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Décision

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Aluminart Architectural inc. et Escobar

2011 QCCLP 1239

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme :

Le 21 février 2011

 

Région :

Laval

 

Dossiers :

412164-61-1006      414190-61-1006

 

Dossier CSST :

135 449 536

 

Commissaire :

Daphné Armand, juge administratif

 

Membres :

Paul Duchesne, associations d'employeurs

 

Richard Montpetit, associations syndicales

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

Aluminart Architectural inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Norberto Escobar

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

412164-61-1006

[1]           Le 3 juin 2010, Aluminart Architectural inc., (l’employeur), dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 4 mai 2010, à la suite d'une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 26 mars 2010 sur la base d’un avis du Bureau d'évaluation médicale en date du 10 mars 2010 et portant sur la date de consolidation de la lésion professionnelle du 1er septembre 2009 et la nécessité des soins ou traitements.  La CSST déclare que monsieur Norberto Escobar (le travailleur) a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu parce que sa lésion n’est pas encore consolidée et que des traitements sont encore nécessaires, soit de la physiothérapie et de l’ergothérapie.  La CSST ajoute que le Bureau d'évaluation médicale recommande un retour au travail progressif.

414190-61-1006

[3]           Le 18 juin 2010, l’employeur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 17 mai 2010, à la suite d'une révision administrative.

[4]           Cette décision du 17 mai 2010 concerne deux décisions initialement rendues le 26 mars 2010. 

[5]           Une décision du 26 mars 2010 est à l’effet de reconsidérer celle du 25 février 2010 qui, en vertu de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la Loi), avait pour effet de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 24 février 2010 parce que le travailleur a cessé les traitements prescrits par son médecin.  Par la reconsidération du 17 mai 2010, la CSST reprend rétroactivement le versement de l’indemnité à compter du 24 février 2010.

[6]           L’autre décision du 26 mars 2010 est à l’effet de ne pas appliquer l’article 142 de la Loi et de ne pas suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article 142.  Un motif est fourni : le travailleur avait une raison valable de ne pas pouvoir se présenter à ses traitements et à son suivi médical.

[7]           Par la décision du 17 mai 2010, la CSST confirme les deux décisions du 26 mars 2010 et déclare qu’il n’y avait pas lieu de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 24 février 2010.

[8]           Une audience est tenue à Laval le 16 février 2011 en présence du représentant du travailleur et du procureur de l’employeur. 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[9]           L’employeur demande au tribunal de retenir les conclusions de son médecin désigné, le docteur C. Farmer, chirurgien orthopédiste, et de déclarer que la lésion professionnelle est consolidée le 17 décembre 2009 sans nécessiter de soins ou traitements après cette date.  De plus, il demande au tribunal de se prononcer sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles et de conclure à l’absence de telles séquelles, comme l’a fait le docteur Farmer.

[10]        Subsidiairement, si le tribunal retient plutôt les conclusions du docteur Greenfield, membre du Bureau d'évaluation médicale, l’employeur soutient que la reconsidération était irrégulière puisqu’il n’y a eu aucune erreur commise par la CSST.  De plus, bien que la CSST le lui ait demandé, le travailleur n’a jamais fourni les preuves de son suivi médical et des traitements reçus au Mexique.

[11]        Quant au représentant du travailleur, il n’a aucun document ou preuve supplémentaire à présenter à l’audience.  Le tribunal constate que son mandat se limite à se présenter à l’audience et à transmettre la décision qui en résulte au travailleur.

L’AVIS DES MEMBRES

[12]        Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis d’accueillir la requête de l’employeur et de déclarer que la lésion professionnelle est consolidée sans nécessiter de traitements supplémentaires.  Selon eux, l’examen médical et l’opinion fournie par le docteur C. Farmer ont une force probante parce que l’examen est plus complet que celui fait par le docteur G. Greenfield, membre du Bureau d'évaluation médicale.  Ils concluent tous deux que la lésion professionnelle est consolidée sans nécessiter de soins ou de traitements.  Cependant, le membre issu des associations d’employeurs retient le 17 décembre 2009, date de l’examen par le docteur Farmer, comme date de consolidation, tandis que le membre issu des associations syndicales retient celle du 15 février 2010, soit la date de l’examen par le docteur Greenfield, membre du Bureau d'évaluation médicale.

