Décision

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                              COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS
                              PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC                   MONTRÉAL, le 29 mars 1989

     DISTRICT D'APPEL
     DE Montréal

     RÉGION:Laurentides       DEVANT LE COMMISSAIRE  : Laurent
                                                       McCutcheon

     DOSSIER: 03272-64-8705    AUDITION TENUE  LE       :  23 novembre
     1988

     DOSSIER CSST:60032317    A                     : Montréal

                              MADAME FRANCE DUMOULIN
                              14, rue Rosaire
                              L'Annonciation, Québec
                              J0T 1T0

                                                       PARTIE
     APPELANTE

                              et

                              HOPITAL DE L'ANNONCIATION
                              170, Principale-Nord
                              L'Annonciation, Québec
                              J0T 1T0

                                                       PARTIE
     INTÉRESSÉE

     03272-64-8705                                                  2/

                                   D É C I S I O N

     Le 24 mai 1987, madame France Dumoulin (la travail-

     leuse) dépose une déclaration d'appel à la Commis-

     sion d'appel en matière de lésions professionnelles

     (la Commission d'appel).  Elle conteste une déci-

     sion majoritaire du bureau de révision de la région

     des  Laurentides  rendue  le 1er  avril  1987,  la

     dissidence étant celle du membre représentant les

     travailleurs.
     

La décision contestée infirme une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) qui rejette une plainte de la travailleuse parce qu'elle a été logée hors délai.

Quant au fond du litige, le bureau de révision rejette la plainte et considère que la travailleuse n'a pas été l'objet d'une mesure prévue par l'arti- cle 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001).

03272-64-8705 3/ OBJET DE L'APPEL La travailleuse demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du bureau de révision, de déclarer qu'elle avait droit de réintégrer priori- tairement son emploi et d'ordonner à l'employeur de lui verser l'équivalent du salaire et des avantages dont elle a été privée.

LES FAITS Le procureur de la travailleuse indique que la présence de cette dernière n'est pas requise compte tenu que les parties ont admis les faits suivants, tel qu'il appert à la pièce (P1) : "En tout temps pertinent, France Dumoulin fut salariée sur la liste de rappel du Centre Hospitalier de l'Annonciation; Le 23 mai 1986, madame Dumoulin eut un accident de travail, décrit comme suit: "En levant un chariot, j'ai ressenti une douleur dans les reins".

A la suite de cet accident de travail, madame Dumoulin présenta une réclamation à C.S.S.T.; Le 26 mai 1986, le médecin traitant de madame Dumoulin diagnostiqua une lombal- gie et prescrivit un repos d'une semaine pour une retour au travail possible à partir du 2 juin 1986; 03272-64-8705 4/ Le 26 mai 1986, madame Dumoulin se fit supplanter (bumping) par monsieur François Grève, salarié plus ancien qu'elle, pour le remplacement à durée indéterminée de Marie-Reine Gauthier, et ce conformément à l'article 1.34 de la convention collective annexée aux presen- tes; Le 2 juin 1986, le médecin traitant de madame Dumoulin prolongea son Incapacité Totale Temporaire jusqu'au 9 juin 1986, date de sa capacité de retour au travail; Le même jour, madame Dumoulin fit remise de ce dernier rapport médical à son employeur; Le ou vers le 4 juin 1986, François Grève se fit offrir un poste de remplacement de plus d'un an, qu'il accepta pour ainsi laisser vacant le remplacement de Marie- Reine Gauthier; Le 4 juin 1986, Gilbert Therrien employé de la liste de rappel, se fit offrir le remplacement de Marie-Reine Gauthier, malgré qu'il fut moins ancien que madame Dumoulin; Le 9 juin 1986, madame Dumoulin se présenta au bureau de santé de l'em- ployeur, ce dernier lui confirmant son aptitude au travail; Le même jour, madame Denise Côté, repré- sentante de l'employeur fut avisée que madame Dumoulin était apte au travail; Monsieur Gilbert Therrien fit le rempla- cement de Marie-Reine Gauthier jusqu'au 21 août 1986; (sic) 03272-64-8705 5/ Lors de l'audience, les parties ont également admis que le représentant syndical de la travailleuse est revenu d'un congé de maladie le 15 août 1986 et qu'elle n'a pu le rencontrer plus tôt. Elles admettent de plus que la perte de salaire subie par la travailleuse entre le 9 juin 1986 et le 21 août 1986 correspond à 18 jours de travail rémunérés selon les prévisions de la convention collective applicable à ce moment.

