Décision

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COUR SUPÉRIEURE

JD-2067

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-HYACINTHE

 

N° :

750-17-000542-047

 

 

 

DATE :

Le 7 décembre 2004

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

JACQUES DUFRESNE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

DANIEL RIENDEAU

Requérant

 

c.

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

et

MARIE-DANIELLE LAMPRON

Intimées

 

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

Mis en cause

 

et

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

Intervenante

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                Le Tribunal est saisi d'une requête verbale formulée par la Commission des Lésions Professionnelles (la CLP) en irrecevabilité à l'encontre de la requête du requérant Daniel Riendeau en révision judiciaire de la décision interlocutoire rendue le 28 janvier 2004 par la CLP.

[2]                Le requérant a contesté le 20 août 2003 la décision en révision de la Commission de santé et de sécurité du travail (la CSST) du 17 février 2003, laquelle déclarait que le diagnostic à retenir est celui d'entorse lombaire et non d'hernie discale, et que cette lésion est consolidée en date du 26 novembre 2002, sans nécessiter de soins ou traitements additionnels et sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. La CSST déclare, en conséquence, que le travailleur est capable d'exercer son emploi et qu'il n'a plus droit aux indemnités de remplacement du revenu à compter du 13 février 2003.

[3]                À l'audience devant la CLP le 22 janvier 2004, les parties conviennent avec le consentement de la commissaire de soumettre d'abord le moyen préliminaire soulevé par le requérant qui essentiellement remet en cause la légalité du processus suivi par la CSST pour initier la procédure d'évaluation médicale sur la question du diagnostic. Le requérant attaquait, par ce moyen préliminaire devant la CLP, la légalité des décisions rendues par la CSST à la suite de la procédure d'évaluation médicale suivie en l'espèce.

[4]                Le 28 janvier 2004, la CLP rejette le moyen préliminaire soumis par le requérant et retourne le dossier au greffe de la CLP pour que les parties soient convoquées à nouveau sur les autres questions en litige découlant de la contestation logée par le travailleur le 21 août 2003 concernant la décision rendue par la CSST le 14 août 2003, à la suite d'une révision administrative de la décision du 17 février 2003.

[5]                Avant de procéder au fond sur l'appel qu'il a logé à la CLP de la décision rendue par la CSST le 14 août 2003, le requérant s'adresse à la Cour supérieure en révision de la décision interlocutoire de la CLP du 28 janvier 2004.

[6]                Le requérant considère que la CLP a commis une erreur manifeste, déterminante et déraisonnable en statuant que le processus suivi par la CSST dans le cas du requérant pour enclencher la procédure d'évaluation médicale prévue à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la Loi) était régulier. Elle soutient que l'erreur d'interprétation et d'application de la Loi concernant la procédure d'évaluation médicale constitue ou équivaut, en l'espèce, à un excès de juridiction de la part de la CLP.

[7]                Pour le requérant, la CSST était forclose d'initier la procédure d'évaluation médicale sur la question du diagnostic, étant donné qu'elle n'aurait pas exercé en temps opportun le pouvoir de contestation du diagnostic, conformément aux articles 204 et suivants de la Loi.

[8]                La commissaire Marie - Danielle Lampron rejette le 28 janvier 2004 le moyen préliminaire soumis par le travailleur, en considérant que la CSST pouvait demander une opinion médicale sur la question du diagnostic et soumettre cet avis au BEM pour finalement rendre par la suite une décision en conséquence.

[9]                À l'audience sur la requête en révision judiciaire, l'intimée présente une requête verbale en irrecevabilité en raison de la prématurité du recours. Les parties acceptent de ne procéder que sur la requête en irrecevabilité.

LES FAITS

[10]            Le ou vers le 14 mai 2002, le requérant dépose une réclamation auprès de la CSST, estimant qu'il avait été victime d'une lésion professionnelle au sens de la Loi.

[11]            Le 25 juin 2002, le Dr Michel Beaudoin, consulté par le requérant, diagnostique une lombalgie suite à une chute pour éviter un véhicule, tout en prescrivant un scan lombaire afin d'éliminer, le cas échéant, un diagnostic d'hernie discale.

[12]            Le 26 juillet 2002, la CSST accueille la réclamation du requérant pour un diagnostic de lombalgie. Cette décision n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties.

[13]            Le 30 juillet 2002, le requérant subit le scan lombaire prescrit par le Dr Michel Beaudoin.

[14]            Le 7 août 2002, le Dr Simard, consulté par le requérant, pose un diagnostic d'hernie discale L5‑S1 post‑traumatique et prescrit des traitements de physiothérapie.

[15]            Face à ce nouveau diagnostic, le dossier du requérant est acheminé par l'agente d'indemnisation responsable du dossier au Dr Chalut du bureau médical de la CSST, afin que ce dernier procède à une analyse médicale du dossier.

