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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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RÉGION : |
Gaspésie-Îles-de- la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord |
GASPÉ, le 17 février 2003 |
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DOSSIER : |
PAR LA COMMISSAIRE : |
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DOSSIER CSST : |
113843197 |
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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION EN VERTU DE L’ARTICLE 429.55 DE LA LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES (L.R.Q., c. A-3.001)
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MARC GRENIER |
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PARTIE REQUÉRANTE |
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GRANDS TRAVAUX SOTER INC. |
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PARTIE INTÉRESSÉE |
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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
[1] Le 14 janvier 2003, la Commission des lésions professionnelles a rendu une décision dans le présent dossier;
[2] Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier;
[3] Au paragraphe 25, nous lisons :
« Or,
comme le prévoit l’article
378. La Commission des lésions professionnelles et ses commissaires sont investis des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête (chapitre C - 37), sauf du pouvoir d'ordonner l'emprisonnement.
Ils ont en outre tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de leurs fonctions; ils peuvent notamment rendre toutes ordonnances qu'ils estiment propres à sauvegarder les droits des parties.
Ils ne peuvent être poursuivis en justice en raison d'un acte accompli de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions.
________
1985, c. 6, a. 378; 1997, c. 27, a. 24. »;
[4] Le paragraphe 25 aurait plutôt dû se lire comme suit :
« Or,
comme le prévoit l’article
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Il peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
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1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24. ».
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Louise Desbois |
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Commissaire |
DÉCISION
[1] Le 9 novembre 2000, monsieur Marc Grenier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 24 octobre 2000 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 11 juillet 2000 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle, plus particulièrement de récidive, rechute ou aggravation, le 2 mai 2000.
[3] Le travailleur est présent à l’audience mais n’est pas représenté. L’employeur est quant à lui absent mais sa procureure a soumis une argumentation écrite. Un délai est accordé au travailleur afin de produire son dossier médical auprès de son médecin traitant. Les documents sont obtenus le 16 octobre 2001 et le dossier est pris en délibéré à cette date.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande de reconnaître qu’il a subi une lésion professionnelle le 2 mai 2000 mais également qu’il a dû abandonner son emploi convenable parce que celui-ci était incompatible avec sa condition.
L'AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la requête du travailleur devrait être rejetée. Ils ne retrouvent en effet aucune preuve prépondérante d’une détérioration objective de l’état du travailleur en mai 2000. Ils ne constatent pas non plus la présence au dossier d’un avis médical répondant aux exigences de la loi et permettant au travailleur de récupérer son droit aux prestations prévues par cette même loi.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[6] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer :
- si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 2 mai 2000;
ou
- s’il a dû abandonner son emploi convenable à cette date selon l’avis de son médecin à l’effet qu’il n’était pas raisonnablement en mesure d’occuper cet emploi ou qu’il comportait un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique.
[7] Le travailleur, qui est actuellement âgé de 44 ans, est manoeuvre spécialisé chez Grands travaux Soter inc. (l’employeur) lorsqu’il s’inflige une lésion cervicale en effectuant un mouvement brusque avec une scie à béton au-dessus de sa tête. Un diagnostic de hernie discale C5-C6 gauche est finalement retenu. La lésion est déclarée consolidée le 22 juin 1998, avec une atteinte permanente de 7,4 % et les limitations fonctionnelles suivantes :
« Monsieur Grenier devra éviter dans son travail :
- d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités impliquant de soulever, porter, pousser, tirer des charges supérieures à vingt-cinq kilos;
- de ramper, de grimper, d’effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion-extension, de torsion de la colonne cervicale;
- de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (utilisation d’outils pouvant émettre des vibrations). »
[8] La CSST détermine ensuite que le travailleur est incapable, eu égard à ces limitations fonctionnelles, de reprendre son travail antérieur. Le travailleur bénéficie alors d’un processus de réadaptation professionnelle pour lequel il manifeste par ailleurs peu d’intérêt. La conseillère en réadaptation notait en mars 1999 que le travailleur « ne se voit pas retourner au travail » en raison de ses douleurs. Un emploi convenable d’ouvrier chargé de diriger la circulation (signaleur routier) est tout de même finalement retenu. Une décision de la CSST est rendue en ce sens le 8 novembre 1999 et n’est pas contestée par le travailleur qui avait lui-même finalement suggéré cet emploi. Cette décision est par conséquent devenue finale.
