Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Québec

QUÉBEC, le 14 août 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

89897-04-9707-R

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Pierre Simard, avocat

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Normand Beaulieu

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Pierre De Carufel

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

110983335

AUDIENCE TENUE LE :

17 avril 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER BRP

624193322

À :

Thetford-Mines

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE PRÉSENTÉE EN VERTU DE L'ARTICLE 429 .56 DE LA LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES (L.R.Q., chapitre A-3.001)

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

YVON LAMBERT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FONDERIES BIBBY STE-CROIX INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 14 août 2001, Fonderies Bibby Ste-Croix Inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision rendue par cette instance, le 13 juin 2001.

[2]               Par cette décision, la première commissaire rejette l’objection préliminaire portant sur sa compétence pour se saisir d’un nouveau diagnostic émis par le médecin qui a pris charge du travailleur, lors de l’audience initiale du 15 mars 1999, et infirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 30 juin 1997, en déclarant que le travailleur se voyait reconnaître porteur d’une lésion professionnelle, au 26 octobre 1995, en regard d’une intoxication au monoxyde de carbone en relation avec son exposition au travail.

[3]               La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Thetford-Mines, le 17 avril 2002.  Les parties étaient présentes et représentées.

 

L'OBJET DE LA REQUÊTE

[4]               L’employeur invoque les dispositions du paragraphe 3 de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et allègue que la décision attaquée est entachée d’un vice de fond ou de procédure à nature à l’invalider.

[5]               Plus spécifiquement, il prétend que la première commissaire a commis des erreurs manifestes et déterminants portant sur sa compétence et son appréciation de la preuve offerte.

[6]               Plus spécifiquement, l’employeur prétend :

a)         que conformément aux décisions rendues par la CSST dans ce dossier, la première commissaire était strictement saisie d’une décision portant sur l’existence ou non d’une maladie professionnelle pulmonaire et qu’en conséquence elle ne pouvait se prononcer sur la notion élargie de maladie professionnelle en l’absence de décision émise par la CSST sur ce sujet.

 

b)         que la première commissaire en se saisissant du nouveau diagnostic émis à l’audition initiale du 15 mars 1999 par le Dr Dumont, a fait fi de la procédure d’évaluation médicale prévue par le législateur aux articles 199 et suivants LATMP ainsi que de son droit de soumettre ce nouveau diagnostic à la procédure de contestation médicale prévue par les articles 212 et suivants de la loi.

 

c)         en conséquence, la première commissaire a erronément fondé sa compétence à disposer du caractère professionnel du diagnostic d’intoxication aux substances contenus dans les fumées et les poussières sur son pouvoir d’agir en appel «de novo».

 

d)         que la première commissaire a commis une erreur grave et déterminante, sans préjudice au motif soulevé plus haut, lorsque celle-ci conclut que le travailleur présente une maladie professionnelle en regard principalement d’une intoxication au monoxyde de carbone pour les raisons suivantes :

 

1.     qu’en toute logique la première commissaire était donc liée par le diagnostic émis par le Dr Dumont, en application de l’article 224, ce diagnostic étant une intoxication mixte à une multitude de substances contenues dans les fumées et les poussières avec des symptômes de bronchospasme léger ponctuel entraînant des céphalées, des maux de tête et des étourdissements;

 

2.     que la première commissaire ne pouvait aller au-delà de ce diagnostic pour rechercher dans l’ensemble de la preuve une substance particulière qui aurait pu intoxiquer le travailler;

 

3.     que dans cette recherche, la première commissaire a commis une erreur grave et déterminante dans l’appréciation de la preuve portant sur une telle intoxications au monoxyde de carbone en écartant la preuve offerte par l’employeur sur ce sujet;

 

e)      finalement il allègue que la première commissaire a erronément reproché à l’employeur de ne pas avoir exercé les recours appropriés à l’encontre de la décision interlocutoire prise le 15 mars 1999, lors de l’audience initiale, de se saisir du nouveau diagnostic et de la nouvelle orientation donnée à ce dossier tout en ajournant l’audience à une date ultérieure afin de permettre à l’employeur de se préparer et de faire entendre tout expert qu’il requiert quant à cette nouvelle orientation, le tout pour les motifs suivants :

 

1.     que l’objection portant sur la compétence de la Commission des lésions professionnelles fut prise sous réserve et qu’aucune décision  ne fut émise en date du 15 mars 1999 sur ce sujet;

 

2.     que cette question fut débattue lors de la production des argumentations écrites datées du 21 décembre 2000 et du 14 février 2001;

 

3.     que finalement la décision portant sur ce sujet apparaît à la décision du 13 juillet 2001;»

 

 

 

 

LES FAITS

[7]               Le 21 juin 1996, le travailleur produit une réclamation dans laquelle il allègue être victime d’une maladie professionnelle eu égard à des difficultés respiratoires avec présence de fatigue et de maux de tête suite à des expositions à des poussières et des fumées.

[8]               Cette réclamation, de nature générale, est complétée par une lettre du 29 août 1996 adressée à la CSST.

