Société en commandite Parc Centre-Est 440 c. Procureur général du Québec | 2022 QCCS 3473 | ||||||
COUR SUPÉRIEURE | |||||||
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CANADA | |||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||||
DISTRICT DE | MONTRÉAL | ||||||
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N° : | 500-17-120043-222 500-17-117099-211 500-17-120051-225 | ||||||
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DATE : | LE 7 SEPTEMBRE 2022 | ||||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | DAVID R. COLLIER, J.C.S. | |||||
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500-17-120043-222
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SOCIÉTÉ EN COMMANDITE PARC CENTRE-EST 440 | |||||||
Demanderesse | |||||||
c. | |||||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||||
Défendeur | |||||||
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500-17-117099-211 | |||||||
NICANCO HOLDINGS INC. | |||||||
Demanderesse | |||||||
c. | |||||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||||
Défendeur | |||||||
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500-17-120051-225 | |||||||
TERRAINS ST-HYACINTHE S.E.C. | |||||||
Demanderesse | |||||||
c. | |||||||
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | |||||||
Défendeur | |||||||
ET | |||||||
Officier de la publicité des droits de la circonscription foncière | |||||||
de SAINT-HYACINTHE | |||||||
et | |||||||
NICOLE GUILLEMETTE PALARDY | |||||||
Mis en cause | |||||||
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JUGEMENT DÉCLARATOIRE | |||||||
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[1] Les parties s’adressent au Tribunal conjointement afin de faire trancher une question de droit soulevée dans les trois dossiers.
[2] Les demanderesses œuvrent dans le domaine du développement immobilier. Dans les trois cas, le ministre de l’Environnement et de la lutte contre les changements climatiques (le « ministre ») a accordé un certificat d’autorisation en vertu de l’article
[3] Ces autorisations ont été accordées le 17 juillet 2008 (dans le dossier de la Société en commandite Parc Centre-Est 440); le 31 mars 2014 (dans le dossier de Nicanco Holdings inc.) et le 20 mars 2017 (dans le dossier des Terrains St-Hyacinthe S.E.C.).
[4] Dans chaque cas, le ministre a émis les autorisations en contrepartie d’une compensation en nature – soit le don d’un terrain ou l’octroi d’une servitude de conservation – donnée par la demanderesse ou par son auteur.
[5] Les autorisations émises aux demanderesses ne prévoient aucun délai pour la mise en œuvre des travaux autorisés.
[6] Le 23 mars 2018, la LQE fut l’objet de modifications importantes dont l’ajout de l’article 46.0.9 qui prévoit que l’activité autorisée par une autorisation ministérielle délivrée en vertu de l’article 22 pour un projet dans un milieu humide ou hydrique doit débuter dans les deux ans de la délivrance de l’autorisation, sous peine d’être annulée de plein droit.
[7] En 2021 ou en 2022, chacune des demanderesses a reçu un avis du ministre indiquant que leur certificat d’autorisation était annulé puisqu’elles n’avaient pas commencé les travaux dans les deux ans de la mise en vigueur de l’article
[8] Les demanderesses contestent les avis d’annulation. Elles plaident qu’aux termes des dispositions transitoires applicables à l’article
[9] Le Procureur général du Québec soutient que l’article
[10] D’un commun accord, les parties demandent au Tribunal de trancher la question de droit qui les oppose. L’article
[11] Pour les raisons qui suivent, le Tribunal conclut que l’article
[12] L’article
46.0.9. Le titulaire d’une autorisation relative à un projet dans des milieux humides et hydriques doit débuter l’activité concernée dans les deux ans de la délivrance de cette autorisation ou, le cas échéant, dans tout autre délai prévu à l’autorisation. À défaut, l’autorisation est annulée de plein droit et toute contribution financière versée par le titulaire en vertu du premier alinéa de l’article 46.0.5 lui est remboursée, sans intérêts, à l’expiration de ce délai.
Toutefois, le ministre peut, sur demande du titulaire, maintenir l’autorisation en vigueur pour la période et aux conditions, restrictions et interdictions qu’il fixe.