[9] Le travailleur occupe ensuite l’emploi en question du 22 novembre 1999 au 17 décembre 1999, soit jusqu’à sa mise à pied pour la saison hivernale. L’indemnité de remplacement du revenu est alors reprise jusqu’à ce qu’il retourne au travail, soit le 17 avril 2000. Le travailleur abandonne finalement son travail le 2 mai 2000 en alléguant que son emploi est trop difficile et que son état s’est détérioré. Lors de l’audience, le travailleur déclare n’être jamais retourné sur le marché du travail depuis lors.
La survenance d’une lésion professionnelle
[10]
La notion de
lésion professionnelle est
définie comme suit à l’article
accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
«lésion professionnelle» : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1.
[11] Le travailleur n’ayant pas subi de nouvel accident du travail ou de maladie professionnelle le 2 mai 2000, ne demeure que la possibilité d’une récidive, rechute ou aggravation.
[12] Les termes « récidive, rechute ou aggravation » n’étant quant à eux pas définis dans la loi, c’est au sens courant de ces termes qu’il faut s’en rapporter pour en comprendre la signification. Une revue des définitions, qui sont données de ces termes dans les principaux dictionnaires, permet de dégager le sens suivant : une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes.
[13] Pour que l’on puisse conclure à l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation, le travailleur doit établir, par une preuve prépondérante, qu’il y a détérioration de sa condition et qu’une relation existe entre la pathologie qu’il présente lors de la rechute, récidive ou aggravation qu’il allègue avoir subie et celle qu’il présentait lors de la lésion initiale. À cette fin, le seul témoignage du travailleur est généralement considéré insuffisant et doit être supporté par une preuve médicale. Cette définition et cette approche de l’appréciation de l’existence d’une rechute, récidive ou aggravation sont clairement établies par une jurisprudence constante de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et, par la suite, de la Commission des lésions professionnelles[2].
[14] Aux fins d’apprécier l’existence d’une relation entre la récidive, rechute ou aggravation alléguée et l’événement initial, la jurisprudence a, par ailleurs, développé certains critères ou paramètres, lesquels ont été bien résumés dans l’affaire Boisvert et Halco[3] :
«[...]
1. La gravité de la lésion initiale;
2. La continuité de la symptomatologie;
3. L’existence ou non d’un suivi médical;
4. Le retour au travail, avec ou sans limitations fonctionnelles;
5. La présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;
6. La présence ou l’absence de conditions personnelles;
7. La compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la rechute, récidive ou aggravation avec la nature de la lésion initiale;
8. Le délai entre la rechute, récidive ou aggravation et la lésion initiale.
Aucun de ces paramètres n’est, à lui seul, péremptoire ou décisif, mais, pris ensemble, ils peuvent permettre à l’adjudicateur de se prononcer sur le bien-fondé de la demande du travailleur.
[...]»
[15] Les questions que le tribunal doit par conséquent se poser aux fins de déterminer si le travailleur a effectivement subi une récidive, rechute ou aggravation le 2 mai 2000, sont les suivantes :
1° Y a-t-il une preuve prépondérante d’une détérioration objective de l’état du travailleur entre le moment de la consolidation de sa lésion initiale (soit le 22 juin 1998) et le moment de la récidive, rechute ou aggravation alléguée (soit le 2 mai 2000)?
2° Si oui, y a-t-il une preuve prépondérante d’une relation entre cette détérioration et la lésion initiale?
