Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Taxi Van Granby et Commission de la santé et de la sécurité du travail

2015 QCCLP 5222

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

29 septembre 2015

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

567737-62B-1503

 

Dossier CSST :

88582888

 

Commissaire :

Michel Watkins, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Taxi Van Granby

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 12 mars 2015, l’entreprise Taxi Van Granby dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 9 février 2015 lors d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme une première décision de la CSST rendue le 27 octobre 2014 et déclare que la CSST était justifiée de cotiser l’entreprise Taxi Van Granby pour les années 2011 à 2013[1].

[3]           Par cette même décision, la CSST confirme une seconde décision, rendue le 10 octobre 2014[2], et déclare que les chauffeurs de taxi qui offrent leurs services à Taxi Van Granby sont des travailleurs à l’emploi de cette entreprise et, en conséquence, déclare que les salaires versés à ces derniers doivent être ajoutés à la masse salariale de cette entreprise que la CSST considère être un « employeur ».

[4]           Toujours par cette même décision du 9 février 2015, la CSST confirme les décisions de classification rendues le 19 octobre 2014 et le 24 octobre 2014 et déclare que l’employeur Taxi Van Granby doit être classé, pour les années 2011 à 2015 inclusivement, dans l’unité 55040.

[5]           L’audience s’est tenue à Saint-Hyacinthe le 8 juin 2015 en présence des parties, représentées par un procureur.

[6]           Au terme de l’audience, le tribunal a requis du procureur de la CSST qu’il produise un document auquel il a été fait référence lors de l’audience et qui ne se retrouvait pas au dossier. Le tribunal a reçu ledit document le 15 juin 2015. Le dossier est mis en délibéré le même jour.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[7]           D’une part, Taxi Van Granby demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que les chauffeurs de taxi qui offrent leurs services à son entreprise ne sont pas des « travailleurs » à son emploi, mais bien des travailleurs autonomes au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi) et, en conséquence, qu’il n’est pas leur « employeur » au sens de la loi.

[8]           D’autre part, il soutient qu’il n’a donc pas à être « cotisé » par la CSST pour ces personnes et que n’étant pas un « employeur », il n’a pas à être classifié comme tel par la CSST.

[9]           Subsidiairement, l’entreprise Taxi Van Granby soutient que si le tribunal devait conclure qu’il est un « employeur » au sens de la loi à l’égard des chauffeurs de taxi qui offrent leurs services à son entreprise, la cotisation telle qu’établie par la CSST, basée sur des données de masses salariales fixées arbitrairement, doit être revue.

 

ADMISSION DES PROCUREURS ET DEMANDE CONJOINTE DES PROCUREURS

[10]        Au terme du contre-interrogatoire de monsieur Gosselin, le procureur de la CSST a indiqué au tribunal qu’il reconnaissait que Taxi Van Granby n’était pas un « employeur » avant la mi-juillet 2012, date à laquelle il y a eu achat de nouveaux véhicules et de permis de taxi et alors qu’il y a eu arrivée de trois chauffeurs ayant offert leurs services à l’entreprise.

[11]        Le procureur de la CSST situe donc à cette date le début de la problématique faisant l’objet des décisions rendues par la CSST et souligne qu’elle devra dans tous les cas procéder à un ajustement des cotisations réclamées à Taxi Van Granby, advenant que le tribunal en arrive à la conclusion que les chauffeurs de taxi ayant œuvré pour cette entreprise à compter de juillet 2012 doivent être considérés des travailleurs de cette entreprise, notamment à la lumière de la preuve soumise relativement à la question des « masses salariales » de l’entreprise au fil des années 2011 à 2014 et en tenant compte du témoignage de monsieur Gosselin et des revenus déclarés à l’impôt par celui-ci (pièces E-1 produites)[4].

[12]        Aussi, à ce sujet, les procureurs des parties ont demandé au tribunal de rendre une décision portant uniquement sur le statut des chauffeurs ayant offert leurs services à Taxi Van Granby et sur celui « d’employeur » de cette entreprise et de « réserver sa compétence » quant à la question de la masse salariale ayant servi à fixer la cotisation réclamée à Taxi Van Granby par l’avis de cotisation du 27 octobre 2014, et quant au montant de la cotisation en découlant. Le tribunal a indiqué aux procureurs qu’il acquiesçait à cette demande conjointe.

[13]        Enfin, quant à la question de la classification attribuée par la CSST à l’entreprise Taxi Van Granby, la procureure de cette entreprise convient qu’il n’y a pas véritablement de litige à ce sujet, sous réserve bien sûr de déclarer que son client n’était pas l’« employeur » de travailleurs pour toute la période visée, auquel cas, n’ayant pas à s’inscrire à ce titre à la CSST, aucune classification ne devient nécessaire.

LES FAITS

[14]        De l’analyse du dossier, des documents produits et du témoignage de monsieur Guy Gosselin, la Commission des lésions professionnelles retient les éléments pertinents suivants.

[15]        Le 11 juin 2014, monsieur Guy Gosselin, propriétaire de l’entreprise Taxi Van Granby, téléphone à la CSST. Tel qu’il appert de la note du même jour de l’agente Lyne Berthiaume de la CSST, monsieur Gosselin désirait « savoir s’il doit inscrire ses chauffeurs de taxi, qui sont des travailleurs autonomes, comme travailleurs pour son entreprise et par le fait même, s’il doit être inscrit à la CSST comme employeur ».

[16]        Tel qu’il appert du dossier, la CSST entreprend alors de procéder à des vérifications relatives au statut de l’entreprise Taxi Van Granby et accède au Registraire des entreprises du Québec, démarche qui révèle que l’entreprise Taxi Van Granby a été immatriculée audit registre le 6 septembre 2011 au titre d’une entreprise individuelle. Il est de plus précisé au registre en question qu’elle a pour activité le « taxi », sans aucun « salarié » déclaré.

[17]        Le 16 juin 2014, madame Nathalie Tellier, agente de financement à la CSST, entreprend de remplir un document de travail intitulé « Démarche de détermination d’un statut d’une personne physique à des fins de cotisation ». Tel qu’il appert du document en question, la mention « à finaliser » y apparaît, et l’on peut constater dudit document, lorsque comparé à celui rempli le 10 novembre 2014 par l’agente Sylvie Brière, que certaines informations étaient en effet manquantes.

[18]        Néanmoins, le 1er octobre 2014, la CSST fait parvenir à monsieur Guy Gosselin une lettre ayant pour objet « l’obligation de vous inscrire à la CSST » :

Objet : Obligation de vous inscrire à la CSST

 

Monsieur,

 

Des recherches effectuées dans nos dossiers nous ont permis de constater que vous n’êtes pas inscrit à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). Comme la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles s’applique à tout employeur, vous devez vous inscrire à la CSST à titre d’employeur et payer une prime pour chacune des années au cours desquelles vous avez employé un ou des travailleurs.

 

Nous vous demandons de remplir le formulaire ci-joint. Ces renseignements servent au calcul de la prime que vous êtes dans l’obligation d’acquitter. Sur réception du formulaire dûment rempli, nous analyserons votre dossier et nous vous ferons connaître par la suite l’unité ou les unités de classification qui vous sont attribuées, ainsi que le ou les taux de prime correspondants. Vous recevrez alors un Avis de cotisation. Si vous avez besoin d’aide pour remplir le formulaire, n’hésitez pas à communiquer avec nous ou à consulter le www.csst.qc.ca.

 

Si vous ne nous faites pas parvenir l’information dans les 15 jours suivant la réception de cette lettre, nous procéderons à la classification de vos activités selon les renseignements que nous possédons. S’il y a lieu, nous évaluerons vos salaires assurables et nous établirons votre prime en conséquence.

 

Nous vous signalons qu’un employeur qui omet de s’inscrire à la CSST et de nous fournir les renseignements nécessaires à la suite de l’embauche de son premier travailleur, est tenu d’acquitter les primes ainsi que les frais, les pénalités et les intérêts exigibles depuis le début de ses activités. Vous comprendrez par conséquent qu’il est dans votre intérêt d’accorder à cette lettre une attention immédiate.

 

 

[19]        Dans une note apparaissant au dossier, il est rapporté en date du 16 octobre 2014 que : « L’employeur n’a pas répondu à nos demandes de renseignements. Cotisation arbitraire rétroactivement à la date d’immatriculation au REQ, c’est-à-dire au 2011-09-06 pour 5 travailleurs au MAA »[5].

[20]        Puis, le 19 octobre 2014, la CSST rend une série de décisions par lesquelles elle informe monsieur Gosselin de Taxi Van Granby que son entreprise a été classifiée pour l’année 2011 dans l’unité de classification 55040 (Transport routier de passagers), à un taux de 3,49 $ par tranche de 100 $ de masse salariale assurable, dans cette même unité de classification pour l’année 2012 à un taux de 3,420 $ par tranche de 100 $ de masse salariale assurable, de nouveau pour l’année 2013, à un taux de 3,61 $ par tranche de 100 $ de masse salariale assurable et, enfin, pour l’année 2014, cette fois à un taux de 3,73 $ par tranche de 100 $ de masse salariale assurable.

[21]         Puis, le 24 octobre 2014, la CSST rend une autre décision classifiant l’entreprise dans cette même unité de classification 55040, cette fois pour l’année 2015, à un taux de 3,22 $ par tranche de 100 $ de masse salariale assurable.

[22]        Le 27 octobre 2014, la CSST fait parvenir un avis de cotisation à Taxi Van Granby lui réclamant la somme de 40 103,54 $ pour les années de cotisation 2011 à 2014, cotisation se ventilant ainsi :

Année 2014

Frais attribuables à l’ensemble des dossiers

 

Frais de gestion du dossier d’assurance                                                                   65,00 $

 

Total de l’année 2014                                                                                              65,00 $

 

 

Année 2013

Cotisation

 

Unité: 55040  Dossier: 40468216 (Taxi Van Granby)

Cotisation (salaires versés arbitrairement)  (337 500 $/100) x 3,613 $             12 193,88 $

 

Versements périodiques déclarés

Versements (Voir Annexe - Versements périodiques)                                               0,00 $

 

Frais de gestion du dossier d’assurance                               65,00 $

Pénalité pour versements insuffisants

(Voir Annexe- Versements périodiques)                             1827,56 $                 1 892,56 $

 

Total de l’année 2013                                                                                       14 086,44 $

 

 

 

Année 2012

Cotisation

 

Unité: 55040  Dossier: 40468216 (Taxi Van Granby)

Cotisation (salaires versés arbitrairement)  (330 000 $/100) x 3,420 $      11 286,00 $

 

Versements périodiques déclarés

 

Versements (Voir Annexe - Versements périodiques)                                         0,00 $                                  

 

Frais attribuables à l’ensemble des dossiers

 

Frais de gestion du dossier d’assurance                           65,00 $

 

Pénalité pour versements insuffisants

(Voir Annexe - Versements périodiques)                       1692,90 $              1 757,90 $

 

Total de l’année 2012                                                                               13 043,90 $

 

 

Année 2011

Cotisation

 

Unité: 55040  Dossier: 40468216 (Taxi Van Granby)

Cotisation (salaires versés arbitrairement)  (320 000 $/100) x 3,49 $       11 168,00 $

 

Versements périodiques déclarés

 

Versements (Voir Annexe - Versements périodiques)                                         0,00 $ 

 

Frais attribuables à l’ensemble des dossiers

 

Frais de gestion du dossier d’assurance                           65,00 $

Pénalité pour versements insuffisants

(Voir Annexe - Versements périodiques)                       1675,20 $              1 740,20 $

 

Total de l’année 2011                                                                               12 908,20 $

 

             Total de l’avis                                                                                           40 103, 54 $

 

 

[23]        Le 10 novembre 2014, l’agente Brière de la CSST remplit le document « Démarche de détermination d’un statut d’une personne physique à des fins de cotisation ». On retrouve au dossier l’entièreté dudit questionnaire. Visiblement, il s’agit d’un document de travail élaboré par la CSST à l’usage de ses agents, suggérant un processus de questionnement permettant d’en arriver à la détermination du statut d’une personne, en tenant compte des définitions de « travailleur » et de « travailleur autonome » retrouvées à l’article 2 de la loi. On y explique également en quoi un travailleur autonome peut être « considéré un travailleur à l’emploi d’un employeur » par le biais de l’article 9 de la loi.