[13]        En ce qui concerne le litige portant sur la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu (dossier 414190-61-1006), le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que, le travailleur n’ayant fourni aucune preuve de son suivi médical et des traitements reçus au Mexique, la suspension appliquée par la CSST dans sa décision initiale du 25 février 2010 était justifiée et que la CSST n’avait donc pas commis d’erreur en appliquant l’article 142 de la Loi.  La CSST n’avait donc pas à reconsidérer sa décision du 25 février 2010.

LES FAITS ET LES MOTIFS

412164-61-1006

[14]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer la date de consolidation de la lésion professionnelle du 1er septembre 2009 et examiner si les soins ou traitements sont toujours nécessaires.

[15]        L’article 2 de la Loi définit ce qu’est une consolidation :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

(…)

« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;

(…)

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

[16]        Dans l’affaire 2333-2224 Québec inc. et Thériault[2], la Commission des lésions professionnelles est d’avis que « la consolidation d’une lésion n’est pas synonyme de guérison et qu’il y a consolidation lorsqu’il n’y a plus d’amélioration prévisible de la lésion professionnelle, c’est-à-dire qu’un seuil thérapeutique est atteint et qu’aucun traitement ne peut prévisiblement apporter une amélioration ».

[17]        Dans l’affaire CSN Construction, fédération des employées et employés de service public CSN et Confédération des syndicats nationaux[3], la Cour d’appel indiquait qu’établir une consolidation « c’est statuer sur l’état de santé d’un travailleur ».  La Cour rappelait le fait que la notion de consolidation est essentiellement une notion médicale, qu’elle ne peut être attachée qu’à des éléments de nature médicale, et soulignait que le législateur a voulu qu’elle comporte une certaine objectivité.  La consolidation s’établit en fonction d’un protocole médical qui doit avoir une certaine objectivité, l’espoir d’amélioration de l’état du travailleur devant s’appuyer sur l’application de règles médicales.

[18]        Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles souligne dans Trudel et C.S. de l’Estuaire [4], que le législateur aurait pu prévoir que la date de consolidation était celle de la fin des traitements, des soins ou de la prise de médication, mais ce n’est pas ce qu’il a retenu.  Le législateur a plutôt retenu le critère à l’effet qu’aucune amélioration additionnelle de l’état de santé n’est prévisible. 

[19]        En l’instance, le travailleur a subi une lésion professionnelle, une entorse lombaire, le 1er septembre 2009, en faisant l’emballage de fenêtres.

[20]        L’employeur fait examiner le travailleur par son médecin désigné, le docteur C. Farmer, le 17 décembre 2009.

[21]        Dans un rapport complémentaire de janvier 2010, le médecin du travailleur, le docteur K. H. Nguyen, rapporte que, lors de l’examen du 11 janvier 2010, le travailleur présente encore une lombalgie, a un manque de tolérance à l’effort et un manque de force musculaire.  La palpation du rachis lombaire est encore douloureuse et il y a une tension paravertébrale.  Les amplitudes de mouvements sont encore limitées par la douleur.  Il estime que la lésion n’est pas encore consolidée et que le patient a encore besoin de traitements de physiothérapie et d’ergothérapie.