[9]               Subséquemment, le travailleur sera vu par différents professionnels de la santé dont les pneumologues Jean Bourbeau et Michel-Yves Rouleau pour fins d’évaluation de son état pulmonaire.

[10]           Le travailleur est particulièrement examiné dans un contexte d’asthme professionnel, la procédure d’évaluation médicale prévue aux articles 226 et suivants étant engagée.

[11]           Le 11 octobre 1996, le Comité des maladies professionnelles pulmonaires conclut que la preuve offerte ne permet pas de supporter un diagnostic d’asthme.

[12]           Le 14 novembre 1996, le Comité spécial des Présidents entérine les conclusions du Comité des maladies professionnelles pulmonaires.

[13]           Subséquemment, la CSST émet des décisions, le 3 décembre 1996, en première instance, et le 30 juin 1997, en révision administrative, confirmant cette conclusion à l’effet que le travailleur n’est pas victime de maladie professionnelle pulmonaire en date du 26 octobre 1995.

[14]           Le 16 juillet 1997, le travailleur dépose une déclaration d’appel à la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles.

[15]           Le 15 mars 1999, la première commissaire procède à la tenue d’une première audience en présence des parties.

[16]           Lors de cette audience, le Dr Marcel Dumont témoigne.  Il déclare qu’il est en accord avec la position adoptée par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles ainsi que le Comité spécial des Présidents quant à l’absence d’un asthme professionnel.  D’autre part, il estime que le travailleur a présenté une intoxication mixte à une multitude de substances contenues dans les poussières et les fumées avec des symptômes de bronchospasme léger entraînant des céphalées, des maux de tête et des étourdissements.

[17]           Sur ce sujet, la première commissaire, aux paragraphes 8 à 12 de sa décision, rapporte :

«Une seconde question préliminaire concerne la juridiction de la Commission des lésions professionnelles de se prononcer sur l'existence d'une lésion professionnelle au 21 juin 1996, et ce, en regard d'un changement de diagnostic.

 

Pour disposer de cette question, la Commission des lésions professionnelles se doit d'exposer le contexte particulier dans lequel s'inscrit un tel changement.

 

Une première audience a lieu le 15 mars 1999.  Lors de cette audience, le travailleur témoigne des faits et circonstances entourant sa réclamation pour maladie pulmonaire professionnelle.  Le médecin ayant charge de celui-ci, le docteur Marcel Dumont, témoigne ensuite.  Ce dernier indique, en cours de témoignage, être d'accord avec la position du Comité des maladies pulmonaires professionnelles (le CMPP) et du Comité spécial des Présidents (le CSP) quant à l'absence d'un asthme professionnel.  Il estime, cependant, que le travailleur a présenté une intoxication mixte à une multitude de substances contenues dans les poussières et les fumées avec des symptômes de bronchospasme léger entraînant des céphalées, des maux de tête et des étourdissements.

Après un tel exposé de la part du docteur Marcel Dumont, le représentant de l'employeur indique ne pas être en mesure de déclarer sa preuve close sur la question médicale.  Il réfère, en cela, au changement de diagnostic.  Ledit représentant demande qu'un délai lui soit accordé afin d'obtenir une opinion médicale auprès d'un expert de son choix.

 

Le représentant du travailleur s'objecte, pour sa part, à la demande de l'employeur.  Il précise que ce dernier avait entre les mains l'étude industrielle de Michel Legris, laquelle référait à un bronchospasme ponctuel.  L'employeur disposait donc de toute l'information nécessaire pour préparer sa preuve.  Quant au CMPP, de poursuivre ledit représentant, celui-ci a examiné la condition médicale dans son ensemble et s'est prononcé sur la question du diagnostic.  La Commission des lésions professionnelles a donc juridiction pour disposer du diagnostic à retenir en regard d'une maladie pulmonaire professionnelle.»

 

 

[18]           Par la suite, sur ce sujet, la première commissaire à sa décision du 13 juillet 2001 énonce :

Quant à la question de la compétence, la Commission des lésions professionnelle, après avoir pris le tout en délibéré, a exposé aux parties sa position le 15 mars 1999.  En cela, elle a énoncé d'abord les prémisses suivantes:

 

1)         que le docteur Rouleau, le 26 février 1996, faisait état de symptômes de dyspnée en milieu de travail,

 

2)         que ce même médecin, le 15 avril 1996, se prononçait en faveur d'une présomption de phénomène de bronchospasme en milieu de travail,

 

3)         que le CMPP indiquait clairement que son évaluation concernait un phénomène de dyspnée en relation avec le milieu de travail, alors qu'il ne disposait d'aucune preuve pour soutenir la présence d'un asthme professionnel,

 

4)         que le 14 novembre 1996, le CSP confirmait l'absence d'un asthme professionnel,

 

5)         qu'en date de l'audience, il est question non pas d'un asthme professionnel mais d'une intoxication aux substances contenues dans les fumées et les poussières.