Monsieur Roger Panneton, chef du Service des ressources humaines, est venu déclarer que c'est en raison de la convention collective que la travail- leuse n'a pu retrouver son emploi le 9 juin 1986.

Il dépose une copie de la section F des articles 1.24 à 1.36 intitulée "Liste de rappel". Il cite notamment les articles suivants: "1.30 La liste de rappel est utilisée pour combler des postes temporairement dépourvus de leur titulaire, pour combler des surcroits temporaires de travail, pour exécuter des travaux à durée limitée (inférieur à six (6) mois, sauf entente entre les parties), ou pour tout autre raison convenue entre les parties.

1.31 L'employeur n'est tenu de rappeler un salarié inscrit sur la liste de rappel qu'en autant que sa disponibilité exprimée correspond au remplacement à effectuer.

03272-64-8705 6/ 1.32 Avant de puiser à l'extérieur, l'employeur fait appel aux salariés inscrits sur la liste de rappel selon la procédure suivante: 1) La liste de rappel est appliquée par titre d'emploi. Un salarié peut être inscrit pour plus d'un titre d'emploi.

2) Les salariés sont rappelés par ordre d'ancienneté et compte tenu de la disponibilité exprimée par écrit, pourvu qu'ils puissent satisfaire aux exigences normales de la fiche".

Ce témoin admet que sans son accident du travail, la travailleuse aurait normalement remplacé madame Gauthier puisqu'elle avait une priorité sur les autres travailleurs en raison de son ancienneté.

Il considère que si la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles devait donner prêséance aux dispositions de la convention collective, cela occasionnerait des problèmes de gestion insurmontables.

A savoir si, le 9 juin 1986, il eut été possible de retirer monsieur Therrien et de redonner l'emploi à madame Dumoulin, le témoin répond qu'une entente 03272-64-8705 7/ locale interdit cette pratique. L'entente prévoit que lorsqu'un travailleur(euse) sur liste de rappel est invité(e) à remplacer une personne absente, il se voit affecter à l'emploi vacant pour la durée totale de l'absence du titulaire de cet emploi.

Le témoin Panneton déclare également que la conven- tion collective ne prévoit aucune disposition relative au retour au travail d'un travailleur victime d'un accident du travail. Ceux-ci sont traités de la même façon que tous les autres travailleurs inscrits sur la liste de rappel.

Le 29 août 1986, la travailleuse complète un formulaire intitulé "Plainte en vertu de l'article 32 de la loi". Ce formulaire prévoit la nécessité de cocher l'une des mesures prévues par l'article 32 de la loi de même qu'un espace "autre section (précisez)". La travailleuse indique à l'espace réservé à cette fin "On a donné une cédule le 4 juin à un autre remplaçant parce que j'étais en accident de travail".

Elle indique également son choix de porter plainte à la Commission plutôt que de recourir à la procé- dure de grief.

03272-64-8705 8/ Le 1er octobre 1986, monsieur Alain Lamoureux, fonctionnaire de la Commission, décide que: "Considérant que madame Dumoulin invoque la méconnaissance de la loi pour expli- quer son retard, les démarches auprès de son syndicat et l'attente de la fin de sa cédule.

Considérant le principe légal admis à l'effet que nul ne peut ignorer la loi.

Considérant que les autres raisons ne peuvent être retenues.

En conséquence, nous nous devons de rejeter la plainte et donc de la déclarer irrecevable, cette dernière n'ayant pu être déposée dans les délais prescrits".

Le 1er avril 1987, le bureau de révision relève la travailleuse de son défaut d'avoir logé sa plainte en retard. Il considère que ce n'est que le 15 août 1986 qu'elle a pu rencontrer son représentant syndical pour loger sa plainte et que l'assistance de celui-ci était requise.

