Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et Directeur des poursuites criminelles et pénales |
2015 QCCFP 7 |
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COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIERS No : |
1301244 à 1301262 et 1301265 à 1301280 |
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DATE : |
26 février 2015 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Me Louise Caron |
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ASSOCIATION DES PROCUREURS AUX POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES (Me ALEXANDRE AREL ET AL)
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Demanderesse
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Et
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DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES
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Défendeur |
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DÉCISION |
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(Article 16, Loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective, RLRQ, c. P-27.1) |
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[1] Le 12 décembre 2013, l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (ci-après appelée l’« APPCP ») a fait parvenir à Me Claude Lachapelle, Directeur des poursuites criminelles et pénales (ci-après appelé de « DPCP »), un avis de mésentente.
[2] Par cet avis, l’APPCP conteste la décision du DPCP de refuser de corriger les erreurs de calcul quant à la rémunération de Me Alexandre Arel ainsi que de l’ensemble des 34 autres procureurs dont les noms apparaissent en annexe de l’avis de mésentente. Plus précisément, l’APPCP allègue que ces erreurs de calcul résultent de « l’application de l’intégration des échelles de traitement visant les échelons 8, 9 et 10 ».
[3] L’APPCP prétend que cette décision est sans fondement et contrevient à l’Entente relative aux conditions de travail des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (ci-après appelée l’« Entente PPCP ») ainsi qu’à l’Entente de principe concernant certains éléments modifiant l’Entente relative aux conditions de travail des procureurs aux poursuites criminelles et pénales.
[4] Les conclusions recherchées sont que cette décision du DPCP de refuser de corriger les erreurs de calcul quant à la rémunération de Me Arel et des autres procureurs identifiés dans l’avis de mésentente « soit rescindée et que les correctifs nécessaires soient apportés ». L’APPCP demande de plus compensation pour l’ensemble des pertes subies par chacun des procureurs visés, résultant de la décision contestée, le tout avec intérêts.
[5] Deux conférences préparatoires sont tenues, les 11 et 19 septembre 2014. Le DPCP fait alors part à la Commission et à l’APPCP de son intention de soulever deux moyens préliminaires, le premier portant sur l’absence de compétence de la Commission pour entendre ce recours et le deuxième portant sur sa prescription.
[6] De son côté, l’APPCP dit vouloir soumettre une preuve extrinsèque relative aux négociations ayant entouré la signature de l’Entente PPCP, preuve à laquelle entend s’opposer le DPCP.
[7] La Commission décide de prendre sous réserve l’objection du DPCP quant à la présentation d’une preuve extrinsèque, telle qu’elle l’avait d’ailleurs indiqué lors de la deuxième conférence préparatoire. Cette décision est prise dans le seul but d’assurer une meilleure administration de la justice, l’APPCP ayant annoncé lors de la première conférence préparatoire que son témoin pour la preuve principale, Me Christian Leblanc, demeure à Amos.
[8] La Commission doit d’abord déterminer si elle a compétence pour entendre le présent recours. Compte tenu de sa conclusion, la présente décision ne porte que sur sa compétence.
[9] Afin de faciliter la compréhension de la décision, la Commission reproduit immédiatement les dispositions pertinentes de l’Entente PPCP.
[10] L’article 6-1.01 concerne le classement des procureurs et leur intégration à une nouvelle échelle de traitement à partir du 1er avril 2011 :
6-1.01 Les procureurs sont classés dans une classe d’emploi dont l’échelle de traitement comporte 21 échelons. À partir du 1er avril 2011, l’échelle de traitement fait l’objet d’une restructuration et le procureur progresse dans la nouvelle échelle de traitement prévue à l’annexe I qui comporte 18 échelons. L’intégration des procureurs à la nouvelle échelle de traitement se fait, le cas échéant, telle qu’illustrée à l’annexe II.