[16] En ce qui concerne l’état du travailleur lors de la consolidation de sa lésion initiale, il est utile de référer à un rapport d’évaluation médicale contemporain. Le rapport du docteur André Girard, orthopédiste membre du Bureau d’évaluation médicale, a été signé le 5 août 1998. Il a été retenu par la CSST qui a rendu une décision en conséquence, laquelle n’a pas été contestée par le travailleur et est devenue finale. Voici ce que le docteur Girard écrivait alors quant aux allégations du travailleur, donc subjectives, et à son examen objectif :
« ÉTAT ACTUEL :
Monsieur Grenier nous mentionne n’avoir pu reprendre son travail. Il nous parle d’une certaine amélioration notée suite aux traitements de physiothérapie. Il n’a été nullement amélioré suite aux infiltrations facettaires. Il nous parle d’une amélioration globale de l’ordre de 50%. Il nous dit se traiter à la maison par l’utilisation d’un Tens, par le port d’un collier cervical de façon épisodique et par des applications de chaleur. Il nous décrit sa douleur comme étant présente en tout temps à la région cervicale basse, irradiant à la partie postérieure de l’épaule gauche ainsi qu’à la partie postérieure du bras gauche. Les éléments douloureux sont décrits sous forme de chocs électriques lors de mouvements de rotation de la tête ou de latéralité de la tête. Il explique qu’il y avait dès le début irradiation douloureuse à tout son membre supérieur gauche jusqu’au niveau du pouce et de l’index et qu’il y a eu diminution graduelle de cette irradiation, cette dernière cessant présentement au niveau du coude.
Lors d’épisodes de toux ou d’éternuements, réapparition des douleurs à la région cervicale, partie postérieure de l’épaule ainsi qu’au niveau de la partie proximale du bras gauche. Ses douleurs sont aussi augmentées lorsqu’il appuie ses membres supérieurs sur une table ou lorsqu’il fait certaines activités, entre autres, le gazon. Lors de conduite automobile prolongée, monsieur Grenier note une aggravation de ses douleurs à la région cervicale. Quant à ses nuits, il nous mentionne dormir sur un coussin en fer à cheval gonflable. Il nous explique se réveiller régulièrement la nuit. Quant à ses activités quotidiennes, monsieur Grenier nous mentionne ne pouvoir utiliser à bout de bras d’instruments vibratoires. Il ne peut travailler au-dessus de la ceinture scapulaire ni effectuer des mouvements de rotation et de latéralité de la région cervicale.
EXAMEN OBJECTIF :
Il s’agit d’un travailleur de quarante ans, mesurant 5'9" et pesant 175 livres. Lors de l’examen, nous notons une certaine attitude antalgique, monsieur Grenier maintenant de façon rigide sa région cervicale avec légère rotation du menton vers la gauche. La période de déshabillage s’effectue normalement. En position debout, aucune asymétrie n’est notée au niveau de la ceinture scapulaire ou au niveau de la ceinture pelvienne.
L’examen de la région cervicale nous montre la présence d’éléments douloureux à la pression des ligaments inter-épineux C4-C5, C5-C6 et C6-C7. Aucune contracture des masses musculaires para-vertébrales n’est notée. La flexion est limitée par la douleur à 35°, l’extension à 20° avec douleur alléguée à la partie postérieure de l’épaule gauche en regard du muscle trapèze. Le mouvement de latéralité à gauche s’effectue à 30° et à droite à 40°. La rotation à droite est à 50° et la rotation à gauche à 60°. Les mouvements de latéralité gauche et de rotation droit sont accompagnés d’éléments douloureux à la face postérieure de l’épaule gauche.
L’examen de la région dorsale nous montre la présence d’éléments douloureux à la palpation du trapèze gauche. La mise en tension des muscles rhomboïdes majeur et mineur gauche est non douloureuse. L’examen du trapèze droit est non douloureux. Aucune contracture des masses musculaires para-vertébrales n’est notée à la région dorsale. L’inspiration et l’expiration s’effectue normalement. L’évaluation des mouvements en actif et en passif au niveau des deux épaules nous montre une abduction à 180°, une flexion antérieure à 180°, une rotation externe à 90° et une rotation interne à 45°. Aucune limitation de mouvements n’est notée au niveau des deux coudes, les arcs étant de 0° à 150° avec pronation et supination à 80°. Aucune limitation de mouvement n’est notée au niveau des deux poignets. L’examen neurologique des membres supérieurs nous montre des réflexes bicipital, tricipital et long supinateur vifs et symétriques, une sensibilité à l’aiguille en regard des différents dermatomes normale. (sic)
(Soulignements ajoutés)
[17] Voici par ailleurs les informations dont le tribunal dispose essentiellement quant à l’état du travailleur en mai 2000 :
« Hernie discale C5-C6 G.