[24]        Le tribunal croit utile de rapporter le contenu du questionnaire tel que rempli le 10 novembre 2014. On y lit :

Q. 1 Quel genre de travail effectue la personne physique et qui la paie pour ce travail?

 

Chauffeur de taxi (entre 4 et 6 chauffeurs)

(M. Guy Gosselin a 6 taxis et 6 permis de taxi)

 

Étape 1: Présomption rapide d’un statut de travailleur

 

 

Q. 2 La personne physique qui fait l’objet de l’évaluation du statut est-elle membre d’un syndicat accrédité en vertu du Code du travail ou reçoit-elle un Relevé 1 avec un montant inscrit dans la case A?

 

                   Oui [   ]      Non  [X]

 

Renseignements additionnels : ______________________________________________

 

 

Si oui, nous présumons être en présence d’un contrat de travail. Le signataire de la convention collective ou la personne qui émet le Relevé 1 est présumé être son employeur Nous pouvons arrêter ici la démarche.

 

Si non, passez à l’étape 2.

 

 

Étape 2: Présomption rapide d’un statut de travailleur autonome

 

Q. 3 L’une ou l’autre des situations suivantes s’applique-t-elle à la personne physique?

 

La personne physique vend un bien qui lui appartient

 

Oui [   ]    Non [ x ]

 

La personne physique est payée directement par un particulier sans qu’une

entreprise ne retienne une partie du revenu de la vente.

 

Oui [   ]    Non [ x ]

 

Si oui, nous pouvons présumer que la personne physique possède les caractéristiques d’un travailleur autonome (présence d’une clientèle, contrôle des conditions et de l’exécution de son travail, possibilité de profit ou de perte). Il n’est pas nécessaire de vérifier les conditions d’application de l’article 9 de la LATMP, car cet article s’adresse uniquement aux travailleurs qui exercent leurs activités au profit d’une entreprise. Les travailleurs autonomes qui vendent uniquement des biens qui leur appartiennent ou ceux qui vendent leurs services à des particuliers sans ingérence d’une entreprise travaillent uniquement pour leur propre compte. Cependant, si ces travailleurs autonomes embauchent au moins un travailleur, ils ont l’obligation de s’enregistrer à la CSST à titre d’employeur. Nous pouvons arrêter ici la démarche.

 

Renseignements additionnels :  Le client paie le chauffeur de taxi et ce dernier

remet 60% de la course à M. Guy Gosselin____________________________

 

Si non, passez à l’étape 3.

 

 

Étape 3: Détermination d’un statut de travailleur ou de travailleur autonome par rapport à l’entreprise ou aux entreprises concernées (à l’aide des principaux critères utilisés par la jurisprudence)

 

À cette étape, il faut examiner le statut de la personne physique par rapport à chaque entreprise concernée. Il faut poser les questions additionnelles (Q. 4 à Q. 14), se servir des renseignements obtenus pour remplir la grille d’analyse des pages 6 et 7 et, le cas échéant, réaliser les étapes 4 et 5.

 

Q. 4 Quelle est la raison d’être de l’entreprise qui fournit le travail à la personne  physique (type de biens ou de services produits)?

 

Exploitation de 6 taxis._____________________________________________

_______________________________________________________________

 

 

Q.5 Quelle est la forme de rémunération de la personne physique?

 

            Salaire      [   ]          Commission  [   ]            Facturation  [  ]

             Forfaitaire [   ]          À la pièce      [   ]

 

            Rémunération prévue (si disponible):

 

Renseignements additionnels: Le chauffeur remet 60% de la course à M. Guy Gosselin et le chauffeur se garde 40%.

 

 

Q. 6 Comment la personne physique a-t-elle obtenu ce travail?

 

            Offre d’emploi écrite ou verbale (CV et/ou entrevue, concours, examens, etc. [X]

            Appel d’offres écrit ou verbal (soumission, etc)                                                 [   ]

 

            Renseignements additionnels: Annonce dans le journal_____________________

            _________________________________________________________________

 

 

Q. 7 L’entreprise exige-t-elle la présence au travail de la personne physique à des heures précises ou un nombre minimum d’heures de travail pendant une période donnée?

 

            Oui  [X]      Non [   ]

 

            Renseignements additionnels : L’employeur doit combler les plages horaires pour

             qu’il y ait des chauffeurs jour et nuit.____________________________________

 

 

Q. 8 La personne physique a-t-elle des avantages sociaux payés par l’entreprise  (vacances, assurances, congés de maladie, etc.)?

 

            Oui  [   ]     Non  [X]

 

            Renseignements additionnels: ________________________________________

             ________________________________________________________________

 

Q. 9 La personne physique a-t-elle toute la latitude pour faire exécuter le travail par une autre personne (aucune intervention de l’entreprise)?

 

            Oui  [   ]    Non [X]

 

             Renseignements additionnels: Ils peuvent échanger leur horaire de travail entre

             eux (les chauffeurs de M. Gosselin). Mais ne peuvent prendre une autre______

             personne sans que des vérifications soient faites par M. Gosselin.___________

 

 

Q. 10 Quels sont les outils et l’équipement nécessaires à l’exécution du travail et qui les fournit?

 

                     Outils et équipements                                Outils et Équipements

                     fournis par l’entreprise                           fournis par la personne physique

 

             6 taxis, 6 permis, plaque, assurance,                                           

             Essence, réparation

 

 

Q. 11 La personne physique a-t-elle souscrit une assurance responsabilité pour couvrir les dommages qui peuvent être causés dans le cadre de l’exécution du travail ?

 

            Oui [   ]     Non [X]

 

Renseignements additionnels: ________________________________________

             ________________________________________________________________

 

Q. 12 La personne physique loue-t-elle ou possède-t-elle un lieu d’affaires qui a pignon sur rue?

 

            Oui [   ]     Non [X]

 

Renseignements additionnels: ________________________________________

             ________________________________________________________________

 

 

Q. 13 Pour effectuer ce travail, l’entreprise prévoit-elle utiliser ou a-t-elle utilisé les services de la personne physique pour une durée inférieure à 60 jours (correspondant à 420 heures) ouvrables pendant l’année civile ?

 

            Oui  [   ]    Non  [   ]

 

            Renseignements additionnels: Ne sait pas… il y a des chauffeurs qui quittent___

            après 2 mois…____________________________________________________

 

Q. 14 La personne physique embauche-t-elle actuellement une ou plusieurs  personnes pour la remplacer ou l’aider dans l’exécution de son travail ?

 

            Oui  [   ]    Non  [X]

 

            Renseignements additionnels: ________________________________________

             ________________________________________________________________ [sic]

 

[25]        Par la suite, l’étape 3 du questionnaire présente à l’agent une sorte de grille d’analyse lui permettant, à partir des renseignements recueillis aux étapes précédentes, d’identifier le statut de la personne visée au questionnaire. On y lit les questions et les réponses suivantes:

 

 

[26]        Enfin, après que l’agent a rempli le choix des cinq critères ci-dessus, on lui propose l’analyse suivante :

Conclusion relative au statut de travailleur ou de travailleur autonome par rapport à l’entreprise

 

> Lorsque vous avez coché une majorité d’énoncés dans la colonne de gauche, nous pouvons présumer que la personne physique a un statut de travailleur.

 

> Lorsque vous avez coché une majorité d’énoncés dans la colonne de droite, nous pouvons présumer que la personne physique a un statut de travailleur autonome.

 

Si la conclusion est :

 

                 Travailleur                                        Travailleur autonome

         L’entreprise doit cotiser                               Passer à l’étape 4

 

          Arrêt de la démarche

 

 

[27]        Or, tel qu’il appert de la conclusion du questionnaire, l’agente de la CSST a visiblement conclu que les chauffeurs de taxi qui offrent leurs services à Taxi Van Granby sont des « travailleurs » puisqu’elle a encerclé sur le formulaire la conclusion en ce sens et qu’elle n’est pas passée aux étapes 4 et 5 prévues par le formulaire.

[28]        De plus, toujours le 10 novembre 2014, la CSST rend la décision suivante :

Objet : Décision relative à la déclaration de la rémunération versée à Chauffeurs de taxi

 

Monsieur,

 

Sur la base des informations disponibles le 10 novembre 2014, nous avons analysé le statut de Chauffeurs de taxi et avons conclu que la rémunération qui leur est versée depuis le 6 septembre 2011 doit être prise en compte dans le calcul de votre prochain versement périodique et des versements périodiques subséquents. Cette rémunération devra aussi être incluse dans votre prochaine déclaration des salaires.

 

De plus, pour les années 2011, 2012, 2013, vous devez nous faire connaître la rémunération versée à ces personnes, car elle aurait dû être prise en compte dans le calcul de la cotisation pour cette année ou chacune de ces années.

 

En effet, nous concluons que Chauffeurs de taxi ont le statut de travailleur dans votre entreprise.

 

Nous vous invitons à communiquer avec nous si vous avez besoin de renseignements supplémentaires à ce sujet ou pour toute autre question. Vous pouvez également demander la révision de cette décision par écrit dans les 30 jours suivant la réception de la présente lettre. Un formulaire Demande de révision est disponible au www.csst.qc.ca. [sic]

 

[…]

 

 

[29]        Le 14 novembre 2014, Taxi Van Granby conteste les décisions rendues par la CSST le 19 et le 24 octobre 2014 quant à sa classification, celle du 27 octobre quant à la cotisation réclamée et celle du 10 novembre 2014 quant au statut des chauffeurs de taxi qui offrent leurs services. Le tribunal croit utile de reproduire la demande de révision alors produite par la procureure de Taxi Van Granby puisqu’on y résume bien la position de l’employeur face à la situation :

Madame, Monsieur,

 

Nous représentons les intérêts de Monsieur Guy Gosselin lequel nous a mandatés afin de vous envoyer la présente demande de révision.

 

Notre client a reçu une lettre intitulée «obligation de vous inscrire à la CSST » datée du 1er  octobre 2014. Il appert de ladite lettre que, suite à des recherches effectuées par Madame Nathalie Tellier, vérificatrice, cette dernière a rendu une décision selon laquelle notre client est considéré comme un employeur en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

À la suite de cette décision, notre client a reçu le ou vers le 19 octobre 2014 différentes décisions de classification pour les années 2011 à 2015 établissant que l’unité de classification de notre client est celle de transport routier de passagers. Conséquemment, notre client a reçu des avis de cotisation datés du 24 octobre 2014 pour les années 2011 à 2015.

 

L’état de compte totalise un montant de 40 103, 54$.

 

Nous avons le mandat de demander expressément la révision des décisions suivantes

• le statut de travailleur ;

• les avis de cotisation pour les années 2011 à 2015 ;

• les décisions de classifications pour les années 2011 à 2015 ;

 

Effectivement, contrairement à ce qui est invoqué dans la décision de Madame Tellier, Monsieur Gosselin n’est pas un employeur au sens de la Loi et n’a aucun employé au sens de cette même Loi.

 

Les chauffeurs qui offrent des services de transport avec notre client ne sont pas des travailleurs à son emploi. Aucun contrat de travail ne lie ces derniers. À cet égard, les chauffeurs sont autonomes et agissent pour leur propre compte, choisissant leur horaire et leurs clients. En plus, les revenus sont perçus et chargés par les chauffeurs et non par notre client. Ainsi, ils assument complètement les risques de pertes et de gains afférents à l’exercice de leur fonction.