Quant au fond du litige, le bureau de révision rejette la plainte de la travailleuse après avoir tiré la conclusion suivante: 03272-64-8705 9/ "De l1étude du dossier et des représen- tations des parties en audition, le Bureau de révision paritaire en vient à la conclusion que la travailleuse n' a pas été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans l'article 32 de la loi précitée. Les arguments allégués par la travailleuse mettent sans doute en relief les inconvénients du système qui régit le travail de liste de rappel mais ils ne permettent en rien de présumer qu'elle ait été l'objet d'une sanction ou d'une mesure discriminatoire. L'employeur n'a fait qu'appliquer la convention collec- tive en offrant, le 4 juin 1986, un poste de remplacement au travailleur qui, à cette date, était à la fois le plus ancien et en mesure d'exprimer une disponibilité correspondant au rempla- cement à effectuer, ce qui n'était pas le cas de madame Dumoulin".

Pour sa part, le représentant des travailleurs exprime sa dissidence en regard de cette décision du bureau de révision. Il la fonde sur l'article 236 de la loi qui prévoit qu'un travailleur a droit de réintégrer prioritairement son emploi.

ARGUMENTATION Le procureur de la travailleuse soutient que n'eût été de son accident du travail, la travailleuse se serait vu attribuer le remplacement de madame Marie-Reine Gauthier jusqu'au 21 août 1986. Ce faisant, elle n'aurait pas subi une perte de 18 03272-64-8705 10/ jours de travail. C'est donc en raison de son accident du travail qu'elle a subi cette perte d'où sa plainte en vertu de l'article 32 de la loi.

Il cite l'article 4 de la loi qui établit sans équivoque que la Loi sur les accident du travail et les maladies professionnelles est d'ordre public et qu'une convention collective peut accorder des bénéfices supérieurs à la loi et qu'elle ne peut priver un travailleur de ses droits consentis par la loi.

Il fait la revue des dispositions qu'il considère applicables à la présente affaire, notamment les articles 235, 236, 238 et 246 en regard du droit de retour au travail d'un travailleur victime d'un accident du travail. Il plaide qu'en vertu de ces dispositions, il se dégage qu'une travailleuse ne saurait être pénalisée du fait qu'elle subit un accident du travail.

Pour sa part, l'employeur soulève que puisque la Commission d'appel procède de novo, il est en droit de remettre en cause la décision du bureau de révision en ce qui concerne la question du délai.

03272-64-8705 11/ Selon lui, le fait que le représentant syndical ait été absent ne constitue pas un motif raisonnable.

Il plaide que la travailleuse pouvait s'adresser à la Commission pour connaftre ses droits ou elle pouvait communiquer avec la C.S.N. Il soutient que c'est le principe de la stabilité juridique des décisions qui est en cause et qu'il était en droit de croire qu'après le délai de 30 jours prévu à l'article 252 de la loi, il pouvait alors consi- dérer qu'aucune plainte ne serait portée.

Quant au fond du litige, l'employeur soutient que l'article 32 de la loi n'est pas en cause puisqu'il n'y a eu aucune mesure ou sanction de prise contre le travailleur.

Il admet que la travailleuse a perdu 18 jours de travail en raison de l'application de la convention collective et il plaide que l'article 32 ne vise pas à créer de droits supplémentaires.

L'employeur réfute l'argumentation de la travail- leuse sur le droit de retour au travail. Selon lui, la travailleuse a été réintégrêe à son statut antérieur soit une réintégration sur la liste de rappel.

03272-64-8705 12/ Enfin, l'employeur conclut que le droit de la travailleuse se limite à réintégrer son statut antérieur sur la liste de rappel.

Le procureur de la travailleuse manifeste son désaccord avec la position de l'employeur notamment sur la question du délai de 30 jours. Il soumet à la Commission d'appel que l'employeur ne s'est pas objecté devant le bureau de révision à une prolon- gation de délai et qu'il n'a pas contesté cette décision. Il profite de l'appel de la travailleuse pour remettre cette question en cause. A défaut de l'avoir inscrite en appel, il est maintenant trop tard.