[11] L’annexe 2 de l’Entente PPCP illustre l’intégration des procureurs et énonce certaines règles concernant la restructuration de l’échelle de traitement :
Annexe 2
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Restructuration de l’échelle de traitement
- L’intégration n’a pas pour effet de modifier la durée du séjour à un échelon aux fins de la progression annuelle ou semestrielle.
- Lors d’une première nomination à titre de procureur au cours de la période allant du 1er avril 2011 jusqu’à la date de signature de l’entente, le procureur se voit appliquer les dispositions de la présente section en faisant les adaptations nécessaires, et ce, à la date de signature de cette nomination.
- Le chapitre 9 de l’entente ne s’applique pas à cette intégration à l’exception d’erreurs de calcul dans l’application de celle-ci auprès d’un procureur.
- À la demande d’une des parties, un comité ad hoc est formé afin de discuter des problématiques reliées à l’intégration des procureurs à la nouvelle échelle de traitement ainsi qu’à son suivi. Ce comité ad hoc sera composé de représentants de l’employeur et de l’association.
[12] L’article 6-1.04 établit la durée de séjour dans un échelon, selon l’échelle de traitement applicable avant le 1er avril 2011 et selon celle applicable à partir de cette date :
6-1.04 La durée de séjour dans un échelon est d’un an sauf dans le cas des dix (10) premiers échelons de l’échelle de traitement dont la durée de séjour est de six mois. À partir du 1er avril 2011, la durée de séjour dans un échelon est d’un an sauf dans le cas des huit (8) premiers échelons de l’échelle de traitement dont la durée de séjour est de six mois.
[13] L’article 6-1.05 prévoit les conditions que doit remplir un procureur pour être admissible à un avancement d’échelon, de même que les dates et les périodes de paie de ces avancements.
6-1.05 Le procureur est admissible à l’avancement d’échelon, qui lui est consenti, sur rendement satisfaisant, au début de la première période de paie d’avril ou d’octobre qui suit d’au moins neuf ou quatre mois la date de l’accession à la classe d’emploi, suivant qu’il s’agisse d’un avancement annuel ou semestriel.
Malgré ce qui précède, le procureur doit, pour avoir droit à l’avancement d’échelon, avoir travaillé au moins trois (3) mois ou l’équivalent dans le cas d’avancement semestriel et au moins six (6) mois ou l’équivalent dans le cas d’avancement annuel.
[…]
Les dates d’avancement d’échelon pour la première période de paie d’avril et d’octobre sont les suivantes :
· 8 avril 2010 - 7 octobre 2010;
· 7 avril 2011 - 6 octobre 2011;
· 5 avril 2012 - 4 octobre 2012;
· 4 avril 2013 - 3 octobre 2013;
· 3 avril 2014 - 2 octobre 2014.
[14] Enfin, au chapitre 9 de l’Entente PPCP, l’article 9-1.04 établit que si un procureur ou l’APPCP se croit lésé relativement à l’interprétation, l’application ou une prétendue violation de l’Entente PPCP, l’APPCP transmet au DPCP un avis de mésentente à cet effet :
9-1.04 Si un procureur ou l’association se croit lésé relativement à l’interprétation, l’application ou une prétendue violation de l’entente, l’association transmet au directeur un avis de mésentente par écrit dans les trente (30) jours suivant l’événement qui y a donné lieu, en faisant un exposé sommaire des faits de façon à identifier le problème et à préciser le droit recherché.
Dans le cas de harcèlement psychologique, ce délai est de quatre-vingt-dix (90) jours suivant la dernière manifestation d’une conduite de harcèlement psychologique.
L’Association transmet aussi une copie de cet avis à la Commission de la fonction publique.
LES FAITS
[15] Le DPCP dépose des documents et il fait témoigner Me Steve Magnan, directeur adjoint par intérim au DPCP depuis septembre 2014. Procureur aux poursuites criminelles et pénales depuis 1990, Me Magnan est aussi procureur en chef, au bureau de Québec, de juin 2012 à septembre 2014.