 

Les services de notre client se limitent à la location des permis ainsi que des véhicules en contrepartie d’un loyer. Celui-ci fournit également l’essence et l’entretien pour lesdits véhicules.

 

Néanmoins, si vous en venez à la conclusion que les chauffeurs sont des travailleurs autonomes assujettis à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ce qui est nié, nous vous soumettons que ceux-ci rencontrent les exceptions prévues aux articles 9 (1) b) et 9 (2) de cette même Loi.

 

Qui plus est, soyez avisés que nous contestons également le montant des avis de cotisation pour les années 2011 à 2015, les montants desdits avis étant grossièrement exagérés et mal fondés.

 

Nous avons déjà transmis, par le formulaire en ligne, des demandes de révision concernant le statut de travailleur, les décisions de classification pour les années 2011 à 2015 et les avis de Cotisation pour les années 2011 à 2015.

 

Bien sûr, tel que le prévoit la Loi, nous comprenons que le bureau de révision prévoira obtenir les observations de notre client avant de rendre toute décision.

 

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

 

 

[30]        Le 9 février 2015, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme sa décision du 10 novembre 2014 ayant déterminé que les chauffeurs de taxi offrant leurs services à Taxi Van Granby sont des travailleurs à l’emploi de l’employeur et que les salaires versés à ces derniers doivent être ajoutés à la masse salariale de l’employeur. Elle confirme de même sa décision du 27 octobre quant à la cotisation réclamée à l’employeur[6] ainsi que ses décisions de classification du 19 et du 24 octobre 2014, ayant classifié l’employeur dans l’unité 55040 pour les années 2011 à 2015 inclusivement, d’où le présent litige.

[31]        Monsieur Guy Gosselin a longuement témoigné lors de l’audience. De ce témoignage, le tribunal retient les éléments pertinents suivants.

[32]        Monsieur Gosselin explique tout d’abord qu’il œuvre comme chauffeur de taxi depuis plus de 20 ans.

[33]        Il indique qu’en 2011, il possédait un véhicule qu’il a opéré seul, durant toute l’année, au titre d’un travail de taxi. Monsieur Gosselin ajoute qu’en 2011, il possédait pour ce faire un permis de taxi et qu’il s’est inscrit au Registraire des entreprises du Québec sous le nom de Taxi Van Granby.

[34]        Monsieur Gosselin précise que ses activités sont demeurées les mêmes et de même nature jusqu’en juillet 2012.

[35]        Il ajoute que le 6 juillet 2012, il a acheté quatre véhicules d’un autre propriétaire de taxis, soit de Taxi Granby, ainsi que quatre permis de taxi pour opérer ces véhicules à ce titre. Contre-interrogé à ce propos, monsieur Gosselin précise que la valeur d’un permis de taxi, incluant l’auto, pouvait s’élever à 40 000 $ ou 50 000 $ et qu’il a financé lesdits achats en prenant conjointement avec son épouse une hypothèque sur leur résidence.

[36]        Monsieur Gosselin précise qu’à cette période, il a fait affaire avec 3 chauffeurs de taxi, précisant que ceux-ci n’étaient pas les propriétaires des véhicules achetés. Il indique que ces trois personnes « ont été transférées », celles-ci lui offrant leurs services.

[37]        Monsieur Gosselin indique que pour pouvoir conduire un taxi, la personne doit posséder un permis de conduire de classe 4C (chauffeur de taxi), avoir suivi un cours relatif au transport adapté de personnes et ne pas posséder d’antécédents judiciaires. Monsieur Gosselin ajoute s’être assuré que les trois personnes « transférées » en juillet 2012 répondaient à chacun de ces critères.

[38]        Puis, en 2013, monsieur Gosselin explique que deux autres chauffeurs de taxi « proprios indépendants » se sont joints à Taxi Van Granby. Il ajoute qu’il connaissait ces deux personnes pour avoir travaillé avec elles dans le passé. Monsieur Gosselin précise que ces deux personnes étaient propriétaires de leur véhicule respectif ainsi que de leur permis de taxi.

[39]        Quant aux trois premiers chauffeurs de taxi qui offraient toujours leurs services à Taxi Van Granby en 2013, ceux-ci conduisaient les taxis appartenant à Taxi Van Granby. Monsieur Gosselin ajoute que pour ces autres conducteurs, un contrat type, fourni par l’association professionnelle des chauffeurs de taxi, était signé, et ce, afin de pouvoir être fourni à un policier en cas d’interception au volant.

[40]        Ainsi, en 2013, monsieur Gosselin indique que deux chauffeurs propriétaires ont conduit leurs propres taxis pour Taxi Van Granby et trois autres, ceux qui s’étaient joints à l’entreprise en 2012, ont conduit l’un ou l’autre des 4 véhicules qui appartenaient alors à Taxi Van Granby.

[41]        À ce sujet, monsieur Gosselin précise qu’en 2013, la flotte de son entreprise comportait en effet 4 véhicules, le 4e véhicule demeurant en « disponibilité ». Il précise par ailleurs que lui-même, ou son épouse, conduisait également les véhicules taxis de l’entreprise.

[42]        Monsieur Gosselin ajoute que la situation est demeurée la même durant l’année 2014, soit l’utilisation de 4 véhicules de l’entreprise, opérés par la même équipe de chauffeurs.

[43]        En juin 2015, monsieur Gosselin indique avoir ajouté à la flotte un 5e véhicule, un véhicule « adapté », et obtenu un permis pour du transport « adapté ». Ces véhicules sont conduits par lui et sa conjointe, par 5 ou 6 chauffeurs qui offrent leurs services à l’entreprise. De plus, les deux chauffeurs propriétaires de leur véhicule qui ont commencé à offrir leurs services à l’entreprise en 2013 ont continué à le faire en 2015.

[44]        Sur cette question, le contre-interrogatoire de monsieur Gosselin a permis de préciser qu’en fait, on retrouve plutôt 6 véhicules dans la flotte de l’entreprise : un « Toyota », quatre véhicules de modèle « Vans » et un sixième véhicule acheté en 2014-2015, ainsi que 6 permis de taxi. Par ailleurs, deux autres véhicules taxis, appartenant à des chauffeurs qui offrent leurs services à l’entreprise, sont aussi utilisés par ces deux chauffeurs.

[45]        Monsieur Gosselin explique ensuite comment il procède pour « trouver des chauffeurs de taxi » aux fins de son entreprise. De façon générale, monsieur Gosselin procède par le biais d’une petite annonce placée dans le journal local. De mémoire, il rapporte qu’une telle annonce indique à peu près ceci :

Cherche chauffeur de taxi, ayant « pocket number » et ayant suivi le cours pour le transport adapté, pour horaire variable.

 

 

[46]        Monsieur Gosselin précise avoir publié ce type d’annonce dans un journal une douzaine de fois, sans résultat cependant. Il ajoute qu’il a plutôt trouvé ses chauffeurs par le biais du bouche à oreille.

[47]        Par ailleurs, monsieur Gosselin indique ceci en ce qui a trait à la rémunération des chauffeurs de Taxi Van Granby :

 

- Taxi Van Granby fournit le véhicule ainsi que le permis de taxi;

 

- Un tarif « de location » au prorata de l’utilisation du véhicule est fixé, soit que le chauffeur conserve 40 % de ce que lui paye le client et remet à Taxi Van Granby les 60 % restants.

 

[48]        Monsieur Gosselin précise que pour contrôler les revenus déclarés par les chauffeurs, il utilise le compteur du taxi qui permet de déterminer le montant total des courses effectuées quotidiennement, mais ajoute qu’il n’a d’autre choix que de se fier à la bonne foi des chauffeurs qui pourraient effectuer des courses sans mettre le compteur en fonction.

[49]        Il explique qu’à la fin d’une journée de travail, le chauffeur de taxi se présente au local de Taxi Van Granby et, à l’aide du compteur de courses, il est déterminé le montant d’argent reçu des clients par le chauffeur. De ce montant, le chauffeur remet 60 % des sommes reçues à Taxi Van Granby. Aucune déduction, taxe ou retenue fiscale n’est faite par Taxi Van Granby à l’égard des sommes gardées par le chauffeur.

[50]        Quant à l’horaire de travail des chauffeurs de taxi, monsieur Gosselin explique que son entreprise fonctionne 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Il doit donc s’assurer de la disponibilité de chauffeurs en tout temps, mais précise qu’un chauffeur qui offre de la disponibilité n’a pas d’horaire fixe à la base. Contre-interrogé à ce propos, monsieur Gosselin explique que lorsqu’il rencontre un chauffeur qui désire lui offrir ses services, il lui indique que telle ou telle autre plage horaire reste à combler, par exemple le mardi et le jeudi, et le chauffeur accepte ou non cette plage horaire.

[51]        Monsieur Gosselin indique que les chauffeurs qui offrent leurs services à Taxi Van Granby le font en moyenne sur une base de 2 à 4 jours par semaine, incluant le samedi et le dimanche. Ils travaillent alors en moyenne de 8 à 10 heures par jour.

[52]        De façon pratique, le chauffeur qui s’est déclaré disponible pour une journée donnée se présente à la place d’affaires de Taxi Van Granby pour y prendre la clé de l’un ou l’autre des véhicules taxis disponibles. Monsieur Gosselin, qui agit comme répartiteur des appels, note alors la présence du chauffeur.

[53]        Lorsque contre-interrogé à ce sujet, monsieur Gosselin précise que les chauffeurs ne sont pas associés à un véhicule en particulier et qu’ils peuvent conduire tous les véhicules de la flotte. Ils peuvent aussi changer de véhicule lors d’une même journée de travail. Pour cette raison, une copie du « contrat type » passé avec les chauffeurs se retrouve dans chacun des véhicules.

[54]        Pour une journée donnée, s’il manque de chauffeurs en disponibilité, monsieur Gosselin puise « dans un fonds de réserve » de chauffeurs, une banque de noms de chauffeurs qu’il connaît, mais qui travaillent peu.

[55]        Par ailleurs, monsieur Gosselin précise que les chauffeurs qui offrent leurs services à Taxi Van Granby peuvent échanger entre eux leur horaire et se remplacer mutuellement. Toutefois, ils ne peuvent se faire remplacer par un autre chauffeur qui n’aurait pas au préalable été approuvé par Taxi Van Granby.

[56]        De plus, monsieur Gosselin ajoute que les chauffeurs de taxi de Taxi Van Granby, à sa connaissance, n’offrent pas leurs services aux deux autres compagnies de taxi qui desservent la région de Granby.

[57]        Quant aux véhicules de la flotte appartenant à Taxi Van Granby et utilisés par les chauffeurs, c’est l’entreprise qui paie pour l’essence utilisée et qui en assume l’entretien mécanique requis.

[58]        Monsieur Gosselin indique, lorsque contre-interrogé à ce propos, que chaque chauffeur doit lui rapporter toute défectuosité mécanique notée. En ce qui a trait à la « propreté » des véhicules utilisés, monsieur Gosselin précise que c’est le chauffeur qui en est responsable et qu’à l’occasion, il va faire une vérification surprise (« spot check »). Si un chauffeur décide de passer par le lave-auto et le réclame, Taxi Van Granby lui rembourse des frais encourus.

[59]        De plus, Taxi Van Granby paie les frais d’immatriculation du véhicule ainsi que les primes d’assurance afférentes. En cas de dommage causé à un véhicule nécessitant réparation, monsieur Gosselin explique que Taxi Van Granby procède à une réclamation auprès de l’assureur, mais que par la suite, l’entreprise réclame au chauffeur responsable les sommes déboursées, le cas échéant.