Toutefois, soutient ce procureur, si la Commission d'appel devait se prononcer sur cette question, elle devrait considérer que l'absence du représen- tant syndical constitue un motif raisonnable pour être relevé du défaut.

MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel doit d'abord décider si l'employeur pouvait, dans le cadre d'un appel de la travailleuse, remettre en cause une partie de la décision du bureau de révision qui porte sur le 03272-64-8705 13/ délai prévu à l'article 253 de la loi dont dispo- sait la travailleuse pour loger sa plainte alors que l'employeur ne s'y est jamais opposé antérieu- rement. L'article 253 prévoit que: 253. Une plainte en vertu de l'article 32 doit être faite par écrit dans les 30 jours de la connaissance de l'acte, de la sanction ou de la mesure dont le travailleur se plaint.

Le travailleur transmet copie de cette plainte à l'employeur.

Toutefois, la Commission peut, en vertu de l'arti- cle 352 de la loi, prolonger en tel délai: 352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.

En l'espèce, la Commission refuse de prolonger ce délai et le bureau de révision infirme cette décision de la Commission. La travailleuse sou- tient que l'employeur ne peut profiter de l'appel qu'elle a logé pour contester cette décision interlocutoire du bureau de révision.

03272-64-8705 14/ La Commission d'appel ne peut souscrire à l'argu- mentation de la travailleuse. Ayant eu gain de cause sur le fond du litige, l'employeur avait aucun intérêt à porter la décision du bureau de révision en appel, critère essentiel pour contester une décision. Toutefois, à partir du moment oû cette décision est portée en appel par l'autre partie, l'employeur trouve un intérêt à remettre ce débat en cause.

Par ailleurs, lorsque la Commission d'appel rend une décision, elle doit rendre la décision qui aurait dû être rendue par la Commission en premier lieu. Or, puisque la Commission s'est déjà pro- noncée sur la question du délai, il revient à la Commission d'appel de rendre la décision que la Commission aurait dû rendre tel que le prévoit l'article 400 de la loi: 400. La Commission d'appel peut confirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance porté devant elle; elle peut aussi l'infirmer et doit alors rendre la décision, l'ordre ou l'or- donnance qui, selon elle, aurait dû être rendu en premier lieu.

03272-64-8705 15/ Indépendamment des aspects procéduraux et tout comme l'a fait le bureau de révision, la Commission d'appel est d'avis, qu'en l'instance, le motif de la travailleuse pour expliquer son retard est raisonnable. Elle a attendu le retour de son représentant syndical, le 15 août 1986, afin de le consulter et quelques jours plus tard, elle dèposait sa plainte.

Quant au fond du litige, la Commission d'appel doit disposer d'une plainte logée par la travailleuse en vertu de l'article 32 de la loi, laquelle a été rejetée par le bureau de révision. L'article 32 édicte que: 32. L'employeur ne peut congédier, suspendre ou dépla- cer un travailleur, exercer a son endroit des mesures discri- minatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion profes- sionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.

Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la conven- tion collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission confor- mément à l'article 253.

03272-64-8705 16/ Les faits ne sont pas contestés, les conditions de travail de la travailleuse sont prévues par la convention collective qui lui est applicable. Cette convention fixe les modalités d'affectation des travailleurs sur liste de rappel. Il est admis que la travailleuse a subi une lésion professionnelle et, qu'en raison de son absence au travail, elle a été privée d'une affectation qui lui a occasionné une perte de 18 jours de travail.

L'employeur soutient qu'en application de la conven- tion collective et d'une entente locale, il ne pouvait, le 9 juin 1986, retirer le travailleur Therrien de son affectation pour donner celle-ci à la travailleuse. La travailleuse soutient par ailleurs que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles doit avoir préséance sur la convention collective et sur toutes ententes locales.

Dans le cadre de l'article 32 de la loi, le légis- lateur a voulu par l'article 255 de la, loi qu'une présomption soit favorable à la travailleuse.

