Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

RÉGION:

Lanaudière

QUÉBEC, le 22 juin 1999

 

DOSSIER:

105132-63-9809

105133-63-9809

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Carole Lessard

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Jean L’Italien

 

 

Associations d'employeurs

 

 

Gérald Dion

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST:

085850097-1

AUDIENCE TENUE LE :

27 mai 1999

 

DOSSIER BRP :

62536794

À :

Joliette

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LÉO BÉLIVEAU

2254, rue Blue Pines

Rawdon, Québec

J0K 1S0

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

ET

 

 

 

 

 

RELANCE AIDE EMPLOI RELAIS (fermé)

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

C.S.S.T.- LANAUDIÈRE

432, rue de Lanaudière

Joliette, Québec

J6E 7N2

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 


DÉCISION

 

[1.]             Le 24 septembre 1998, M. Léo Béliveau (le travailleur) dépose une requête à l’encontre des deux décisions de révision administrative rendues par la Commission de la santé et sécurité du travail (la CSST) le 10 septembre 1998.

[2.]             Par ces décisions, la révision administrative confirme les décisions rendues par la C.S.S.T. les 10 mars et 11 avril 1997, à l’effet que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute, aggravation le 18 mars 1997.  Aussi, les indemnités de remplacement du revenu prennent fin le 22 janvier 1997, le travailleur étant alors en mesure de reprendre son travail.

OBJET DE LA CONTESTATION

 

 

[3.]             Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer ces décisions et de déclarer que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 18 mars 1997.  Aussi, soumet-il que l’état du travailleur s’est détérioré depuis l’événement survenu initialement (24 août 1996) puisque porteur d’une hernie discale et le rendant incapable de reprendre son travail.

[4.]             À l’audience, le travailleur est présent et représenté.  La C.S.S.T. y est également représentée.  Les témoignages du travailleur et du Dr Lemieux sont entendus.

[5.]             Faute de recevoir dans le délai autorisé les documents en attente, la Commission des lésions professionnelles prend l’affaire en délibéré à compter du 4 juin 1999.


 

LES FAITS

 

 

[6.]             De l’ensemble de la preuve documentaire et testimoniale, la Commission des lésions professionnelles retient pertinemment les éléments suivants :

[7.]             Le travailleur a subi un premier accident du travail le 11 novembre 1983.  La lésion se situe au genou droit et engendre une atteinte permanente à l’intégrité physique (APIPP) de 5%.  Une chirurgie a dû être pratiquée consistant en une arthrotomie du genou droit et suture du quadriceps droit (pièce A-2 en liasse).  Une rechute survient le 11 janvier 1986.

[8.]             Le travailleur relate que cette lésion l’a rendu incapable de s’agenouiller, monter des escaliers et que les douleurs persistantes accompagnées d’engourdissements jusqu’aux orteils l’ont amené à changer d’emploi.  Aussi, cesse-t-il d’exercer le métier de dessinateur-estimateur pour se consacrer au service à la clientèle dans un bureau d’estimation.  Il travaille ainsi jusqu’en mars 1996, période à laquelle il connaît un manque de travail en estimation.  Aussi, devient-il serveur dans un restaurant.

[9.]             Le 24 août 1996, survient un second accident du travail.  Des douleurs lombaires apparaissent au moment de soulever un bac de vaisselle.  Le Dr Chamoun émet une attestation médicale le 25 août 1996, laquelle porte la mention «d’entorse lombaire» et requiert un «scan».  Ses notes, lors de l’examen clinique, évoquent certains signes (réflexe achilléen, perte d’abduction) rencontrés dans les cas d’hernie discale.  Les Dr Sylvestre et Charette réfèrent, pour leur part, au diagnostic «d’entorse lombaire» (29 août 1996, 2 et 24 septembre 1996).  Une douleur paravertébrale droite et interépineuse (L4-L5, L5-S1) est notée (9 septembre 1996).