[16]            Suite à cette analyse, le Dr Chalut conclut, le ou vers le 11 août 2002, que le diagnostic d'hernie discale L5‑S1 est médicalement acceptable.

[17]            Le 19 août 2002, la CSST, suivant l'avis du Dr Chalut, reconnaît à titre de lésion professionnelle le nouveau diagnostic d'hernie discale L5‑S1. Cette décision n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties.

[18]            Le diagnostic d'hernie discale L5‑S1 a, par la suite, été réitéré par les différents médecins traitants du requérant.

[19]            Le 13 novembre 2002, la CSST demande une expertise médicale en vertu de l'article 204 de la Loi, afin que le médecin qu'elle désigne se prononce sur les cinq questions médicales énoncées à l'article 212 de la Loi, y compris le diagnostic.

[20]            Le 26 novembre 2002, le médecin ainsi désigné par la CSST, le Dr Gilles Lamoureux, procède à l'expertise du requérant.

[21]            Le ou vers le 7 janvier 2003, le Dr St‑Onge, l'un des médecins traitants du requérant, maintient le diagnostic d'hernie discale par le biais d'un rapport complémentaire.

[22]            Le ou vers le 16 janvier 2003, la CSST poursuit la procédure d'évaluation médicale en requérant l'avis du bureau d'évaluation médicale (le BEM) sur les cinq sujets énumérés à l'article 212 de la Loi, y compris le diagnostic.

[23]            Le 23 janvier 2003, le Dr Pierre Bourgeau, médecin désigné par le BEM, procède à l'expertise du requérant. Le Dr Bourgeau retient le diagnostic d'entorse lombaire.

[24]            Suite au rapport du Dr Bourgeau du BEM, la CSST rend, le 17 février 2003, une nouvelle décision ayant pour effet de remettre en question la décision du 19 août 2002 de la CSST concernant l'admissibilité du diagnostic d'hernie discale.

[25]            Portée en révision par le requérant, la CSST confirme, le 14 août 2003, la décision du 17 février 2003.

[26]            Le ou vers le 20 août 2003, le requérant en appel à la CLP de la décision en révision du 14 août 2003.

[27]            Dans le cadre de sa contestation à la CLP, le requérant soulève un moyen préliminaire, en alléguant l'irrégularité du processus d'évaluation médicale entrepris par la CSST et réclamant, en conséquence, l'annulation des décisions de la CSST du 17 février 2003 et du 14 août 2003.

[28]            Par décision rendue le 28 janvier 2004, la CLP rejette le moyen préliminaire du requérant. Celui‑ci institue une requête en révision judiciaire de la décision interlocutoire rendue le 28 janvier 2004 par la CLP.

[29]            La CLP présente une requête verbale en irrecevabilité de la requête en révision judiciaire du requérant en raison de sa prématurité.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

[30]            La CLP, la CSST et le Procureur général du Québec plaident essentiellement qu'il ne s'agit pas d'un cas manifeste ni d'une situation exceptionnelle qui commanderait que le Tribunal se saisisse, dès à présent, de la révision judiciaire. Le requérant pourra, selon la CLP, contester au fond la décision en révision de la CSST. Rien n'indique que la CLP ne pourrait retenir l'opinion médicale du médecin traitant, de telle sorte que, selon elle, le requérant pourra contester en révision judiciaire la procédure d'évaluation médicale en même temps que la décision finale de la CLP, si celle‑ci lui était défavorable.

[31]            Pour l'intervenante, le recours est prématuré. Sa procureure fait observer qu'il n'y a pas, en l'espèce, absence totale de compétence de la CLP, mais qu'il s'agit tout au plus d'une question d'excès de compétence. Pour la CSST, il sera toujours loisible au requérant de soulever la question qui fait l'objet de la présente requête en révision judiciaire après la décision finale de la CLP. Elle ajoute que l'objet de la présente requête pourrait être sans intérêt pour le requérant, advenant que le jugement au fond lui soit favorable.

[32]            Le requérant soutient que, lorsque la CSST a demandé une expertise médicale en vertu de l'article 204 de la Loi, elle était forfaite de le faire. Pour elle, la décision de la CSST du 19 août 2002, reconnaissant à titre de lésion professionnelle le diagnostic d'hernie discale L5‑S1 est finale et a un caractère irrévocable.

[33]            Le requérant soutient que la décision interlocutoire de la CLP constitue un excès flagrant de juridiction, causant un préjudice irréparable au requérant, en ce qu'il aura à répondre des rapports médicaux qu'il n'aurait pas à affronter, s'il avait gain de cause sur la présente requête en révision judiciaire.