L'effet de cette présomption est d'imposer le fardeau de la preuve à l'employeur lorsque les conditions prévues à cette disposition sont rencon- trées: 03272-64-8705 17/ 255. S'il est établi à la satisfaction de la Commission que le travailleur a été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans l'article 32 dans les six mois de la date oû il a été victime d'une lésion professionnelle ou de la date où il a exercé un droit que lui confère la présente loi, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou a cause de l'exercice de ce droit.

Dans ce cas, il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette sanction ou cette mesure à l'égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante.

En l'instance, la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 23 mai 1986, elle a recouvré sa capacité de travail le 9 juin 1986. C'est à ce moment qu'elle estime avoir été l'objet d'une mesure prévue à l'article 32 de la loi, soit dans le délai de 6 mois prévu à l'article 255 de la loi.

A-t-elle été effectivement l'objet d'une mesure ou d'une sanction prévue par l'article 32 de la loi? 03272-64-8705 18/ Cette disposition est suffisamment large pour que le refus de lui permettre d'occuper le poste qu'elle aurait occupé n'eût été de son accident du travail puisse constituer une sanction de l'em- ployeur puisqu'elle a été privée de dix-huit jours de travail. En ce sens, le recours exercé par la travailleuse fondé sur l'article 32 est recevable contrairement aux prétentions de l'employeur et aux conclusions du bureau de révision.

Comme la travailleuse a été l'objet d'une sanction dans les six mois de sa lésion professionnelle, la présomption prévue par l'article 255 est, en l'espèce, applicable et il revient à l'employeur d'établir, au moyen de la prépondérance de la preuve, l'existence d'une autre cause juste et suffisante pour justifier la sanction dont a été victime la travailleuse, soit la perte de dix-huit jours de travail.

Il est utile de rappeler, à cet effet, que l'em- ployeur fait valoir qu'il a simplement respecté les mécanismes de rappels prévus par la convention collective de même que par l'entente locale qui complète cette convention, il s'agit là de sa preuve sur la cause juste et suffisante.

03272-64-8705 19/ De l'avis de la Commission d'appel, il va de soi qu'une cause juste et suffisante, au sens de l'article 32 de la loi, doit en être une qui respecte la lettre et l'esprit de la loi dans son ensemble. Un employeur ne peut s'en remettre aux dispositions d'une convention collective pour expliquer valablement un geste qui serait par ailleurs contraire à la loi.

En effet, l'article 4 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles prévoit que cette loi est d'ordre public et qu'elle prévaut sur toute convention collective ou entente qui lui serait moins avantageuse: 4. La présente loi est d'ordre public.

Cependant, une convention ou une entente ou un décret qui y donne effet peut prévoir pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la présente loi.

En conséquence, même si sa bonne foi n'est pas en cause, l'employeur ne saurait établir une cause juste et suffisante à partir d'une convention collective ou d'une entente locale qui viendrait restreindre les dispositions de la loi. En l'instance, il faut examiner les dispositions de la 03272-64-8705 20/ loi relatives au droit de retour au travail puisque la sanction, dont il est ici question, se situe au moment où la travailleuse a recouvré sa capacité de travail et qu'elle a voulu retourner au travail.

Le droit de retour au travail est notamment inscrit dans l'objet même de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles à son article premier: 1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des consé- quences qu'elles entrainent pour les bénéficiaires.

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consoli- dation d'une lésion, la réadap- tation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'in- demnités pour dommages corpo- rels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travail leur victime d'une lésion professionnelle.

(Notre soulignement) 03272-64-8705 21/ Les dispositions pertinentes en matière de droit de retour au travail sont prévues par les articles 235, 236, 240, 244, 245, 259 et 261: 235. Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion profession- nelle: 10 continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1); 20 continue de participer aux régimes de retraite et d'assu- rances offerts dans l'établis- sement, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.

Le présent article s'applique au travailleur jusqu'à l'expi- ration du délai prévu par le paragraphe 10 ou 20, selon le cas, du premier alinéa de l'article 240.

236. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui redevient capable d'exercer son emploi a droit de réinté- grer prioritairement son emploi dans l'établissement où il travaillait lorsque s'est manifestée sa lésion ou de réintégrer un emploi équivalent dans cet établissement ou dans un autre établissement de son employeur.

03272-64-8705 22/ 240. Les droits conférés par les articles 236 à 239 peuvent être exercés: 10 dans l'année suivant le début de la période d'absence continue du travailleur en raison de sa lésion profession- nelle, s'il occupait un emploi dans un établissement comptant 20 travailleurs ou moins au début de cette période; ou 20 dans les deux ans suivant le début de la période d'absen- ce continue du travailleur en raison de sa lésion profession- nelle, s'il occupait un emploi dans un établissement comptant plus de 20 travailleurs au début de cette période.

Le retour au travail d'un travailleur à la suite d'un avis médical n'interrompt pas la période d'absence continue du travailleur si son état de santé relatif à sa lésion l'oblige à abandonner son travail dans la journée du retour.

244. Une convention collective peut prévoir des dispositions relatives à la mise en applica- tion du droit au retour au travail prévu par la présente section.

Le droit au retour au travail d'un travailleur est mis en application de la manière prévue par la convention collective qui lui est applica- ble, si celle-ci contient des dispositions prevues par le premier alinéa ou des disposi- tions relatives au retour au travail après un accident ou une maladie.

Dans ce cas, le travailleur qui se croit lésé dans l'exercice de son droit au retour au travail peut avoir recours à la procédure de griefs prévue par cette convention.

245. En l'absence d'une convention collective visée dans le deuxième alinéa de l'article 244, les modalités d'application du droit au retour au travail d'un travail- leur sont déterminées par le comité de santé et de sécurité formé en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre 5-2. 1) pour l'ensem- ble de l'établissement où est disponible l'emploi que le travailleur a droit de réinté- grer ou d'occuper.

En cas de désaccord au sein de ce comité ou si le travailleur ou l'employeur est insatisfait des recommandations du comité, le travailleur ou l'employeur peut demander l'intervention de la Commission.

259. Lorsque la Commission dispose d'une demande d'inter- vention en vertu de l'article 245, 246 ou 251, elle peut ordonner à l'employeur de réintégrer le travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent avec tous ses droits et privilèges ou de lui assi- gner l'emploi qu'il aurait dû lui assigner conformément à l'article 239 et de verser au travailleur l'équivalent du salaire et des avantages dont il a été privé.

03272-64-8705 24/ 261. Lorsque la Commission ordonne à l'employeur de verser au travailleur l'équivalent du salaire et des avantages dont celui-ci a été privé, elle peut aussi ordonner le paiement d'un intérêt, à compter du dépôt de la plainte ou de la demande d'intervention, sur le montant dû.

Cet intérêt est déterminé conformément à l'article 323.

L'esprit qui se dégage de l'ensemble de ces dispo- sitions veut qu'un travailleur(euse) ne soit pas pénalisé(e) du fait qu'il subit une lésion profes- sionnelle. La loi prévoit en effet que le retour au travail doit s'effectuer d'une manière telle que la travailleuse se retrouve dans une situation similaire à celle où elle se serait retrouvée en l'absence de lésion professionnelle.

Dans l'affaire sous étude et de l'admission des parties, la travailleuse a subi une perte de 18 jours de travail en raison de sa lésion profession- nelle et cela, après qu'elle eOt été disponible pour retourner au travail. N'eût été de cette lésion, elle aurait occupé le poste de madame Gauthier et elle n'aurait pas perdu ces journées de travail. Le but des dispositions relatives au 03272-64-8705 25/ droit au retour au travail vise justement à permet- tre à la travaileuse de ne pas être pénalisée en raison de sa lésion professionnelle. Toute autre conclusion serait contraire à l'esprit de la loi.

En l'espèce, les dispositions de la convention collective et surtout celles concernant l'entente locale conclue entre le syndicat et l'employeur imposent des règles qui empêchent l'employeur d'intégrer la travailleuse dans le poste qu'elle aurait normalement occupé n'eût été de sa lésion professionnelle. Par cette entente, l'employeur se voit dans l'obligation, lorsqu'il affecte un travailleur au remplacement d'un titulaire d'un poste régulier, d'affecter ce travailleur pour toute la durée de l'absence du titulaire du poste.