[10.]         La tomodensitométrie effectuée le 25 septembre 1996 permet de visualiser une petite hernie de «Schmorl» avec un début d’ostéophytose aux niveaux L1-L2 et L3-L4.  Un début de discopathie dégénérative avec discret bombement discal circonférenciel mais sans évidence d’hernie discale évolue aux niveaux L4-L5 et L5-S1.  Les phénomènes d’épiphysite confirment la présence d’une maladie de Scheuermann.  Le travailleur est vu le 4 novembre 1996 par le Dr Fortin, physiatre.  Celui-ci observe une boiterie significative au niveau de la jambe droite, il estime que celle-ci peut avoir des répercussions au niveau lombaire.

[11.]         Le 19 novembre 1996, le Dr Laurent Cardin, médecin de la C.S.S.T. complète un «bilan médical» à la lueur des informations que le Dr Charette lui communique.  Celui-ci n’a pu objectiver le «tripode» et le «Lasègue» et considère que le travailleur a récupéré suffisamment pour envisager un retour au travail progressif (2 soirs/semaine).

[12.]         En décembre 1996, le Dr Charette poursuit les traitements de physiothérapie et note des douleurs résiduelles au niveau L5-S1, du côté droit.  Il maintient toujours le diagnostic d’entorse lombaire.  Le travailleur est retourné au travail le 13 janvier 1997.

[13.]         Le 22 janvier 1997, le Dr Lamarre effectue une expertise.  L’examen est normal.  La tomodensitométrie lui révèle clairement la maladie de Scheuermann.  L’hernie discale n’est pas démontrée.

[14.]         Dans le cadre d’une information médicale complémentaire (IMC) le 18 février 1997, le Dr Charette maintient le diagnostic «d’entorse lombaire» et confirme l’absence d’atteinte permanente à l’intégrité physique (APIPP).  La lésion serait donc consolidée le 22 janvier 1997.  La seule limitation fonctionnelle recommandée et consistant à ne pas soulever des poids de plus de 20 kg l’est en considération de la condition personnelle dont le travailleur est porteur (maladie de Scheuermann, discopathies généralisées).

[15.]         Le 10 mars 1997, le travailleur complète une réclamation pour récidive, rechute, aggravation connue à cette même date et ce, en référence à la lésion subie le 24 août 1996.  Il explique que ses douleurs à la jambe droite et telles que ressenties depuis l’accident de 1983 sont plus intenses.  Il consulte le Dr Charette le 18 mars 1997.  Celui-ci note «les douleurs à la jambe droite» en précisant «séquelles de l’accident de novembre 1983».  Le travailleur voit le Dr Lemieux (6 mai 1997- urgence et 8 mai 1997).  Des séquelles de douleurs lombaires sont notées avec une lombosciatalgie droite, engourdissements et séquelles de syndrome rotulien droit (pièce A-1 en liasse).

[16.]         Le travailleur est ensuite référé à un neurologue, le Dr Morcos.  Les examens effectués le 16 mars 1997 (électromyogramme) révèlent des trouvailles mineures et le Dr Morcos recommande de faire vérifier l’intégrité radiculaire L5-S1 droite par d’autres études complémentaires (pièce A-1 en liasse).

[17.]         En août 1997, on diagnostique une discopathie lombaire, le travailleur se plaignant de beaucoup de douleurs (pièce A-1 en liasse).

[18.]         Vu par le Dr Normand le 21 novembre 1997, (pièce A-1 en liasse) le travailleur est référé à d’autres examens (myélo-scan).  Ce médecin est d’avis qu’il s’agit d’une rechute de l’entorse lombaire subie le 24 août 1996 aggravée, toutefois, par les conditions personnelles.

[19.]         La résonance magnétique effectuée le 9 avril 1998 (A-1 en liasse), confirme la discopathie (L4-L5 et L5-S1) mais également une déchirure annulaire à L4-L5 et une hernie postéro-médiane (L4-L5, L5-S1).