[soulignements ajoutés]
[13] L’article 46.0.9 a été ajouté à la LQE par le biais de l’article
57. À compter du 16 juin 2017 et jusqu’à ce qu’il en soit autrement prévu par un règlement du gouvernement pris en vertu de l’article
[...]
59. Les demandes d’autorisation faites au ministre en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement avant le 7 avril 2017, relatives à un projet dans un cours d’eau à débit régulier ou intermittent, un lac, un étang, un marais, un marécage ou une tourbière et qui sont pendantes le 16 juin 2017, sont continuées et décidées conformément aux exigences prévues par cette loi et par la Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou hydrique telles qu’elles se lisaient la veille de cette date.
Toutefois, une telle demande peut être continuée et décidée conformément aux règles prévues à l’article
60. Les demandes d’autorisation faites au ministre en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement après le 6 avril 2017, relatives à un projet dans un cours d’eau à débit régulier ou intermittent, un lac, un étang, un marais, un marécage ou une tourbière et qui sont pendantes le 16 juin 2017, sont continuées et décidées conformément aux règles suivantes :
1° le demandeur doit, le cas échéant, compléter sa demande en transmettant au ministre, au plus tard le 15 août 2017, les documents et les renseignements énumérés à l’article
2° dans le cadre de son analyse, le ministre tient compte des éléments énumérés à l’article
3° les motifs de refus énumérés à l’article
4° le demandeur d’autorisation paie la contribution financière exigée en vertu de l’article 57.
Toutefois, malgré le premier alinéa, lorsqu’une mesure de compensation a fait l’objet d’un engagement écrit de la part du demandeur en vertu de l’article
Le présent article ne s’applique pas aux travaux et aux projets visés à l’article 58.
61. Le premier alinéa de l’article 60 s’applique également aux demandes d’autorisation faites au ministre en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement après le 16 juin 2017, mais avant le 23 mars 2018.
[…]
63. L’article
[…]
65. Les demandes d’autorisation faites au ministre en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement à compter du 23 mars 2018 sont régies par les dispositions de cette loi telle qu’elle se lira à compter de cette date.
[soulignements ajoutés]
[14] Les parties sont d’accord que l’article
[15] Toutefois, le PGQ soutient que les règles transitoires de la LCCMHH ne s’appliquent pas aux demanderesses, parce que les autorisations leur ont été délivrées avant la date du 7 avril 2017 qui est mentionnée aux articles 59 et 60. Le PGQ s’exprime comme suit dans son plan d’argumentation :
25. Les règles transitoires prévues à la LCCMHH aux articles 59 à 64 ne visent que les demandes pendantes au 16 juin 2017 (articles 59 et 60 LCCMHH) et les demandes d’autorisation faites au ministre en vertu de la LQE après le 16 juin 2017, mais avant le 23 mars 2018 (article 61 LCCMHH).