 

Partant de ces prémisses, la Commission des lésions professionnelles estime que la partie appelante, en l'occurrence le travailleur, donne une nouvelle orientation à sa réclamation.  Ce faisant, il y a lieu de s'assurer que toutes les données pertinentes sont présentes pour débattre, entre autres, de la question du diagnostic.  La Commission des lésions professionnelles déclare qu'elle est compétente pour disposer du litige dans son ensemble, incluant la question du diagnostic, et que l'employeur est en droit de se voir accorder un délai supplémentaire pour compléter sa preuve sur le plan médical.  En effet, l'employeur ne pouvait pas véritablement s'attendre à une telle orientation en cours d'audience de la part du médecin du travailleur, le docteur Marcel Dumont.  La Commission des lésions professionnelles ajourne donc l'audience, le temps nécessaire pour l'employeur d'obtenir, tel qu'il le désire, une opinion médicale sur la question du véritable diagnostic et de la relation avec l'exercice du travail.  C'est dans ce cadre précis que la Commission des lésions professionnelles reçoit de l'employeur, le 12 juillet 1999, l'opinion de monsieur Jacques Normandeau, toxicologue, datée du 5 juillet 1999.

 

 

 

Dans le cadre de son argumentation au 14 février 2001, le représentant de l'employeur revient sur cette question de juridiction du tribunal.  Il précise que c'est la première fois, le 15 mars 1999, qu'il est fait état du diagnostic d'intoxication, ce qui a privé l'employeur de se prévaloir de l'article 212 de la loi et de saisir le Bureau d'évaluation médicale (le BEM) de la question.  Le représentant de l'employeur soumet que la Commission des lésions professionnelles n'a donc pas compétence pour déterminer si le nouveau diagnostic constitue une lésion professionnelle.  L'article 377 de la loi ne peut pas lui donner une telle compétence, de poursuivre le représentant de l'employeur, alors que le diagnostic émis par le docteur Marcel Dumont ne l'a pas été conformément à l'article 199 et suivants de la loi.

 

Le représentant du travailleur allègue, quant à lui, que la Commission des lésions professionnelles est compétente pour entendre et disposer de la question du diagnostic, tel qu'exposé par le docteur Marcel Dumont en cours d'audience.  En cela, ledit représentant réfère à la réclamation du travailleur, quant aux explications fournies par ledit travailleur, au rapport médical du docteur Dumont, quant à sa mention voulant qu'il amorce une investigation pour maladie professionnelle, et à la lettre du travailleur du 26 octobre 1995, laquelle renseigne sur sa condition médicale.

 

Le représentant du travailleur précise que ces documents démontrent que la réclamation du travailleur n'a pas été soumise uniquement pour un problème d'asthme, mais pour un ensemble de symptômes physiques reliés aux substances dans son milieu de travail.  Ledit représentant ajoute que la CSST devait disposer de la maladie professionnelle dans son ensemble et non pas seulement en regard d'un asthme professionnel.  Enfin, ce représentant précise que la qualification par l'organisme d'une maladie pulmonaire professionnelle, au sens de l'article 226 et suivants de la loi, ne restreint pas la juridiction de la Commission des lésions professionnelles qui procède de « novo ».  Il réfère à l'application de l'article 377 de la loi.  Il réfère également à une décision de la Commission des lésions professionnelles du 19 octobre 2000 dans l'affaire Duchesneau et Chemtech et Cri environnement inc1

 

L'article 377 de la loi est libellé comme suit:

 

377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

Il peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.

________

1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

Dans le cas sous étude, le diagnostic de bronchospasme léger et d'intoxication mixte aux substances contenues dans les fumées et les poussières est précisé au moment de l'audience alors que dans l'affaire présentée par le représentant du travailleur, les diagnostics de rhinite et de syndrome d'hyperventilation ont été posés et consignés dans un rapport médical acheminé à la CSST bien avant la tenue de l'audience.

 

Tel que l'indique avec justesse le représentant de l'employeur, la loi prévoit que le médecin ayant charge doit, conformément à l'article 199, émettre un rapport médical faisant état, entre autres, de son diagnostic.  Ce faisant, il devient dès lors possible, pour l'employeur, de se prévaloir de l'article 212 de la loi et de requérir l'avis du BEM.  Les article 199 et 212 se lisent comme suit:

 

199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui - ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :

 

1°  s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou

2°  s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.

Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.

________

1985, c. 6, a. 199.

 

 

212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1°  le diagnostic;

2°  la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

3°  la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

4°  l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

5°  l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

La Commission des lésions professionnelles estime que le contexte particulier du présent dossier n'a pas pour effet d'écarter la compétence de ladite Commission, cette dernière agissant de « novo ».  Ce à quoi la Commission des lésions professionnelles doit porter une attention particulière, c'est au droit de l'employeur de pouvoir étayer sa preuve médicale compte tenu du nouveau diagnostic émis par le docteur Marcel Dumont.  C'est dans ce contexte que la Commission des lésions professionnelles a mis fin à l'audience du 15 mars 1999 et a permis à l'employeur d'obtenir une expertise médicale à l'encontre du diagnostic émis par le docteur Dumont.  L'employeur a par ailleurs fait entendre son expert lors de la seconde journée d'audience, soit le 27 octobre 2000.  La Commission des lésions professionnelles considère que le droit de l'employeur d'être entendu a été sauvegardé et qu'il a eu tout le loisir de présenter une preuve complète.  Tout le reste est une question d'appréciation par la Commission des lésions professionnelles quant au diagnostic à retenir et la relation avec l'exercice du travail.