[60]        Monsieur Gosselin indique par ailleurs qu’il n’a pas fourni à la CSST en octobre 2014 les données demandées quant à la « masse salariale » de son entreprise. Il en est résulté une cotisation basée sur des données « fixées arbitrairement » par la CSST quant à cette masse salariale et monsieur Gosselin soutient que cette fixation arbitraire n’a aucun sens en regard des relevés 1 de revenu pour les années 2011 à 2014, relevés qu’il produit au dossier (pièce E-1, en liasse).

[61]        Interrogé par le tribunal en regard des informations notées en novembre 2014 par l’agente Brière au document « Démarche de détermination d’un statut d’une personne physique à des fins de cotisation », monsieur Gosselin apporte les nuances suivantes.

[62]        Quant à la question #6 portant sur le mode de recrutement des chauffeurs, monsieur Gosselin indique qu’il ne procède pas à un « concours », ne requiert pas de C.V. ni ne fait passer d’examen aux chauffeurs. Il rencontre le chauffeur en vue de procéder aux vérifications requises : permis classe 4C, « pocket number », formation suivie pour transport adapté et vérification d’antécédents au plumitif.

[63]        Quant à la question #7 portant sur « l’exigence de la présence au travail de la personne physique à des heures précises ou un nombre minimum d’heures de travail pendant une période donnée », monsieur Gosselin indique que si aucun chauffeur n’est disponible pour une journée de travail ou encore même au cours d’une journée de travail, lui-même, ou son épouse, fera le travail.

[64]        Quant à la question #9 qui traite de la « latitude pour un chauffeur de faire exécuter le travail par une autre personne », monsieur Gosselin reconnaît que les chauffeurs peuvent échanger entre eux leurs horaires de travail, mais qu’ils ne peuvent se faire remplacer par une personne de leur choix. Il ajoute que les chauffeurs peuvent se faire remplacer par une personne faisant partie de la « banque » de chauffeurs déjà approuvée par Taxi Van Granby.

[65]        Enfin, quant à la question #13, « La personne physique loue-t-elle ou possède - t-elle un lieu d’affaires qui a pignon sur rue? », monsieur Gosselin indique qu’il croit que les 2 chauffeurs « indépendants », ou « affiliés », qui ont offert leurs services à Taxi Van Granby en 2013 n’ont pas de place d’affaires ayant pignon sur rue. Enfin, monsieur Gosselin indique qu’il ignore si ces deux chauffeurs offrent également leurs services à d’autres entreprises de taxi.

[66]        Contre-interrogé par le procureur de la CSST à l’égard de ces deux « chauffeurs propriétaires » de leurs véhicules et de leurs permis de taxis, chauffeurs « affiliés » selon les termes de monsieur Gosselin, et qui offrent leurs services à Taxi Van Granby depuis 2013, celui-ci indique qu’ils fonctionnent de la même façon que les autres chauffeurs quant à leur offre de disponibilité pour le travail, mais qu’ils sont facturés cependant d’une autre façon.

[67]        À ce sujet, monsieur Gosselin explique que ces deux chauffeurs sont facturés selon un mode « loyer », c’est-à-dire qu’il leur demande un montant de 70 $ par semaine à titre de « frais administratifs » pour conduire leurs propres véhicules sur lesquels ils apposent le « dôme » de Taxi Van Granby. Par ailleurs, ces deux chauffeurs conservent à leur charge tous les frais relatifs à l’usage de leur véhicule : essence, immatriculation, assurance, etc., et ils gardent la totalité des sommes reçues des clients après une course.

[68]        Enfin, monsieur Gosselin indique que son épouse conduit également les taxis de l’entreprise et qu’elle peut également faire du « dispatch » selon les besoins. Il ajoute que son épouse lui remet les sommes perçues des clients à la suite des courses effectuées et précise qu’elle ne produit pas de déclaration de revenus personnelle, les sommes gagnées étant ajoutées à la déclaration d’impôt de monsieur Gosselin.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[69]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si les chauffeurs de taxi qui offrent leurs services à l’entreprise Taxi Van Granby sont des « travailleurs » à l’emploi de cette entreprise et, en conséquence, si celle-ci est leur « employeur » au sens de la loi.

[70]        Par ailleurs, le tribunal comprend de l’admission de la procureure de Taxi Van Granby (voir le paragraphe 13 de la présente décision) qu’il n’y a pas de litige quant à la détermination de la classification attribuée par la CSST à son client, dans la mesure, bien sûr, où le tribunal en arrive à la conclusion que Taxi Van Granby est un employeur au sens de la loi.

[71]        Enfin, à la suite de la demande conjointe présentée par les procureurs au dossier, le tribunal entend réserver sa compétence, quant à la partie de la décision de la CSST du 9 février 2015 rendue lors d’une révision administrative, en regard de la décision de la CSST du 27 octobre 2014 par laquelle une cotisation est réclamée à Taxi Van Granby, cette dernière décision étant notamment tributaire du statut « d’employeur » de Taxi Van Granby pour l’année 2011[7] et des données fournies relativement à la masse salariale de Taxi Van Granby, données qu’entend réexaminer le procureur de la CSST au dossier.

[72]        En l’espèce, la procureure de l’entreprise Taxi Van Granby soutient que monsieur Guy Gosselin, propriétaire de l’entreprise, lui-même chauffeur de taxi, est un travailleur autonome qui exploite son entreprise individuelle de taxi. Cette procureure soutient de plus que Taxi Van Granby fournit du travail à quelques chauffeurs de taxi, eux-mêmes des travailleurs autonomes qui offrent leurs services à Taxi Van Granby, que l’entreprise ne leur verse pas de salaire, mais que ces chauffeurs conservent à titre d’honoraires une partie des sommes reçues des clients et, en conséquence, que Taxi Van Granby n’est pas « l’employeur » de « travailleurs » au sens de la loi et qu’il ne doit pas être cotisé à ce titre par la CSST.

[73]         De son côté, le procureur de la CSST plaide que les chauffeurs de taxi qui offrent leurs services à Taxi Van Granby sont en fait des travailleurs de cette entreprise ou, encore, des travailleurs autonomes « considérés des travailleurs » de cette entreprise en vertu de l’article 9 de la loi. Il en va de même de monsieur Gosselin lui-même.

[74]        Les notions de travailleur et de travailleur autonome sont définies ainsi à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

 « travailleur » : une personne physique qui exécute un travail pour un employeur, moyennant rémunération, en vertu d'un contrat de travail ou d'apprentissage, à l'exclusion:

 

1° du domestique;

 

2° de la personne physique engagée par un particulier pour garder un enfant, un malade, une personne handicapée ou une personne âgée, et qui ne réside pas dans le logement de ce particulier;

 

3° de la personne qui pratique le sport qui constitue sa principale source de revenus;

 

4° du dirigeant d’une personne morale quel que soit le travail qu’il exécute pour cette personne morale;

 

5° de la personne physique lorsqu’elle agit à titre de ressource de type familial ou de ressource intermédiaire;

 

 

 

« travailleur autonome » : une personne physique qui fait affaires pour son propre compte, seule ou en société, et qui n'a pas de travailleur à son emploi.

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[75]        La distinction entre un « travailleur » et un « travailleur autonome » est parfois bien ténue dans le domaine des relations du travail d’aujourd’hui. Mais essentiellement, les définitions qu’on retrouve à la loi gravitent autour d’un concept fort simple : le « travailleur » est au service d’un employeur dans le cadre d’un « contrat de travail » alors que le « travailleur autonome », de son côté, fait affaires pour son propre compte et loue ses services à un tiers dans le cadre d’un « contrat de louage de service personnel », plus largement défini comme un contrat d’entreprise[8].

[76]        Dans l’affaire Chalet du Boisé Varennois inc. et CSST[9], le soussigné écrivait ceci:

[64]   Ces notions fondamentales que sont le contrat de travail et le contrat d’entreprise ne sont pas définies à la loi, mais sont prévues au Code civil du Québec4 aux articles 2085 et 2098. Dans les circonstances, il y a lieu de référer aux dispositions du Code civil, puisque comme le rappelle les dispositions préliminaires de ce Code :

 

« Le Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) régit, en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12) et les principes généraux du droit, les personnes, les rapports entre les personnes, ainsi que les biens.

 

Le Code est constitué d’un ensemble de règles qui, en toute matière auxquelles se rapporte la lettre, l’esprit ou l’objet de ses dispositions, établit, en termes exprès ou de façon implicite, le droit commun. En ces matières, il constitue le fondement des autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger. »

 

[65]   L’article 2085 définit le contrat de travail ainsi :

 

2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

(Les soulignements sont du tribunal)

 

1991, c. 64, a. 2085.

 

[66]    De son côté, le contrat d’entreprise (ou de service) est l’objet de deux articles :

 

2098. Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

(Les soulignements sont du tribunal)

1991, c. 64, a. 2098.

 

2099. L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

(Les soulignements sont du tribunal)

 

1991, c. 64, a. 2099.

 

[67]    Tel que le rapporte le juge Racine dans l’affaire Transport accessible du Québec et CSST5, affaire dans laquelle il fait une excellente analyse des notions de contrat de travail et de contrat d’entreprise :

 

« [20]    Selon Robert P. Gagnon4, l’article 2085 C.c.Q. identifie les éléments constitutifs essentiels du contrat de travail : le travail, la rémunération, la subordination.

 

[21]      Pour les auteurs Morin, Brière et Roux5, le contrat de travail résulte de la conjugaison des trois éléments précités qu’il faut retrouver puisque « sans la présence réelle de ces trois données, le rapport entre les parties ne saurait juridiquement être qualifié de contrat de travail, sauf si une règle de droit y pourvoit autrement. En pratique, cela signifierait que toute contestation au sujet de l’existence d’un tel contrat en vue de connaître la nature des obligations respectives des interlocuteurs porterait principalement sur ces trois mêmes éléments. »

 

[22]      Avant d’examiner ceux-ci en regard de la preuve présentée en l’instance, il importe de rappeler que, comme la jurisprudence l’a déterminé à de multiples reprises d’ailleurs, dans la détermination de l’existence d’un contrat de travail, le tribunal n’est évidemment pas lié par la qualification retenue par les parties dans leur relation contractuelle6. C’est ainsi que la qualification de la relation contractuelle s’effectue par une analyse des faits et que, par conséquent, l’existence d’un contrat de services entre le requérant et les chauffeurs concernés ne peut, à elle seule, exclure qu’ils soient par ailleurs liés par un contrat de travail si la preuve établit l’existence des éléments constitutifs de celui-ci.

 

[23]      Comme l’écrivent les auteurs Morin, Brière et Roux, « il paraît évident que le procédé de qualification juridique dépend de la situation de fait quels que soient par ailleurs les artifices de nature juridique ou autre que pourraient retenir les parties pour occulter cette réalité ou la vêtir d’une autre forme juridique »7.

 

[24]      Tel que mentionné précédemment, le tribunal doit s’interroger sur la présence d’une prestation de travail, du versement d’une rémunération en contrepartie de cette prestation et de l’existence d’un lien de subordination.

 

[25]      Étant donné que le contrat d’emploi est fréquemment distingué du contrat d’entreprise, il importe de souligner que la jurisprudence est aussi à l’effet qu’il y a lieu de considérer s’il y a des chances de profit et des risques de perte pour une personne et si elle est propriétaire des outils et du matériel, ce qui peut constituer des indices qu’il s’agit d’un entrepreneur8. De plus, le fait qu’une personne n’ait pas à exécuter elle-même la prestation de travail et qu’elle puisse se faire remplacer et même qu’elle embauche d’autres personnes pour exécuter le travail constitue une indication à l’encontre de la présence d’un contrat de travail et favorisant la conclusion de l’existence d’un contrat d’entreprise.