[16] L’APPCP dépose elle aussi des documents et elle fait témoigner Me Martin Reid et Me Christian Leblanc. Me Reid est vice-président de l’APPCP depuis décembre 2012. Procureur au bureau de Longueuil depuis 2003, Me Reid est aussi administrateur à l’APPCP de juin à décembre 2012. En tant que vice-président, Me Reid explique s’occuper de la gestion des dossiers des procureurs et être membre du Comité des relations professionnelles des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (ci-après appelé le « CRP »)[1].
[17] Me Leblanc est procureur à Amos depuis 1997. Élu à l’exécutif de l’APPCP en 2006, il occupe la même année le poste de président de l’APPCP jusqu’à sa démission en 2013. Par la suite, il est nommé administrateur à l’APPCP.
[18] La Commission ne rapporte que les parties de témoignage et ne s’attarde qu’aux éléments de preuve nécessaires à la détermination de sa compétence.
[19] Me Magnan mentionne que l’intégration des procureurs à la nouvelle échelle de traitement prévue à l’Entente PPCP 2010-2015 consiste en leur reclassement dans la nouvelle échelle. Tel que le démontre l’avis d’intégration transmis à Me Alexandre Arel, le 10 février 2012, l’intégration s’est faite rétroactivement au 1er avril 2011. Ainsi, dans le cas de Me Arel, ce dernier était, au 31 mars 2011, à l’échelon 10 et il est passé à l’échelon 11 le 1er avril 2011.
[20] Me Magnan explique son implication dans le dossier d’intégration des procureurs à la nouvelle échelle de traitement. Il devient membre du CRP en juin 2012. Il mentionne que lors de la réunion du CRP du 30 novembre 2012, Me Leblanc demande la formation d’un comité ad hoc pour discuter des problématiques reliées à l’intégration des procureurs à la nouvelle échelle de traitement, conformément à l’annexe 2 de l’Entente PPCP. Tel que le soulignent plus tard Me Reid et Me Leblanc, la formation de ce comité ad hoc a été antérieurement discutée, notamment à la réunion du CRP du 30 avril 2012.
[21] Me Magnan prend en charge le comité ad hoc le 18 décembre 2012. Ce comité bipartite est formé, du côté du DPCP, de Me Victor Prada et de Me Magnan et, du côté de l’APPCP, de Me Reid et de Me Julie-Maude Greffe.
[22] Me Magnan mentionne qu’il y a eu trois rencontres du comité ad hoc, les 16 janvier, 15 février et 14 mars 2013. Au cours de la première rencontre, qui est relativement courte, les parties se présentent et Me Reid expose pour la première fois la problématique, qui serait liée au traitement inéquitable imprévu des procureurs se situant aux échelons 8, 9 et 10 au 31 mars 2011. Me Reid aurait alors exposé succinctement que le traitement inéquitable allégué serait dû au fait que, jusqu’au 31 mars 2011, la durée de séjour des procureurs pour les dix premiers échelons était de six mois et que, à partir du 1er avril 2011, la nouvelle échelle de traitement prévoit que seuls les huit premiers échelons ont une durée de séjour de six mois.
[23] Lors de la rencontre du 15 février 2013, Me Reid remet aux membres du comité ad hoc un document qui expose pour la première fois la position de l’APPCP par rapport au traitement inéquitable imprévu allégué. À la lumière de ce document, Me Magnan comprend de la position de l’APPCP que celle-ci prétend que l’Entente PPCP vise à augmenter d’un échelon tous les procureurs, ce qui ne serait pas le cas pour les procureurs aux échelons 8, 9 et 10 au 31 mars 2011, ceux-ci n’ayant pas bénéficié, à la suite de leur intégration à la nouvelle échelle, d’un avancement d’échelon au 7 avril 2011. Me Magnan souligne que l’APPCP avait de la difficulté à expliquer clairement la problématique et il souligne que la démonstration qui en a été faite lors de cette rencontre n’est pas limpide. À Me Magnan qui leur dit alors s’interroger sur la situation des procureurs qui n’ont pas encore atteint ces échelons, l’APPCP aurait répondu se concentrer sur les procureurs se situant aux échelons 8, 9 et 10 au 31 mars 2011.
