Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

31 mai 2005

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

250249-72-0412

 

Dossier CSST :

120947569

 

Commissaire :

Doris Lévesque, avocate

 

Membres :

Gilles Veillette, associations d’employeurs

 

Lorraine Gauthier, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Fernando Melo

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Manufacturier Patella 1987 inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 6 décembre 2004, monsieur Fernando Melo (le travailleur) dépose une requête auprès de la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par le Service recours et conciliation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 20 octobre 2004.

[2]                Par cette décision, la CSST rejette la plainte déposée par le travailleur le 29 juin 2004 au motif que celui-ci n'a pas établi les faits constitutifs de sa plainte déposée en vertu de l'article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi)[1].     

[3]                Une audience a lieu à Montréal, le 20 mai 2005, à laquelle assiste le travailleur représenté par Me Richard Guérette. L’entreprise Manufacturier Patella inc. (l’employeur) est représentée par madame Hélène LaSalle Noël. 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a fait l’objet d’une mesure de représailles de la part de son employeur au motif que ce dernier refuse de lui rembourser le salaire perdu pour ses trois journées d’absence de travail les 26, 27 et 28 mai 2004.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Conformément à l'article 429.50 de la loi, la soussignée fait état de l'avis des membres nommés en vertu de l'article 374 ainsi que des motifs de cet avis. 

[6]                Le membre issu des associations d'employeurs et la membre issue des associations syndicales sont d'avis d’accueillir en partie la requête du travailleur, puisqu'ils considèrent que celui-ci a droit à l’équivalent de son salaire perdu uniquement pour la journée du 28 mai 2004, car il a démontré qu’il avait consulté un médecin dans le cadre de sa lésion professionnelle.

[7]                Par ailleurs, ces deux membres estiment que le travailleur n'a pas fait l’objet d'une sanction de la part de son employeur lorsque celui-ci a refusé de le rembourser pour les deux journées d’absence du travail les 26 et 27 mai 2004, puisqu’il n’y a aucune attestation médicale pour justifier une absence du travailleur à ces deux dates. 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]                La preuve démontre que le travailleur occupe un emploi de machiniste ébéniste. Le 17 avril 2000, le docteur M. Desrosiers, oto-rhino-laryngologiste, mentionne dans un rapport médical que le travailleur présente possiblement une rhinite professionnelle. Le 25 septembre 2001, le travailleur produit une réclamation dans laquelle il relie sa rhinite à l’exposition dans son travail aux poussières nocives de bois. Le 8 octobre 2002, la Commission des lésions professionnelles déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle à savoir une rhinite professionnelle (C.L.P. 187617-72-0207). 

[9]                Lors de l'audience, le travailleur témoigne qu'il souffre d’une rhinite chronique consolidée en octobre 2001. Toutefois, il mentionne que cette rhinite chronique nécessite parfois de cesser le travail et de consulter son médecin pour lui prescrire notamment des antibiotiques afin de soulager ses symptômes.

[10]           Dans ces cas, le travailleur témoigne que la procédure suivie auprès de son employeur pour s’absenter du travail est toujours la même : il avise d'abord son employeur (son contremaître) qui est au courant de sa condition médicale chronique. En général, après avoir pris des Tylenol fortes il est prêt à retourner au travail la même journée. Sinon, il se rend à la clinique médicale pour consulter un médecin qui émet une prescription médicale qu’il remet à son employeur pour faire foi de sa visite médicale au cours de cette journée. Sans autre formalité, son employeur le rembourse pour la journée de travail ainsi perdue.

[11]           C’est ainsi que le travailleur témoigne avoir procédé au moins à deux autres occasions, soit en remettant sa prescription médicale pour la journée du 27 janvier 2004 (que l’on retrouve au dossier C.L.P. à la page 31) et pour celle du 26 octobre 2004 (pièce T-1).

[12]           Pour la journée du 27 janvier 2004 (date à laquelle il avait déjà un rendez-vous avec le docteur Bilodeau pour un suivi médical), le travailleur n’a pas gardé ses talons de paie bien qu’il maintienne que l'employeur l’aurait également remboursé pour cette journée perdue de travail. En outre, la CSST l’a aussi remboursé pour ses frais de médicament encourus en janvier 2004 (pièce T-3).

[13]           Pour la journée du 26 octobre 2004, le travailleur a déposé en preuve un relevé de ses revenus et retenues démontrant que l'employeur l’a effectivement remboursé pour cette journée de travail (pièce T-2)

[14]           Le 26 mai 2004, le travailleur témoigne qu’il est rentré au travail en retard puisqu’il n’était pas en forme, malgré qu’il ait pris des Tylenol fortes. Il a avisé son contremaître qu’il n'était pas en état d’effectuer son travail et qu'il allait consulter un médecin. Il téléphone au docteur Bilodeau pour obtenir un rendez-vous qu’il ne peut avoir puisque ce médecin est absent.