[20.]         Le 15 avril 1998, le Dr Lemieux demande l’opinion du Dr Farmer.  Il réfère à une lombo-sciatalgie présente depuis 1996, avec des symptômes fluctuants, notant la discopathie (L4-L5, L5-S1), la déchirure annulaire (L4-L5) et l’hernie postéro-médiane (L4-L5, L5-S1).

[21.]         Le Dr Farmer, en date du 8 juin 1998, retient le diagnostic «d’entorse lombaire sur discopathie avec hernie discale à la résonance magnétique».  Il ne recommande pas la chirurgie et retourne le travailleur au Dr Lemieux.

[22.]         Le 17 juin 1998, le Dr Lemieux complète un rapport final consolidant la récidive, rechute, aggravation à cette date.  Les diagnostics de «discopathie lombaire et déchirure annulaire» sont alors mentionnés.  Le Dr Lemieux prévoit une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

[23.]         S’ensuit l’évaluation du Dr Lemieux (6 juillet 1998) qui octroie un pourcentage d’atteinte permanente pour l’hernie (L5-S1) postéro-médiane.  Des limitations fonctionnelles sont également énoncées.

[24.]         Le Dr Lemieux, toutefois, est plus réservé quant aux trouvailles à L4-L5 (la déchirure annulaire) puisqu’émettant l’avis suivant :

«Nous croyons donc que les trouvailles à L4-L5 ne sont pas en rapport avec les symptômes car la hernie est postéro-médiane gauche alors que les problèmes du patient se situent à droite».

 

[25.]         Le Dr Lemieux, lors de son témoignage, relate que le travailleur lui a été référé, en mai 1997, par le Dr Charette.  Cette consultation s’inscrivait dans le cadre du suivi du genou droit puisqu’il avait pratiqué la chirurgie, à l’époque.  Les symptômes alors décrits par le travailleur l’amènent à investiguer davantage et ce, en rapport avec les malaises lombaires connus lors de l’accident subi en août 1996.

[26.]         En date du 6 mai 1997, le Dr Lemieux retient les diagnostics de «séquelles d’entorse lombaire» et «séquelles de syndrome rotulien droit».  Il admet qu’aucun signe d’hernie discale n’a pu être observé lors de cet examen.

[27.]         Lorsqu’il le revoit le 15 avril 1998, (pièce A-1, en liasse), l’examen lui révèle certains signes, le «tripode», étant alors positif avec une faiblesse à la dorsiflexion du pied.  Ses notes comportent les mentions suivantes : «discopathie (L4-L5, L5-S1), déchirure annulaire (L4-L5) hernie postéro-médiane (L4-L5), compression racine L5 et hernie postéro-médiane L5-S1, sans compression radiculaire».  Le Dr Lemieux explique, à la lueur d’une revue de jurisprudence effectuée par les services juridiques de la C.S.S.T. (pièce A-1, en liasse) que ce ne sont pas que les hernies discales entraînant des signes de compression neurologique qui méritent d’être reconnues et indemnisées.  Une hernie discale, même sans compression radiculaire, peut représenter une atteinte significative à l’intégrité du rachis qui s’exprime, entre autres, par des douleurs et des limitations dans la fonctionnalité du rachis.

[28.]         Le Dr Lemieux convient, toutefois, qu’il doit tout de même s’agir d’hernie objectivée par les tests de mise en tension radiculaire (Lasègue et straight leg raising).  L’image radiologique, à elle seule, ne peut suffire pour les fins diagnostiques.

[29.]         Il émet l’avis que la déchirure visualisée au niveau L4-L5 peut résulter de l’accident de 1996.  Le lien entre celle-ci et le niveau L5-S1, atteint d’une hernie est toutefois moins évident.

[30.]         Il écarte la possibilité que les maladies personnelles dont le travailleur est porteur (maladies de «Scheuermann et Schmorl») soient à l’origine de ses douleurs.

