Therrien et 2868-1880 Québec inc. (Fermé) |
2008 QCCLP 1209 |
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[1] Le 3 octobre 2007, monsieur Serge Therrien (le travailleur) dépose une requête devant la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) rendue le 18 septembre 2007 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue initialement le 19 juillet 2007, déclare que le travailleur n’est pas atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] Le travailleur est présent et représenté à l’audience qui a lieu le 10 janvier 2008 devant la Commission des lésions professionnelles. 2868-1880 Québec inc., Esthétique Carmen Vincent, Salon Magicuts, Serge Styliste coiffure et Serge Therrien Styliste sont toutes des entreprises fermées. Coiffure 747 et Filina Coiffure inc., Pro Mode Coiffure et Salon Olive Coiffure enr. ont informé le tribunal de leur absence à l’audience. Quant à CSST- Soutien à l’imputation, le tribunal constate son absence à l’audience.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il est porteur d’un asthme professionnel causé par son travail de coiffeur styliste.
LES FAITS
[5] Depuis 1992, le travailleur œuvre dans le domaine de la coiffure à titre de coiffeur styliste. Il occupe cet emploi pour plusieurs salons de coiffure.
[6] En 1999, il consulte le docteur Marc Langlais à la Clinique médicale de Saint-Nicéphore en raison de bronchites à répétition dont il dit alors souffrir.
[7] Le 17 mai 1999, le travailleur passe une radiographie pulmonaire qui révèle, selon l’interprétation qu’en fait la docteure Lucie Duchesne, une image cardiopulmonaire normale et l’absence de pneumonie.
[8] Le 18 octobre 1999, le travailleur passe un test de fonction respiratoire à l’hôpital Sainte-Croix. Au moment où il passe ces tests, le travailleur est à l’emploi d’Esthétique Carmen Vincent, à titre de gérant du salon de coiffure et de coiffeur pour hommes et femmes.
[9] Les résultats de ce test révèlent que les volumes pulmonaires sont dans les limites de la normale. Le VEMS est normal en valeur absolue, mais diminué lorsque reporté en pourcentage de la capacité vitale forcée. Il n’y a pas de changement significatif postbronchodilatateur. La diffusion est à la limite inférieure de la normale.
[10] Le docteur Carrier conclut à un discret syndrome obstructif non réversible par l’usage de bronchodilatateur. Il mentionne toutefois que les résultats obtenus doivent être pris avec réserve en raison des difficultés à compléter correctement l’examen.
[11] Le 29 novembre 1999, le travailleur consulte le docteur Laflamme en raison d’étourdissements que le médecin qualifie de paroxystiques. À la suite de l’examen, le médecin conclut à un trouble d’origine X et recommande au travailleur de cesser le tabac.
[12] Le 2 janvier 2000, le travailleur consulte un médecin (que le tribunal ne peut identifier). Il mentionne une infection des voies respiratoires supérieures.
[13] Le 29 février 2000, le travailleur consulte à nouveau et un diagnostic de bronchite et sinusite est posé.
[14] Le 26 avril 2003, le travailleur consulte cette fois pour des maux de gorge.
[15] Le 3 novembre 2003, le médecin consulté conclut à une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) et lui recommande de cesser le tabac.
[16] Le 19 février 2004, le travailleur consulte au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) le docteur Bégin et le résident Bouchard. Le travailleur se plaint alors de toux et d’expectorations. Le docteur Bégin retient comme impression diagnostique, une MPOC avec emphysème, une bronchite chronique probable et un asthme professionnel à éliminer. Comme plan de traitement, le médecin propose des tests d’allergies puis reverra le travailleur dans deux mois.
[17] Le 18 mars 2004, le travailleur consulte à nouveau au CHUS, cette fois le docteur Coll, pneumologue accompagné du résident Bouchard. Le docteur Coll pose un diagnostic d’asthme exacerbé légèrement dans un contexte d’infection des voies respiratoires supérieures. Il croit utile d’envisager des tests pour l’asthme professionnel dépendamment de l’évolution de la condition.
[18] Le 26 avril 2004, le travailleur consulte à nouveau un médecin qui pose le diagnostic d’asthme et lui recommande de cesser le tabac.
[19] Le 14 juin 2004, le travailleur consulte le docteur Larrivée qui complète une attestation médicale destinée à la CSST où il pose le diagnostic d’asthme professionnel? Il indique que le travailleur sera évalué par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires (CMPP).
[20] Le 18 juin 2004, le travailleur produit une réclamation à la CSST en relation avec les problèmes pulmonaires qu’il invoque. Dans la portion descriptive de sa réclamation, le travailleur indique : « teintures, défrisants, mèches, fixatifs, décolorations, permanentes. [sic] »
[21] Le 2 août 2004, le travailleur est évalué par le docteur Vézina et le résident Bouchard. Le docteur Vézina parle d’un asthme détérioré. Il recommande de cesser le tabac et de surveiller le débit de pointe (peak flow) lors du retour au travail.
[22] Le 15 novembre 2004, le travailleur passe une radiographie simple des poumons qui est interprétée par le radiologiste docteur François Plante. Il conclut à une maladie pulmonaire obstructive chronique emphysémateuse modérée à sévère.
[23] Le 6 décembre 2004, le travailleur passe de nouveaux tests de fonction respiratoire. Les résultats de ces tests sont interprétés par le docteur Bégin qui constate que les volumes sont normaux, la diffusion est nettement abaissée et les débits démontrent une obstruction modérée. Le même jour, le travailleur passe un test de provocation bronchique à la Méthacholine qui démontre une hyperréactivité bronchique franche.
[24] Le 16 décembre 2004, le CMPP composé des docteurs Raymond Bégin, Robert Boileau et André Cantin, pneumologues, complète son rapport.
[25] À la rubrique traitant des symptômes respiratoires, le CMPP réfère à des troubles respiratoires sous forme de détresses respiratoires lorsqu’initialement, il est exposé aux décolorants et plus récemment aux teintures. Le CMPP note que le travailleur a consulté pendant environ trois ans un médecin de Drummondville et plus récemment des médecins de Sherbrooke, soit les docteurs Robert Boileau, Bernard Coll et Yves Vézina. Il prend actuellement du Advair 125, (deux inhalations, deux fois par jour), Ventolin au besoin et Nasonex (deux inhalations, deux fois par jour).
