Castonguay c. Ville de Laval | 2022 QCCAI 153 |
Commission d’accès à l’information du Québec | |
Dossier : 1025033‑J | |
Date : Le 22 juin 2022 | |
Membre : Me Guylaine Giguère | |
| yves castonguay |
| Demandeur |
| c. |
| ville de laval |
| Organisme |
DÉCISION |
DEMANDE DE RÉVISION en matière d’accès en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[1].
[1] Monsieur Yves Castonguay (le demandeur) s’adresse à la Ville de Laval (l’organisme) afin d’obtenir tous les documents circulant au sein du Service de l’évaluation foncière de l’organisme qui décrivent, encadrent et gouvernent la pratique d’«évaluation foncière de masse » telle qu’elle est appliquée par les fonctionnaires de ce service, que ces documents viennent de l’extérieur de ce service ou qu’ils soient produits à l’intérieur de celui-ci. Il recherche notamment les documents s’appliquant aux résidences privées unifamiliales des citoyens, appelés « évaluation foncière de masse ».
[2] Il précise aussi que sa demande vise les documents susmentionnés qui ont gouverné la réalisation du rôle triennal 2019-2020-2021.
[3] En réponse, l’organisme informe le demandeur que la confection du rôle d’évaluation foncière est encadrée par la règlementation adoptée en vertu de la Loi sur la fiscalité municipale[2]. À cet effet, il le réfère à quatre règlements provinciaux concernant la confection du rôle les suivants :
i) Règlement sur la forme ou le contenu de divers documents relatifs à la fiscalité municipale (RLRQ c. F-2.1, r. 6);
i) Règlement sur la méthode d’évaluation des immeubles à vocation unique de nature industrielle ou institutionnelle (RLRQ c. F-2.1, r. 8);
i) Règlement sur la proportion médiane du rôle d’évaluation foncière (RLRQ c.F-2.1, r.10);
ii) Règlement sur le rôle d’évaluation foncière (RLRQ c. F-2.1, r. 13).
[4] De plus, l’organisme précise dans sa réponse que la règlementation précitée réfère au Manuel d’évaluation foncière du Québec. Ce Manuel décrit, encadre et gouverne tout dépôt de rôle d’« évaluation de masse ». Il indique que ce Manuel est disponible sur le site du ministre des Affaires municipales et de l’Habitation. Il communique au demandeur l’adresse web permettant de télécharger le Manuel.
[5] Insatisfait de cette réponse, le demandeur s’adresse à la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin qu’elle révise la décision de l’organisme.
[6] Le demandeur indique que les documents transmis ne répondent pas à sa demande d’accès en ce qu’il est dans l’impossibilité de comprendre les pratiques internes du Service d’évaluation foncière de l’organisme et les conséquences qu'elles ont sur les contribuables.
QUESTION EN LITIGE
[7] Est-ce que l’organisme a transmis tous les documents qu’il détient ?
L’ORGANISME A‑T‑IL TRANSMIS TOUS LES DOCUMENTS QU’IL DÉTIENT ?
[8] La Commission conclut que l’organisme a effectué une enquête sérieuse et complète qui démontre qu’à la suite des recherches effectuées, il ne détient pas d’autres documents que ceux transmis au demandeur.
[9] L’article 1 de la Loi sur l’accès prévoit que le droit d’accès s’exerce uniquement à l’égard des documents détenus par un organisme public, lequel se lit comme suit :
1. La présente loi s’applique aux documents détenus par un organisme public dans l’exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l’organisme public ou par un tiers.
Elle s’applique quelle que soit la forme de ces documents : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre.
[10] Ainsi, l’accès s’exerce à l’égard des documents qui existent au moment du traitement de la demande d’accès[3].
[11] Pour décider de cette question, la Commission doit évaluer si la preuve prépondérante démontre que l’organisme a fait une enquête sérieuse et complète pour repérer tous les documents visés par la demande.
[12] Lorsqu’un organisme invoque l’inexistence des documents, le fardeau de preuve repose sur ses épaules. La preuve doit être suffisamment convaincante pour permettre à la Commission de conclure de façon prépondérante à l’inexistence des documents.
[13] L’organisme doit démontrer que le document n’a jamais existé et qu’il a été détruit ou que les recherches n’ont pas permis de le repérer.
[14] Dans l’affirmative, il revient au demandeur de soumettre des éléments concrets et probants pouvant constituer un commencement de preuve selon laquelle l’organisme détient d’autres documents en lien avec la demande d’accès[4].
[15] En l’espèce, la Commission doit donc déterminer si l’organisme a transmis tous les documents qu’il détient.
[16] À l’audience, l’organisme soutient qu’il a communiqué au demandeur tous les documents qu’il détient. Les autres sont inexistants.
[17] À cet effet, Me Émilie Reid, coordonnatrice de l’accès à l’information et du Service du greffe (la coordonnatrice) témoigne à l’effet qu’elle a repris le dossier de monsieur Picard.
[18] La recherche des documents visés à la demande d’accès a été effectuée par monsieur Picard auprès du Service d’évaluation foncière. À la suite de ces démarches, ce service a transmis les références aux règlements applicables et au Manuel d’évaluation foncière du Québec.
[19] Par la suite, Me Reid a pris connaissance du dossier et elle a effectué une seconde recherche auprès du Service de l’évaluation foncière. Ce service a confirmé qu’il ne détenait aucun autre document susceptible de répondre à la demande d’accès.