 

[26]      Enfin, bien que l’élément de subordination économique ait été considéré à quelques reprises par la jurisprudence9, il s’avère que, comme l’écrit décrit Robert P. Gagnon10, l’article 2085 C.c.Q. « n’autorise toutefois pas à fonder une qualification du contrat de travail sur un état de subordination économique. La subordination qu’il envisage demeure essentiellement juridique. Par contre, même dans ses formes les plus lâches ou les plus atténuées, cette subordination juridique devrait faire basculer une personne qui travaille dans le groupe des salariés ».

 

[27]      C’est ce qui fait en sorte que le lien de subordination juridique doit être considéré avec souplesse, en tenant compte de la nature des fonctions et du contexte où elles sont effectuées. C’est d’ailleurs ce qui ressort des propos de la Cour d’appel dans l’affaire Dicom Express inc.11 :

 

« [17]   La notion de subordination juridique contient l’idée d’une dépendance hiérarchique, ce qui inclut le pouvoir de donner des ordres et des directives, de contrôler l’exécution du travail et de sanctionner les manquements. La subordination ne sera pas la même et surtout ne s’exercera pas de la même façon selon le niveau hiérarchique de l’employé, l’étendue de ses compétences, la complexité et l’amplitude des tâches qui lui sont confiées, la nature du produit ou du service offert, le contexte dans lequel la fonction est exercée. L’examen de chaque situation reste individuel et l’analyse doit être faite dans une perspective globale. »

[Les soulignements sont du soussigné]

________________________________________________________________

                        4  Le droit du travail du Québec, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 66.

                                               5  Fernand MORIN, Jean-Yves BRIÈRE, Dominique ROUX, Le droit de l’emploi au Québec, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2006, p. 232.

                        6  Les Pétroles inc. c. Syndicat international des travailleurs des industries pétrolières, chimiques et atomiques, locaux 9-700, 9-701 (…), [1979] T.T. 209, 217; CSST Montérégie et Chrétien et Installation André Chrétien, [1999] C.L.P. 123; Orchestre Symphonique de Laval (1984) inc. et CSST, [2002] C.L.P. 632.

                Précité p. 263.

                        8  CSST et Chrétien, [1999] C.L.P. 123.

                        9  Les Pétroles inc. c. Syndicat international des travailleurs des industries pétrolières, chimiques et atomiques, locaux 9-700, 9-701 (…) précité note 5; Gaston Breton et Union des routiers, brasserie, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, local 1999, [1980] T.T. 471, p. 72.

                        10  Robert P. GAGNON et autres, Le droit du travail du Québec, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, 972 p.

                        11  Dicom Express inc. c. Paiement, 2009 QCCA 611.

(4) L.Q. 1991, c. 64.

(5) C.L.P. 375172-31-0904, 8 décembre 2009, M. Racine.

 

 

[77]        Qu’en est-il en l’espèce?

[78]        De l’avis du tribunal, et comme le plaide la procureure de Taxi Van Granby, le domaine du taxi comporte ses réalités propres, comme le laisse entendre la décision Taxi Van Médic et Nassif et CSST[10], citée par celle-ci. Notamment, il est tout à fait concevable que certains chauffeurs de taxi soient de véritables travailleurs autonomes au sens de la définition donnée à ce terme à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

[79]        Néanmoins, cette réalité propre du domaine du taxi n’est pas pour autant entièrement étrangère aux règles usuelles de la détermination d’un contrat de travail ou d’un contrat d’entreprise et, comme mentionné dans l’affaire Taxi Van Médic, précitée, « il est donc nécessaire d’examiner l’ensemble de la situation de chaque cas pour déterminer la relation entre le chauffeur et l’employeur », alors qu’on ne peut « généraliser leur lien d’emploi ».

[80]        De l’avis du soussigné, le présent cas en est un qui requiert justement que soit particularisé le statut de chacun des chauffeurs de taxi qui œuvrent au bénéfice de l’entreprise Taxi Van Granby, notamment en raison de l’évolution qu’a connue l’entreprise depuis 2011.

[81]        En l’espèce, la preuve disponible permet de constater que l’entreprise Taxi Van Granby est une entreprise enregistrée auprès du Registraire des entreprises du Québec comme une entreprise individuelle opérant dans le domaine du taxi depuis septembre 2011.

[82]        On y retrouve monsieur Guy Gosselin, chauffeur de taxi depuis plus de 20 ans, et sa conjointe qui, jusqu’en juillet 2012, opéraient cette entreprise individuelle de taxi à l’aide d’un véhicule pour lequel monsieur Gosselin détenait un permis de taxi.

[83]        Puis, en juillet 2012, monsieur Gosselin acquiert d’un concurrent quatre véhicules additionnels ainsi que quatre permis de taxi pour pouvoir les opérer, achats financés par le biais d’une hypothèque prise sur la demeure personnelle de monsieur Gosselin et de son épouse.

[84]        Se joignent alors à lui trois chauffeurs de taxi qui « offrent leurs services » à Taxi Van Granby et qui sont, pour reprendre les termes de monsieur Gosselin, « transférés » à son entreprise après que monsieur Gosselin a vérifié que ces chauffeurs possédaient le permis de conduire requis, qu’ils avaient suivi la formation nécessaire en vue de faire du transport adapté et, enfin, qu’ils ne possédaient aucun casier judiciaire.

[85]        Tel qu’il appert du témoignage de monsieur Gosselin, ces chauffeurs ont choisi parmi des plages horaires proposées par monsieur Gosselin celles qui faisaient leur affaire alors que monsieur Gosselin doit s’assurer de la disponibilité de chauffeurs 7 jours/7 et 24 heures/24.

[86]        Depuis juillet 2012 donc, ces chauffeurs utilisent l’un ou l’autre des véhicules appartenant à Taxi Van Granby qui garde par ailleurs à sa charge les frais d’essence, d’entretien, de nettoyage et d’immatriculation pour les véhicules fournis.

[87]         Ces trois chauffeurs conservent 40 % des sommes reçues des clients et remettent 60 % à monsieur Gosselin, aucune déduction fiscale ou autre retenue à la source n’étant faite par Taxi Van Granby à l’égard de ces chauffeurs.

[88]        En 2013, deux autres chauffeurs de taxi offrent également leurs services à Taxi Van Granby. Ces chauffeurs cependant sont propriétaires de leurs véhicules, ainsi que des permis de taxi requis pour les opérer. Monsieur Gosselin a par ailleurs indiqué que les disponibilités de ces deux autres chauffeurs ont été déterminées de la même façon que pour ceux qui se sont joints à l’entreprise en 2012.

[89]        Toutefois, contrairement à la situation que l’on retrouve pour les trois autres chauffeurs qui ont été « transférés » à l’entreprise en 2012, Taxi Van Granby demande un « loyer » de 70 $ par semaine, au titre de frais administratifs, à ces deux chauffeurs propriétaires de leurs véhicules, des chauffeurs « affiliés » selon l’expression de monsieur Gosselin. Par contre, ces deux chauffeurs demeurent responsables de toutes les charges afférentes à leurs véhicules et ils conservent l’entièreté des sommes reçues des clients.

[90]        Enfin, il appert du témoignage de monsieur Gosselin qu’il a procédé à l’achat d’un autre véhicule, en 2014-2015, en vue de faire du transport adapté ainsi qu’à l’achat d’un permis de taxi pour ce faire et qu’à l’heure actuelle, on retrouve donc au sein de l’entreprise, 6 véhicules avec 6 permis de taxi. Tous ces véhicules sont conduits par monsieur Gosselin et sa conjointe et par « 5 ou 6 chauffeurs qui offrent leurs services » à l’entreprise.

[91]        De l’avis du soussigné, les éléments rapportés ci-dessus illustrent bien que dans une même entreprise offrant des services de taxi, des individus peuvent posséder des statuts différents.

[92]        Comme mentionné dans les extraits de jurisprudence et de doctrine cités précédemment par le tribunal, la notion de « contrat de travail » est traditionnellement associée à celle de travailleur ou de « salarié » alors que le « contrat d’entreprise » est plus souvent associé au statut d’un « travailleur autonome » qui, au sens de la loi fait, par définition, « affaires pour son propre compte ».

[93]        Ainsi, afin de déterminer le statut d’un « travailleur » (ou d’un « salarié »), on recherchera dans la preuve du contexte de travail de cette personne les notions bien connues d’un « contrat de travail » soit le travail, la rémunération et la subordination. Ces principes sont fort bien résumés dans l’affaire Bédard et Coiffure des Bouleaux[11], alors que le juge Clément, après avoir cité l’article 2085 du Code civil du Québec, écrit :

[63]    Les notions de direction et contrôle sont donc au cœur même du concept de contrat de travail.

 

[64]     Ainsi, pour évaluer la nature du contrat existant entre deux parties, les éléments suivants doivent notamment être considérés :

 

- la propriété des outils ;

- les risques de profits et pertes ;

- la propriété de la clientèle ;

- l’obligation d’effectuer le travail soi-même ou la possibilité de se faire

  remplacer ;

- l’existence de directives, d’ordres d’une partie à l’autre ;

- l’exercice d’un pouvoir de discipline ;

- l’existence d’évaluation du rendement ;

- le mode de rémunération ;

- le contrôle sur l’horaire de travail et les congés ;

- la présence d’instructions en regard de la prestation de travail et des méthodes

  à employer ;

- l’obligation d’assister à des réunions ou séances de formation.

 

[65]   Pour conclure à la présence d’un contrat de travail, il devra y avoir preuve prépondérante qu’un nombre significatif de ces éléments milite en ce sens.  Il n’est bien entendu pas requis qu’il y ait présence de l’intégralité des critères pour décider si nous sommes en présence d’un travailleur, d’un travailleur autonome ou d’un entrepreneur.  La prévalence de certains d’entre eux suffira pour déterminer la nature du contrat liant les parties.

 

[Les soulignements sont du soussigné]

 

[94]        Ainsi, appliquant les principes juridiques cités précédemment, le tribunal en arrive aux conclusions suivantes.

[95]        Tout d’abord, le tribunal est d’avis que les trois chauffeurs qui ont commencé à offrir leurs services à Taxi Van Granby en juillet 2012 doivent être considérés des « travailleurs » au service de l’employeur, Taxi Van Granby, et ce, pour les motifs suivants.

[96]        De l’avis du soussigné, analysée globalement, la nature du travail confié par Taxi Van Granby à ces trois chauffeurs relève bien davantage de la nature d’un contrat de travail que de celle d’un contrat d’entreprise avec ces trois chauffeurs.

[97]        De l’avis du soussigné, même en présence d’un « contexte particulier associé au monde du transport par taxi », l’ensemble de la preuve offerte relativement à ces trois chauffeurs correspond davantage aux critères associés à la notion de « contrat de travail ».

[98]        Ainsi, la preuve révèle que monsieur Gosselin tente de recruter ses chauffeurs par le biais de petites annonces, sans succès apparemment. Aussi, comme nombre d’autres employeurs, il trouve ses employés par le « bouche à oreille ».

[99]        Trois chauffeurs ont été recrutés par monsieur Gosselin en juillet 2012, en même temps que Taxi Van Granby a acheté quatre véhicules d’un autre propriétaire de taxis, soit de Taxi Granby, ainsi que quatre permis de taxi pour opérer lesdits véhicules.

[100]     La preuve présentée n’a pas permis d’établir si ces trois chauffeurs étaient antérieurement des employés de Taxi Granby ou si encore ils offraient leurs services à cette autre entreprise. Toutefois, selon l’expression de monsieur Gosselin, ils ont été « transférés » à Taxi Van Granby à ce moment.

[101]     En juillet 2012 monsieur Gosselin, au nom de Taxi Van Granby, a procédé, comme nombre d’employeurs, à des vérifications relatives aux qualifications requises pour tout travailleur à l’égard des trois chauffeurs en question qui ont été « transférés » à son entreprise à cette date.

[102]     Monsieur Gosselin aurait alors offert à ces personnes une ou des plages horaires disponibles, requérant de ces chauffeurs qu’ils puissent notamment travailler le samedi et le dimanche.