[26] Le CMPP réfère au fait que depuis l’âge de 16 ans, le travailleur fume en moyenne deux paquets par jour pour un total cumulé de 40 paquets/année.
[27] À la revue des systèmes, le comité indique qu’un CT-Scan a mis en évidence la présence d’un emphysème pulmonaire.
[28] Au niveau des antécédents personnels, le comité note de l’asthme, une MPOC, une sinusite depuis environ trois ans avec un lien au travail depuis au moins deux ans. Quant aux antécédents familiaux, son père est âgé de 64 ans et souffre de maladie cardiaque artériosclérotique (MCAS) sa mère, âgée de 61 ans, a un lymphome et son frère est asthmatique. Le travailleur est allergique au Ziban et a eu une réaction d’urticaire à la morphine.
[29] À l’examen physique, le CMPP signale que le travailleur est alerte, coopératif, sans détresse respiratoire (Sa02, 98 %). Son rythme cardiaque est régulier à 85 pulsations par minute et le thorax présente une configuration normale, une expansion thoracique normale et un murmure vésiculaire normal, sans râle.
[30] La radiographie pulmonaire révèle une inflation sur certaines zones d’hypertransparence, le tout compatible avec une MPOC. À la lecture de la tomographie axiale du thorax, le CMPP confirme la présence d’un emphysème pulmonaire centrilobulaire prédominant au sommet.
[31] Le CMPP note que lors des tests de fonction respiratoire, les volumes sont normaux, la diffusion est nettement abaissée et les débits démontrent une obstruction modérée. De plus, lors de la provocation à la Méthacholine, l’épreuve démontre une hyperréactivité bronchique franche. La formule sanguine est normale.
[32] En conclusion, le CMPP indique qu’il y a une forte suspicion d’un asthme professionnel chez monsieur Serge Therrien, particulièrement au Persulfate et aux teintures utilisées dans son milieu de travail. Le comité dirige donc le dossier de ce réclamant pour des tests de provocations spécifiques en laboratoire à l’hôpital Sacré-Cœur de Montréal.
[33] Le 27 janvier 2005, le travailleur rencontre le docteur Jean-Luc Malo, pneumologue, à la Clinique d’asthme professionnel de l’hôpital Sacré-Cœur. À la suite de cette consultation, le docteur Malo complète un rapport où il indique sous la rubrique Histoire professionnelle que depuis deux ans, monsieur Therrien travaille dans son propre salon de coiffure. Il est le seul employé et il effectue toutes les tâches (lavages et coupes de cheveux, teintures et décolorations).
[34] À la rubrique Histoire de la maladie actuelle, le travailleur rapporte que depuis plus de sept ans, il note de l’essoufflement, une oppression thoracique, des sifflements et une irritation de la gorge qu’il associe à l’utilisation de produits pour la teinture et la décoloration des cheveux. Il rapporte également que ses symptômes sont déclenchés par l’inhalation de produits ménagers, par le chaud, le froid ou par un simple rhume.
[35] Depuis six mois, il dit avoir présenté un épisode d’hémoptysie (filet de sang dans la salive) qui n’a pas été investigué ultérieurement. Depuis quatre mois, il utilise Flovent 125, ug (deux inhalations, deux fois par jour) et Ventolin (deux inhalations matin et soir, ainsi qu’au besoin). Le travailleur rapporte également une obstruction nasale pour laquelle il prend du Nasonex (deux inhalations, deux fois par jour) avec bénéfices.
[36] Dans son environnement domestique, le travailleur possède un chat depuis six ans et un chien depuis un an. Il fumait depuis 23 ans, mais a arrêté depuis un mois. Au cours de la période où il fumait, il fumait environ un paquet par jour, soit 23 paquets/ année. L’histoire familiale démontre de l’asthme bronchique chez l’un de ses frères.
[37] À l’examen physique, le docteur Malo note que la tension artérielle est de 130/80 et que le patient présente une diminution du murmure vésiculaire sans bruits adventices. Aux examens de laboratoire, le travailleur a testé positif à l’allergie aux acariens et négatif aux protéines dérivées des animaux domestiques. La spirométrie effectuée lors de l’examen du docteur Malo démontre une obstruction importante montrant un VEMS à 2,64 L et un CVF à 4,7 L pour des valeurs prédites de 3,63 et 2,64 L respectivement. Ces valeurs ne changent pas après l’inhalation d’un bronchodilatateur.
[38] Le docteur Malo conclut que l’histoire du patient est plutôt suggestive d’emphysème pulmonaire. Il présente une obstruction importante non réversible, ce qui le dirige vers un diagnostic de maladie pulmonaire obstructive chronique plutôt que vers un diagnostic d’asthme bronchique. Le docteur Malo considère pertinent que le travailleur soit soumis à des tests d’expositions spécifiques au Persulfate (agent contenu dans les produits qui déclenchent les symptômes respiratoires selon le patient) pour exclure une obstruction présentant un caractère mixte. Il conclut à de l’emphysème et de l’asthme.
[39] Le 14 mars 2005, le travailleur est évalué au CHUS hôpital Fleurimont en pneumologie par le docteur Boileau, pneumologue et le résident Bouchard.
[40] À la suite de l’examen du travailleur, le docteur Boileau conclut à un asthme avec contrôle sous-optimal et un asthme professionnel à éliminer. Le médecin recommande de prendre les médicaments suivants : Advair 125, deux fois par jour et Uniphyl si toléré. Il prévoit le revoir dans un mois.
[41] Le 25 avril 2005, le travailleur consulte le docteur Boileau qui note qu’il a cessé la cigarette depuis trois semaines. Il retient comme diagnostic l’asthme, mais s’interroge quant au caractère professionnel de cette maladie. Il recommande de continuer le même traitement et de retourner à l’hôpital Sacré-Cœur pour des tests de provocation spécifique. Il désire également discuter du cas avec la docteure Lemière.