[20] Me Reid témoigne du fait qu’elle a par la suite obtenu des représentants du Service de l’évaluation foncière de l’organisme, des explications concernant les concepts applicables à « l’évaluation foncière de masse ». Il ressort de la preuve qu’il s’agit d’un processus de confection du rôle encadré, décrit et gouverné par le gouvernement provincial par l’entremise de la LFM, de ses règlements et du Manuel d’évaluation foncière du Québec.
[21] Les recherches effectuées démontrent que le seul document qui répond à la demande d’accès est le Manuel d’évaluation foncière du Québec ainsi que les quatre règlements indiqués dans la réponse de l’organisme.
[22] À cet effet, l’organisme dépose en preuve une copie du Manuel d’évaluation foncière du Québec de 2020.
[23] De plus, la preuve démontre qu’il n’existe pas de document à l’interne permettant d’encadrer spécifiquement « l’évaluation de masse ». Les documents existants proviennent de l’externe.
[24] À cet effet, madame Mireille Fournier, évaluatrice agréée et cheffe de division conformité et information au Service de l’évaluation foncière témoigne sur la confection du rôle et plus particulièrement sur le processus d’évaluation de masse.
[25] Elle explique que le rôle d’évaluation foncière est un inventaire des immeubles situés sur le territoire d’une municipalité qui sert principalement à la taxation foncière municipale et scolaire.
[26] Lors de la confection du rôle, le Service d’évaluation foncière procède à une réévaluation de la valeur de l’ensemble des immeubles situés sur le territoire de l’organisme.
[27] Lors de ce processus, les propriétés sont évaluées selon leurs caractéristiques et la méthode la plus appropriée à une date de référence.
[28] Le Manuel d’évaluation foncière du Québec de 2020 permet d’encadrer « l’évaluation de masse ». Selon ce Manuel, l’évaluation de masse désigne les travaux qui consistent à évaluer à une même date donnée, des regroupements de propriétés ayant des caractéristiques similaires. C’est ce processus qui permet aux municipalités Québécoises de confectionner leur rôle malgré le grand nombre d’unités d’évaluation.
[29] Elle témoigne que le Manuel d’évaluation foncière du Québec de 2020 peut être consulté gratuitement depuis le 1er novembre 2021 sur le site du ministre des Affaires municipales et de l’Habitation.
[30] Lors de l’évaluation triennale, le Service d’évaluation foncière réfère à la LFM et aux règlements, dont ceux transmis au demandeur lors de la réponse. Il réfère également au Manuel d’évaluation foncière du Québec.
[31] Elle donne par la suite, de l’information additionnelle au demandeur concernant les trois méthodes d’évaluation foncière.
[32] La Commission conclut que l’organisme a procédé à une enquête sérieuse et complète qui démontre qu’elle ne détient pas d’autres documents que ceux transmis au demandeur lors de sa réponse.
[33] La Commission est d’avis que le demandeur n’a pas présenté de preuve ni d’élément factuel permettant d’établir l’existence d’autres documents.
[34] À cet effet, le demandeur témoignage du fait qu’il n’a pu consulter le Manuel d’évaluation foncière du Québec puisqu’il n’était pas disponible sur Internet sans dérayer des coûts importants pour un abonnement annuel.
[35] Il reproche à l’organisme de ne pas avoir précisé les extraits ou les pages permettant de retrouver les renseignements recherchés et tout particulièrement ceux visant l’évaluation de masse.
[36] Il soutient également que l’organisme devrait utiliser des processus d’évaluation des immeubles plus précis puisque l’information contenue dans le Manuel d’évaluation foncière, lequel est réservée à des professionnels.
[37] Après avoir consulté les règlements transmis par l’organisme et certaines sections du Manuel d’évaluation foncière qui lui ont été communiqués par l’organisme en préparation de l’audience, il soutient qu’il ne comprend pas plus les pratiques de l’organisme pour procéder à l’évaluation de son immeuble.
[38] La Commission est d’avis que l’organisme aurait dû par transparence, informer le demandeur de la non-accessibilité sans frais du Manuel d’évaluation foncière.
[39] C’est alors que l’organisme aurait pu inviter le demandeur à venir consulter sur place ce document volumineux. Il aurait pu également communiquer certains extraits permettant d’identifier les concepts applicables à « l’évaluation foncière de masse » et lui réclamer les frais de reproduction de ces pages le cas échéant.
[40] Étant donné que l’organisme a déposé lors de l’audience le Manuel d’évaluation foncière, il n’y a pas lieu de rendre une ordonnance visant la communication de ce document.
[41] Enfin, comme le soutient le procureur de l’organisme lors de son argumentaire, la compréhension des informations contenues au Manuel d’évaluation fonction par le demandeur n’est pas pertinente dans le cadre du présent litige.
[42] Ainsi, la Commission est d’avis que la décision de l’organisme n’a pas à être révisée.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :
[43] REJETTE la demande de révision dans le présent dossier.
ville de laval (service des affaires juridiques)
(Me Bénédict Gauvin-Morin)
Procureurs de l’organisme
Date d’audience : 8 mars 2022.
Dernières observations : 31 mars 2022.
[1] RLRQ, c. A‑2.1, la Loi sur l’accès.
[2] RLRQ, c. F‑2.1 (la LFM).
[3] R.O. c. Montréal (Ville de), 2011 QCCAI 212.
[4] P.G. c. Société des alcools du Québec, 2017 QCCAI 216, paragr. 14; M. c. Clinique Roy‑Rousseau, [1984‑86] 1 C.A.I. 210; Dionne‑Proulx c. Université du Québec à Trois‑Rivières, [2001] C.A.I. 105; L.T. c. Régie des rentes du Québec, 2014 QCCAI 42.
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