[15]            Le 28 mai 2004, le travailleur décide d’aller consulter un autre médecin à la clinique qui lui aurait suggéré de retourner voir son médecin ayant charge, soit son spécialiste, puisqu'il ne fait pas de « cas CSST », nous précise le travailleur à l’audience.   Ce médecin lui remet une prescription médicale datée du 28 mai 2004 (que l’on retrouve à la page 32 du dossier C.L.P.).

[16]           Le 12 juin 2004, le travailleur dépose un grief réclamant le paiement pour trois jours d’absence de travail, soit les 26, 27 et 28 mai 2004.  La description de ce grief donnée par le travailleur est la suivante (pièce E-1) :

Violation de l'article 23.09 (a) de la convention collective et des articles 32 et 61 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ainsi que la violation de l'article 429.49 de la même loi.

 

[17]           Le 23 juin 2004, l’employeur répond que le grief est non fondé, au motif qu’il n’y a eu aucune violation des articles mentionnés sur le grief, puisque le travailleur n'a présenté aucun rapport médical en relation avec ses absences du travail en date des 26, 27 et 28 mai 2004 (pièce E-1).

[18]           Le 26 juin 2004, le travailleur témoigne que c'est après avoir reçu la réponse défavorable de la part de son employeur, le 23 juin 2004, quant à son refus de le payer pour ses absences de travail qu’il a déposé une plainte auprès de la CSST en vertu de l'article 32 de la loi. Le travailleur témoigne qu’il a toujours eu l’intention de déposer une plainte auprès de la CSST, tel qu’il est d'ailleurs mentionné dans son grief puisqu’il y fait référence spécifiquement à l'article 32 de la loi.

[19]           Cette plainte est ainsi libellée :

La présente a pour but de loger une plainte contre mon employeur, MANUFACTURIER PATELLA INC., puisqu’il refuse de me payer le salaire perdu, malgré la remise des documents ci-joints le justifiant, alors que j’ai dû m’absenter les 26, 27 et 28 mai 2004 relativement à ma lésion professionnelle et à nouveau les 8, 9 et 10 juin 2004, et ce, conformément aux articles 60 et 61 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

[…]

 

(Dossier C.L.P. page 77)

 

[20]           Le 20 septembre 2004, le travailleur remplit un formulaire « Réclamation du travailleur »  dans lequel il indique :

Je réclame la perte de salaire pour les journées des 26, 27 et 28 mai 2004, dont le remboursement des frais de pharmacie m’ont déjà été payés par le numéro du paiement […]

 

(Dossier C.L.P. page 15)

 

[21]           Le 12 octobre 2004, la CSST demande au travailleur, dans le but de permettre le traitement de sa demande au sujet d’une possible réclamation pour la période du 26 au 28 mai 2004, qu'il produise un rapport médical indiquant la raison et le diagnostic pour cette même période.  Il est en preuve que le travailleur n'a jamais produit un tel rapport médical à la CSST.

[22]           La plainte du travailleur du 26 juin 2004 est-elle fondée? Plus précisément, le travailleur a-t-il raison de prétendre qu'il a fait l'objet d’une mesure de représailles ou d’une sanction de la part de son employeur parce qu'il a été victime d’une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d’un droit que lui confère la loi?

[23]           À ce sujet, les articles 32 et 255 de la loi, pertinents au présent litige, énoncent :

32. L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.

 

Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253.

__________

1985, c. 6, a. 32.

 

[…]

 

255. S'il est établi à la satisfaction de la Commission que le travailleur a été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans l'article 32 dans les six mois de la date où il a été victime d'une lésion professionnelle ou de la date où il a exercé un droit que lui confère la présente loi, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice de ce droit.

 

Dans ce cas, il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette sanction ou cette mesure à l'égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante.

__________

1985, c. 6, a. 255.

 

 

[24]           Lorsqu’un travailleur s’absente du travail, ce sont les articles 60 et 61 de la loi qui prévoient une telle situation et les exigences requises par le législateur :

 

60. L'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle lui verse, si celui-ci devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, 90 % de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n'eût été de son incapacité, pendant les 14 jours complets suivant le début de cette incapacité.

 

L'employeur verse ce salaire au travailleur à l'époque où il le lui aurait normalement versé si celui-ci lui a fourni l'attestation médicale visée dans l'article 199.

 

Ce salaire constitue l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit pour les 14 jours complets suivant le début de son incapacité et la Commission en rembourse le montant à l'employeur dans les 14 jours de la réception de la réclamation de celui-ci, à défaut de quoi elle lui paie des intérêts, dont le taux est déterminé suivant les règles établies par règlement. Ces intérêts courent à compter du premier jour de retard et sont capitalisés quotidiennement.