[42] Le 19 mai 2005, la docteure Catherine Lemière, pneumologue, complète un rapport à la suite de tests de provocation auxquels le travailleur a été soumis entre le 21 février 2005 et le 6 mai 2005 inclusivement. Dans le cadre de l’administration de ces tests de provocation bronchique, le travailleur a été exposé au persulfate et aux autres produits que l’on retrouve habituellement dans un salon de coiffure. Elle résume les tests auxquels le travailleur a été soumis comme suit :
· Jour A, 21 février 2005 : Monsieur Therrien avait pris son Flovent le matin à 7 heures, ça faisait huit heures qu’il n’avait pas pris son Ventolin. Son VEMS initial était à 2,87 avec une CV à 5,85. Il a été exposé avec du lactose utilisant le générateur de particules pendant 15 minutes. Après dix minutes d’exposition, il a présenté une chute de VEMS de moins 18 % avec une chute maximum à moins 19,5 % jusqu’à deux heures après l’exposition. La docteure Lemière note qu’étant donné la fluctuation de son VEMS lors de la journée de contrôle, elle a interrompu les tests et lui a donné un traitement avec l’Uniphyl pour essayer d’avoir un meilleur contrôle de son asthme puisqu’elle a été obligée d’arrêter le bèta-2 à longue durée d’action pour les tests;
· Jour B, 2 mai 2005 :Elle note qu’étant donné que monsieur Therrien travaillait à Sherbrooke et qu’il est difficile pour lui de s’éloigner de sa clientèle, elle a eu un peu de mal à faire les tests et ne l’a revu pour le jour B que le 2 mai 2005. Lors de cette deuxième journée de tests, elle note que le VEMS initial était à 2,83 avec une CV à 5,51. Le travailleur prenait 800 mg d’Uniphyl avec un théophyllonémie dans les zones thérapeutiques. Il a pris son Flovent le matin, son VEMS initial était à 3,08 avec une CV à 6,04. Durant la journée de contrôle où il n’a été exposé à aucun agent, son VEMS n’a pas fluctué de façon significative et sa CP20 à la fin de la journée était à 0,38 mg par ml témoin d’une hyperexcitabilité bronchique modérée;
· Jour C, 3 mai 2005 : Docteure Lemière a procédé à une deuxième journée contrôle, cette fois-ci avec du lactose utilisant le générateur de particules. Son VEMS initial était à 2,77 avec une CV à 5,07. Là encore, elle note qu’il n’est pas apparu durant la journée d’exposition au lactose de fluctuations significatives du VEMS et ils ont donc pu procéder à l’exposition au persulfate;
· Jour D, 4 mai 2005 : Ils ont exposé le travailleur à du persulfate d’abord dilué à 0,01 durant quatre minutes avec le générateur à particules puis à 0,1 durant quatre minutes. Le VEMS initial était à 2,83 avec une CV à 5,77. Il n’est apparu aucune variation significative du VEMS durant la journée;
· Jour E, 5 mai 2005 : Le travailleur est toujours sous Uniphyl. On lui donne son Flovent le matin. Son VEMS est à 2,70 avec une CV à 5,68 et là encore, il est exposé cette fois à 60 minutes de persulfate dilué à 0,1 et il n’apparaît aucun changement de son VEMS durant la journée, sa CP20 étant à 0,78 mg par ml à la fin de la journée;
· Jour F, 6 mai 2005 : Étant donné que le travailleur habite Sherbrooke et qu’il ne peut s’absenter facilement plus d’une semaine et qu’il n’a pas réagi lors des journées précédentes, la docteure Lemière a décidé de l’exposer de façon réaliste à tous les produits coiffants, donc à la fois au persulfate, mais aussi à des produits décolorants, du peroxyde, de la teinture, du fixatif à cheveux, etc. Son VEMS initial était à 2,78 avec une CV à 5,34. Donc, il n’est apparu aucune fluctuation significative du VEMS et à la fin de la journée, sa CP20 était à 1 mg par ml. Il n’y a donc aucun changement par rapport à la journée contrôle.
[43] En conclusion, la docteure Lemière considère que le travailleur a un asthme personnel modéré qui semble un peu difficile à contrôler et en revanche, il n’existe pas d’asthme professionnel aux produits de coiffure. Elle note qu’il est certainement plus symptomatique quand il est exposé à des irritants, mais il n’y a pas d’évidence d’asthme professionnelle et le travailleur peut donc continuer à travailler dans son salon en autant que son asthme personnel soit bien contrôlé.
[44] Le 20 juin 2005, le travailleur passe une nouvelle radiographie pulmonaire qui est interprétée par le docteur François Plante. Il ne constate pas d’évidence de pneumonie ou d’épanchement pleural. Il note des signes d’hyperinflation pulmonaire.
[45] Le même jour, le travailleur revoit le docteur Boileau. Il mentionne que les tests de provocation ont eu lieu en mai 2005 à l’hôpital Sacré-Cœur. Il indique que le travailleur est en attente de la décision de la CSST. Il signale que le travailleur se plaint d’étourdissements et de paresthésies péribuccales lorsqu’il travaille avec des teintures. Il pose le diagnostic d’asthme et d’hyperventilation. Il ajuste la thérapie médicamenteuse et propose de le revoir dans un mois et demi.
[46] Le 23 juin 2005, le CMPP rédige un avis complémentaire signé par les docteurs Bégin, Cantin et Larrivée à la suite des tests de provocations spécifiques auxquels le travailleur a été soumis. Le CMPP indique que les tests de provocations spécifiques sont négatifs. Il signale par ailleurs que le réclamant présente un emphysème pulmonaire important, qu’il a cessé de fumer sur les recommandations de son pneumologue, le docteur Robert Boileau, qu’il présente un asthme personnel et qu’il a une médication appropriée. Il signale que le réclamant n’a toutefois pas été testé aux colorants, il propose au travailleur de procéder à des tests réalistes dans son salon de coiffure, ce que ce dernier refuse de faire, de crainte de nuire à l’achalandage de son commerce.
