opinion que la CSST avait le loisir de limiter la portée du remboursement, ce qu’elle n’a pas cru utile de faire dans le cadre de la transaction intervenue entre les parties le 19 mars 2002.
[78] Qu’en est-il du remboursement des frais de massothérapie?
[79] Tout comme pour le remboursement des orthèses plantaires et des chaussures orthopédiques, l’article 6 de la transaction prévoit le remboursement des « frais engagés ».
[80] De plus, le tribunal constate que la CSST a interprété la transaction dans le sens du remboursement intégral des frais jusqu’au mois de mai 2009 sans la remettre en question. Ce n’est qu’après l’intervention de monsieur Luc Jacques, en mai 2009, qui a constaté un accroissement des coûts reliés aux traitements de massothérapie et qui s’est interrogé sur la validité et l’authenticité de certaines factures soumises par la travailleuse, que la CSST a modifié son interprétation de la transaction et le montant des remboursements accordés.
[81] Bien que la CSST ait émis des doutes à l’égard de la validité de certaines factures, le tribunal ne dispose d'aucun rapport démontrant que les factures pour les frais de traitements de massothérapie dispensés au Québec en 2009 ne constituent pas des pièces justificatives au sens de la transaction.
[82] Dans ce contexte, le tribunal est d’avis que, conformément à la transaction intervenue entre les parties le 19 mars 2002, la CSST devait payer le coût total des frais engagés pour des traitements de massothérapie dispensés au Québec en 2009.
[83] L’argument de la CSST selon lequel elle ne pouvait transiger au-delà du tarif prévu au Règlement sur l’assistance médicale ne peut être avalisé.
[84] En effet, comme mentionné précédemment, bien que la loi en soit une d’ordre public, il est possible d’y déroger dans la mesure où les dispositions prévues à la transaction sont plus avantageuses, ce qui est le cas en l’espèce comme indiqué plus haut.
[85] Au surplus, le Règlement sur l’Assistance médicale ne prévoit pas le remboursement des frais de kinésithérapie ou de massothérapie, ces frais n’étant pas spécifiquement mentionnés à l’Annexe 1 du règlement.
[86] D’ailleurs, dans l’affaire Abesque et Sports SM inc[4], la Commission des lésions professionnelles a déterminé que les frais de kinésithérapie n’était pas visés à l’annexe 1 du règlement. D’autres décisions du tribunal ont tranché dans le même sens à l’égard des frais de massothérapie[5].
[87] Par conséquent, l’argument de la CSST selon lequel elle doit rembourser ces frais en fonction des tarifs prévus au règlement ne tient pas la route. En effet, rien dans le règlement n’est spécifiquement prévu à l’égard de ces soins.
[88] Au surplus, même si de tels traitements étaient prévus au règlement, pour les mêmes motifs que ceux énumérés plus haut, la transaction aurait préséance, puisque valablement conclue entre la CSST et la travailleuse.
[89] Dans ces circonstances, le tribunal est d’opinion que la CSST doit rembourser l’ensemble des frais engagés par la travailleuse en vue de recevoir des traitements de massothérapie au Québec pour la période de 2009 en fonction des factures produites à cette fin.
[90] Qu’en est-il des frais pour des traitements de massothérapie dispensés à l’extérieur du Québec au cours des années 2008, 2009 et 2010?
[91] À ce sujet, la soussignée constate que la transaction ne limite pas la portée des traitements de kinésithérapie à ceux dispensés au Québec, contrairement aux modalités particulières prévues au Règlement sur l’assistance médicale lorsque des traitements sont dispensés à l’extérieur du Québec.
[92] Appliquant le même raisonnement que celui élaboré plus haut, le tribunal conclut que la transaction intervenue entre la CSST et la travailleuse est plus avantageuse que ce que prévoit le Règlement sur l’assistance médicale et est donc valide.
[93] Dans ces circonstances, dans la mesure où la travailleuse fournit des pièces justificatives qui apparaissent valables à la CSST, le tribunal conclut qu’il doit lui rembourser l’ensemble des frais engagés pour des traitements de massothérapie conformément à l’article 6 de la transaction.
[94] Par ailleurs, le tribunal ne partage pas la position de la CSST selon laquelle, dans de telles circonstances, la travailleuse doit obtenir une autorisation préalable avant d’engager des frais puisque cette condition n’est pas spécifiquement prévue à la transaction.
[95] Par conséquent, le tribunal conclut que la CSST doit rembourser l’ensemble des frais engagés pour recevoir des traitements de massothérapie au Vietnam depuis 2008, et ce, jusqu’en 2010 en fonction des pièces justificatives fournies par la travailleuse à cette fin.
[96] Vu ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles fait droit aux demandes de remboursement formulées par la travailleuse puisqu’elles reposent sur une transaction valablement intervenue entre la CSST et la travailleuse le 19 mars 2002 qui permet le remboursement de ces frais.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée par madame Truong Cam-Van, la travailleuse, le 2 décembre 2010;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 29 novembre 2010 à la suite révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement d’une somme de 800 $ couvrant les frais encourus pour l’achat d’orthèses plantaires et de chaussures orthopédiques facturés le 22 juin 2010;
DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement de la différence entre les frais réellement engagés pour des traitements de massothérapie dispensés au Québec en 2009 et le tarif prévu au Règlement sur l’assistance médicale remboursé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à l’égard de ces traitements;
DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement des frais réellement engagés pour des traitements de massage thérapeutique dispensés à l’extérieur du Québec, soit au Vietnam, au cours des années 2008, 2009 et 2010, sur la base des factures produites par la travailleuse au dossier;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin qu’elle procède audit remboursement conformément à la transaction intervenue entre les parties.
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Ann Quigley |
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Me Gaétan Guérard |
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S.E.D.R. |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] R.R.Q., c. A-3.001, r. 1.
[2] L.R.Q., c. A-3.001.
[3] C.L.P. 223596-02-0312, 04-06-29, J.-F. Clément, (04 L.P.- 82)
[4] C.L.P. 379184-31-0905, 30 novembre 2009, M. Beaudoin.
[5] Trudel et C.S. de l'Estuaire, 224977-09-0401, 04-08-25, J.-F. Clément, (04LP-90); Dupont et Transmel, 290162-64-0605, 07-06-06, J.-F. Martel.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.