[22]        À la demande de l’employeur, le dossier est transmis au Bureau d'évaluation médicale.  Le docteur G. Greenfield, chirurgien orthopédiste et membre du Bureau d'évaluation médicale, examine le travailleur le 15 février 2010 et rend son avis le 24 février suivant.  Il déclare que son évaluation objective lui permet de constater qu’il y a peu de perte de mobilité de la région lombo-sacrée. Le travailleur a des douleurs en palpation et a noté une amélioration avec l’ergothérapie commencée en janvier 2010.  Il conclut que la lésion professionnelle n’est pas consolidée et recommande la poursuite du programme de physiothérapie et d’ergothérapie avec un retour au travail progressif, suivi d’une réévaluation.

[23]        Le tribunal est d’avis que l’examen médical et l’opinion fournie par le docteur Farmer ont une force probante en raison de la qualité des informations qu’il indique, des tests effectués et des mesures qu’il a prises. 

[24]        Il est vrai qu’une perte significative dans la flexion dorsolombaire est rapportée par le docteur Farmer : la flexion est de 45 degrés au lieu de la normale de 90 degrés.  Il est aussi exact que le docteur Greenfield rapporte une amélioration de la flexion antérieure qui est passée de 45 degrés à 70 degrés.  Cependant, de nombreux signes non organiques et non physiologiques ont été relevés par le docteur Farmer, rendant non fiable, entre autres, l’examen des amplitudes de mouvements pour le rachis dorsolombaire fait le 17 décembre 2009. 

[25]        En ce qui concerne ces signes non physiologiques, le docteur Farmer rapporte, entre autres, les signes suivants :

·        Le travailleur a une boiterie antalgique variable et atypique, il présente des manifestations intermittentes de faiblesse non spécifique soudaine, de perte d’équilibre et de lombalgie;

·        À l’examen neurologique, le médecin doit mesurer la force à plusieurs reprises et dans plusieurs circonstances parce que, tantôt, le travailleur ne fait aucune contraction musculaire, tantôt, il manifeste une perte de force soudaine.  Une telle situation ne peut être expliquée physiologiquement.  Il en va de même pour l’augmentation importante de la lombalgie dont se plaint le travailleur (en position debout) lorsque le médecin fait une légère pression axiale aux épaules, une légère pression axiale au niveau du crâne et une très légère rotation en bloc du tronc avec le bassin;

·        À la palpation très superficielle de la région dorso-lombo-sacrée, le travailleur rapporte une sensibilité cutanée très marquée dans la ligne médiane de L3 à S1 s’étendant du côté gauche de façon diffuse et non spécifique jusque dans la ligne latérale.  Or, la palpation est effectuée dans diverses circonstances et dans différentes positions et le docteur Farmer constate que les territoires de sensibilité cutanée varient de façon importante selon les circonstances;

·        Il y a perte d’équilibre et tremblements durant les mouvements de la colonne en fin d’amplitude.

[26]        Le docteur Farmer constate que la blessure subie par le travailleur n’est pas sévère et qu’on s’attendrait normalement à une évolution favorable à cour terme.  Or, l’évolution subjective est peu favorable et atypique.  Le médecin estime qu’il y a un tableau douloureux important à caractère somatoforme avec tableau associé d’incapacité très marquée.  La sensibilité cutanée superficielle est très marquée et non spécifique et il y a une reproduction de douleurs lombaires même quand le segment n’est pas directement sollicité.

[27]        Il ajoute que, globalement, il y a un tableau subjectif qui n’est pas en corrélation avec l’examen objectif que le médecin considère comme étant normal.  Sur le plan orthopédique, le docteur Farmer ne retrouve pas d’explication pour le tableau douloureux tel que décrit.

[28]        Considérant que le traitement conservateur est suffisant de par sa nature et sa durée, soit entre le 1er septembre et le 17 décembre 2009, et considérant qu’il y a un tableau associé de déconditionnement, le docteur Farmer est d’avis qu’un plateau thérapeutique est atteint.  Il y a présence de signes non organiques et non physiologiques.