[47] En conclusion, le CMPP ne reconnaît pas de maladie professionnelle pulmonaire chez le travailleur. Le CMPP est d’avis que le travailleur n’a aucun déficit anatomophysiologique ni limitation fonctionnelle. Quant à la tolérance aux contaminants, il recommande au travailleur d’éviter les irritants respiratoires. Il conclut en précisant que le travailleur pourra être réévalué sur demande.
[48] Le 7 juillet 2005, le Comité spécial des présidents (CSP) sous la plume des docteurs Desmeules, Cartier et Ostiguy, pneumologues, complète son avis. Il considère qu’il ne dispose pas d’éléments suffisants au dossier pour conclure à la présence d’une maladie pulmonaire professionnelle chez le travailleur. Il rappelle toutefois que compte tenu de l’asthme personnel du travailleur, il doit éviter les irritants respiratoires.
[49] Le 16 août 2005, le travailleur consulte le docteur Boileau qui réitère le diagnostic d’asthme personnel mieux contrôlé et demande à la revoir dans trois mois.
[50] Le 23 août 2005, la CSST rend une décision sur la base des avis émis par le CMPP et le CSP et rejette la réclamation du travailleur pour maladie professionnelle pulmonaire. Le travailleur demande la révision de cette décision. Sa demande est rejetée puisque déposée à l’extérieur du délai prévu à la loi.
[51] Le 22 novembre 2005, le travailleur revoit le docteur Boileau qui réitère le diagnostic d’asthme avec maîtrise acceptable et recommande d’éviter l’exposition aux irritants respiratoires.
[52] Le 21 décembre 2005, le docteur Boileau remplit la Déclaration initiale du médecin traitant requise de la compagnie d’assurances du travailleur (Industrielle Allliance Pacifique) en vue de recevoir de l’assurance invalidité. Il pose le diagnostic d’asthme. Il écrit que les premiers symptômes se sont manifestés en février 2004. Il précise que le travailleur ne peut être exposé à des irritants respiratoires et en particulier la teinture. À la question : La condition est-elle due à une maladie ou une blessure qui résulte de l’emploi du patient? Il répond que non.
[53] Le 2 mai 2006, le travailleur passe une radiographie pulmonaire qui est interprétée par le docteur Plante. Il conclut à des signes évidents d’emphysème pulmonaire touchant particulièrement les tiers supérieurs des deux plages pulmonaires.
[54] Le 18 mai 2006, le docteur Boileau complète, à la demande de la compagnie Industrielle Alliance Pacifique, un formulaire visant l’évaluation de la demande d’indemnité d’invalidité produite par le travailleur auprès de sa compagnie d’assurances.
[55] À la question : À votre avis, la condition médicale de votre patient l’empêche-t-elle d’accomplir son travail comme coiffeur - travailleur autonome? Le docteur Boileau répond affirmativement. Il écrit que le travailleur a des limitations et des restrictions fonctionnelles l’empêchant d’occuper son travail. Il décrit ces limitations et restrictions fonctionnelles de la manière suivante : « Comme il présente de l’asthme, il ne peut être exposé à des irritants respiratoires et en particulier dans son métier de coiffeur, il ne peut être exposé à la teinture ». Il va jusqu’à dire que le travailleur ne pourra jamais être exposé à des irritants respiratoires. Quant à savoir si le travailleur a des allergies, il confirme une allergie aux acariens.
[56] Appelé à décrire la fréquence, les symptômes, les signes physiques et la sévérité des crises d’asthme du patient, le docteur Boileau indique qu’elles sont variables et que le patient est actuellement stable.
[57] Appelé à décrire les symptômes et signes physiques entre les crises d’asthme, le docteur Boileau indique : « Son asthme peut être assez bien contrôlé avec la prise régulière de la médication. Il est à noter que l’exposition aux irritants respiratoires rend le contrôle de son asthme très difficile ».
[58] Le docteur Boileau signale que le traitement du travailleur est le suivant : Advair 250 ug/25 (deux inhalations BID), Ventolin (deux inhalations PRN), Singulair 10 mg HS, Uniphyl 300 mg DIE.
[59] Le docteur Boileau écrit que le changement de produits ou l’utilisation de masques ou autres changements dans l’environnement de travail ne permettront pas au travailleur de continuer son travail.
[60] Comme investigation à venir, il réfère à une courbe débit volume en novembre 2006. Quant aux traitements, il dit d’éviter les irritants respiratoires.
[61] Le 18 septembre 2006, le travailleur revoit le docteur Boileau. Le travailleur se plaint alors d’une certaine détérioration de sa condition. Le docteur Boileau conclut à de l’asthme et une MPOC et ajuste la médication du travailleur.
[62] Le 27 novembre 2006, la Commission des lésions professionnelles relève le travailleur du défaut d’avoir respecté le délai de la loi lors du dépôt de sa demande de révision administrative à l’encontre de la décision de la CSST du 25 août 2005 et retourne le dossier à la CSST afin qu’elle procède « de manière légale à une nouvelle évaluation des diagnostics retenus, de leur lien avec le travail ou non après que tous les tests requis suivant les règles reconnues par la communauté médicale aient été complétés et qu’elle rende une décision sur l’existence ou non d’une lésion professionnelle survenue le ou vers le 14 juin 2004 chez monsieur Serge Therrien ».
[63] À la suite de cette décision, le travailleur est soumis à nouveau au processus d’évaluation médicale spécifique aux maladies pulmonaires.
[64] Le 23 mars 2007, le CMPP complète son rapport. Au niveau des symptômes respiratoires, le CMPP note que le travailleur a fermé son salon de coiffure et qu’il ne fait plus aucun travail associé aux produits de coiffure. Toutefois, sa symptomatologie persiste et sa médication est augmentée avec deux épisodes d’aggravation ayant nécessité une corticothérapie orale et une médication de base sous forme de Singulair, Uniphyl, Advair 250 (quatre fois par jour), Ventolin (quatre fois par jour). La revue des systèmes ne révèle rien.
[65] Quant aux antécédents familiaux, son frère a été asthmatique durant l’enfance seulement.