ANALYSE

[34]            La décision de la CLP, objet de la présente révision judiciaire, ne se prononce que sur le droit de la CSST de recourir, en l'espèce, à une expertise médicale en vertu de l'article 204 de la Loi suivie d'une demande d'évaluation médicale en vertu de l'article 206 de la Loi suite à la décision de la CSST du 19 août 2002 établissant la relation avec le nouveau diagnostic d'hernie discale, décision qui n'avait pas fait l'objet de contestation.

[35]            Pour les motifs qu'elle expose dans sa décision du 28 janvier 2004 et sur lesquels il n'appartient pas au Tribunal de se prononcer dans le cadre de la présente requête en irrecevabilité, la CLP rejette le moyen préliminaire soumis par le travailleur et retourne le dossier pour que la CLP convoque les parties sur les autres questions en litige découlant de la contestation logée par le travailleur le 21 août 2003 concernant la décision rendue par la CSST le 14 août 203.

[36]            La commissaire Marie‑Danielle Lampron de la CLP précise bien dans sa décision interlocutoire du 28 janvier 2004 que le travailleur n'est pas pénalisé par la décision du 17 février 2003 dont il y a appel à la CLP, puisque celui‑ci a l'opportunité de la contester et de démontrer que c'est l'opinion de son médecin qu'il faut retenir plutôt que celle du membre du BEM.

[37]            Après avoir rejeté le moyen préliminaire, elle réfère le dossier pour que la CLP entende le fond de la contestation logée par le travailleur le 21 août 203 concernant la décision rendue par la CSST le 14 août 2003, à la suite d'une révision administrative de la décision du 17 février 2003.

[38]            Dans ce contexte, il n'y pas lieu d'intervenir à ce stade pour réviser la légalité de la décision rendue le 28 janvier 2004 par la commissaire Marie‑Danielle Lampron de la CLP.

[39]            Il est de loin préférable que la CLP se prononce sur le fond de l'appel de la décision de la CSST du 14 août 2003, avant de procéder en révision judiciaire. Rien ne dit d'ailleurs que le travailleur n'obtiendra pas une décision qui lui donne raison ou qui rendrait inutile ou sans intérêt la présente requête judiciaire.

[40]            Alors qu'il n'est absolument pas manifeste que la CLP excéderait sa juridiction, agirait sans compétence ou abuserait de sa compétence[1], le Tribunal est d'avis qu'il n'est pas opportun de se saisir du présent recours en révision judiciaire à l'égard d'une décision interlocutoire de la CLP, d'autant plus qu'il faut éviter la multiplication des procédures et la répétition des recours[2].

[41]            Comme la commission intimée est saisie d'une affaire qui paraît relever de sa compétence, il y a lieu de faire preuve de réserve et de retenue judiciaire, du moins à ce stade des procédures, d'autant plus que la fonction prohibitive de la révision judiciaire a un caractère plus exceptionnel[3].

[42]            Il ne s'agit pas d'exclure définitivement la révision judiciaire de ce qui fut l'objet de la décision interlocutoire, mais de la reporter après que la décision sur le fond aura été rendue par la CLP[4].

[43]            Bien que les questions de droit soulevées par le travailleur puissent être sérieuses, il paraît plus opportun que le requérant épuise d'abord le recours devant la CLP[5].

[44]            La présente requête en révision judiciaire visant la décision interlocutoire de la commissaire Marie‑Danielle Lampron de la CLP est prématurée. Il y a lieu, en conséquence, d'accueillir la requête en irrecevabilité présentée par l'intimée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE la requête verbale de l'intimée, la Commission des Lésions Professionnelles, au motif de prématurité;

REJETTE la requête introductive d'instance en révision judiciaire du requérant Daniel Riendeau du 2 mars 2004 à l'endroit de la décision interlocutoire rendue le 28 janvier 2004 par la commissaire Marie‑Danielle Lampron de la Commission des Lésions Professionnelles;

LE TOUT, sans frais, dans les circonstances.

 

 

 

__________________________________

JACQUES DUFRESNE, J.C.S.

 

 

 

 

Me Stéphanie Gagné

Grondin, Poudrier, Bernier

Avocate du requérant

 

Me Isabelle St-Jean

Avocate de l'intimée

 

Me Denise Robillard

Bernard Roy & Associés

Avocate du mis en cause

 

Me Lucille Giard

Panneton, Lessard

Avocate de l'intervenante

 

Date d’audience :

Le 20 septembre 2004

 



[1]    Harelkin c. Université de Régina [1979] 2 R.C.S. 561

[2]    Reza c. Canada [1994] 2 R.C.S. 403

[3]    N.F.L.D. Téléphone  c. Terre-Neuve (Public Utilities Bd.) [1992] 1 R.C.S. 623 , 637

[4]    Produits Pétro-Canada Inc. c. Moalli [1987] R.J.Q. 261 , 266 (C.A.)

[5]    Cégep de Valleyfield [1984] C.A. 633 , 634

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