[29]        Le docteur Farmer conclut que la lésion professionnelle est consolidée en date de son examen du 17 décembre 2009, sans nécessiter d’investigations médicales ou traitements après cette date.  Considérant la présence de signes non organiques et non physiologiques, il se prononce sur les séquelles de la lésion professionnelle et conclut à l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle du 1er septembre 2009.

[30]        Le tribunal constate que, malgré les nombreux signes non organiques et non physiologiques décrits par le docteur Farmer, le docteur Greenfield n’aborde aucunement cette question.  Son évaluation ne permet pas de déterminer si le travailleur a réellement collaboré à l’examen clinique, particulièrement en ce qui concerne la flexion mesurée. 

[31]        Or, le docteur Farmer notait déjà en décembre 2009 un manque de collaboration du travailleur à l’examen neurologique : des mesures de la force sont effectuées dans plusieurs circonstances parce que le médecin constate une absence de contraction musculaire à certaines occasions et une perte de force soudaine à d’autres occasions.

[32]         Par ailleurs, le tribunal constate qu’il y a une discordance entre le SLR positif rapporté par le docteur Greenfield alors que le Lasègue est négatif.  Ce point n’est pas commenté par le médecin. 

[33]        De plus, concernant la flexion à 70 degrés au lieu de la normale de 90 degrés, le docteur Greenfield estime pourtant que son évaluation objective lui permet de constater qu’il y a peu de perte de mobilité de la région lombo-sacrée.

[34]        Compte tenu de ces éléments, il est donc permis de douter de la fiabilité de certaines mesures ou tests lors de l’examen clinique du 15 février 2010. 

[35]        Sur la base de la flexion améliorée qu’il a mesurée et sur le fait que le travailleur aurait noté une amélioration depuis les traitements d’ergothérapie en janvier 2010, et malgré le fait qu’il qualifie de légère la perte d’amplitude à la flexion, le docteur Greenfield conclut que la lésion professionnelle n’est pas encore consolidée. 

[36]        Le tribunal estime que, dans le contexte, la conclusion du docteur Greenfield n’est pas justifiée objectivement. 

[37]        L’examen clinique fait par le docteur Farmer est plus complet, son avis plus détaillé et davantage motivé que celui du docteur Greenfield.  L’opinion du docteur Farmer est donc prépondérante.  Par ailleurs, le tribunal constate que du 3 septembre au 25 novembre 2009, le travailleur a reçu de nombreux traitements de physiothérapie, soit 57,  pour sa blessure d’une gravité toute relative, une entorse lombaire.  Même si le travailleur émet encore des plaintes subjectives sur sa condition, le tribunal considère, tout comme le docteur Farmer, qu’un seuil thérapeutique est atteint en décembre 2009 : il n’y a plus d’amélioration prévisible de la lésion professionnelle et aucun traitement ne peut prévisiblement apporter une amélioration.

[38]        En conséquence, le tribunal retient les conclusions du docteur Farmer et conclut que la lésion professionnelle est consolidée le 17 décembre 2009, sans nécessiter de soins ou traitements après cette date.

[39]        Bien que le docteur Farmer se soit prononcé sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, concluant à leur absence, le tribunal constate que les décisions de la CSST du 26 mars et du 4 mai 2010 ne portent pas sur ce sujet.  Le tribunal ne se prononcera donc pas sur l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, ni ne traitera des questions qui en découlent, soit la capacité de travail du travailleur puisque le présent litige ne concerne pas ces sujets.

414190-61-1006

[40]        Le tribunal doit déterminer si c’est avec raison que la CSST a reconsidéré sa décision du 25 février 2010 en refusant d’appliquer l’article 142 de la Loi et en ne suspendant pas le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 24 février 2010.

[41]        L’article 365 de la Loi prévoit que « pour corriger toute erreur », la CSST peut reconsidérer une décision qu’elle a rendue et qui n’a pas fait l’objet d’une décision suite à une révision administrative:

365.  La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.

 

Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.

 

Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.

__________

1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1996, c. 70, a. 43; 1997, c. 27, a. 21.