[66] À l’examen physique, le CMPP note que le patient est alerte, coopératif, sans détresse respiratoire (Sa02 à 91 %), son poids est de 150 livres et sa taille de 5 pieds 5 pouces.
[67] À l’examen des fonctions respiratoires, les volumes sont normaux, la diffusion est abaissée et les débits sont modérément abaissés. Lors de la provocation à la Méthacholine, l’épreuve est normale.
[68] En conclusion, le CMPP note que le travailleur est actuellement disponible à ce que l’on procède aux tests de provocations spécifiques proposés en 2005 qu’il avait alors refusé de passer. Le CMPP demande donc à la docteure Catherine Lemière de procéder à l’organisation des tests de provocations spécifiques dans un salon de coiffure de la région de Montréal. Le CMPP reverra le dossier du travailleur lorsque les résultats des tests de provocations spécifiques auront été passés. Ce rapport est signé par les docteurs Bégin, Boileau et Larrivée.
[69] Le 25 mai 2007, le docteur Jean-Luc Malo écrit au docteur Bégin, président du CMPP. Le docteur Malo tient à apporter des précisions sur les tests auxquels a été soumis le travailleur en 2005 et notamment sur le fait que le travailleur a été exposé au persulfate, mais également de façon réaliste lors de la journée du 6 mai 2005 aux autres produits des salons de coiffure, soit les produits colorants, le peroxyde, la teinture, le fixatif à cheveux, etc. La docteure Lemière avait alors tenté de reproduire le plus fidèlement possible l’environnement professionnel du travailleur. Le docteur Malo dit que le travailleur a été exposé pendant deux heures à tous ces produits et il n’est apparu aucune réaction asthmatique.
[70] Il conclut sa lettre en indiquant ce qui suit : « Bien sûr on peut se demander si une exposition à deux heures à l’ensemble de ces produits est suffisante pour produire la réaction asthmatique. Il pourrait être recommandé de faire une exposition en milieu de travail si c’était possible lors d’un éventuel retour au travail, si monsieur Therrien reconsidérait reprendre son exposition professionnelle. Je recommanderai que si ceci est le cas, un monitoring des valeurs de débit de pointe soit d’abord entrepris pendant deux semaines puis, au besoin, une supervision de la spirométrie pourrait être effectuée dans le milieu professionnel pendant deux jours comme nous le faisons habituellement lors de ces tests ».
[71] Le 22 juin 2007, le CMPP complète un avis complémentaire et conclut après avoir contacté le docteur Malo que le travailleur a été exposé à tous les produits visés dans son salon de coiffure lors de la provocation en 2005 et que les tests s’étaient avérés négatifs. Dans ce contexte, le CMPP conclut qu’il n’a pas les évidences suffisantes pour reconnaître la présence d’un asthme professionnel chez le travailleur. Le comité demande donc à ce que le dossier soit retourné à la Commission des lésions professionnelles afin de le finaliser, étant donné qu’il n’est pas possible de procéder à d’autres tests de provocations spécifiques puisque le travailleur ne travaille plus dans un salon de coiffure.
[72] Le 5 juillet 2007, le CSP composé des docteurs Cartier, Colman et Desmeules rend son avis. Il indique qu’actuellement, il n’est pas possible de faire d’autres tests plus réalistes que ceux réalisés en 2005 et signale que selon le docteur Malo, le réclamant n’a plus de salon de coiffure et les produits utilisés dans d’autres salons de coiffure ne sont vraisemblablement pas exactement les mêmes que ceux qu’il a utilisés dans le passé et pour lesquels il a été testé lors de la première évaluation de 2004-2005.
[73] Dans ce contexte, le CSP conclut qu’il n’y a pas d’évidence que le travailleur souffre d’asthme professionnel. Le CSP demande donc à la CSST de retourner le dossier à la Commission des lésions professionnelles.
[74] Le 19 juillet 2007, la CSST rend une décision faisant suite à l’avis du CMPP et du CSP. Elle conclut qu’il n’y a pas d’asthme professionnel et refuse la réclamation du travailleur. La révision administrative confirme cette décision et le tribunal est actuellement saisi d’une requête à l’encontre de celle-ci.
[75] À l’audience, le travailleur témoigne. Le tribunal retient ce qui suit de son témoignage.
[76] Le travailleur rapporte que les premiers symptômes de ses problèmes pulmonaires seraient survenus en 1999. Il souffrait régulièrement de bronchites et s’inquiétait de sa condition. Il a alors consulté le docteur Marc Langlais qui a procédé à des tests de fonctions respiratoires dont les résultats apparaissent au dossier.
[77] Le travailleur témoigne à l’effet que sa condition s’est par la suite détériorée. C’est au travail qu’il avait le souffle le plus court, particulièrement au moment où il travaillait pour l’employeur Coiffure 747 & Filina inc. Il avait alors régulièrement des sécrétions qui obstruaient ses voies nasales et respiratoires.
[78] Appelé à apporter des précisions sur son historique de travail, le travailleur indique qu’il débute en 1992 dans le domaine de la coiffure au Salon Magicuts. Il s’agit d’un salon de coiffure situé à Drummondville où il évoluera à titre de coiffeur et styliste pendant environ cinq mois. Les produits alors utilisés étaient les produits de marque Magirel. Le travailleur dit qu’il éprouvait de la difficulté à respirer dès qu’il avait à nettoyer ou rincer les cheveux d’une cliente.
[79] En 1995 et 1996, soit pour une période d’environ huit mois, il a travaillé pour le salon de coiffure Pro Mode. Au cours de cette période, il aurait ressenti des étourdissements importants et même des pertes de conscience. Son médecin l’aurait soumis à plusieurs tests, mais sans pouvoir déterminer l’origine de ces étourdissements et pertes de conscience. Le travailleur aurait été retiré du travail pour cause de maladie.
[80] Entre 1996 et 1999, il a été coiffeur à son compte. Les principaux symptômes ressentis au cours de cette période étaient des étourdissements et des problèmes respiratoires surtout lorsqu’il utilisait les colorants, décolorants, décapants et défrisants.