C'est ainsi que le 9 juin 1986, il n'a pas retiré le travailleur Therrien de son affectation et donné le poste à la travailleuse comme le voudrait les dispositions de la loi en matière de droit au retour au travail.

De l'avis de la Commission d'appel, les mécanismes en application chez l'employeur heurtent les dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en matière de retour au travail et ils ne sauraient avoir pré- séance sur cette loi qui est d'ordre public.

03272-64-8705 26/ En somme, la Commission d'appel est d'avis que le 9 juin 1986 lorsque la travailleuse s'est présentée au travail après être redevenue capable d'exercer son emploi, elle aurait dû être traitée comme si elle ne s'était pas absentée de son travail. En vertu de l'article 235, elle continuait d'accumuler son ancienneté et en vertu de l'article 236, elle avait une priorité sur les autres travailleurs.

S'en remettre aux prétentions de l'employeur voulant que le droit de la travailleuse soit celui de recouvrer son rang sur la liste de rappel aurait pour effet qu'elle soit pénalisée du fait de son accident du travail.

Lorsque l'employeur soutient que tous ses travail- leurs sur liste de rappel sont traités de la même façon quelles que soient les raisons de leur absence, il oublie que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles accorde au travailleur un droit de réintégrer prioritairement son emploi à la suite d'une lésion professionnelle.

03272-64-8705 27/ La notion de réintégration prioritaire de son emploi doit s'harmoniser avec l'ensemble des dispositions prévues par la loi qui visent la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entrainent pour les béné- ficiaires. Tel est l'objet même de la loi énoncé dans l'article premier concernant le droit de retour au travail.

De l'avis de la Commission d'appel, le fait de réintégrer la travailleuse sur la liste de rappel jusqu'au moment où un autre poste deviendra dispo- nible ne saurait répondre à l'objet de la loi.

En conséquence, lorsque le 4 juin 1986, l'employeur a dû recourir à la liste de rappel pour remplacer madame Gauthier et qu'il a constaté que la personne qui était en droit d'obtenir ce poste en raison des mécanismes de rappel n'était pas disponible parce qu'elle avait subi une lésion professionnelle, il avait l'obligation de réserver les droits de la travailleuse prévus par la loi. A titre d'exemple, il pouvait affecter le travailleur Therrien en remplacement de la travailleuse et au retour de cette dernière le 9 juin 1986, monsieur Therrien pouvait recouvrer son rang sur la liste de rappel.

03272-64-8705 28/ Une telle façon de procéder aurait permis d'assurer la réparation des conséquences entraînées par la lésion professionnelle subie par la travailleuse tel que le veut l'objet même de la loi.

L'employeur devait prouver une cause juste et suffisante pour expliquer sa décision de ne pas affecter la travailleuse à un poste lors de son retour au travail. Après être arrivée à la conclu- sion que la pratique de l'employeur contrevient aux prescriptions du droit de retour au travail, la Commission d'appel ne peut que conclure que l'em- ployeur n'a pas prouvé une cause juste et suffi- sante au sens de l'article 32 de la loi.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES ACCUEILLE l'appel; INFIRME la décision du bureau de révision; DÉCLARE que, le 9 juin 1986, madame France Dumoulin avait droit de réintégrer prioritairement l'emploi qu'elle aurait occupé normalement si elle n'avait pas été victime d'une lésion professionnelle; 03272-64-8705 29/ ORDONNE à l'employeur de verser à la travailleuse l'équivalent du salaire et des avantages dont elle a été privée correspondant à 18 jours de travail.

Laurent McCutcheon Commissaire C.S.N.

a/s Me Pierre Laliberté 160l, rue Delorimier Montréal, Québec H2K 4M5 Représentant de la partie appelante Monette, Barakett, Lévesque, Bourque & Pedneault a/s Me Lise-Anne Desjardins Place du Canada Suite 2100 Montréal, Québec H3B 2R8 Représentante de la partie intéressée

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.