Charland c. Hydro-Québec |
2014 QCCS 6079 |
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JR 1452 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
Montréal |
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N° : |
500-06-000461-091 |
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DATE : |
Le 11 décembre 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
STEVE J. REIMNITZ, J.C.S. |
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Monique Charland |
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Demanderesse/intimée |
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c. |
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Hydro-Québec |
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Défenderesse/requérante |
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JUGEMENT |
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[1] Le tribunal doit décider de trois objections et demandes d’engagements. Pour une meilleure compréhension de ce qui est demandé par les avocats de la demanderesse, pour chacun des sujets, le tribunal reproduit la question, l’extrait de l’interrogatoire, la position des parties et l’analyse.
[2] Selon la demanderesse, le dossier et la preuve administrée portent sur les questions en litige, comme comprises dans les conclusions du jugement en autorisation. Elle soutient que de demander des procès-verbaux ou extrait de procès-verbaux qui concernent le Comité directeur ou le Comité de suivi est tout à fait pertinent, notamment pour évaluer la manière dont Hydro-Québec a géré cette question des intérêts versus les frais d’administration. Plus précisément, la décision de ne plus indiquer le taux annualisé sur la facture.
[3] Le dossier tel que constitué et les conclusions du jugement en autorisation portent sur le fait de savoir si la personne en question a payé des « frais d'administration » qui constitueraient en réalité des frais d'intérêts depuis le 14 décembre 2007 . »
[4]
Qui plus est, on demande « si les
faits du dossier font en sorte que la Loi sur l'intérêt soit applicable au
présent dossier, particulièrement l'article
[5] Indépendamment de l’application de la Loi sur l’intérêt[1], « est-ce qu’Hydro-Québec a commis une faute génératrice de responsabilités eu égard à son obligation de bonne foi et d'information ? Hydro-Québec a-t-elle exercé raisonnablement ses obligations à l'égard de ses clients et a-t-elle désigné erronément et faussement « frais d'administration » les charges qui sont portées à la facture de ses clients, charges qui seraient en réalité des « intérêts » ?
[6] Si le comportement de l’intimée Hydro-Québec permet de répondre positivement à cette question, « quels sont les dommages qui doivent être accordés aux membres du Groupe ? Outre ces dommages, ces membres ont-ils droit à des dommages pour troubles, tracas et inconvénients ? »
[7] Il est aussi indiqué dans les conclusions du jugement en autorisation :
« CONDAMNER l'intimée Hydro-Québec à payer à la requérante ainsi qu'à chacun des membres du Groupe, le montant d'intérêt et/ou frais d'administration payé au-delà de ce qui est prescrit par la Loi lorsque le taux d'intérêt au taux légal annualisé n'est pas indiqué sur la facture de l'intimée, le tout avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle à compter de la date du paiement de ces sommes et ORDONNER le recouvrement collectif de ces sommes »
[8] Hydro-Québec réitère que la demande est trop vaste, il s’agit d’une véritable expédition de pêche.
[9] Elle ajoute que l’objection a été formulée le 16 juillet 2013 et que par conséquent, elle est tardive. La demanderesse ne pouvait attendre 16 mois avant de faire valoir sa demande au niveau de cet engagement. La défenderesse suggère qu’à tout le moins, cela devrait être un facteur à considérer par le tribunal.
[10] La défenderesse insiste que ce qui est en cause, c’est la question des frais d’intérêt versus des frais d’administration. La demande de procès-verbaux concernant le Comité directeur ou le Comité de suivi ne serait d’aucune utilité.
[11] Il convient de faire un bref rappel des principes applicables en la matière. Voici ce qu’écrivait le juge Jean Bouchard, alors à la Cour Supérieure dans Services Subaquatiques BLM inc. c. Yves Germain Construction inc.[2] :
« [5] À ce stade-ci du
dossier, le Tribunal doit faire preuve de prudence et ne pas se laisser aller à
ses premières impressions (Kruger inc. c Kruger,
[12] Il est aussi utile de s’en remettre à ce que la Cour Suprême écrivait récemment sur cette question de pertinence et de recherche de la vérité. Dans Pétrolière Impériale c. Simon Jacques[3] :
« [30] Ainsi, il est
possible de s’opposer à la communication si les documents faisant l’objet de la
requête ne sont pas pertinents à l’égard du litige (D. Ferland et B. Emery,
Précis de procédure civile du Québec (4e éd. 2003), vol. 1, p.
629). Quoique les tribunaux semblent plus prudents au moment d’évaluer la
pertinence de documents de nature confidentielle, le concept de pertinence
s’apprécie généralement de manière large au cours de la phase exploratoire de
l’instance (Glegg, par. 23; Kruger Inc. c. Kruger,
[31] Cette obligation de pertinence empêche les parties de se livrer à une « recherche à l’aveuglette ». Elle permet d’éviter que le bon déroulement de l’instance soit ralenti, compliqué ou même compromis par l’introduction d’éléments inutiles pour établir l’existence des droits invoqués (voir Royer et Lavallée, p. 487; Marseille, p. 1 et 21). En ce sens, la règle de la pertinence représente une règle d’équilibre procédural qui tend à assurer l’efficacité du processus judiciaire, tout en facilitant la quête de la vérité. »
[13] Appliqué au cas sous étude, il faut noter qu’il n’est aucunement question ici d’un problème de confidentialité.
[14] Il y a lieu de respecter le principe voulant que la pertinence s’apprécie de manière large au cours de la phase exploratoire de l’instance. Pour être pertinent, le document demandé doit se rapporter au litige et être utile pour faire avancer le débat.
[15] Le tribunal considère que la transmission des informations demandées respecte la règle de l’équilibre procédural qui tend à assurer l’efficacité du processus judiciaire et facilite la rechercher de la vérité.