[81] Entre mars 1999 et janvier 2000, le travailleur a exercé son métier de coiffeur pour le salon Esthétique Carmen Vincent. C’est à ce moment qu’il a commencé à utiliser des bronchodilatateurs, soit du Ventolin et du Pulmicort. Il utilisait alors les produits de marque Isocolor, soit les produits qui ont été utilisés dans les tests de provocation effectués avec la docteure Lemière en 2005. Ses principaux symptômes étaient la « perte de souffle », une sensation d’étouffer et il n’avait plus le même rendement au travail. C’est à ce moment qu’il a cru bon consulter un médecin.
[82] Il a ensuite travaillé de juin 2000 à juin 2001 chez Coiffure 747 & Coiffure Filina inc. Il a constaté que les symptômes augmentaient et qu’il devait prendre l’air régulièrement. Il utilisait la même marque de produits que chez l’employeur précédant, soit Isocolor de même que les produits décolorants Goldwell.
[83] De novembre 2001 à mai 2002, il a été à l’emploi du Salon Olive Coiffure enr. Il utilisait les produits Isocolor et les symptômes étaient les mêmes. Il disait qu’il pouvait difficilement tenir une conversation puisqu’il manquait de souffle. Il n’était pas soulagé par les pompes.
[84] D’août 2002 à juillet 2004, le travailleur a exercé son métier de coiffeur à nouveau à son compte. Il utilisait les produits de marque Isocolor et ressentait les mêmes symptômes. Le travailleur indique également réagir à certains produits domestiques, mais il considère que cette réaction est beaucoup moins importante. Il réagit notamment aux produits nettoyants pour les planchers de marque « Pinesol ».
[85] Il dit avoir fermé son salon de coiffure en novembre 2005 sur la recommandation de son pneumologue, le docteur Boileau. Il n’a pas travaillé depuis.
[86] Actuellement, il qualifie sa condition de stable. Il contrôle son asthme en prenant sa médication et en évitant les irritants respiratoires. Il prend du Singulair (une fois par jour), Uniphyl 600 mg (une fois par jour), Ventolin (deux inhalations le matin et deux le soir), Albucor (deux inhalations le matin et deux le soir) et Serevent (une fois le matin et une fois le soir). Il doit prendre son débit volume à tous les jours ainsi qu’une médication à base de cortisone.
[87] Appelé à apporter des précisions sur ses antécédents familiaux, le travailleur indique que son frère faisait de l’asthme uniquement en bas âge, que ses deux grands-pères sont morts du cancer du poumon et que sa grand-tante souffre d’emphysème.
[88] Le travailleur témoigne ensuite sur les raisons pour lesquelles il a refusé de passer des tests de provocations réalistes dans son salon de coiffure en 2005. Il dit que ces tests auraient été difficilement praticables, étant donné qu’il était le seul coiffeur dans son salon et qu’il ne pouvait faire attendre la clientèle au moment où les tests devaient être effectués.
[89] Il dit qu’en 2007, la secrétaire de l’hôpital Sacré-Cœur est entrée en communication avec des salons de coiffure de la région de Montréal afin de procéder à des tests de provocations. Le travailleur dit qu’elle n’a pu réussir à trouver un salon de coiffure acceptant de procéder ainsi sans dédommagement. Il dit avoir fait des démarches de son côté, mais sans succès. Il signale que son frère a un salon de coiffure, mais qu’il est au début de sa carrière et qu’à son avis, il n’a pas une clientèle suffisamment importante pour fournir une exposition semblable à celle à laquelle il était soumis au cours de sa carrière de coiffeur styliste.
L’AVIS DES MEMBRES
[90] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis. Ils considèrent que le travailleur n’a pas satisfait au fardeau de preuve qui lui incombait. D’une part, il ne peut bénéficier de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi puisqu’il n’a pas démontré qu’il est exposé à des agents sensibilisants au travail, n’ayant eu aucune réaction asthmatique lors des tests de provocation bronchique aux produits utilisés dans son salon de coiffure. De plus, il n’a pas fait la preuve que son asthme est caractéristique ou relié aux risques particuliers de son travail de coiffeur styliste.
[91] Dans ces circonstances, ils sont d’avis de rejeter la requête déposée par le travailleur le 3 octobre 2007 et de confirmer la décision de la CSST rendue le 18 septembre 2007 à la suite d’une révision administrative.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[92] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une maladie professionnelle pulmonaire à compter du 14 juin 2004, date où le docteur Larrivée a posé le diagnostic d’asthme professionnel.
[93] L’article 2 de la loi définit ainsi la notion de maladie professionnelle :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[94] Le tribunal tient à préciser d’emblée que dans la présente affaire, le fardeau de la preuve incombe au travailleur qui doit fournir une preuve prépondérante qu’il a contracté une maladie professionnelle pulmonaire par le fait ou à l’occasion de son travail.
[95] En vue de faciliter l’accessibilité au régime d’indemnisation, le législateur a édicté une présomption de maladie professionnelle prévue en ces termes à l’article 29 de la loi:
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
__________
1985, c. 6, a. 29.
(Notre soulignement)
[96] Le travailleur désirant se prévaloir de cette présomption légale doit, d’une part, démontrer qu’il est atteint d’une maladie énumérée à l’Annexe I de la loi et d’autre part, prouver de manière prépondérante qu’il effectue le genre de travail correspondant à la maladie.
[97] En l’espèce, le travailleur est atteint d’une maladie prévue à l’Annexe I, soit un asthme bronchique. La section V de cette annexe prévoit ce qui suit :
ANNEXE I
MALADIES PROFESSIONNELLES
(Article 29)
SECTION V
MALADIES PULMONAIRES CAUSÉES PAR DES POUSSIÈRES
ORGANIQUES ET INORGANIQUES
MALADIES |
GENRES DE TRAVAIL |
|
|
1. Amiantose, cancer pulmonaire ou mésothéliome causé par l'amiante: |
un travail impliquant une exposition à la fibre d'amiante; |
2. Bronchopneumopathie causée par la poussière de métaux durs : |
un travail impliquant une exposition à la poussière de métaux durs; |
3. Sidérose : |
un travail impliquant une exposition aux poussières et fumées ferreuses; |
4. Silicose : |
un travail impliquant une exposition à la poussière de silice; |
5. Talcose : |
un travail impliquant une exposition à la poussière de talc: |
6. Byssinose : |
un travail impliquant une exposition à la poussière de coton, de lin, de chanvre et de sisal; |
7. Alvéolite allergique extrinsèque : |
un travail impliquant une exposition à un agent reconnu comme pouvant causer une alvéolite allergique extrinsèque; |
8. Asthme bronchique : |
un travail impliquant une exposition à un agent spécifique sensibilisant. |
__________
1985, c. 6, annexe I.
