IEC Informatique inc. c. Boutique Tout pour le dos |
2016 QCCQ 6383 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-145868-156 |
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DATE : |
30 mai 2016 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE EMMANUELLE SAUCIER, J.C.Q. |
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IEC INFORMATIQUE INC |
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Demanderesse |
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c. |
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BOUTIQUE TOUT POUR LE DOS |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] IEC Informatique Inc. (Informatique) réclame à Boutique tout pour le dos (Boutique) 4 364,73 $ représentant le remboursement du prix payé pour un fauteuil qu’elle lui vend, dont le revêtement de cuir se dégrade en moins de deux ans, divers frais postaux et de développement de photographies ainsi que des dommages pour troubles et inconvénients.
[2] Informatique ajoute que, contrairement aux représentations faites par Boutique, le fauteuil vendu n’est pas en cuir véritable.
[3] En défense, Boutique soutient avoir mentionné lors de la vente que le fauteuil n’est pas en cuir véritable, mais plutôt en cuir d’amalgame. Elle ajoute avoir fait remplacer sans frais la partie du cuir d’amalgame défectueuse et que la détérioration subséquente sur d’autres parties du fauteuil survient alors que la garantie conventionnelle est échue.
Questions en litige
[4] a) Le fauteuil est-il atteint d’un vice caché?
b) Dans l’affirmative, a-t-elle droit au remboursement du prix payé et aux dommages réclamés?
Contexte
[5] Le 29 novembre 2011, la représentante d’Informatique, Mme Cyr, achète de la Boutique un fauteuil de cuir rouge au prix de 3 793,02 $ doté d’un système intégré de massage et de chaleur.
[6] Boutique vante les bienfaits de ses caractéristiques particulières et le présente comme un produit haut de gamme en cuir.
[7] Moins de deux ans après l’achat, Mme Cyr constate que le dossier s’est affaissé et le cuir du siège est perforé.
[8] Mme Cyr communique alors avec Boutique pour lui faire part de son insatisfaction et Boutique accepte de changer toute la partie centrale du fauteuil, soit le dossier et le siège.
[9] En attendant que Boutique reçoive les pièces de remplacement, ce qui prend plusieurs mois, Mme Cyr constate que le reste du fauteuil continue de se détériorer.
[10] Boutique ne change que la housse du siège contrairement à son engagement de changer également celle du dossier, car selon elle, les photographies démontrent uniquement un problème avec le siège du fauteuil.
[11] La représentante de Boutique reconnaît que le problème du revêtement acheté par Informatique n’est pas un cas isolé et que ce produit n’est plus fabriqué par le manufacturier.
[12] Le 9 juin 2014, Informatique met en demeure Boutique de remplacer le fauteuil par un produit équivalent, mais de bonne qualité ou de lui rembourser le prix payé et les frais encourus.
[13] Boutique tente de satisfaire Mme Cyr en lui proposant le 13 juin 2014 les options suivantes :
1) Remplacer le fauteuil sans frais par fauteuil zéro-gravité de la compagnie Positive-Posture comportant les mêmes caractéristiques que le fauteuil acheté sans la fonction de massage ou de chaleur. Ce fauteuil est disponible dans la même couleur; ou
2) Remplacer le fauteuil par fauteuil PC 086 de la compagnie Human Touch en cuir véritable et cuir match comportant les mêmes caractéristiques à l’exception de la couleur (noir ou brun) et en payant 700 $ plus taxes.
[14] Mme Cyr refuse catégoriquement le remplacement par un fauteuil recouvert du même type de revêtement vu la dégradation du sien. Elle est prête à accepter la seconde option, mais refuse de débourser le 700 $ demandé.
[15] Quelques mois plus tard, Boutique réitère à Informatique la seconde option en retirant son exigence qu’elle lui paie le 700 $ initialement demandé.
[16] Informatique refuse l’offre et demande plutôt le remboursement du prix payé.
[17] Boutique refuse de lui payer les sommes réclamées au motif que le fauteuil acheté en 2011 n’est plus sous garantie et elle ajoute que sa réclamation est exagérée étant donné que les autres caractéristiques du fauteuil fonctionnent.