[31.]         Il reconnaît que ces symptômes ressentis par le travailleur s’apparentent à ceux connus en raison d’instabilité lombaire générée par dégénérescence discale ou d’un syndrome facettaire.  Aussi, convient-il que le travailleur souffre de discopathie (L4-L5 et L5-S1).  Une hernie discale peut apparaître dans le cadre de l’évolution de la dégénérescence mais il s’agit alors d’un bombement ou d’une hernie à grande courbure.  Les signes neurologiques sont alors absents.

[32.]         Le Dr Lemieux convient, par ailleurs, que les signes observés à l’examen d’avril 1998 auraient dû apparaître de façon contemporaine à l’accident (24 août 1996).  Seul le Dr Chamoun semble en avoir constaté, aucun autre médecin, dans le cadre du suivi médical initié après cet accident, ne retient le diagnostic d’hernie discale.  Son avis, sur la relation, s'’inspire donc des notes du Dr Chamoun. 

[33.]         Quant à la procédure normalement suivie par les médecins de la C.S.S.T. lorsqu’ils complètent l’information médicale complémentaire (IMC), elle indique que ce document est acheminé au médecin traitant afin qu’il en prenne connaissance et le signe, s’il est d’accord avec son contenu.

[34.]         Le Dr Rizkallah, pour sa part, (pièce C-1) examine le travailleur en date du 3 mai 1999.  Il rapporte, comme le Dr Lemieux, que le travailleur allègue une diminution de la sensibilité au niveau des territoires de L5 et de S1 droit.  Tout en se basant sur cet examen et les différents tests radiologiques et paracliniques, il croit que le travailleur connaît des douleurs diffuses au niveau rachidien qui ne peuvent correspondre à une pathologie d’hernie discale, ni à une pathologie d’entorse lombaire.

[35.]         Il réfère plus particulièrement au «CT Scan» du 25 septembre 1996 qui révèle la présence de multiples conditions personnelles : «maladie de Scheuermann, épiphysite de croissance et une discopathie dégénérative légère à L4-L5 et L5-S1, sans hernie discale, ni sténose».  Aussi, les trouvailles ultérieures de la résonance magnétique et de l’EMG demeurent-elles discutables, à son point de vue, puisqu’elles ne correspondent pas au tableau clinique observé ni à l’examen physique qu’il a lui-même effectué.

[36.]         Il convient que des limitations fonctionnelles doivent être recommandées (ne pas lever des poids supérieurs à 20 kilos, éviter les torsions et les flexions répétées) mais seulement en fonction de la condition personnelle du travailleur.  Aussi, le seul diagnostic en relation avec la lésion initialement survenue le 24 août 1996 est celui «d’entorse lombaire», sans atteinte permanente à l’intégrité physique.

[37.]         Il recommande d’éliminer la possibilité d’une «spondylite ankylosante» compte tenu de certains symptômes qui y sont associés, tels : manque de sommeil, manque d’appétit et amaigrissement.

[38.]         Sur cet aspect, le travailleur relate qu’il souffre d’une maladie qui lui donne ces symptômes.  Il s’agit du «syndrome de dumping», tel que plus amplement commenté par le Dr Roméo Lafrance (pièce A-3, en liasse).

L’AVIS DES MEMBRES

[39.]         Le membre issu des associations patronales est d’avis que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 18 mars 1997,  s’agissant d’une récidive, rechute, aggravation de l’entorse lombaire subie initialement (24 août 1996).  Aussi, est-il d’avis que l’hernie discale (L5-S1) que le Dr Lemieux estime en relation avec l’accident de 1996 ne peut faire l’objet d’admissibilité, en 1997, puisqu’apparue plus de deux ans après l’événement (avril 1998).

[40.]         La présence de conditions personnelles importantes et potentiellement contributoires affaiblit considérablement la thèse de la relation, dans un tel cas.

[41.]         Le membre issu des associations des travailleurs est également d’avis que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 18 mars 1997, s’agissant toutefois, d’une hernie discale (L5-S1) en relation avec l’événement initialement survenu le 24 août 1996.