Cervicalgie [augmentée depuis] retour au
Travail - spasme musculaire
Celebrex - Elavil - Percocet
[Arrêt de travail] 1 semaine puis réévaluer /réaffectation
souhaitable » (sic)
(Rapport médical du Dr M. Gobeil,
2 mai 2000)
« Exacerbation cervico brachialgie g
avec nouvel emploi
Rotations du cou répétées
[...] » (sic)
(Rapport médical de la Dre Chapados
11 mai 2000)
« De façon objective, il n’y a pas de changements notables au niveau de l’examen physique du patient (examiné 11 mai 2000)
Le patient note cependant une [augmentation] des douleurs cervicales et récidive de la brachialgie associée aux activités de travail, douleur non soulagée par les analgésiques (celebrex et percocet) - Douleur au bras (face post) irradie jusqu’au coude; Brachialgie n’était plus présente jusqu’à reprise des activités de travail (signalisation) et persiste encore malgré arrêt de travail (quoique diminuée) » (sic)
(Information médicale complémentaire écrite
Dre Chapados 23 juin 2000)
(Soulignements ajoutés)
[18] Lors de son rapport du 23 juin 2000, la médecin avait en main le rapport d’évaluation médicale de 1998 du membre du Bureau d’évaluation médicale et avait été invitée par le médecin de la CSST à préciser en quoi l'état du travailleur avait changé depuis. Force est pour le tribunal de constater que la médecin du travailleur reconnaît alors elle-même qu’il n’y a pas de détérioration objective de l’état de ce dernier par rapport au moment où sa lésion a été déclarée consolidée.
[19] Mais il y a plus encore : les allégations du travailleur quant à son état sont également assez identiques dans les documents médicaux de 2000 et de 1998. Ainsi, en 1998, la douleur irradiant jusqu’au coude était déjà présente et la douleur cervicale était présente en tout temps et réveillait même régulièrement le travailleur. À ce moment, le travailleur utilisait même un Tens pour contrôler la douleur, appliquait de la chaleur et portait un collier cervical de façon épisodique. Le tribunal juge par ailleurs cette information plus fiable que l’allégation du travailleur lors de l’audience à l’effet que la brachialgie et même un engourdissement se prolongeaient jusqu’aux doigts en mai 2000. Cela est contraire à ce que note très clairement son médecin de façon contemporaine à l’arrêt de travail. La médecin ne rapporte en fait une telle allégation dans ses notes qu’à compter de novembre 2000, soit six mois après l’arrêt de travail.
[20] En fait, personne ne nie que le travailleur éprouve de la douleur, laquelle peut fluctuer. Il a d’ailleurs été indemnisé à cet effet lors de sa lésion initiale. Il est également vraisemblable que le retour au travail après une longue période d’inactivité nécessite une période d’adaptation, comme c’est le cas pour toute personne, blessée ou non. Il n’y a cependant pas nécessairement lieu de conclure à récidive, rechute ou aggravation pour autant.
[21] Finalement, l’interprétation d’un rapport de tomodensitométrie axiale cervicale pratiquée à la suite d’une myélographie le 21 juin 2001 ne révèle rien de nouveau par rapport à celle des examens pratiqués en 1998. En fait, la présence d’une hernie discale cervicale est même questionnée en 2001.
[22] Dans ces circonstances, le tribunal ne peut que conclure que le travailleur n’a pas soumis une preuve prépondérante d’une détérioration objective de son état en mai 2000 et, par le fait même, qu’il n’a pas subi de lésion professionnelle consistant en une récidive, rechute ou aggravation à cette époque.
L’abandon de l’emploi convenable sur avis du médecin
[23] Lorsque le travailleur soumet une réclamation à la CSST en mai 2000, ce qu’il invoque en fait sur celle-ci est le fait que l’emploi convenable de signaleur implique trop de mouvements du cou. Lorsque l’agent de la CSST l’appelle pour obtenir plus d’information, le travailleur déclare qu’il ne s’est rien passé de particulier si ce n’est que l’emploi de signaleur routier est trop difficile et implique trop de mouvements répétés du cou.
[24] La CSST a abordé la demande du travailleur sous l’angle d’une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation. Mais elle aurait également dû l’aborder sous l’angle de l’abandon d’un emploi convenable sur avis du médecin, éventualité qui est prévue par la loi.
[25]
Or, comme le prévoit l’article
378. La Commission des lésions professionnelles et ses commissaires sont investis des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête (chapitre C‑37), sauf du pouvoir d'ordonner l'emprisonnement.