[24] Lors de la rencontre du 14 mars 2013, Me Reid dépose au comité ad hoc un projet de rapport final. Me Magnan explique que ce rapport fait une démonstration théorique de la problématique soulevée et que 36 procureurs y sont identifiés. Pour Me Magnan, il ne s’agit pas d’un problème d’intégration, mais d’une problématique relative à un avancement d’échelon. Me Magnan déclare avoir dit à l’APPCP que la problématique soulevée concernait l’interprétation du « premier tiret » de l’annexe 2 de l’Entente PPCP et avoir expliqué que ce « tiret » avait pour but de permettre de calculer le temps de séjour dans un échelon passé par un procureur avant l’intégration du 1er avril 2011, pour le passage au prochain échelon, après l’intégration. Ainsi, « on ne repart pas le compteur à zéro »; le temps de séjour cumulé avant l’intégration est pris en compte au moment du prochain avancement d’échelon.
[25] L’APPCP a déposé un rapport final, en juin 2013, à la fin des travaux du comité ad hoc, rapport dans lequel elle explique ses prétentions et tente de réfuter la position du DPCP émise lors de la réunion du 14 mars 2013.
[26] Concernant le fait que les procureurs en cause n’ont pas réellement bénéficié d’un échelon supplémentaire, tel qu’en témoigne Me Reid, les prétentions de l’APPCP sont illustrées aux points 5 et 6 de ce rapport où l’APPCP donne un exemple d’analyse d’une intégration problématique et un exemple d’analyse d’une intégration non problématique :
5. Exemple d’analyse d’une intégration problématique :
Ancienne entente :
Un procureur-8-9-10-type à l’échelon 7 au 8 avril 2010 obtient l’échelon 8 au 7 octobre 2010. Par la suite, il obtient l’échelon 9 au 7 avril 2011, le 10 au 6 octobre 2011.
Nouvelle entente :
Le même procureur-8-9-10-type à l’échelon 7 au 8 avril 2010 obtient l’échelon 8 au 7 octobre 2010. Par la suite, alors qu’il est en attente de son intégration à l’échelon 9 au 7 avril 2011, il est intégré, au 1er avril 2011, sous la nouvelle échelle, à l’échelon 9.
Au 7 avril 2011, on lui dit que, puisqu’il est maintenant sous une promotion annuelle, il recevra sa prochaine augmentation d’échelon un an après sa dernière augmentation, soit le 6 octobre 2011 où il recevra l’échelon 10.
« Gain d’échelon net » = 0.
6. Exemple d’analyse d’une intégration non problématique (autres procureurs) :
Ancienne entente :
Un procureur-type à l’échelon 13 au 8 avril 2010 obtient l’échelon 14 au 7 avril 2011. Par la suite, il obtient l’échelon 15 au 5 avril 2012 et ainsi de suite.
Nouvelle entente :
Le même procureur-type à l’échelon 13 au 8 avril 2010, alors qu’il est en attente de son intégration à l’échelon 14 au 7 avril 2011, est intégré, au 1er avril 2011, sous la nouvelle échelle, à l’échelon 14.
Au 7 avril 2011, puisqu’il a obtenu son augmentation il y a un an, obtient l’échelon 15. Par la suite, il obtient l’échelon 16 au 5 avril 2012 et ainsi de suite.
« Gain d’échelon net » = 1.