 

 

[42]        Tout d’abord, le tribunal constate que deux décisions qui sont ultimement au même effet ont été rendues par la CSST le 26 mars 2010 : la CSST verse l’indemnité de remplacement du revenu rétroactivement au 24 février 2010.  Le tribunal constate que dans une décision du 26 mars 2010, la CSST reconsidère sa décision du 25 février 2010 et déclare qu’elle reprend le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à la date à laquelle elle l’avait d’abord suspendu, soit à compter du 24 février 2010.  Dans l’autre décision du 26 mars 2010, la CSST explique les raisons justifiant son refus d’appliquer l’article 142 de la Loi, soit le fait que le travailleur avait une raison valable de ne pas se présenter à ses traitements et à son suivi médical.

[43]        Le tribunal constate que, bien que rendue au moyen de deux lettres distinctes datées du 26 mars 2010, il s’agit de la même décision.  Dans sa deuxième lettre, la CSST n’a fait que préciser le motif de la reconsidération.

[44]        Selon la preuve, le travailleur a fait l’objet d’une mesure de renvoi par Citoyenneté et Immigration Canada et a été expulsé du Canada vers le Mexique, le 23 février 2010.

[45]        Le 15 février 2010, le travailleur avait avisé la CSST de cette mesure imminente.

[46]        Le 23 février 2010, l’employeur demande à la CSST de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur en vertu de l’article 142 de la Loi.  L’employeur allègue que, avant son expulsion du Canada, le travailleur a omis à deux reprises de se présenter à une rencontre avec lui, soit le 18 février et le 22 février 2010.  De plus, le travailleur a quitté le Canada et il n’y a aucun suivi avec l’employeur.

[47]        À l’audience, le procureur de l’employeur estime que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu doit être suspendu en vertu de l’article 142, puisque le travailleur n’a pas fourni les preuves de son suivi médical et des traitements reçus au Mexique, alors que la CSST lui avait demandé de le faire.  Il produit une copie d’une lettre de la CSST du 1er juin 2010 adressée au travailleur et à l’effet d’appliquer l’article 142 de la Loi, de cesser le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu après le 3 juin 2010, et de procéder à la fermeture du dossier.  Malgré cette décision, il estime que la suspension aurait dû se faire à compter du 24 février 2010, tel que décidé dans la décision du 25 février 2010, et non après le 3 juin 2010.  L’employeur n’a pas à être imputé pour les sommes versées au travailleur depuis le 24 février 2010.

[48]        Le tribunal souligne le fait que la décision rendue par la soussignée dans le dossier 412164-61-1006, ne met pas fin au litige dans le dossier 414190-61-1006, puisque la question de l’existence des limitations fonctionnelles n’a pas fait l’objet d’une décision de la CSST.  En conséquence, la capacité de travail n’a pas été déterminée et la CSST pouvait continuer de verser l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle rende une décision sur la capacité de travail.

[49]        L’article 142 prévoit la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu lorsque, sans raison valable, un travailleur omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical prescrit par son médecin ou recommandé par un membre du Bureau d'évaluation médicale :

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a)  fournit des renseignements inexacts;

 

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

a)  entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b)  pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c)  omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d)  omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)  omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;

 

f)  omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

            (Soulignements de la soussignée.)

[50]        En l’instance, le travailleur a quitté le Canada pour le Mexique le 23 février 2010.  Les notes évolutives de la CSST indiquent que les derniers traitements en physiothérapie au Canada ont été prodigués le 22 février 2010. 

[51]        Le 24 février 2010, l’agente de la CSST indique qu’elle suspend le versement des indemnités.

[52]        Le 18 mars 2010, le travailleur contacte la CSST.  Il n’a pas eu de traitements depuis qu’il est au Mexique.