 

La Commission des lésions professionnelles souligne enfin que l'employeur ne s'est pas prévalu de son droit d'en appeler de la position prise par la Commission des lésions professionnelles le 15 mars 1999 sur cette question de procédure.  La Commission des lésions professionnelles estime donc que ledit employeur était en accord avec la suspension de l'audience, le temps nécessaire d'obtenir une opinion auprès d'un expert de son choix.  D'ailleurs, c'est à sa demande que la suspension a eu lieu, et ce, malgré l'opposition du représentant du travailleur.»

 

_____________________________

1              Duchesneau et Chemtech environnement et Cri environnement inc., 113428-62C-9903, 19 octobre 2000, L. Crochetière;»

 

 

[19]           Quant aux faits particuliers de ce dossier ainsi que du déroulement ultérieur de l’audience du 27 octobre 2000, la Commission des lésions professionnelles réfère le lecteur à la longue section des faits contenus à la décision attaquée, plus particulièrement aux pages 8 à 33 de  la décision.

[20]           De ces faits, la Commission des lésions professionnelles tient à souligner que l’employeur a choisi de requérir les services de monsieur Jacques Normandeau, toxicologue à titre d’expert.

[21]           Au motif de sa décision, la première commissaire décrit sa compétence eu égard au diagnostic posé par le Dr Dumont.  Elle énonce les règles de droit s’appliquant dans le cadre général d’une maladie professionnelle.  Par la suite, la première commissaire se livre à une analyse comparative de la preuve portant aussi bien sur l’histoire occupationnelle du travailleur, la description de ses postes de travail, les différentes études réalisées au niveau de la toxicité des substances que l’on peut retrouver dans le milieu de travail.  De plus, la première commissaire discute de la jurisprudence déposée.

[22]           La première commissaire retient des études de l’hygiéniste Michel Legris ainsi que du toxicologue Jacques Normandeau, qu’il existe une multitude de contaminants dans le dit milieu de travail et que ceux-ci peuvent être nocifs pour la santé du travailleur suivant le niveau d’exposition, le temps d’exposition et la vulnérabilité personnelle de celui-ci.

[23]           Elle conclut que le milieu de travail du travailleur est potentiellement à risques et que la question est de savoir s’il l’a véritablement été dans le cas du travailleur.  Elle conclut qu’il faut répondre par l’affirmative à cette question, des rapports démontrant, pour le monoxyde de carbone, une concentration variant de 26 à 145 ppm lorsque celui-ci agit à titre de mécanicien soudeur.  Appréciant la preuve portant sur le travail dans le garage, elle conclut que le travailleur était aussi exposé à du monoxyde de carbone.

[24]           Continuant son analyse, au paragraphe 89 de sa décision, elle énonce :

«Ce qui rend l'analyse plus difficile dans le présent contexte c'est le diagnostic large émis par le docteur Marcel Dumont, à savoir une intoxication à une multitude de substances contenues dans les poussières et les fumées entraînant un bronchospasme léger.  Il aurait été plus aisé que celui-ci ait identifié un contaminant spécifique.  Toutefois, la Commission des lésions professionnelles estime que l'absence d'identification d'une substance particulière, de la part du docteur Dumont, n'empêche pas la reconnaissance d'une lésion professionnelle.  La Commission des lésions professionnelles est d'avis, à défaut d'une telle identification au moment de l'émission du diagnostic par le docteur Dumont en mars 1999, que la preuve démontre une probabilité d'intoxication au monoxyde de carbone. L'identification de cette réelle source de risque est suffisante pour qu'il soit question d'une lésion professionnelle.  Nul besoin d'être en présence d'une multitude de substances toxiques dépassant les normes admissibles.»

 

 

[25]           La première commissaire souligne à son paragraphe 90 qu’une telle intoxication fut suspectée par le Dr Marcel Dumont tel qu’il appert de la documentation émise par le D r Trempe, le 4 janvier 1996.  Or, à l’époque, on n’a pas donné suite à cette impression diagnostique.

[26]           Finalement, au paragraphe 91, la première commissaire énonce :

«Sur cette question de relation causale, la Commission des lésions professionnelles partage le point de vue élaboré dans la jurisprudence voulant que ce soit, entre autres, par l'analyse de la preuve circonstancielle qu'il faille établir la relation causale et conclure en l'existence d'une lésion professionnelle.  Dans le cas présent, cette preuve circonstancielle est la suivante : 

 

.1)   Le travailleur est exposé à une concentration de monoxyde de carbone dépassant la norme permise de 35 ppm.  De plus, outre le monoxyde de carbone, il est exposé à d'autres contaminants.  En cela, le rapport de l'hygiéniste industriel, Michel Legris, est explicite.  Il en fait référence aux pages 7 et 8, tel que cité précédemment.