Ils ont en outre tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de leurs fonctions; ils peuvent notamment rendre toutes ordonnances qu'ils estiment propres à sauvegarder les droits des parties.
Ils ne peuvent être poursuivis en justice en raison d'un acte accompli de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions.
________
1985, c. 6, a. 378; 1997, c. 27, a. 24.
[26] La Commission des lésions professionnelles a par conséquent compétence pour se prononcer sur cette question d’abandon d’emploi convenable sur avis médical même si la CSST ne l’a pas fait, puisqu’elle était en mesure de le faire et aurait dû le faire.[4]
[27] Ainsi, en ce qui a trait à l’abandon par un travailleur d’un emploi convenable sur avis de
son médecin, l’article
51. Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.
Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui‑ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.
________
1985, c. 6, a. 51.
[28] Ainsi, un travailleur récupérera son droit à l’indemnité de remplacement du revenu et aux autres prestations prévues par la loi si :
- Il abandonne un emploi convenable dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l’exercer à plein temps;
- Il abandonne son emploi convenable selon l’avis de son médecin;
- L’avis du médecin est à l’effet que :
- Le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’occuper l’emploi convenable;
Ou
- L’emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur.
[29] Ainsi, il est généralement établi que l’avis du médecin doit précéder l’arrêt de travail pour que l’on puisse conclure que le travailleur a abandonné l’emploi en raison de cet avis[5].
[30] En outre, pour récupérer son droit aux indemnités, le tribunal est d’avis que le travailleur doit produire un avis du médecin dont on peut raisonnablement apprécier qu’il respecte les critères établis à l’article 51[6]. Il doit par conséquent en ressortir, à tout le moins de façon minimale, que le médecin connaît les antécédents médicaux et les limitations fonctionnelles du travailleur, sait de quel emploi il est question et ce qu’il comporte comme tâches et exigences physiques et est en mesure de motiver sa recommandation au travailleur d’abandonner cet emploi. Il faut donc qu’il y ait un véritable avis médical motivé et non un simple rapport des allégations d’incapacité d’un travailleur. L’impact de cet avis médical est trop important pour ne pas devoir s’assurer de façon minimale qu’il constitue véritablement une opinion médicale et que celle-ci est éclairée.
[31] En l’occurrence, le travailleur a commencé à exercer l’emploi convenable de signaleur à l’automne 1999, à plein temps, l’a exercé pendant trois semaines puis a été mis à pied jusqu’au printemps suivant. Il a recommencé à l’exercer le 17 avril 2000 pour l’abandonner le 2 mai suivant. Il a donc abandonné l’emploi convenable qu’il exerçait à plein temps à l’intérieur du délai de deux ans prévu par la loi et rencontre de ce fait la première condition d’application de l’article 51.
[32] Mais le travailleur a-t-il abandonné son emploi sur l’avis de son médecin et, surtout, cet avis était-il à l’effet que le travailleur n’était pas raisonnablement en mesure d’occuper cet emploi ou que cet emploi comportait un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur? Le tribunal conclut que la preuve n’est pas prépondérante en ce sens.
[33] Le 2 mai 2000, le médecin rencontré par le travailleur à l’urgence écrit dans son rapport médical que la douleur cervicale du travailleur a augmenté depuis son retour au travail et qu’une réaffectation (sic) est souhaitable. Le 11 mai suivant, la médecin du travailleur écrit qu’il y a « exacerbation cervico brachialgie avec nouvel emploi Rotations du cou répétées » (sic). Ce faisant, tout ce que la médecin fait est de rapporter les allégations du travailleur quant à l’augmentation de la douleur en relation avec des rotations répétées du cou qu’il dit devoir faire dans son travail.
[34] La médecin du travailleur est invitée par le médecin de la CSST à préciser ses constats, eu égard au rapport d’évaluation médicale du membre du Bureau d’évaluation médicale du 5 août 1998, et s’exécute le 23 juin 2000. Elle écrit alors que, de façon objective, il n’y a pas de changement notable au niveau de l’examen physique du travailleur par rapport à l’examen fait à la suite de la consolidation de la lésion en 1998. Elle rapporte ensuite les allégations de douleur du travailleur que ce dernier associe à ses activités de travail.