26. L’article 63 LCCMHH rend l’article
27. Pour les autorisations délivrées entre le 6 avril 2017 et le 22 mars 2018 en vertu des articles 60 de la LCCMHH, le délai de 2 ans commence à courir à la date de l’autorisation plutôt qu’à la date d’entrée en vigueur de l’article 46.0.9, le 23 mars 2018, comme c’est le cas pour les autres autorisations délivrées avant le 6 avril 2017 sous l’ancien régime. [soulignements ajoutés]
28. Ainsi, contrairement à ce que prétendent les demanderesses, les articles 60 et 63 de la LCCMHH ne sauraient écarter l’application de l’article
[16] Les demanderesses sont d’avis contraire. Selon elles, l’article 63 LCCMHH prévoit que l’article
58. Ainsi, la LCCMHH indique que l’article
59. De même, l’article 65 de la LCCMHH prévoit que toute demande formulée à compter du 23 mars 2018 sera alors assujettie aux dispositions de la LQE telle qu’elle se lira alors, de sorte que l’article
60. Or, l’article 60 s’applique uniquement aux demandes d’autorisation faites après le 6 avril 2017 et qui étaient toujours pendantes en date du 16 juin 2017, ce qui n’est pas le cas des trois demandes de CA qui ont mené à la délivrance des CA faisant l’objet des présents dossiers;
61. De plus, l’article 61 de la LCCMHH prévoit également le régime applicable aux demandes formulées postérieurement au 16 juin 2017, mais avant l’entrée en vigueur des dispositions de la LQE amendées par la LCCMHH, dont l’article 46.0.9;
62. Suivant l’article 63 de la LCCMHH, l’article
63. En l’espèce, cette disposition ne trouve pas application puisque, bien que les demandes de CA des Demanderesses aient été formulées avant le 7 avril 2017, ces demandes dans les trois présents dossiers n’étaient pas pendantes en date du 16 juin 2017. Au contraire, des CA avaient déjà été délivrés aux Demanderesses avant le 7 avril 2017;
64. Néanmoins, considérant une disposition claire selon laquelle ces demandes toujours pendantes faites au ministre avant le 7 avril 2017 doivent être continuées en vertu du régime précédant l’adoption de la LCCMHH, l’intention du Législateur ne peut être que les demandes ayant mené à une autorisation préalablement à ce délai deviennent pour leur part assujetties au nouveau régime;
65. Il ressort ainsi de la lecture combinée des articles 63 et 65, de même que des articles 59, 60 et 61 de la LCCMHH que l’article
[références omises]
[17] Le Tribunal partage l’avis des demanderesses. Il ressort de l’article 63 LCCMHH que l’article
[18] En affirmant le contraire, le PGQ donne un effet rétroactif à l’article
[19] Par ailleurs, le motif invoqué par le ministre pour annuler les certificats d’autorisation délivrés aux demanderesses ne trouve pas d’assise dans l’article 46.0.9 et illustre l’erreur dans la position exprimée par le PGQ. Le Tribunal reproduit l’explication fournie par le PGQ dans son plan d’argumentation pour l’annulation des certificats d’autorisation :
2. Dans les trois dossiers, les bénéficiaires ont été informés de l’annulation, de plein droit, de leur autorisation au motif que les activités autorisées n’ont pas débuté dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur de l’article
3. Les trois autorisations ont été annulées de plein droit le 23 mars 2020, soit deux ans suivant l’entrée en vigueur de l’article
[20] Or, l’article 46.0.9 précise que l’autorisation sera annulée de plein droit si l’activité concernée n’a pas commencé « dans les deux ans de la délivrance de cette autorisation », non pas si l’activité n’a pas commencé dans les deux ans de l’entrée en vigueur de l’article 46.0.9.
[21] Le PGQ a tort de plaider que, puisque les demanderesses n’avaient pas commencé les travaux autorisés lors de l’adoption de l’article 46.0.9, leurs situations étaient toujours « en cours » et donc régies par la nouvelle disposition. Puisque les certificats d’autorisation délivrés aux demanderesses ne prévoient pas de délai pour le commencement des travaux, les droits des demanderesses ont été déterminés de façon définitive dès lors qu’elles avaient satisfait les conditions préalables à la délivrance des autorisations et que le ministre les avait délivrées.
[22] Enfin, la conclusion selon laquelle le délai de deux ans ne s’applique pas aux autorisations délivrées avant le 7 avril 2017 est confirmée par l’article
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[23] DÉCLARE que l’article
[24] LE TOUT avec les frais judiciaires payables aux demanderesses.
| __________________________________ DAVID R. COLLIER, J.C.S. |
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Me Simon Pelletier | |
Me Frédéric Côté | |
Me Jonathan Coulombe | |
BCF | |
Procureurs des demanderesses | |
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Me Gabriel S. Gervais | |
Bernard, Roy | |
Procureurs du Procureur général du Québec | |
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Date d'audience : Le 15 juin 2022 | |
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[1] RLRQ, c. Q-2.
[2] LQ 2017 c. 14.
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