 

.2)   Quoiqu'il n'y a pas eu de mesures spécifiques en regard du travailleur lui-même, le rapport de l'hygiéniste industriel indique un taux de concentration de monoxyde de carbone suffisamment élevé pour parler de risque pour la santé dudit travailleur.  En effet, l'hygiéniste industriel précise, en page 9 de son rapport, que les mécaniciens dans l'usine peuvent être surexposés au monoxyde de carbone et même surexposés à d'autres contaminants.  Or, le travailleur est affecté en partie à l'usine, soit dans l'environnement des différents procédés.  De plus, son travail l'oblige à travailler en hauteur à raison de 2 heures à 2 heures 30 par jour, ce qui l'expose grandement aux fumées.

 

.3)   Lorsque le travailleur présente des symptômes invalidants en mars 1995, il exerce sa fonction de mécanicien au garage.  Tel qu'indiqué précédemment, le système de ventilation est déficient, ce qui ne permet pas au monoxyde de carbone de sortir directement à l'extérieur.  Il en est de même en novembre 1995, lorsque son médecin le place en arrêt de travail.  L'exposition au monoxyde de carbone provoque, tel que l'indique le toxicologue Jacques Normandeau, des céphalées.  C'est ce qui est noté en page 15 de son rapport, sous la rubrique « Effets précurseurs immédiats ».  L'hygiéniste industriel Michel Legris ajoute, pour sa part, qu'une intoxication au monoxyde de carbone provoque des nausées et des céphalées.  Or, le travailleur présentait une telle symptomatologie à sa consultation du 26 octobre 1995 et au cours des autres consultations par la suite.

 

.4)   Le travailleur présente une amélioration de sa symptomatologie lorsqu'il est hors travail et cette symptomatologie s'installe à nouveau lorsqu'il est réexposé.  Cette situation est notée, par ailleurs, dans le rapport de la docteure Suzanne Trempe, du 6 janvier 1996.

 

.5)   La condition médicale du travailleur est améliorée de 90 % depuis son retrait définitif du milieu de travail.

 

 

[27]           La première commissaire se livre donc à une étude comparative de la preuve offerte par les deux parties en discutant des différents opinions et constats émis.

[28]           Suite à cette étude comparative de la preuve circonstancielle, la première commissaire conclut comme suit à son paragraphe 100 :

«La Commission des lésions professionnelles partage la conclusion à laquelle en arrive l'hygiéniste industriel dans le cadre de son rapport de janvier 1997, à l'effet que les nausées et les maux de tête présentés par le travailleur sont reliés à la présence, entre autres, du monoxyde de carbone.  La Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur est porteur d'une lésion professionnelle au 26 octobre 1995 en raison particulièrement de son exposition au monoxyde de carbone et pour laquelle il y a lieu de parler d'intoxication au monoxyde de carbone.»

 

 

[29]           Voilà donc l’essentiel de la preuve offerte à la Commission des lésions professionnelles.

L'AVIS DES MEMBRES

[30]           Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales sont unanimes pour recommander à la Commission des lésions professionnelles de rejeter la requête en révision pour cause déposée par l’employeur au motif que la preuve offerte ne permet pas de conclure que la première commissaire a commis une erreur manifeste et déterminante et qu’en conséquence la décision attaquée du 13 juillet 2001 ne comporte aucune vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider, le tout tel que sanctionné par l’article 429.56 de la loi.

[31]           Les membres souscrivent au motif énoncé à la décision.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[32]           La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il a été démontré un motif permettant la révision de la décision rendue par cette instance le 13 juillet 2001.

[33]           L’article 429.49 de la loi prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel.  Cependant, le législateur a prévu à l’article 429.56 de la loi que la Commission des lésions professionnelles peut réviser une décision qu’elle a rendue dans les situations suivantes :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1°  lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2°  lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

3°  lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[34]           La Commission des lésions professionnelles s’est prononcée à plusieurs reprises sur la portée des termes «vice de fond» de nature à invalider la décision[2].  Il a été établi qu’il faut entendre par ces termes une erreur manifeste de droit ou de faits qui est déterminante sur l’issue de la contestation.  Précisons que le recours en révision ne peut être assimilé à un second appel au moyen duquel on voudrait faire réapprécier la preuve ou encore bonifier son argumentation et obtenir une décision différente qui serait en sa faveur.

[35]           Au soutien de sa requête, l’employeur soumet que la première commissaire a commis des erreurs manifestes de droit et de faits qui sont déterminantes sur l’issue du litige.

[36]           Plus spécifiquement, de façon globale, l’employeur allègue que la première commissaire a commis une erreur manifeste lorsqu’elle a déterminé la portée de sa compétence pour se saisir de la nouvelle orientation donnée par le travailleur à son dossier, dans un contexte d’un nouveau diagnostic émis lors de l’audience initiale par le médecin qui a pris charge du travailleur.  Sur ce sujet, l’employeur soulève plusieurs points dont la portée de la réclamation, l’introduction d’un nouveau diagnostic à l’audience, la portée de ce nouveau diagnostic eu égard à ses conséquences sur les droits de l’employeur en regard de la procédure d’évaluation médicale ainsi que de l’application de l’article 224 de la loi.