(Nos soulignements)
[98] Par ailleurs, afin de pouvoir bénéficier de la présomption de maladie professionnelle, le travailleur doit démontrer qu’il effectue un travail impliquant une exposition à un agent spécifique sensibilisant.
[99] Or, il appert de l’ensemble de la preuve médicale offerte et particulièrement des tests de provocations bronchiques auxquels le travailleur a été soumis, qu’il n’a eu aucune réaction aux produits que l’on retrouve dans les salons de coiffure.
[100] Le procureur du travailleur est d’avis que le travailleur ne doit pas être pénalisé en raison de ces résultats. Il soutient que ces tests ne sont pas suffisamment réalistes pour écarter la reconnaissance d’un asthme professionnel.
[101] Il va sans dire que des tests de provocation réalisés en milieu de travail permettent de valider les conditions d’exposition à divers produits.
[102] En l’espèce, le travailleur aurait pu passer de tels tests dans son salon de coiffure en 2005, mais a refusé de le faire pour des raisons qui lui appartiennent.
[103] Toutefois, à la suite de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 27 novembre 2006 ordonnant à la CSST de procéder « de manière légale à une nouvelle évaluation des diagnostics retenus, de leur lien avec le travail ou non après que tous les tests requis suivant les règles reconnues par la communauté médicale aient été complétés et qu’elle rende une décision sur l’existence ou non d’une lésion professionnelle survenue le ou vers le 14 juin 2004 chez monsieur Serge Therrien » il n’a pas été possible de procéder à de tels tests puisque le travailleur avait alors fermé son salon de coiffure.
[104] Il a été mis en preuve que des démarches ont été faites par le CMPP afin de trouver un salon de coiffure dans la région de Montréal où le travailleur aurait pu refaire ses tâches, mais malheureusement, selon le témoignage du travailleur, aucun salon de coiffure n’a accepté de se prêter à cet exercice. De toute façon, le docteur Malo de la Clinique d’asthme professionnel a signalé que ce milieu de travail n’aurait vraisemblablement pas offert la même exposition aux produits que celle à laquelle le travailleur était confronté puisque ces salons de coiffure employaient plusieurs coiffeurs et n’utilisaient pas nécessairement les mêmes produits.
[105] Dans de telles circonstances, le tribunal est d’avis, sur la base de la preuve dont il dispose, que le travailleur ne satisfait pas à la seconde condition d’application de l’article 29 de la loi puisqu’il n’a pas fait la preuve qu’il effectue un travail impliquant une exposition à un agent sensibilisant.
[106] En effet, les produits utilisés dans le cadre de son travail de coiffure styliste, produits auxquels il a été exposé lors des tests de provocation ayant eu lieu le 21 février 2005 de même que les 2, 3, 4 5 et 6 mai 2005, n’ont pas permis d’identifier un agent sensibilisant.
[107] Puisque le travailleur ne peut bénéficier de la présomption de maladie professionnelle de l’article 29 de la loi, il doit démontrer que l’asthme dont il souffre est caractéristique ou relié aux risques particuliers du travail de coiffeur styliste. C’est ce que prévoit l’article 30 de la loi en ces termes :
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
__________
1985, c. 6, a. 30.
(Notre soulignement)
[108] En l’espèce, le travailleur n’a fourni aucune preuve permettant d’établir que l’asthme dont il souffre est caractéristique du travailleur de coiffeur styliste.
[109] De même, le tribunal ne retrouve pas, dans l’ensemble de la preuve médicale offerte, d’éléments permettant de conclure que l’asthme dont souffre le travailleur est relié aux risques particuliers de son travail. L’ensemble des avis émis par les pneumologues qui l’ont évalué, conclut plutôt au contraire.
[110] À cet égard, le tribunal donne particulièrement foi à l’avis du docteur Malo émis le 25 mai 2007 où il affirme que le travailleur a été exposé « de manière réaliste » aux produits que l’on retrouvait dans son salon de coiffure de même que chez les employeurs chez qui il a œuvré, lors des tests de provocation bronchique auxquels il a été soumis les 21 février, 2, 3, 4, 5 et 6 mai 2005. Or, malgré cette exposition réaliste, le travailleur n’a présenté aucune réaction asthmatique.
[111] Le docteur Malo reprend ainsi les conclusions auxquelles en arrive la docteure Catherine Lemière, également pneumologue, qui a procédé auxdits tests de provocation en 2005 à l’issue desquels elle conclut :
« Monsieur Therrien a un asthme personnel modéré qui semble un peu difficile à contrôler et en revanche il n’existe pas d’évidence d’asthme professionnel à ces produits de coiffure. Il est certainement plus symptomatique quand il est exposé à des irritants mais il n’y a pas d’évidence d’asthme professionnel et monsieur Therrien peut donc continuer à travailler dans son salon de coiffure en autant que son asthme soit bien contrôlé. [sic] »
[112] Au soutien de sa prétention selon laquelle il est atteint d’un asthme professionnel, le travailleur produit un formulaire complété par le docteur Boileau, son pneumologue, en appui à une demande de prestation d’invalidité.
[113] Il va sans dire que ce formulaire ne constitue pas, de l’avis du tribunal, une preuve médicale prépondérante permettant d’écarter les résultats des tests de provocation de même que l’avis de tous les autres pneumologues, membres du CMPP et du CSP, ayant examiné le travailleur et ayant conclu à l’absence d’évidence d’asthme professionnel chez le travailleur.