[27] Me Magnan complète en précisant que, le 25 juillet 2013, Me Annick Murphy, alors directrice adjointe du DPCP, informe Me Leblanc que, à la suite des travaux du comité ad hoc et pour les raisons exposées dans sa lettre, le DPCP ne pouvait acquiescer à la demande de l’APPCP. L’APPCP se déclarant surprise de cette conclusion et des arguments qui, selon l’APPCP, n’ont pas été allégués lors de leurs discussions, Me Murphy accepte de les rencontrer en octobre 2013, pour préserver les bonnes relations entre les parties.
[28] Me Magnan conclut en disant qu’en aucun temps, lors des discussions, il n’a été fait mention d’erreurs de calcul de la part de l’APPCP. Pour Me Magnan, la position du DPCP n’a jamais changé. L’intégration des procureurs à la nouvelle échelle s’est faite correctement. La situation des procureurs visés découle de l’effet des articles 6-1.01 et suivants de l’Entente PPCP.
[29] Le témoignage de Me Magnan est corroboré par celui de Me Reid. Me Reid complète la trame des évènements en relatant les différentes réunions du CRP au cours desquelles était fait le suivi des travaux du comité ad hoc.
[30] Concernant le comité ad hoc, Me Leblanc souligne ne pas se rappeler du moment précis où il a abordé avec le DPCP la formation de ce comité. Il mentionne ne pas savoir non plus quelle était la problématique exacte que désirait soumettre l’APPCP à ce comité et ne pas être en mesure de témoigner à ce sujet.
[31] Le DPCP prétend que la Commission n’a pas compétence pour entendre le présent litige. En tant que tribunal statuaire, il rappelle à la Commission que celle-ci ne dispose que des compétences qui lui sont attribuées par sa loi constitutive et, en l’espèce, par la Loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective[2] qui donne compétence à la Commission pour entendre un avis de mésentente.
[32] Selon le DPCP, une analyse sommaire de la preuve démontre principalement un problème d’interprétation des clauses relatives à l’intégration des procureurs à la nouvelle échelle salariale, plutôt que des erreurs de calcul.
[33] Il renvoie la Commission au « troisième tiret » de l’annexe 2 de l’Entente PPCP qui restreint aux erreurs de calcul les avis de mésentente relatifs à l’intégration. Plus précisément, il est énoncé :
- Le chapitre 9 de l’entente ne s’applique pas à cette intégration à l’exception d’erreurs de calcul dans l’application de celle-ci auprès d’un procureur.
[34] Le DPCP soutient que ce n’est pas parce que l’avis de mésentente allègue une erreur de calcul qu’il y a une situation d’erreurs de calcul.
[35] Le DPCP allègue qu’en aucun temps l’APPCP n’a tenté de démontrer l’existence d’une erreur de calcul. Il soumet que le rapport de l’APPCP à la suite des travaux du comité ad hoc ne fait jamais état d’une erreur de calcul. Il fait plutôt état d’un traitement inéquitable imprévu pour les procureurs se situant aux échelons 8, 9 et 10 le 31 mars 2011, tel que le démontre notamment la question posée à la page 4 du rapport.
[36] Le DPCP soumet à la Commission des exemples d’erreurs de calcul pouvant donner ouverture à un avis de mésentente conformément au « troisième tiret » de l’annexe 2 de l’Entente PPCP : mauvais calcul dans le paiement rétroactif du temps supplémentaire effectué avant l’intégration à la nouvelle échelle de traitement ou montants versés en trop (comme le démontre le point 8 du procès-verbal du CRP du 30 avril 2012).
[37] Pour le DPCP, le litige porte plutôt sur le refus d’accorder un avancement d’échelon, le 7 avril 2011, aux procureurs visés par le présent recours et intégrés, au 1er avril 2011, aux échelons 9, 10 et 11 de la nouvelle échelle de traitement qui ont une durée de séjour d’un an.