[42.]         L’avis du Dr Lemieux établit clairement la relation et ce, à partir d’un diagnostic d’hernie confirmé tant par l’imagerie médicale que par l’examen clinique.  A son avis, aucune autre cause d’hernie n’a été démontrée.

[43.]         Aussi, croit-il la procédure de la C.S.S.T. irrégulière lorsqu’elle obtient, en février 1997, des informations médicales complémentaires du médecin traitant (Dr Charette).  On aurait ainsi retenu, sur la foi d’un rapport invalide, la confirmation que la lésion initiale était consolidée le 22 janvier 1997, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.

DÉCISION

[44.]         La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une récidive, rechute, aggravation le 18 mars 1997.

[45.]         Faute de définition contenue à la loi (LATMP), la jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) a établi que les termes rechute, récidive ou aggravation correspondent à une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes.

[46.]         La preuve documentaire telle qu’analysée à la lueur des commentaires du Dr Lemieux, dans le cadre de son témoignage, ne permet pas d’appuyer une telle relation de manière prépondérante.

[47.]         L’entorse lombaire, connue lors de l’événement initial (24 août 1996), est confirmée par tous les médecins qui ont successivement pris charge du travailleur (Dr Chamoun, Dr Sylvestre et Charette).   Seul le Dr Chamoun s’interroge, en raison de son examen, sur la présence d’une hernie discale mais la tomodensitométrie effectuée le 25 septembre 1996 ne permet d’en visualiser aucune.  Celle-ci, au contraire, révèle la présence de condition personnelle («petite hernie de Schmorl avec un début d’ostéophytose L1-L2, L3-L4), un début de discopathie dégénérative avec discret bombement circonférentiel sans évidence d’hernie discale qui évolue aux niveaux L4-L5, L5-S1, présence d’épiphysite et donc d’une maladie de Scheuermann».

[48.]         Aucun des médecins ne retient le diagnostic d’hernie discale, leur examen clinique ne leur laissant aucunement soupçonner celle-ci.

[49.]         Le Dr Charette, en date du 18 février 1997, (l’IMC) maintient le diagnostic d’entorse lombaire.  Il consolide la lésion le 22 janvier 1997, sans limitation fonctionnelle ni atteinte permanente.

[50.]         La C.S.S.T. est liée (article 224 LATMP) alors par toutes et chacune de ces conclusions, le Dr Charette étant le médecin qui a charge au sens de la loi (articles 199 et 200 LATMP) et devant, à ce titre, compléter le rapport final (articles 202 et 203 LATMP).

[51.]         La Commission d’appel[1] a déjà eu à apprécier la question de la validité des informations obtenues par le biais du formulaire «information médicale complémentaire écrite».  Sa conclusion est à l’effet que la procédure initiée par la C.S.S.T., comme celle décrite dans le cas soumis, est conforme à la condition que le médecin qui a charge ait pu signifier son accord à l’égard des informations rapportées.  Le texte de la décision, sur cet aspect, est le suivant :

«En l’espèce la Commission d’appel considère d’une part, que c’est conformément aux dispositions de l’article 204 de la loi que la Commission a demandé à la travailleuse d’être examinée par un professionnel de la santé qu’elle a désigné, soit le docteur Lamoureux, examen à la suite duquel ce médecin complète un rapport d’évaluation médicale le 22 février 1994.

 

(...)

 

Par ailleurs, la Commission d’appel estime que rien n’empêchait la Commission de soumettre ce rapport d’évaluation médicale au médecin traitant de la travailleuse pour commentaires, comme elle l’a fait le 3 mars 1994, en lui demandant de répondre à des questions explicites et précises.  Le médecin traitant de la travailleuse, le docteur Oulianine, ayant répondu clairement le 31 mars 1994 qu’elle était d’accord avec les conclusions du rapport du docteur Lamoureux, de l’avis de la Commission d’appel, cette réponse en l’espèce complémentaire écrite, pouvait donc valablement lier la Commission aux termes de l’article 224 de la loi.