[37]           En second lieu, l’employeur soulève que la première commissaire a commis des erreurs manifestes lors de son appréciation de la preuve, en retenant un diagnostic d’intoxication au monoxyde de carbone.

[38]           Sur la première série de motifs, la Commission des lésions professionnelles rappelle les termes de l’article 377 de la loi :

377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

Il peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.

________

1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[39]           Les auteurs ainsi que de la jurisprudence ont bien défini la portée de l’article 377 et la compétence dévolue à ce tribunal administratif par le législateur québécois.

[40]           Le professeur Yves Ouellet, dans son traité «Les Tribunaux administratifs du Canada[3]» décrivant la compétence des Tribunaux administratifs, enseigne :

«Mais lorsque la loi accorde le recours en révision devant un organisme spécialisé et maître de sa procédure, dans le but d’un examen plus approfondi, ce recours hybride pourra souvent être considéré comme le complément ou le prolongement du processus décisionnel initial, permettant le réexamen de tous les aspects de la décision initiale, selon une preuve différente, mais en vue d’obtenir la meilleure décision.  À moins que le texte de loi n’indique une intention contraire, la compétence du tribunal administratif dépend alors de ce qui a fait l’objet de la décision administrative initiale, car le législateur envisage alors un recours administré avec un minimum de technicalité et une compétence souple et large, surtout en l’absence d’un lis, ce qui est souvent le cas.»

 

 

[41]           Un peu plus loin, il ajoute :

«En pratique, il s’ensuit généralement que :

 

1)      L’organe réviseur n’a pas compétence pour rendre une décision que l’administration ayant rendu la décision initiale n’aurait pu rendre et,

 

2)      le tribunal réviseur, qui tient sa compétence de la loi et non des parties, peut réexaminer toute l’affaire et rendre la décision qu’aurait dû rendre l’administration et vider la question;»

 

 

[42]           Dans l’affaire Desruisseaux et CL.P. et C.S.S.T.[4] monsieur le juge Jean Bouchard, énonce :

«Il découle de ce survol rapide des dispositions pertinentes de la loi que la Commission peut procéder à une révision complète des faits et des circonstances qui ont motivé la décision de la CSST et se faire sa propre idée du dossier à partir de la preuve.  En cela, son pouvoir tient davantage du procès «De Novo» que de la révision pure et simple de la décision rendue en premier lieu.»

 

 

[43]           Dans Gauthier et Pagé[5], le juge Lebel de la Cour d’appel du Québec, définissait ainsi le recours :

«Celui-ci constitue une voie de recours par laquelle la décision originale elle-même est réexaminée à un second pallier.  Au sens très large, on reconsidère certes la première décision mais, en réalité, un organisme différent ou de niveau distinct substitue son appréciation du dossier à celle de l’organisme qui a décidé en premier lieu.»

 

 

[44]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la première commissaire, par le biais de l’article 377 de la loi, avait une compétence complète lui permettant d’actualiser son dossier et donc de recevoir toute la preuve pertinente à la solution de l’objet en litige devant elle.  La contestation introduite devant la Commission des lésions professionnelles, lui permettait donc d’assumer les mêmes pouvoirs que la CSST pour rendre la décision que cet organisme aurait dû rendre en première instance.  La seule limite à son pouvoir est l’objet en litige devant elle.

[45]           Or, tel qu’il appert du dossier, la Commission des lésions professionnelles conclut que l’objet en litige devant la première commissaire portait sur l’admissibilité d’une réclamation pour lésion professionnelle.  Conformément à la définition de cette expression, la notion de lésion professionnelle recouvre aussi bien les notions d’accident du travail, de maladie professionnelle, que de récidive, rechute ou aggravation d’un tel événement.

[46]           D’ailleurs, le présent tribunal a eu à se prononcer sur la portée spécifique d’un tel objet litigieux, en l’occurrence la notion de lésion professionnelle dans l’affaire Gérald Fortier et Société Minière Raglan Québec Ltée[6].

[47]           Dans cette affaire, se référant aux décisions rendues dans les causes de Labranche et Provigo[7] et Lessard et Société des Alcools du Québec[8], le tribunal concluait que le libellé initial d’une réclamation ne saurait limiter la compétence du tribunal sur l’objet en litige, dans le cadre «un appel administratif» par voie «De Novo».

[48]           Ainsi, lorsque le tribunal est saisi de l’admissibilité d’une réclamation pour lésion professionnelle, il a la capacité de se prononcer sur tous les types de lésion professionnelle.

[49]           Dès lors, la première commissaire n’a commis aucune erreur dans l’établissement de sa compétence puisque l’analyse initiale de la réclamation du travailleur effectuée par la CSST, dans le contexte d’une maladie professionnelle pulmonaire, ne pouvait limiter la notion de lésion professionnelle, incluant tout type de maladie professionnelle et, à la limite, l’application des notions d’accident du travail ou de rechute, récidive ou aggravation.