[38] Pour ces motifs, le DPCP allègue que la Commission n’a pas compétence pour entendre le présent recours.
de l’APPCP
[39] Prétendant la nécessité pour la Commission d’entendre le fond du litige pour déterminer l’existence ou non d’une erreur de calcul, l’APPCP n’aborde la question de la compétence de la Commission qu’à la toute fin de son argumentation.
[40] Essentiellement, l’APPCP prétend que la Commission doit se prononcer sur la portée du « premier tiret » de l’annexe 2 de l’Entente PPCP relativement à la modification de la durée de séjour des échelons, afin de déterminer si elle est en présence d’une situation d’erreurs de calcul.
[41] Ainsi, selon ses prétentions, des erreurs de calcul sont survenues lors des ajustements salariaux rétroactifs effectués sur la paie du 9 février 2012, dans le calcul du remboursement du temps supplémentaire exécuté et des montants dus en raison des horaires de travail majorés. L’application de la durée de séjour dans un échelon étant erronée, les calculs résultant de son application sont erronés puisqu’ils n’ont pas été faits en fonction de l’échelon qui aurait dû être accordé aux procureurs visés par l’avis de mésentente.
[42] Bref, pour l’APPCP, la modification de la durée de séjour des procureurs qui étaient aux échelons 8, 9 et 10, le 31 mars 2011, est à l’origine de calculs erronés.
[43] La Commission doit déterminer si elle a compétence pour entendre le présent recours.
[44] La doctrine et la jurisprudence ont maintes fois reconnu qu’un tribunal administratif ne détient pas une compétence générale. Il ne peut exercer que la compétence qui lui est attribuée par sa loi constitutive ou une autre loi[3] :
À la différence du tribunal judiciaire de droit commun, un tribunal administratif n’exerce la fonction juridictionnelle que dans un champ de compétence nettement circonscrit. Il est en effet borné, par la loi qui le constitue et les autres lois qui lui attribuent compétence, à juger des contestations relatives à une loi en particulier ou à un ensemble de lois. Sa compétence ne s’étend donc pas à l’intégralité de la situation juridique des individus.
[45] Les faits en cause sont simples et non contestés. En vertu de l’article 6-1.01 de l’Entente PPCP 2010-2015, l’échelle de traitement fait l’objet d’une restructuration en date du 1er avril 2011. Elle passe ainsi de 21 à 18 échelons, les trois premiers étant abolis. L’intégration des procureurs à la nouvelle échelle se fait telle qu’illustrée à l’annexe 2 de l’Entente PPCP. Il s’agit du tableau avec des flèches partant, pour chaque échelon, de l’ancienne échelle vers la nouvelle.
[46] En vertu de l’article 6-1.04, la durée de séjour dans un échelon est modifiée, à partir du 1er avril 2011. Auparavant de six mois pour les dix premiers échelons et d’un an pour les 11 autres, la durée de séjour est modifiée pour tenir compte de la nouvelle échelle de 18 échelons. Ainsi, la durée de séjour devient de 6 mois pour les 8 premiers échelons et d’un an pour les 10 derniers, à partir du 1er avril 2011.
[47] L’article 6-1.05 prévoit les conditions pour qu’un procureur ait droit à un avancement d’échelon et détermine les dates de ces avancements. Ainsi, en 2011 et en 2012, des avancements sont prévus pour les 7 avril 2011, 6 octobre 2011, 5 avril 2012 et 4 octobre 2012, selon la durée de séjour applicable.
[48] Les procureurs en cause dans le présent litige sont, le 31 mars 2011, aux échelons 8, 9 et 10, et, au 1er avril 2011, ils sont intégrés aux échelons 9, 10 et 11. Ces procureurs étaient donc en progression semi-annuelle au moment de leur intégration à la nouvelle échelle de traitement et ils sont devenus en progression annuelle. Ainsi, tel que le démontre l’avis d’intégration à la nouvelle échelle de traitement, transmis à Me Arel le 10 février 2012, ce dernier n’a pas eu droit à un avancement d’échelon le 7 avril 2011, mais il y a eu droit en octobre 2011 et en octobre 2012, soit un an et deux ans après son dernier avancement d’échelon, avant l’intégration, en octobre 2010.