 

Si, par la suite, la Commission décide que le travailleur n'a pas droit à cette indemnité, en tout ou en partie, elle doit lui en réclamer le trop-perçu conformément à la section I du chapitre XIII.

__________

1985, c. 6, a. 60; 1993, c. 5, a. 1.

 

 

61. Lorsqu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle est de retour au travail, son employeur lui verse son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur doit s'absenter de son travail pour recevoir des soins ou subir des examens médicaux relativement à sa lésion ou pour accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

 

La Commission rembourse à l'employeur, sur demande, le salaire qu'il a payé en vertu du premier alinéa, sauf lorsque le travailleur s'est absenté de son travail pour subir un examen médical requis par son employeur.

__________

1985, c. 6, a. 61.

 

 

[25]           Enfin, l’article 199 de la loi, auquel réfère l'article 60, détaille l’attestation médicale requise pour justifier une absence de travail :

199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et:

 

1°   s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou

 

2°   s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.

 

Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.

__________

1985, c. 6, a. 199.

 

[26]           Pour les 26 et 27 mai 2004, aucune attestation médicale n’apparaît au dossier conformément à l'article 199 de la loi et tel que requis par l’article 60 de la loi, pour permettre à l'employeur de rembourser le travailleur pour les deux absences du travail. Au surplus, il n’y a même pas de prescription médicale pour des médicaments de quelque nature que ce soit justifiant une absence au travail à ces deux dates. Par conséquent, il est difficile pour le travailleur de prétendre qu'il a fait l'objet d’une sanction ou d'une mesure de représailles au sens de l'article 32 de la loi de la part de son employeur puisque ce dernier n’était aucunement tenu par la loi de lui verser quelque bénéfice ou indemnité que ce soit, vu l’absence de justification médicale pour s’absenter du travail à ces dates.

[27]           D’autant plus, que l'employeur était justifié de ne pas rembourser le travailleur puisque l'article 267 de la loi ne peut être plus limpide lorsqu'il énonce :

267. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion doit remettre à son employeur l'attestation médicale prévue par l'article 199.

 

Si aucun employeur n'est tenu de verser un salaire à ce travailleur en vertu de l'article 60, celui-ci remet cette attestation à la Commission.

__________

1985, c. 6, a. 267.

 

 

[28]           Par conséquent, la loi est claire il n’appartient pas à un travailleur de décider de cesser le travail sans opinion médicale contenue, notamment, dans un rapport médical attestant des motifs et du diagnostic pour justifier une telle absence de travail. À ce sujet, la Commission des lésions professionnelles considère que le témoignage du travailleur ne peut venir pallier à un manque de preuve médicale, soit dans le présent cas, l’attestation médicale prévue à l’article 199 de la loi.

[29]           Quant à la journée du 28 mai 2004, la preuve démontre que le travailleur a tenté de consulter son médecin ayant charge le 26 mai 2004, le docteur Bilodeau, qui était absent. Toutefois, le travailleur a attendu jusqu’au 28 mai avant de consulter un autre médecin qui lui a remis une prescription médicale pour des médicaments en relation avec sa lésion professionnelle.

[30]           Dans le présent cas d’espèce, la Commission des lésions professionnelles retient que l'employeur a antérieurement, dans des situations identiques à celle du 28 mai 2004, accepté une prescription médicale de la part du travailleur pour des médicaments en relation avec sa lésion professionnelle pour équivaloir à une attestation médicale. Ceci s’explique bien dans le présent dossier puisque, dans les faits, l’employeur dispose alors d’une preuve voulant que le travailleur ait consulté un médecin en relation avec sa lésion professionnelle découlant de sa condition chronique de rhinite professionnelle puisque les médicaments prescrits sont effectivement en relation avec la lésion professionnelle du travailleur.

[31]           Dans ce seul contexte, la Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur a fait l’objet d’une sanction et que l'employeur devra, par conséquent, rembourser au travailleur l’équivalent du salaire perdu pour la seule journée du 28 mai 2004.   

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Fernando Melo du 6 décembre 2004;

 MODIFIE  la décision rendue par le Service recours et conciliation de la Commission de la santé et sécurité du travail le 20 octobre 2004;

DÉCLARE que Manufacturier Patella 1987 inc. doit verser à monsieur Fernando Melo l’équivalent du salaire perdu pour la journée du 28 mai 2004.

 

 

 

__________________________________

 

Doris Lévesque

 

Commissaire

 

 

 

 

 

Me Richard Guérette

Représentant de la partie requérante

 

 

C.I.S.S. Inc.

Madame Hélène LaSalle Noël

Représentante de la partie intéressée

 

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001.

AVIS :
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