[16] De l’avis du tribunal, il y a un double aspect à la requête introductive autorisée et un de ces aspects porte sur le respect de l’obligation de renseignement et de bonne foi. Cet aspect du dossier est pertinent tant en regard de l’application de la Loi sur l’intérêt, qu’en regard de l’analyse du comportement contractuel de la défenderesse.
[17] Avec respect, dans ce dossier il y a plus que se demander si la défenderesse a fait défaut de respecter la Loi sur l’intérêt. Comme en fait foi l’autorisation, toute la question du respect par la défenderesse de l’obligation de bonne foi et obligation de renseignement. Pour répondre à ces interrogations, il est raisonnable de penser que les comités visés par la demande ont eu à se pencher sur cette question. Sinon, qui l’a fait ?
[18] Cela peut avoir une incidence sur l’ensemble des conclusions du jugement en autorisation.
[19] Le tribunal ajoute qu’il n’y a aucun préjudice invoqué par Hydro-Québec et de fait, n’en voit aucun. Seule la question de la pertinence est en cause et cette question doit se résoudre de manière suggérée par la demanderesse. Cette objection est rejetée.
[20] En réponse à l’engagement, la défenderesse écrit :
« La cliente n’a pas retrouvé de tels documents présentés au Comité de suivi tactique, au Comité de suivi d’intégration ou au Comité directeur. »
[21] La demanderesse demande par la suite :
« Est-ce que de tels documents existent ailleurs au sein d’Hydro-Québec et/ou ses fournisseurs et/ou ses sous-traitants ? Si oui, les communiquer. »
[22] La demanderesse reprend un peu son argumentation telle que formulée en rapport avec l’objection 1.1, la question de l’intérêt et/ou des frais d’administration. Les documents recherchés sont aussi liés à l’obligation d’information et de bonne foi de la défenderesse.
[23] Comme tel, il n’y a pas eu d’objection. La position de la défenderesse se retrouve dans sa lettre de mars 2014. Comme on l’a vu, l’avocat écrit que sa cliente n’a pas « retrouvé » de tels documents présentés au Comité de suivi tactique, au Comité de suivi d’intégration ou au Comité directeur.
[24] La défenderesse est consciente qu’en répondant ce qui précède, cela ne veut pas dire que les documents ne se retrouvent pas ailleurs chez Hydro-Québec. Le fait de ne pas avoir « retrouvé » les documents ne veut clairement pas dire qu’ils ne se retrouvent pas ailleurs.
[25] La défenderesse ajoute que de toute manière, cela ne vise pas la problématique ciblée dans le jugement en autorisation. Le fait de déclarer que le taux est annualisé ou non, c’est selon elle, la seule question en cause.
[26] Le tribunal entend appliquer les mêmes principes jurisprudentiels auxquels il a référé dans son analyse de la question 1.1.
[27] Le tribunal n’assume aucunement que la défenderesse a voulu jouer sur les mots en soulignant que les documents n’ont pas été « retrouvés ». Le tribunal statue que cette demande est une demande pertinente au litige. Le fait de demander si de tels documents existent ailleurs au sein d’Hydro-Québec est aussi pertinent pour les raisons qui suivent.
[28] Si la demande est pertinente, l’objectif n’est pas d’exiger de celui qui fait la demande d’identifier l’endroit où l’information peut se retrouver. Les obligations de transparence s’imposent aux deux parties, cela découle notamment du contrat judiciaire et la recherche de la vérité comme l’a rappelé récemment la Cour Suprême dans la décision précitée. Il y a une différence entre ne pas trouver un document et le fait de dire que le document n’existe pas.
[29] Cependant, la demande est en partie non pertinente, voire trop vaste, en ce qui concerne la partie de la question et engagements concernant les fournisseurs et/ou les sous-traitants. Sur ce point, il est difficile de concevoir que l’on puisse demander à la défenderesse si de tels documents existent auprès de fournisseurs et/ou sous-traitants.
[30] Les sous-traitants auxquels on réfère ne sont pas nommés et ne font pas partie du litige. Aussi et plus fondamentalement, on ne peut forcer la défenderesse à investiguer pour savoir si les documents requis existent auprès de tiers sous-traitants ou fournisseurs. Une telle demande est illégale et non pertinente.
[31] L’objection sera rejetée en partie seulement.
[32] Pour les deux parties, cette demande et l’objection formulée rejoignent ce qui a été plaidé par les parties en regard de la demande sous 1.1. Pour les motifs qui précèdent, le tribunal considère que l’objection doit être rejetée.
[33] Cette question de la modification du langage utilisé, la façon de calculer les frais d’administration, la différence entre la rédaction de la pièce P-8L et la nouvelle formulation P-5A est une question au centre du présent litige et par conséquent pertinente.
[34] REJETTE l’objection à la question 1.1 telle que reproduite dans ce jugement ;
[35] REJETTE l’objection à la question 1.2, sauf en ce qui concerne les documents que des fournisseurs ou sous-traitants pourraient détenir ;
[36] REJETTE l’objection à la question 1.3 ;
[37] LE TOUT avec dépens.
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__________________________________ STEVE J. REIMNITZ, J.C.S. |
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Me Guy Paquette et |
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Me Soraya Mostefaï |
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Paquette Gadler inc. |
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Pour la demanderesse |
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Me Suzanne Gagné |
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Létourneau & Gagné |
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Procureur-conseil pour la demanderesse |
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Me Simon Potter et |
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Me Kim Nguyen |
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McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l. |
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Pour la défenderesse |
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Me Jean-Olivier Tremblay |
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Affaires juridiques Hydro-Québec |
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Pour la défenderesse |
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Date d’audience : |
Le 1er décembre 2014 |
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