[50]           En second lieu, dans le cadre de l’objet en litige, la première commissaire s’est saisie d’un nouveau diagnostic émis par le médecin qui a pris charge du travailleur lors de l’audience initiale.  Sur ce sujet, la Commission des lésions professionnelles tient à souligner que la possibilité d’une intoxication au monoxyde de carbone fut soulevée initialement par le médecin traitant du travailleur.  Or, l’orientation médicale donnée à ce dossier a fait qu’on a négligé d’étudier cette possibilité.  Il est donc faux de prétendre que cette possibilité est apparue uniquement lors de l’audience du 15 mars comme d’ailleurs notée par la première commissaire.

[51]           De plus, la Commission des lésions professionnelles considère que la notion de diagnostic constitue un sujet étroitement relié à la notion d’admissibilité, c’est-à-dire une question indissociable de cette notion d’admissibilité.

[52]           En effet, que ce soit dans le cadre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la notion d’admissibilité implique que l’on puisse établir un lien de causalité entre une cause professionnelle et une lésion identifiée.

[53]           Ainsi donc la cause professionnelle, la lésion identifiée et le lien de causalité sont les trois éléments constitutifs et fondamentaux qui président à l’établissement de l’existence ou non d’une lésion professionnelle.

[54]           Il en ressort que chaque palier décisionnel, lorsque saisi d’une contestation portant sur l’admissibilité d’une réclamation est appelé à identifier l’existence ou non de ces trois éléments fondamentaux.

[55]           La première commissaire devait donc, pour pouvoir répondre à la question qui lui était posée, identifier le ou les diagnostics résultant de la réclamation du travailleur.  L’on comprendra que sans un diagnostic il devient impossible de reconnaître l’existence d’une lésion professionnelle.

[56]           Lorsque la première commissaire procède à cette identification, elle exerce tous les pouvoir qui lui sont reconnus par l’«appel administratif» s’exerçant par voie «De Novo».  Il en résulte donc que la première commissaire, selon la preuve offerte, pouvait actualiser son dossier et prendre en considération tout nouveau diagnostic posé devant elle par le médecin qui a pris charge du travailleur.

[57]           Sur ce sujet, la Commission des lésions professionnelles tient à souligner que les dispositions des articles 199 et suivants de la loi portant sur la procédure d’évaluation médicale permettent la gestion administrative des différents aspects médicaux d’un dossier.  Ces articles doivent être interprétés de façon large et libérale afin d’atteindre les objectifs visés par le législateur.  De plus, les dispositions de l’article 353 de la loi énoncent :

353. Aucune procédure faite en vertu de la présente loi ne doit être considérée nulle ou rejetée pour vice de forme ou irrégularité.

________

1985, c. 6, a. 353.

 

 

[58]           Dès lors, lorsque le Dr Dumont énonce le diagnostic qu’il retient pour qualifier la symptomatologie dont se plaint le travailleur depuis l’introduction de sa réclamation, ce médecin actualise le dossier au niveau des attestations médicales.

[59]           Une telle situation est bien différente de celle où on voudrait contester un diagnostic déjà posé et sur lequel des décisions finales et irrévocables furent rendues.  Plutôt il s’agit d’une situation où, à la limite, on ajoute un nouveau diagnostic qui, dès lors, peut être soumis à la procédure de contestation médicale.

[60]           Ainsi donc, la première commissaire n’a commis aucune erreur manifeste lorsqu’elle décide de se saisir du nouveau diagnostic émis par le Dr Dumont à son audience du 15 mars.

[61]           De plus, la première commissaire respecte les règles de justice naturelle lorsqu’elle accorde à l’employeur un ajournement afin de prendre toutes les mesures appropriées à l’introduction de ce nouveau diagnostic.

[62]           La Commission des lésions professionnelles constate que la preuve qui lui est offerte ne permet pas d'établir que la première commissaire a limité les options ouvertes à l’employeur et qu’elle l’a privé de son droit à obtenir une expertise médicale, éventuellement d’avoir recours à la procédure de contestation médicale prévue aux articles 212 et suivants.

[63]           La preuve a plutôt révélé que, fort de son ajournement, l’employeur a requis les services du toxicologue Normandeau pour consentir finalement à une reprise d’instance et à un complément de preuve qui, selon la stratégie qu’il adopte à cette époque, satisfaisait les buts visés.

[64]           La Commission des lésions professionnelles conclut que c’est dans ce contexte que la première commissaire a rapporté au paragraphe 24 de sa décision que l’employeur en n’a pas appelé de sa position prise sur sa capacité juridictionnelle associée au diagnostic tout en soulignant qu’elle procédait à une suspension de l’audience pour permettre à l’employeur l’exercice de ses droits.

[65]           Il en résulte donc que les reproches adressés par l’employeur à la première commissaire concernant cette question du diagnostic médical ainsi que de la procédure d’évaluation impliquant sa capacité à soutenir une contestation de nature médicale constituent finalement une tentative de modifier la stratégie adoptée lors des audiences initiales, ce qui ne peut être sanctionné en révision pour cause.