[103]     D’emblée, le tribunal constate que la méthode d’embauche de ces trois premiers chauffeurs ne se différencie en rien de celle usuellement utilisée pour l’embauche d’un travailleur, même dans d’autres secteurs d’activité que le taxi. Notamment, on ne retrouve pas de processus d’appel d’offre public qu’aurait fait Taxi Van Granby pour que des « entrepreneurs » (ce qui inclut des « travailleurs autonomes ») soumissionnent pour l’octroi de « contrats de taxi » avec Taxi Van Granby, ce qui aurait pu être un signe que Taxi Van Granby entendait passer un « contrat » d’entreprise avec un entrepreneur, une forme de sous-traitance.

[104]     Quant au travail effectué par ces trois chauffeurs, on retrouve au dossier de nombreux éléments qui consacrent un lien de subordination entre Taxi Van Granby et ceux-ci, lien de subordination qui s’exprime de plusieurs façons.

[105]     Tout d’abord, il est aisé de constater que Taxi Van Granby contrôle l’horaire de travail de ces chauffeurs.

[106]     Certes, les chauffeurs en question ont « choisi » la plage horaire proposée qui leur convenait, ce qui semble « souple ». Mais de l’avis du soussigné, cela n’a pas pour effet de nier le statut de travailleur de ces personnes. Rien n’empêche un travailleur de limiter sa propre disponibilité au travail, d’où la notion de travail « à temps partiel » ou encore de travail « sur appel ».

[107]     Par ailleurs, Taxi Van Granby permet à ces trois chauffeurs d’échanger entre eux leurs horaires, mais ils ne peuvent se faire remplacer par une autre personne qui n’aurait pas été approuvée préalablement par monsieur Gosselin. Le tribunal y voit un autre élément de subordination juridique de Taxi Van Granby envers ces trois chauffeurs.

[108]     Tel qu’il appert de la preuve présentée, ces trois chauffeurs se présentent à la place d’affaires de Taxi Van Granby pour effectuer leur travail, à raison de 8 à 10 heures par jour, de 2 à 4 jours par semaine, selon la disponibilité convenue avec Taxi Van Granby.

[109]     Sur place, monsieur Gosselin note la « présence » du chauffeur, qui prend les clés de l’un ou de l’autre des véhicules taxis appartenant à Taxi Van Granby. Selon la preuve présentée, ces trois chauffeurs ne sont pas spécifiquement assignés à un véhicule de la flotte de Taxi Van Granby. La preuve révèle de plus que durant une même journée, un chauffeur peut devoir changer de véhicule.

[110]     À ce sujet, il est indubitable que Taxi Van Granby est propriétaire des « outils de travail » fournis à ces trois chauffeurs, soit l’un ou l’autre des véhicules appartenant à Taxi Van Granby.

[111]     Au surplus, les frais relatifs auxdits véhicules, à ces « outils de travail », sont tous entièrement assumés par Taxi Van Granby : frais relatifs au permis de taxi associé au véhicule, essence, immatriculation, assurance, entretien et nettoyage.

[112]      À cet égard, la preuve révèle que ces trois chauffeurs doivent rapporter à Taxi Van Granby toute défectuosité notée sur le véhicule, mais c’est Taxi Van Granby qui s’occupe des réparations requises. De même, ces chauffeurs peuvent nettoyer un véhicule, au besoin, mais ils peuvent se faire rembourser les frais encourus, par exemple les coûts d’un « car-wash ». Ils n’assument donc aucuns frais à l’égard des véhicules qu’ils conduisent.

[113]     Une seule situation peut faire en sorte que ces trois chauffeurs pourraient assumer certains frais en regard des véhicules de Taxi Van Granby. En effet, monsieur Gosselin a expliqué qu’en cas de dommage causé à un véhicule et qui nécessiterait des réparations, Taxi Van Granby procèderait à une réclamation auprès de son assureur, mais qu’il réclamerait les coûts afférents à cette réclamation au chauffeur responsable, le cas échéant.

[114]     De l’avis du tribunal, cette seule possibilité d’une réclamation par Taxi Van Granby contre un chauffeur relève davantage des règles de la responsabilité civile (et des règles propres au domaine de l’assurance), mais n’a pas pour effet de nier le lien de subordination établi entre Taxi Van Granby et ces trois chauffeurs quant aux outils de travail fournis, les véhicules de taxi.

[115]     De l’avis du soussigné, Taxi Van Granby contrôle donc entièrement la qualité de l’outil de travail qu’il fournit à ces trois chauffeurs. Incidemment, ce contrôle peut même s’exercer par le biais de « spot check » de la propreté des véhicules de la part de monsieur Gosselin.

[116]     De même, le soussigné estime que même si monsieur Gosselin, ou Taxi Van Granby, ne contrôle pas la prestation même du travail de ces chauffeurs, en ce sens qu’il ne leur dit pas comment faire le travail, cela s’explique notamment par la nature du travail de chauffeur de taxi et par l’expérience et la « compétence » des chauffeurs pour ce poste, compétence dont monsieur Gosselin s’est assuré lors de sa rencontre avec ceux-ci. Par ailleurs, il peut être dit que monsieur Gosselin supervise de façon globale l’exécution de ce travail par ces chauffeurs en notant leur présence au travail, en demandant qu’ils dénoncent toute défectuosité mécanique d’un véhicule et en requérant son autorisation si un chauffeur désire se faire remplacer par une personne qui ne fait pas partie de la « banque » déjà approuvée par monsieur Gosselin.

[117]     Enfin, le soussigné est d’avis que la rémunération reçue par ces trois chauffeurs ne constitue pas des « honoraires », comme plaidé par la procureure de Taxi Van Granby, mais qu’elle est de la « nature d’un salaire ». Dans les faits, le tribunal estime que le mode de rémunération convenu entre ces trois chauffeurs et Taxi Van Granby n’est qu’une modalité possible du versement de ce que l’on appelle traditionnellement un salaire. À cet égard, le tribunal constate qu’une situation analogue se retrouvait dans l’affaire Gatien et Taxi Val D’Or et CSST[12] et le soussigné partage l’opinion du juge Prégent dans cette affaire, qui s’exprime ainsi sur ce sujet :

[25]  Quant à la possibilité de gains, elle se limite uniquement au partage des revenus à la fin du quart de travail, selon une certaine proportion déterminée par la propriétaire du véhicule et qui est comparable aux usages dans le monde du transport par taxi, selon madame Gatien. En soi, ce critère est donc peu déterminant, mais il doit également être considéré.

 

[…]

 

[28]  Au sujet du critère du mode de rémunération, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve non contredite, que les chauffeurs doivent verser à madame Gatien, propriétaire du permis de taxi et du véhicule taxi, 60 % des recettes accumulées durant le quart de travail. Les revenus des courses faites à partir de l’aéroport après le quart de travail sont comptabilisés avec les recettes du lendemain.

 

[29]  Ainsi, le chauffeur de taxi garde, à la fin de sa journée de travail, 40 % des revenus de ses courses. Il s’agit d’une modalité qui est imposée par madame Gatien et le chauffeur doit s’y soumettre pour pouvoir travailler. C’est donc une condition d’emploi.

 

[30]  La Commission des lésions professionnelles considère que cette modalité du partage des recettes journalières s’inscrit dans l’évolution de la jurisprudence en matière de rémunération. Ainsi, les prestations qu’un travailleur reçoit peuvent prendre plusieurs formes. Il n’est plus requis que la rémunération consiste au versement traditionnel d’un salaire prédéterminé sur une base périodique3.

 

[31]  La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le partage des recettes, selon une proportion déterminée par la propriétaire des permis de taxi et des véhicules taxi, constitue dans son essence même un mode de rémunération que les chauffeurs retiennent en contrepartie de sa prestation de travail, le transport de clients en taxi.

(3) Larouche-Harvey et Transport CD 2000, C.L.P. 248873-02-0411, 2005-04-13, R. Deraiche; Transport accessible du Québec et Renaud, C.L.P. 319554-31-0706 et C.L.P. 333593-31-0711, 2007-12-21, C. Lessard.

 

[118]     En définitive, et pour l’ensemble de ces motifs, le soussigné est donc d’avis que ces trois chauffeurs de taxi sont des travailleurs de Taxi Van Granby depuis juillet 2012, date à laquelle ils ont été « transférés » à cette entreprise.

[119]     La procureure de l’employeur a au contraire soutenu que ces trois chauffeurs étaient des travailleurs autonomes au sens de la loi. Rappelons que la loi donne la définition suivante d’un travailleur autonome :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« travailleur autonome » : une personne physique qui fait affaires pour son propre compte, seule ou en société, et qui n'a pas de travailleur à son emploi.

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[120]     Avec égards, la preuve présentée par Taxi Van Granby à l’égard de ces trois chauffeurs ayant débuté en juillet 2012 est nettement insuffisante pour que le tribunal puisse conclure que ces personnes sont « en affaires », qu’elles « font affaire pour leur propre compte ».

[121]     Ces personnes conduisent l’un ou l’autre des véhicules appartenant à Taxi Van Granby. Elles n’assument aucuns frais relatifs audit véhicule, y inclus le coût important du permis de taxi requis pour son opération. Elles gardent 40 % des sommes reçues des clients et remettent 60 % de celles-ci à l’employeur. Manifestement, l’on ne saurait voir dans de telles données des signes de personnes qui sont « en affaires ».

[122]     La procureure de Taxi Van Granby a plaidé que ces chauffeurs assumaient un « risque de perte » si aucun client ne lui était référé, signe qu’ils sont « en affaires ». Avec égards, le soussigné estime que par la nature du contrat de travail qui les lient à Taxi Van Granby, et par la nature « particulière » du monde du taxi, ces chauffeurs assument en effet un certain risque de ne pas recevoir une bonne rémunération si certains jours peu de clients leur sont référés.

[123]     Toutefois, de l’avis du soussigné, ces risques sont fort relatifs puisqu’ils sont tributaires d’une simple question propre au « marché » du monde du taxi, d’une « bonne ou mauvaise journée », tout comme un travailleur sur appel ne sera pas payé si son employeur n’a pas de travail à lui offrir une journée quelconque. Mais il est par ailleurs manifeste que ces chauffeurs n’encourent aucun risque quant à des éléments centraux du métier de chauffeur de taxi, tels : l’immobilisation ou le bris de leurs véhicules, les frais afférents audits véhicules, dont l’essence, et quant à l’obtention d’un permis de taxi pour l’opérer.

[124]     Pour le soussigné, ces quelques « risques » ne peuvent suffire à convaincre le tribunal que ces trois chauffeurs seraient des travailleurs autonomes de ce seul fait.

[125]     Par ailleurs, la procureure de l’employeur soutient de plus que monsieur Gosselin est lui-même un travailleur autonome et que les chauffeurs qui offrent leurs services à Taxi Van Granby sont des travailleurs autonomes visés au paragraphe 9 de la loi.

[126]     De l’avis du tribunal, monsieur Gosselin ne peut se voir attribuer le statut de travailleur autonome au sens donné à ce terme par la définition.

[127]     En effet, la preuve dont dispose le tribunal permet les constats suivants.

[128]     Monsieur Gosselin est propriétaire d’une entreprise déclarée au registraire des entreprises du Québec le 6 septembre 2011 sous le nom de Taxi Van Granby. Y apparaît aussi le nom de Taxi Granby. Tel qu’il appert du registre en question, la forme juridique de cette entreprise est une « entreprise individuelle » et la place d’affaires de l’entreprise est située au 295, rue Simonds Sud à Granby, soit l’adresse personnelle de monsieur Gosselin.

[129]     De ce qui précède, le tribunal retient que dans les faits, Taxi Van Granby n’est pas une personne morale incorporée, juridiquement distincte de la personne de monsieur Gosselin et que de façon pratique, il peut donc être dit que monsieur Gosselin « fait affaire sous le nom », ou la raison sociale de Taxi Van Granby.