[49] Cet avis précise que les ajustements salariaux ont été effectués sur la paie du 9 février 2012 et présente les informations suivantes :
— situation salariale au 31 mars 2011 (échelon 10);
— situation salariale au 1er avril 2011 à la suite de l’intégration à la nouvelle échelle de traitement (échelon 11);
— évolution des avancements d’échelons : échelon 12 au 6 octobre 2011 et date du prochain avancement d’échelon, 4 octobre 2012;
— nouveau taux de traitement annuel résultant de l’entrée en vigueur, le 24 novembre 2011, de l’horaire spécial de travail (37,5 heures).
[50] Le « troisième tiret » de l’annexe 2 de l’Entente PPCP circonscrit la compétence de la Commission. L’intégration à la nouvelle échelle salariale au 1er avril 2011 ne peut faire l’objet d’un avis de mésentente, à l’exception d’erreurs de calcul dans l’application de celle-ci auprès d’un procureur.
[51] La question que doit se poser la Commission est donc la suivante : la Commission est-elle saisie d’un recours basé sur de prétendues erreurs de calcul?
[52] Dans son avis de mésentente, l’APPCP allègue des erreurs de calcul qui résultent de l’application de l’intégration à la nouvelle échelle de traitement visant les échelons 8, 9 et 10.
[53] La Commission constate qu’en aucun moment, lors des témoignages et de la preuve déposée par l’APPCP, il n’a été fait mention d’erreurs de calcul.
[54] Ce qui ressort plutôt des témoignages et de la preuve, tant de l’APPCP que du DPCP, est qu’il est essentiellement question d’intégration des procureurs à la nouvelle échelle de traitement le 1er avril 2011, du refus de leur accorder une progression dans l’échelle de traitement le 7 avril 2011 et de l’effet inéquitable et imprévu en résultant.
[55] Plus précisément, l’APPCP prétend que, malgré la modification de la durée de séjour dans la nouvelle échelle salariale, les procureurs qui se situaient aux échelons 8, 9 et 10 au 31 mars 2011, et qui ont été rétroactivement intégrés aux échelons 9, 10 et 11 au 1er avril 2011, devraient avoir droit à un avancement d’échelon au 7 avril 2011. Pour l’APPCP, il est inéquitable et imprévu que ces procureurs n’aient pas droit, pour avril 2011, à une progression semi-annuelle comme il était prévu avant leur intégration à la nouvelle échelle.
[56] La Commission constate des témoignages et des documents déposés que l’APPCP expose toujours la problématique sous l’angle de l’intégration à la nouvelle échelle de traitement et de l’avancement d’échelon auquel les procureurs n’ont pas eu droit le 7 avril 2011. D’ailleurs, dans son rapport, elle pose la problématique comme suit :
Les procureurs qui étaient aux échelons 8, 9 et 10 sous l’ancienne échelle de traitement (ci-après appelé 8-9-10) ont-ils subi un traitement inéquitable imprévu lors de l’intégration de ceux-ci à la nouvelle échelle de traitement prévue par l’Entente relative aux conditions de travail des procureurs aux poursuites criminelles et pénales 2010-2015 (ci-après l’Entente)?
[La Commission souligne]
[57] Il est aussi question, lors des échanges entre les parties, de l’interprétation du « premier tiret » de l’annexe 2 de l’Entente PPCP, qui se lit comme suit :
- L’intégration n’a pas pour effet de modifier la durée de séjour à un échelon aux fins de la progression annuelle ou semestrielle.