[66]           La première commissaire n’a commis aucune erreur manifeste et déterminante dans l’établissement de sa compétence portant aussi bien sur la portée de l’objet en litige que sur la question de nature indissociable à la solution de ce litige.  De plus, la première commissaire, comme on l’a dit, a respecté les règles de justice naturelle et n’a pas privé l’employeur de l’exercice de ses droits.

[67]           Troisièmement, la première commissaire était donc saisir du diagnostic posé par le Dr Dumont, le tout dans le contexte de l’application de l’article 224 de la loi.

[68]           L’employeur allègue qu’elle a commis une erreur manifeste en s’éloignant de ce diagnostic et en reconnaissant plutôt que le travailleur fut victime d’une intoxication au monoxyde de carbone.

[69]           La lecture attentive de la décision rendue par la première commissaire ne peut sustenter de telles prétentions.

[70]           En effet, la première commissaire a bien retenu le diagnostic posé par le Dr Dumont qui, rappelons-le, était de nature générale quant à la présence d’une multitude de contaminants présents dans le milieu de travail.

[71]           Sur ce sujet, le diagnostic purement médical implique une contamination, une intoxication mixte à une multitude de substances contenues dans les fumées et les poussières ayant entraîné des symptômes de bronchospasme léger ponctuel entraînant des céphalées, des maux de tête et des étourdissements.

[72]           Dès lors, la première commissaire ne modifie pas ce diagnostic lorsqu’elle s’attarde à l’identification des différents contaminants pouvant être présents dans le milieu de travail du travailleur conformément à la preuve offerte.  Par cette démarche, la première commissaire s’assure de la causalité professionnelle des symptômes énoncés par le Dr Dumont par l’identification de ces contaminants.  Elle n’ajoute ni ne retranche à l’opinion énoncée par ce médecin et procède plutôt à l’illustration factuelle inclut à l’opinion émise par le Dr Dumont.

[73]           Ainsi, dans cette analyse, la première commissaire aurait pu retrouver plusieurs types de contaminants compatibles avec l’apparition de la symptomatologie du travailleur et n’aurait nullement modifié les termes «multitude de contaminants» employés par ce médecin.

[74]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la première commissaire n’a commis aucune erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle en arrive à la conclusion que les symptômes subis par le travailleur résultent de la présence, entre autres du monoxyde de carbone.

[75]           D’ailleurs, le terme «entre autres» utilisé par la commissaire aux paragraphes de sa décision confirme la conclusion où en arrive la Commission des lésions professionnelles.

[76]           Finalement, on reproche à la première commissaire son appréciation de la preuve offerte.

[77]           Sur ce sujet, la Commission des lésions professionnelles rejette ce dernier argument soulevé par l’employeur.  En effet, la première commissaire, au paragraphe 91 de sa décision, a bien énoncé le principe qu’elle appliquait dans l’appréciation de la preuve.

[78]           Elle énonce :

«Sur cette question de relation causale, la Commission des lésions professionnelles partage le point de vue élaboré dans la jurisprudence voulant que ce soit, entre autre, par l’analyse de la preuve circonstancielle qu’il faille établir la relation causale et conclure en l’existence d’une lésion professionnelle.»

 

 

[79]           Au-delà de ce constat, la Commission des lésions professionnelles constate que la première commissaire a rapporté l’intégralité de la preuve qui lui était offerte dans une longue section des faits.

[80]           Par la suite, la première commissaire a débattu de chacun des éléments de la preuve offerte en se livrant à une étude comparative des opinions émises, toujours dans le contexte où elle doit apprécier cette preuve de façon globale et non de façon scientifique.

[81]           La Commission des lésions professionnelles rappelle qu’il ne lui appartient pas, en révision pour cause, de substituer son appréciation de la preuve à celle de la première commissaire à moins qu’il ne soit démontré que celle-ci a commis une erreur manifeste et déterminante.

[82]           Or, sur ce sujet, la Commission des lésions professionnelles conclut que la première commissaire n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante au niveau des éléments factuels mis en preuve devant elle.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision déposée par l’employeur le 14 août 2001;

 

 

 

 

 

               PIERRE SIMARD

 

                   Commissaire

 

 

 

C S. D.

(Me Thierry Saliba)

 

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

GAGNE, LETARTE

(Me Serge Belleau)

 

 

Représentant de la partie intéressée

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          Produits Forestiers Donohue Inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ;

[3]          Tribunaux Administratifs au Canada, Yves Ouellet, Editions Témis, [1997] Faculté de Droit de l’Université de Montréal, page 29;

[4]          [2000], C.L.P. 556 ,

[5]          [1998] R.J.Q. 650-000655-

[6]              C.L.P. 122296-08-9707, 15 mai 2002, P. Simard, commissaire;

[7]              C.L.P. 123655-71-9909 et 128548-71-9912, 16 octobre 2001, M. H. Côté, commissaire;

[8]          C.A.L.P. 60390-62-9406, 15 novembre 1995, L. Thibault, commissaire;

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.