[18] Informatique soutient que la durée de vie de fauteuil en cuir véritable est de 20 ans.
[19] Boutique explique qu’elle ne lui vend pas un fauteuil de cuir véritable, mais en cuir d’amalgame qui consiste en une sorte de laminage de cuir sur un tissu.
[20] Boutique estime que la durabilité du matériel est plutôt entre 10 et 15 ans, mais elle reconnait que le fabricant retire du marché ce type de revêtement en raison de son manque de durabilité.
[21] Mme Cyr estime être victime de fausses représentations par Boutique et demande le remboursement intégral du fauteuil et offre de lui remettre le fauteuil en échange du remboursement.
Analyse et discussion
[22] En matière civile, la charge de la preuve repose sur les épaules de la partie demanderesse en vertu du principe prévu à l’article 2803 du Code civil du Québec (C.c.Q.) qui établit que « celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention ».
[23] Le Tribunal décide selon la balance des probabilités que prévoit l’article 2804 C.c.Q. et qui veut que « la preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante ».
[24] Le contrat conclu entre les parties est régi par la Loi sur la protection du consommateur[1] (L.p.c.).
[25] Les articles 38, 40 et 272 L.p.c. s’appliquent au présent litige et se lisent comme suit :
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
40. Un bien ou un service fourni doit être conforme à la description qui en est faite dans le contrat.
[…]
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l’exécution de l’obligation;
b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
[26] En vertu de ces articles, les biens vendus par un commerçant doivent être conformes à la description qui en est faite au contrat. De plus, le bien doit pouvoir servir à un usage normal durant une durée raisonnable, et ce, eu égard au prix et aux conditions d’utilisation du bien.
[27] Le Tribunal retient de la preuve entendue que le fauteuil acquis par Informatique est peu utilisé depuis son achat.
[28] La preuve révèle aussi que le fauteuil vendu n’est pas en cuir véritable, et ce, contrairement aux représentations faites par Boutique.
[29] Le fendillement de son revêtement est une conséquence directe de la piètre qualité du matériel qui n’est pas en cuir véritable, mais bien en cuir d’amalgame.
[30] Le Tribunal conclut que le contrat de vente conclu entre les parties ne respecte pas l’article 40 L.p.c. en ce que le fauteuil n’est pas recouvert de cuir et contrairement aux représentations de Boutique à cet effet.
[31] De plus, le Tribunal estime que le fendillement est prématuré, et ce, dans le contexte où Informatique croyait avoir acquis des meubles recouverts de cuir véritable qui est plus durable et ne fendille pas.
[32] En conséquence, Informatique a droit à l’un des remèdes prévus à l’article 272 L.p.c.
[33] Dans sa décision, le Tribunal doit tenir compte du fait que le fauteuil est utilisé pendant un peu plus d’une année sans que ne se manifeste le fendillement de son revêtement.
[34] Usant de la discrétion judiciaire dont il dispose, le Tribunal estime qu’Informatique bénéficie du fauteuil durant cette période.
[35] Le Tribunal réduit donc le montant de remboursement du prix de vente auquel elle a droit d’un montant équivalant à 10 % du prix total du fauteuil, soit 379,30 $ montant que le Tribunal arrondit à 380 $ pour tenir compte de l’utilisation du fauteuil pendant une année.
[36] Quant à la demande de dommages de 500 $, le Tribunal conclut qu’Informatique ne fait pas la preuve de ses dommages. Le Tribunal rejette donc cette partie de sa réclamation.
[37] Le Tribunal conclut toutefois qu’elle fait la preuve de sa réclamation de frais de 71,71 $ qui est justifiée dans les circonstances.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la demande en partie;
PREND ACTE de l’offre de IEC Informatique Inc. de remettre le fauteuil à Boutique tout pour le dos et lui laisser en prendre livraison;
CONDAMNE Boutique tout pour le dos à payer à IEC Informatique Inc. 3 484,73$ avec les intérêts au taux légal plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 9 juin 2014 ainsi que les frais de justice de 187 $.
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__________________________________ Emmanuelle Saucier, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
25 avril 2016 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.