[58] Or, l’APPCP doit démontrer à la Commission que nous sommes en présence de situations d’erreurs de calcul. Pour toute problématique reliée « à l’intégration des procureurs à la nouvelle échelle de traitement ainsi qu’à son suivi », l’annexe 2 de l’Entente PPCP prévoit qu’un comité ad hoc peut être formé à la demande d’une des parties pour en discuter, ce qui a d’ailleurs été fait en ce qui concerne la problématique présentée devant la Commission. Plusieurs rencontres et discussions ont eu lieu entre le DPCP et l’APPCP à cet égard, ce que démontrent les témoignages entendus et les procès-verbaux des réunions du CRP.
[59] L’APPCP tente d’amener la Commission à conclure à l’existence d’erreurs de calcul, en passant par l’application de l’intégration à la nouvelle échelle de traitement, par la durée de séjour aux nouveaux échelons attribués et par le refus d’accorder un avancement d’échelon au 7 avril 2011 aux procureurs visés par l’avis de mésentente. L’APPCP prétend que l’erreur de calcul est la conséquence d’une mauvaise interprétation du « premier tiret » de l’annexe 2 de l’Entente PPCP.
[60] Plus précisément, l’APPCP prétend que le refus d’accorder un nouvel échelon le 7 avril 2012 aux procureurs visés a eu comme conséquence de ne pas leur accorder les bons ajustements salariaux, ce qui constituerait pour l’APPCP une erreur de calcul.
[61] La Commission ne peut retenir une telle prétention. La voie à emprunter par la Commission pour déterminer si elle est en présence d’une situation d’erreurs de calcul est beaucoup plus simple et directe. Par exemple, Me Arel était à l’échelon 10 au 31 mars 2011, à l’échelon 11 au 1er avril 2011 et à l’échelon 12 au 6 octobre 2011. Trois échelons différents, dont on a tenu compte rétroactivement sur la paie du 9 février 2012. Avec trois taux de traitement différents à prendre en compte lors de l’ajustement salarial, des erreurs de calcul étaient effectivement susceptibles de se produire. Comme l’a souligné le DPCP, une erreur aurait d’ailleurs pu survenir lors du calcul, par exemple, des montants dus rétroactivement pour le temps supplémentaire exécuté lors de ces périodes.
[62] La Commission est d’avis qu’on ne peut pas parler d’erreurs de calcul dans le cas où ce qui est réellement contesté est le refus d’accorder aux procureurs en cause un avancement d’échelon au 7 avril 2011. Il est vrai que, si cet avancement avait été accordé, les montants alors dus aux procureurs auraient été différents : échelon différent, montant dû différent. Toutefois aucune erreur de calcul n’aurait été à l’origine de ces différences de montants. Pour que la Commission ait compétence, il faut qu’une véritable erreur de calcul soit l’essence de l’avis de mésentente de l’APPCP.
[63] Manifestement, suivant l’article 16 de la Loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective et le « troisième tiret » de l’annexe 2 de l’Entente PPCP, la Commission n’a pas compétence pour entendre le présent recours.
[64] POUR CES MOTIFS, la Commission :
ACCUEILLE l’objection préliminaire du Directeur des poursuites criminelles et pénales;
DÉCLARE qu’elle n’a pas compétence pour entendre l’avis de mésentente de l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales.
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_____________________________ Louise Caron, avocate Commissaire |
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Me Johanne Drolet |
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Procureure pour la demanderesse |
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Me Karl Lefebvre |
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Procureur pour le défendeur |
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Lieu de l’audience : |
Québec
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Dates de l’audience : 4 et 5 février 2015
[1] Le CRP est un comité formé par le DPCP et l’APPCP en vertu de l’article 3-3.01 de l’Entente PPCP. Il est composé d’au plus quatre représentants du DPCP et de quatre représentants de l’APPCP.
[2] RLRQ, c. P-27.1.
[3] ISSALYS, Pierre et LEMIEUX, Denis, L’action gouvernementale - Précis de droit des institutions administratives, 3e édition, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 2009, p. 421.
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