[53]        Le 25 mars suivant, l’agente indique qu’elle a consulté le service juridique de la CSST.  Elle considère maintenant que le travailleur avait des raisons valables de ne pas se présenter à ses visites médicales, à ses traitements ou au travail pour un retour au travail progressif : le Canada n’a pas prolongé son permis de travail.  Elle reconsidère alors la décision du 25 février 2010.

[54]        Le lendemain, 26 mars 2010, l’agente laisse un message téléphonique au travailleur et explique que, selon le Bureau d'évaluation médicale, la lésion professionnelle n’est pas encore consolidée et que des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie sont encore requis.  Le travailleur est informé qu’il doit continuer son suivi médical et les traitements au Mexique.

[55]        Le 15 avril 2010, le travailleur déclare qu’il commence ses traitements.  Le 22 avril 2010, il déclare qu’il a trouvé une clinique au Mexique pour la physiothérapie et sera évalué dès le lendemain, puis débutera les traitements le 26 avril 2010.  Il n’a pas le nom de la clinique, mais enverra les factures par la poste. 

[56]        Le 28 avril 2010, le travailleur informe l’agente que monsieur Chirardo lui prodigue des traitements de physiothérapie cinq fois par semaine au Mexique, mais il n’a toujours pas trouvé de médecin traitant. 

[57]        L’agente autorise le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 3 juin 2010 et demande spécifiquement au travailleur de fournir les preuves du suivi médical et des traitements reçus au Mexique.

[58]        Le tribunal constate que, bien que la CSST en ait fait la demande au travailleur, ces preuves n’ont pas été présentées jusqu’à ce jour.

[59]        Par conséquent, la décision de la CSST du 26 mars 2010 à l’effet de reprendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 24 février 2010, n’était pas justifiée.  En effet, bien que le travailleur ait affirmé recevoir des traitements de physiothérapie prescrits par son médecin et par le membre du Bureau d'évaluation médicale, aucune preuve à cet effet n’a été fournie.   

[60]        Le tribunal conclut que le travailleur n’a pas eu les traitements et le suivi médical qu’il allègue avoir reçus au Mexique.

[61]        Bien que le travailleur n’ait plus le droit de séjourner au Canada et demeure au Mexique depuis le 23 février 2010, bien qu’il ait eu la possibilité, selon ses allégations, de continuer à recevoir ses traitements et à être suivi par un médecin au Mexique, il ne l’a pas fait.  Le tribunal considère que le travailleur n’a pas démontré qu’il avait des raisons valables de cesser les traitements et le suivi médical.

[62]        Le tribunal conclut que l’article 142 de la Loi s’applique dans les circonstances : le travailleur a cessé de se présenter aux traitements requis et a cessé le suivi médical de sa lésion professionnelle, et ceci, sans raison valable.  La CSST devait donc suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 24 février 2010.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

412164-61-1006

ACCUEILLE la requête de Aluminart Architectural inc., l’employeur;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 4 mai 2010 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la lésion professionnelle de monsieur Norberto Escobar, le travailleur, est consolidée depuis le 17 décembre 2009, sans nécessiter de soins ou traitements après cette date.  La CSST doit cesser de défrayer le coût de ces soins après le 17 décembre 2009.

414190-61-1006

ACCUEILLE la requête de l’employeur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 17 mai 2010 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la CSST doit suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu au travailleur, et ceci, à compter du 24 février 2010.

 

 

__________________________________

 

Daphné Armand

 

 

 

 

Me François Bouchard

Langlois Kronström Desjardins

Représentant de la partie requérante

 

 

Monsieur Jérémie Quevedo

Représentante de la partie intéressée

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           288408-31-0605, 26 octobre 2006, C. Lessard.

[3]           [2000] C.L.P. 43 (C.S.), appel rejeté, Cour d’appel de Montréal, 500-09-009666-009, 14 janvier 2003, juges Brossard, Morin, Rayle.

[4]           Trudel et C.S. de l’Estuaire, 224977-09-0401, 25 août 2004, J.-F. Clément.

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