[130]     Ces faits trouvent confirmation dans les déclarations personnelles de revenus de monsieur Gosselin, produites à l’audience. On peut en effet y constater que monsieur Gosselin a produit pour les années 2011 à 2014 des déclarations personnelles d’impôts fédéral et provincial dans lesquelles il déclare des revenus d’entreprise pour une entreprise sise à la même adresse que son adresse personnelle, alors qu’on ne retrouve pas de rapport d’impôt de l’entreprise elle-même, comme le ferait une entreprise incorporée, une compagnie.

[131]     De plus, tel qu’il appert de son témoignage, le rôle de monsieur Gosselin au sein de Taxi Van Granby se confond avec l’entreprise elle-même. Ainsi, le nom de l’entreprise Taxi Granby ou Taxi Van Granby n’apparaît pas comme tel aux déclarations de revenus produites. De plus, de façon pratique, c’est à monsieur Gosselin que les chauffeurs de taxi paient 60 % des recettes gagnées lors d’une journée, argent qui entre dans les revenus personnels de monsieur Gosselin, via ses revenus dits « d’entreprise ».

[132]     Partant, le soussigné est d’avis que dans les faits, monsieur Gosselin est lui-même un « employeur » au sens de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« employeur » : une personne qui, en vertu d'un contrat de travail ou d'un contrat d'apprentissage, utilise les services d'un travailleur aux fins de son établissement;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[133]     Monsieur Gosselin possède un « établissement » d’où il exploite l’entreprise Taxi Van Granby, au 295 Simonds Sud à Granby. C’est à partir de ce lieu que monsieur Gosselin « dispatche » les appels reçus de clients. C’est à cet endroit que se présentent les chauffeurs pour y prendre les clés de véhicules taxis appartenant à l’employeur. C’est à cet endroit que s’effectue le relevé des compteurs et la remise de l’argent reçu des clients, au terme de la journée de travail des chauffeurs. De l’avis du tribunal, cet établissement de monsieur Gosselin correspond à la définition qu’en donne la loi.

[134]     L’article 2 de la loi prévoit ceci :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« établissement » : un établissement au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[135]     Or, cette notion « d’établissement » est définie ainsi à la Loi sur la santé et la sécurité du travail[13] :

1.  Dans la présente loi et les règlements, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« établissement  » : l'ensemble des installations et de l'équipement groupés sur un même site et organisés sous l'autorité d'une même personne ou de personnes liées, en vue de la production ou de la distribution de biens ou de services, à l'exception d'un chantier de construction; ce mot comprend notamment une école, une entreprise de construction ainsi que les locaux mis par l'employeur à la disposition du travailleur à des fins d'hébergement, d'alimentation ou de loisirs, à l'exception cependant des locaux privés à usage d'habitation;

 

 

[136]     Ceci étant, le tribunal a précédemment conclu que les trois chauffeurs de taxi qui ont débuté en juillet 2012 chez Taxi Van Granby répondent à la définition de travailleurs au sens de la loi.

[137]     Dans les faits, le tribunal estime que monsieur Gosselin agit comme « employeur » de ces trois chauffeurs. Il utilise en effet les services de ces trois chauffeurs aux fins de son établissement.

[138]     Partant, monsieur Gosselin lui-même ne peut pas être à la fois un « employeur » et un « travailleur autonome », car un travailleur autonome, selon la définition à la loi, ne peut avoir de travailleur à son emploi.

[139]     De la même façon, monsieur Gosselin ne peut être considéré lui-même un « travailleur » de sa propre entreprise puisque selon la définition, un travailleur est « une personne physique qui effectue un travail pour un employeur ». Il ne peut donc pas s’agir de la même personne physique. Si monsieur Gosselin désire se protéger en cas de lésion professionnelle, il doit prendre une « protection personnelle » auprès de la CSST.

[140]     D’ailleurs, tel qu’il appert de la note de la CSST du 16 octobre 2014 (rapportée au paragraphe 19 de la présente décision), celle-ci, au moment de décider de la cotisation à réclamer à l’employeur, a retenu qu’elle devait établir arbitrairement la masse salariale de Taxi Van Granby pour 5 chauffeurs de taxi, visiblement au sujet des trois chauffeurs ayant débuté en juillet 2012 et des deux chauffeurs ayant débuté en 2013, sans tenir compte de la rémunération de monsieur Gosselin lui-même.

[141]     Ceci étant, qu’en est-il enfin du statut des deux « chauffeurs propriétaires de leur véhicule » qui ont offert leurs services à l’employeur à compter de 2013 ?

[142]     De l’avis du tribunal, cette fois l’employeur a raison de soutenir que ces deux chauffeurs de taxi sont des travailleurs autonomes.

[143]     Tel qu’il appert de la preuve disponible, ces deux chauffeurs ont offert leurs services à monsieur Gosselin en 2013. Contrairement à la situation qui a prévalu à l’égard des trois chauffeurs de taxi qui s’étaient joints à Taxi Van Granby en juillet 2012, ces deux nouveaux chauffeurs offraient alors à monsieur Gosselin de fournir leurs propres véhicules taxis, pour lesquels ils détenaient un permis de taxi. De plus, ces deux chauffeurs ont continué à assumer tous les frais relatifs à l’utilisation de leurs véhicules, incluant l’essence, l’entretien, les assurances et l’immatriculation.

[144]     Au surplus, et surtout, l’entente alors passée avec monsieur Gosselin voulait que ces deux chauffeurs conservent en totalité les sommes reçues des clients en contrepartie de quoi ils versent à monsieur Gosselin des frais dits « administratifs » de 70 $ par semaine.

[145]     De l’avis du tribunal, bien que la preuve offerte à l’égard des deux chauffeurs en question soit bien succincte et provienne de monsieur Gosselin lui-même, sans document émanant de l’un ou de l’autre de ces deux chauffeurs, elle suffit à établir que ces deux chauffeurs peuvent être considérés comme des travailleurs autonomes au sens de la définition donnée à ce terme à la loi.

[146]     Pour le tribunal, tout laisse croire en effet que ces deux chauffeurs, qui sont des personnes physiques et qui n’auraient pas de travailleurs à leur emploi[14], font « affaire » avec monsieur Gosselin depuis 2013, en lui offrant leurs services de transport de passagers par taxi, à l’aide de leurs propres véhicules. De l’avis du tribunal, la preuve présentée permet de conclure que ces deux chauffeurs de taxi assument véritablement les risques de gain ou de perte dans le cadre de l’exploitation de leur travail et qu’à ce titre, ils agissent comme de véritables travailleurs autonomes plutôt que comme des travailleurs à l’emploi de monsieur Gosselin.

[147]     Le tribunal estime que la somme hebdomadaire de 70 $ payée par ces chauffeurs à monsieur Gosselin constitue une contrepartie afin que Taxi Van Granby fournisse des clients à ces chauffeurs dans le cadre de l’exploitation de leur propre entreprise, démarche qui s’apparente à de la sous-traitance.

[148]     Ceci étant, le procureur de la CSST soutient que ces deux autres chauffeurs de taxi, s’ils doivent être considérés comme des travailleurs autonomes, devraient cependant être considérés comme des travailleurs à l’emploi de l’employeur par l’effet de l’application de l’article 9 de la loi, qui prévoit ceci :

9. Le travailleur autonome qui, dans le cours de ses affaires, exerce pour une personne des activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans l'établissement de cette personne est considéré un travailleur à l'emploi de celle-ci, sauf :

 

1° s'il exerce ces activités :

 

a)  simultanément pour plusieurs personnes;

 

b)  dans le cadre d'un échange de services, rémunérés ou non, avec un autre travailleur autonome exerçant des activités semblables;

 

c)  pour plusieurs personnes à tour de rôle, qu'il fournit l'équipement requis et que les travaux pour chaque personne sont de courte durée; ou

 

2° s'il s'agit d'activités qui ne sont que sporadiquement requises par la personne qui retient ses services.

__________

1985, c. 6, a. 9.

 

 

[149]     Pour les motifs suivants, le tribunal estime que la CSST a raison sur ce point.

[150]     D’emblée, le tribunal retient que les deux chauffeurs qui ont offert leurs services à Taxi Van Granby en 2013, et qui sont des travailleurs autonomes, tel que déterminé précédemment, « exercent dans le cours de leurs affaires des activités similaires » à celles exercées chez Taxi Van Granby, soit du transport de passagers par taxi, comme l’indique l’article 9.

[151]     Dès lors, ces travailleurs autonomes sont « considérés des travailleurs » à l’emploi de Taxi Van Granby, comme le prévoit cette même disposition, « sauf » si l’employeur démontre que l’une ou l’autre des situations décrites aux paragraphes 1 ou 2 de l’article 9 ne s’applique à eux auquel cas, ils seront reconnus comme de véritables travailleurs autonomes.

[152]     Comme l’enseigne la jurisprudence, c’est à l’employeur qu’il revient de démontrer l’existence de l’une ou l’autre des quatre exceptions édictées à l’article 9 de la loi[15].

[153]     Qu’en est-il de ces diverses situations ?

1ère exception : s'il exerce ces activités  « simultanément pour plusieurs personnes » ;

[154]     En l’espèce, la preuve disponible ne permet pas d’établir que le travail effectué par les deux chauffeurs de taxi ayant offert leurs services en 2013 constituerait des activités exercées « simultanément pour plusieurs personnes », la jurisprudence ayant établi que cette expression réfère à l’accomplissement d’un acte posé « en même temps » pour plusieurs personnes et non « successivement »[16]. Dans l’affaire Les trésors de M’Amie et CSST[17], la juge Langlois donnait l’exemple suivant à ce sujet :

[26]      D’abord, monsieur Dubuc n’exerce pas ses activités « simultanément » pour plusieurs personnes au sens donné par la jurisprudence4. Il ne le fait pas « en même temps » comme le ferait un musicien qui donnerait un concert pour le compte d’un promoteur, lequel serait enregistré en même temps pour le compte d’une maison d’enregistrement.

 

                4Voir entre autres Durand et Sélectovision inc. et Les Forges Marin inc. et Artisans Roy de la Forge                          et CSST, C.L.P. 157938-05-0103, 157945-05-0103, 5 avril 2002, J.-L. Rivard

[155]     De l’avis du tribunal, la preuve offerte ne permet pas d’établir que par exemple, ces deux chauffeurs recevraient, dans le cadre d’une journée de travail, des appels pour des clients provenant de plusieurs entreprises de taxi et qu’ils répondraient aux demandes de ces deux donneurs d’ouvrage dans le cadre de l’exécution de leur travail. En outre, selon le témoignage de monsieur Gosselin, ces deux chauffeurs paient un loyer de 70 $ par semaine pour se faire attribuer des appels pour des clients, en échange de quoi ils portent le « dôme » de Taxi Van Granby sur leurs véhicules. Le tribunal voit fort mal comment un tel chauffeur pourrait accepter un client référé par une autre entreprise s’il porte le dôme de l’entreprise Taxi Van Granby.

2ème exception : s'il exerce ces activités «  dans le cadre d'un échange de services, rémunérés ou non, avec un autre travailleur autonome exerçant des activités semblables »;

[156]     La procureure de l’employeur soutient particulièrement que cette situation s’applique en l’espèce. Avec égards, le soussigné est d’avis contraire.

[157]     Dans le présent cas, le tribunal a précédemment déterminé que monsieur Gosselin ne pouvait se voir attribuer lui-même le statut de travailleur autonome. Ceci suffit à écarter l’application de l’exception prévue à l’alinéa 1(b) de l’article 9.

[158]     Quoi qu’il en soit et aux fins de discussion, même en considérant que monsieur Gosselin serait un travailleur autonome, ce qui n’est pas le cas, le tribunal estime que cette exception ne trouverait toujours pas application.