[114] Fait à noter, le docteur Boileau qui complète ce formulaire n’a procédé à aucun nouveau test de provocation visant à établir un lien entre l’exposition du travailleur à des produits au travail et l’asthme dont il souffre. De plus, il inscrit sur le formulaire que : « la condition n’est pas due à une maladie ou une blessure qui résulte de l’emploi du patient ».
[115] Au surplus, le docteur Boileau a siégé sur le CMPP en 2005 et en 2007 et a signé l’avis suivant le 22 juin 2007 :
« Dans le contexte, le comité des maladies pulmonaires professionnelles de Sherbrooke conclut donc qu’il n’y a pas les évidences suffisantes pour reconnaître la présence d’un asthme professionnel chez Monsieur serge Therrien. Le comité demande donc à ce que le dossier soit retourné à la CLP pour finalisation du dossier, compte tenu qu’il n’est pas possible de procéder à d’autres tests de provocation spécifique, dans le contexte de la réclamation de monsieur Serge Therrien. »
(Notre soulignement)
[116] Il appert donc de la preuve dont dispose le tribunal et sur la base de laquelle il doit rendre sa décision que le travailleur n’a pas réussi à démontrer que l’asthme dont il souffre est relié aux risques particuliers de son travail. Dans ces circonstances, le tribunal conclut que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle à compter du 14 juin 2004.
[117] En réponse à l’argument du procureur du travailleur selon lequel le travailleur ne doit pas être pénalisé puisqu’il n’est pas responsable du fait que les tests de provocation bronchique additionnels en milieu de travail n’ont pu avoir lieu, le tribunal rappelle que tout travailleur qui réclame à la CSST doit assumer le fardeau de la preuve visant à démontrer qu’il a subi une lésion professionnelle.
[118] Or, le travailleur a admis, dans le cadre de son témoignage, qu’il a refusé en 2005 que la CSST procède à des tests de provocation dans son salon de coiffure et en 2007, au moment où le CMPP a réévalué son dossier, son salon de coiffure était fermé depuis 2005.
[119] Dans l’affaire Tardif et Concept d’usinage de Beauce inc.[2], une décision récente de la Commission des lésions professionnelles, le tribunal était confronté à une situation comportant des similitudes avec le présent dossier.
[120] En effet, tout comme dans le présent dossier, le travailleur réclamait à la CSST pour un asthme professionnel. La CSST refuse sa réclamation et ce refus est confirmé par la révision administrative.
[121] Une première audience a lieu devant la Commission des lésions professionnelles. Le travailleur tente alors d’obtenir, de la part du tribunal, le droit de retourner le dossier à la CSST afin que des tests en usine soient repris « dans le vrai contexte de travail vécu par le travailleur avant le 13 mars 2002 ». Le travailleur obtient gain de cause. Cette décision fait l’objet d’une requête en révision judiciaire. La Cour Supérieure rejette la requête en concluant que la Commission des lésions professionnelles n’a pas excédé sa juridiction en retournant le dossier à la CSST et en demandant que de nouveaux tests en usine soient faits. Elle est d’avis que la décision ne comporte aucune erreur manifestement déraisonnable.
[122] À la suite de cette décision, de nouveaux tests en usine sont organisés. Toutefois, le travailleur refuse de s’y soumettre, étant d’avis qu’ils sont inutiles puisque la machinerie et les systèmes de ventilation ne sont plus les mêmes que ceux en place au moment où il travaillait. Le CMPP ne peut donc donner suite à ces tests.
[123] Dans ce contexte, le CMPP ne modifie pas sa décision initiale concluant à l’absence d’évidence d’asthme professionnel, tout comme le CSP. Le travailleur dépose une requête à l’encontre de ce refus et une seconde audience a lieu devant la Commission des lésions professionnelles.
[124] Le tribunal conclut dans cette affaire que le travailleur ne peut bénéficier de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi parce que les tests de provocation passés n’ont pas démontré de réaction bronchique.
[125] Par ailleurs, le tribunal conclut que le travailleur n’a pas satisfait au degré de preuve requis en vertu de l’article 30 de la loi. Il s’exprime en ces termes :
[49] Dans ce dossier, le travailleur n’a présenté aucune preuve et il s’en est remis à l’argumentaire de son procureur. De tout ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles conclut que deux tests de provocation en usine ont été réalisés en octobre et décembre 2002 et que les résultats ne rapportent aucun signe d’asthme et qu’en date du 7 février 2003, le CMPP produit un rapport complémentaire concluant à l’absence d’asthme professionnelle.
[50] Dans son avis daté du 20 mars 2003, le CSP estime qu’il n’y a aucune base pour reconnaître un asthme professionnel et qu’aucun déficit anatomo-physiologique n’est accordé.
[51] Le tribunal détermine donc que le travailleur n’a pas démontré que son asthme est causé par l’exercice de son travail.
(Nos soulignements)
[126] En l’espèce, la preuve dont dispose le tribunal ne démontre aucunement que l’asthme dont souffre le travailleur est relié aux risques particuliers de son travail. Le travailleur, tout comme dans l’affaire Bolduc précitée n’a fourni aucune preuve, hormis le formulaire complété par le docteur Boileau en vue d’obtenir des prestations d’invalidité, s’en remettant plutôt à l’argumentaire de son procureur. Or, cette preuve s’avère insuffisante.
[127] Dans ces circonstances, le tribunal conclut que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle à compter du 14 juin 2004.
[128] En terminant, le tribunal tient à préciser que si le travailleur occupe à nouveau la fonction de coiffeur et qu’il décide de se soumettre aux tests de provocation bronchiques proposés en milieu de travail, il aura toujours le loisir, à ce moment, de loger une nouvelle réclamation à la CSST.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête déposée par monsieur Serge Therrien, le travailleur, le 3 octobre 2007;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et sécurité du travail le 18 septembre 2007 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle à compter du 14 juin 2004.
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Ann Quigley |
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Commissaire |
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Me Bernard P. Boudreau |
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Boudreau - Méthot - Tourigny |
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Représentant de la partie requérante |
AVIS :
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