[35]
En fait, il semble bien que dans ses rapports médicaux, la
médecin du travailleur ne fait que rapporter les propos du travailleur quant à
un mouvement qui serait requis par son travail, à la douleur qu’il entraînerait
et, par conséquent, à une réassignation souhaitable à d’autres tâches. De l’avis du tribunal, il ne s’agit pas là
du genre d’avis de médecin auquel réfère l’article
[36] De plus, il est impossible, à la lecture d’une simple annotation « réaffectation souhaitable » (sic) de savoir si la médecin réfère à une réassignation temporaire, de façon à permettre au travailleur de récupérer, ou bien plutôt à une réassignation définitive. Et une réassignation temporaire n’implique aucunement qu’un travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’occuper l’emploi convenable ou que ce dernier comporte un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique.
[37] Finalement, la preuve dont dispose le tribunal permet difficilement de considérer que le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’occuper l’emploi de signaleur routier ou que ce dernier comporte un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique. En effet, les notes de deux agents de la CSST, respectivement du 29 novembre 1999 et du 26 avril 2000, font état des allégations du travailleur à l’effet que ce serait la position debout de façon prolongée qui lui poserait problème. Il n’est jamais question des rotations du cou avant qu’il ne rencontre sa médecin le 11 mai 2000. Dès le 29 novembre 1999, l’agent notait que le travailleur lui aurait dit tourner tout son corps pour éviter de tourner la tête dans l’exécution de son travail mais qu’elle l’avait ensuite vu à l’œuvre par hasard et constaté qu’il tournait bel et bien la tête, et ce, sans aucune difficulté apparente.
[38] D’ailleurs, lorsque le travailleur rencontre le docteur Girard, membre du Bureau d’évaluation médicale, en 1998, il allègue particulièrement de la douleur, sous forme de chocs électriques, lorsqu’il tourne ou penche la tête de côté, et allègue même ne pas pouvoir effectuer ces mouvements. Pourtant, l’amplitude de ces mouvements du cou est presque normale lors de l’examen. D’ailleurs, le médecin ne retient aucune limitation fonctionnelle eu égard à ces mouvements. Il ne s’agit donc pas d’un problème qui se serait manifesté après l’évaluation médicale et dont on peut penser qu’il aurait influencé la détermination des limitations fonctionnelles si le médecin l’avait connu. En outre, la preuve n’est de toute façon pas probante quant à la nécessité de tourner la tête d’une façon pouvant être qualifiée de « répétée » dans le cadre du travail de signaleur.
[39] En outre, les notes de consultation médicale les plus contemporaines à l’arrêt de travail, soit celles du 11 mai et du 25 septembre 2000, alors qu’il n’y en a pas entre-temps, font toutes deux état de force et de mouvement de rotations normaux au niveau cervical, les problèmes se situant plus au plan des mouvements d’extension, de flexion et de flexion latérale. Le travailleur allègue pourtant que ce sont les mouvements de rotation du cou au travail qui auraient réactivé ses symptômes, ce qui apparaît être en contradiction avec les constatations de la médecin à cette époque. En fait, ce n’est qu’à compter de mars 2001 que la médecin du travailleur note une limitation du mouvement de rotation de la tête. Près de dix mois se sont alors écoulés depuis l’arrêt de travail.
[40] Dans les circonstances, le tribunal conclut que le travailleur n’a pas soumis une preuve prépondérante relativement au dernier critère d’application de l’article 51 et ne peut de ce fait en bénéficier.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Marc Grenier (le travailleur) ;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 24 octobre 2000 à la suite d’une révision administrative.
DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 2 mai 2000;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas récupéré son droit aux prestations prévues par la loi le 2 mai 2000.
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Louise Desbois |
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Commissaire |
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P.S.S.T. (Prév. santé, séc. trav.) (Me Manon Lamoureux, avocate) |
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Représentants de la partie intéressée |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Lapointe et Compagnie minière Québec
Cartier,
[3] [1995] C.A.L.P. 23.
[4] Vallée et Erection Béton Limitée,
Voir également, où la Commission
des lésions professionnelles reconnaît implicitement sa compétence en se
prononçant sur la question : Cauchon
et Inspecteur général des institutions
financières, C.L.P.
[5] C.S.S.T. et Mondoux,
[6] Auger et Jeno Newman & Fils inc., précitée, note 4; Parent et Sani-Eco inc., précitée, note 4.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.