[159]     Pour le tribunal, les deux chauffeurs qui ont offert leurs services à Taxi Van Granby en 2013, n’exercent pas leurs activités de chauffeur de taxi « dans le cadre d’un échange de service » avec monsieur Gosselin, ils reçoivent une rémunération purement et simplement pour du travail qu’ils effectuent, et ce, depuis plusieurs années.

[160]     Notamment, la preuve présentée est muette quant au fait que monsieur Gosselin n’ait jamais rendu de semblables services au bénéfice de ces deux travailleurs autonomes dans le cadre des activités de leurs entreprises personnelles de taxi.

[161]     Pour le tribunal, il ne s’agit pas d’un échange de services entre des travailleurs autonomes se rendant des services semblables. Une telle situation « d’échange de services », au sens de cette disposition de l’article 9 de la loi, est rarement invoquée. Dans l’affaire Tendances & Concepts inc.[18], citant la doctrine et le Journal des Débats, le tribunal écrit :

[65] Dans la Loi annotée sur les accidents du travail et les maladies professionnelles8, l’exemple suivant a été donné aux fins de l’application de l’exception demandée :

 

Deux fermiers ayant le statut de travailleurs autonomes au sens de l’article 2 échangent leurs services (réparation des clôtures contre récolte des pommes de terre). Aucun des deux ne peut être considéré comme étant à l’emploi de l’autre et ils doivent souscrire une protection personnelle pour être protégés par la loi.

[…]

 

[67]      Cette interprétation ressort aussi du Journal des débats9 en Commission parlementaire lors de l’étude de l’article 9 de la loi. Il y a lieu de citer le ministre Fréchette dans l’extrait suivant:

 

Des représentations nous ont été faites, […] qui nous signalait qu’un problème très particulier existait chez l’agriculteur quant à cette notion de travailleur autonome. L’exemple à partir duquel on nous décrivait cette difficulté, c’était le suivant : quand arrive, par exemple, le temps du battage de la moisson à l’automne, apparemment, il est de coutume que, dans un rang, un cultivateur qui a une batteuse parte de chez lui le matin et fasse tout le rang chez ses voisins qui n’en n’ont pas. Dans l’état actuel des choses, chaque fois que le cultivateur se déplaçait, la personne pour qui il travaillait devenait son employeur et devait, d’une part, cotiser, bien sûr, et, deuxièmement, assumer les coûts de l’accident si jamais, malheureusement, il en arrivait un. Ce que les agriculteurs nous ont représenté, c’est que, lorsque cette situation se présente, celui qui vient rendre les services du battage, par exemple, devrait être considéré comme autonome, donc s’inscrire lui-même à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, s’il le veut, et être protégé à partir de sa propre cotisation. [sic]

(8) COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL, Loi annotée sur les accidents du travail et les maladies professionnelles,  Montréal, Commission de la santé et de la sécurité du travail, 1986.

(9) QUÉBEC, ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats de la Commission permanente de l’économie et du travail, 5e sess. 32e légis., 29 novembre 1984, « Étude détaillée du projet de loi 42-Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (3) ».

 

[162]     De l’avis du soussigné, cette exception vise une toute autre réalité que celle visée au présent cas. Cette exception ne trouve donc pas application.

3ème exception : s'il exerce ces activités « pour plusieurs personnes à tour de rôle, qu'il fournit l'équipement requis et que les travaux pour chaque personne sont de courte durée »;

[163]     En l’espèce, monsieur Gosselin a certes témoigné que ces deux chauffeurs offraient leurs services à son entreprise, mais il a également indiqué qu’il ne croyait pas que ces deux personnes « aient une place d’affaires ayant pignon sur rue » et qu’il ignorait si ceux-ci offraient leurs services à d’autres entreprises de taxi.

[164]     Dans de telles circonstances, le tribunal ne peut en arriver à la conclusion que ces deux chauffeurs exerceraient leurs activités « pour plusieurs personnes à tour de rôle » et il ne peut pas davantage établir, si tel était le cas, si le travail qui serait alors fait pour ces autres personnes serait « de courte durée ».

[165]     Cette exception n’ayant pas été démontrée, elle ne peut s’appliquer au présent cas.

4ème exception : « s'il s'agit d'activités qui ne sont que sporadiquement requises par la personne qui retient ses services »;

[166]     Comme le démontre amplement le témoignage de monsieur Gosselin, son entreprise a pour seule activité le transport de passagers par taxi et il possède une flotte de 6 taxis, ainsi que 6 permis de taxi pour les opérer. Pour ce faire, monsieur Gosselin a recruté en juillet 2012 trois chauffeurs qui utilisent l’un ou l’autre de ses véhicules. Il a aussi accepté de faire affaire avec deux autres chauffeurs à compter de 2013, ces chauffeurs fournissant cependant leurs propres véhicules taxis.

[167]     Or, la preuve disponible permet de constater que monsieur Gosselin utilise les services de ces deux chauffeurs depuis 2013, sans discontinuer.

[168]     À la lumière de ces éléments, il est donc manifeste que les activités (transport par taxi) de ces deux chauffeurs ne sont pas « sporadiquement requises par la personne qui retient ses services ». Ainsi, cette autre exception de l’article 9 ne saurait s’appliquer au présent cas.

[169]     Aussi, à la lumière de l’ensemble des considérations énoncées ci-dessus, le tribunal en arrive donc à la conclusion que l’employeur n’a démontré l’application d’aucune des exceptions édictées aux paragraphes 1 ou 2 de l’article 9 de sorte que les deux chauffeurs de taxi qui ont offert leurs services à Taxi Van Granby en 2013, bien que « travailleurs autonomes », doivent donc être considérés, par l’effet de la loi, des « travailleurs » à l’emploi de Taxi Van Granby.

[170]     Enfin, un mot doit être dit en regard de l’épouse de monsieur Gosselin.

[171]     Selon le témoignage de monsieur Gosselin, son épouse conduit un taxi à l’occasion lorsque aucun chauffeur n’est disponible. Celle-ci remet l’entièreté des sommes reçues des clients à monsieur Gosselin, somme qui est incluse aux revenus de monsieur Gosselin aux fins de l’impôt, son épouse ne faisant pas de déclaration personnelle de revenus.

[172]     Manifestement, aux fins de rendre la décision visant la détermination du statut des chauffeurs offrant leurs services à Taxi Van Granby, la CSST n’a pas déterminé le statut de l’épouse de monsieur Gosselin.

[173]     De l’avis du soussigné, il ne lui appartient pas de le faire dans le présent litige, ce que le procureur de la CSST a expressément reconnu lors de sa plaidoirie.

[174]     Pour l’ensemble de ces motifs, la requête de l’employeur doit être rejetée, le tribunal se réservant par ailleurs, comme convenu entre les parties, compétence pour statuer sur la portion de la décision de la CSST du 9 février 2015 qui traite du montant de la cotisation que pouvait réclamer la CSST à l’employeur.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de Taxi Van Granby, déposée le 12 mars 2015;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 9 février 2015 lors d’une révision administrative en ce qui a trait à la décision initiale rendue le 10 novembre 2014 et à cet égard;

DÉCLARE que les trois chauffeurs qui ont offert leurs services à Taxi Van Granby en juillet 2012 sont des travailleurs à l’emploi de cet employeur et que la rémunération versée à ces chauffeurs doit être incluse à la masse salariale déclarée de l’employeur;

DÉCLARE que les deux chauffeurs qui ont offert leurs services à Taxi Van Granby en 2013 sont des travailleurs autonomes, considérés des travailleurs à l’emploi de l’employeur, et que la rémunération versée à ces chauffeurs doit être incluse à la masse salariale déclarée de l’employeur;

CONFIRME la décision de la CSST rendue le 9 février 2015 lors d’une révision administrative, en ce qui a trait aux décisions initiales rendues le 19 octobre 2014 et à celle rendue le 24 octobre 2014, et à cet égard;

DÉCLARE que l’employeur Taxi Van Granby doit être classé, pour les années 2011 à 2015 inclusivement, dans l’unité 55040.

CONVOQUERA les parties, quant à la partie de la décision de la CSST du 9 février 2015 relativement à la cotisation payable par l’employeur, afin que soit déterminée ladite cotisation.

 

 

__________________________________

 

Michel Watkins

 

 

 

 

Me Catherine Cantin-Dussault

JODOIN, LAGUË, SOCIÉTÉ AVOCATS

Représentante de la partie requérante

 

 

Me Mathieu Perron

PAQUET THIBODEAU BERGERON

Représentant de la partie intervenante

 



[1]          Il s’agit visiblement d’une erreur, la CSST ayant aussi cotisé l’employeur pour 2014, tel qu’il

             appert de l’avis de cotisation du 27 octobre 2014.

 

[2]        Note du tribunal : il s’agit de nouveau d’une erreur, cette décision ayant été rendue le 10 novembre 2014.

[3]         RLRQ, c. A-3.001

[4]        Note du tribunal : Au surplus, au dispositif de la décision rendue le 9 février 2015 lors d’une révision administrative, la CSST n’a pas précisé le montant de la cotisation due par Taxi Van Granby alors que l’avis de cotisation du 27 octobre 2014 était explicite à ce sujet.

[5]        Note du tribunal : page 63 du dossier du tribunal.

[6]        Note du tribunal : En fait à son dispositif, la CSST, à sa décision du 9 février 2015, ne fait que conclure que la CSST pouvait cotiser l’employeur. Elle n’indique pas à son dispositif la somme que doit l’employeur au titre de cette cotisation.

[7]          Note du tribunal : le procureur de la CSST a reconnu que Taxi Van Granby n’avait pas le statut

             d’employeur en 2011 et jusqu’à l’arrivée de trois chauffeurs en juillet 2012.

[8]        Voir à ce sujet : Entretien ML et CSST, C.L.P. 319354-63-0706, 25 février 2009, M. Gauthier; Bédard et Gestion immobilière Majorie inc., C.L.P. 163113-04-0106, 20 décembre 2001, S. Sénéchal.

[9]        C.L.P. 372909-62-0903, 18 février 2010, M. Watkins.

[10]       2014 QCCLP 3979, cette décision référant à l’affaire Jit et Taxi Laurier Ste-Foy (1981) et CSST, 2014 QCCLP 1541 et à l’affaire Transport accessible du Québec et CSST, C.L.P. 375172-31-0902, 8 décembre 2009, M. Racine.

[11]       C.L.P. 177952-31-0202, 16 avril 2002, J.F. Clément, passage cité dans Newberry et CSST, 2015 QCCLP 1684.

[12]       C.L.P. 365058-08-0812, 20 novembre 2009, P. Prégent; Révision pour cause rejetée, 1er avril 2011, C.A. Ducharme ; voir aussi : Transport accessible du Québec et Renaud, C.L.P. 319554-31-0706, 21 décembre 2007, C. Lessard.

[13]       RLRQ, c.S-2.1

[14]       Note du tribunal : la preuve présentée par l’employeur relativement au statut de ces deux chauffeurs est muette quant à la possibilité qu’il fasse partie d’une personne morale, qu’ils soient incorporés ou qu’ils aient eux même des travailleurs à leur emploi.

[15]       Salon chez Christine et CSST, C.L.P. 367191-07-0812, 20 août 2009, S. Séguin.

[16]       Caron et Jacques Pellerin inc., C.L.P.182419-04B-0204, 2 décembre 2002, D. Lajoie.

[17]       C.L.P. 232092-07-0404, 25 octobre 2004, M. Langlois; Voir également : Les productions Café-concert inc. et CSST, [1990] C.A.L.P. 155; Call Maurice Courrier inc. et Demirdjian, [1993] C.A.L.P. 891; Les Entreprises Pierre Boivin inc. et CSST, [2004] C.L.P. 37.

[18]       2014 QCCLP 1539

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