 

La réponse du docteur Oulianine est en effet très claire à l’effet qu’elle se dit d’accord avec les conclusions du rapport inclus,  donc avec les questions que lui posait spécifiquement la Commission dans la lettre du 3 mars 1994, à l’effet suivant :

 

1                     soit si la lésion serait actuellement consolidée;

2                     qu’il n’y aurait plus nécessité de soins;

3                     qu’il y aurait une atteinte permanente de 2% pour cette entorse lombaire;

4                     qu’il n’y aurait pas de limitations fonctionnelles reliées à l’entorse lombaire survenue le 8 février 1993.

 

De l’avis de la Commission d’appel, la loi n’exige pas qu’un médecin traitant réponde spécifiquement sur un rapport final et la réponse du docteur Oulianine contenue dans le formulaire Information médicale complémentaire écrite du 31 mars 1994, correspond aux exigences de la loi.

 

La Commission d’appel estime par ailleurs qu’elle en serait arrivée à des conclusions différentes si le médecin traitant de la travailleuse s’était dit en désaccord avec les conclusions du professionnel de la santé désigné par la Commission contenues dans le rapport d’évaluation médicale du 22 février 1994 et que malgré ce désaccord, la Commission avait fondé ses conclusions sur le rapport d’évaluation du docteur Lamoureux.  Dans ces circonstances, la Commission aurait effectivement contourné les dispositions de la loi en ne soumettant pas le dossier de la travailleuse au Bureau d’évaluation médicale.

 

Or, pour les motifs exposés précédemment, le médecin traitant de la travailleuse étant en parfait accord avec les conclusions du professionnel de la santé désigné par la Commission, la réponse du médecin traitant habilitait donc la Commission à rendre une décision conformément aux dispositions de l’article 224 de la loi.»

 

[52.]         Dans une autre affaire[2], la Commission d’appel apporte pertinemment les nuances suivantes :

«Il est peut-être vrai que, comme l’écrit l’Honorable juge Biron dans l’affaire Lepage et CSST, supra, en appel, que la Commission ne peut, sans passer outre à sa juridiction, agir sur le médecin ayant charge d’un travailleur et obtenir une évaluation modifiée lorsqu’elle n’est pas d’accord avec les conclusions de ce médecin.

 

Mais, en l’espèce, l’intervention du docteur Dion ne procède aucunement d’un désaccord avec l’évaluation faite par le docteur Couillard, mais plutôt de la constatation que cette évaluation est incomplète, puisqu’elle omet de faire mention des séquelles antérieures.

 

Le docteur Dion ne conteste même pas l’opinion du docteur Couillard que la travailleuse ait pu subir une entorse avec des séquelles fonctionnelles... Ironiquement, on voit à quel point le docteur Dion, dans ces actions et dans son témoignage devant la Commission d’appel, prend ses distances par rapport à la décision antérieure de la Commission, qui constate l’absence d’une atteinte permanente.

 

Si, au contraire, le docteur Dion avait exprimé au docteur Couillard une opinion visant à faire radier la mention d’une entorse avec séquelles fonctionnelles, ou celle d’une ankylose, la Commission d’appel en serait peut-être arrivée à la conclusion que la Commission par la voie de son médecin, avait cherché à passer outre la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi, pour les motifs exposés dans l’affaire Lepage, supra.

 

Dans le cas qui nous occupe, la Commission n’a fait qu’user de son pouvoir administratif de gérance du régime de réparation et d’indemnisation des accidentés du travail.

 

Dans l’exercice de ce pouvoir, la Commission doit respecter les règles de justice naturelle.  La Commission d’appel n’a aucune indication de ce que ces règles n’aient pas été respectées.  Le docteur Dion a donné son opinion au docteur Couillard, puis lui a laissé le libre choix de corriger ou non son évaluation.  Aucune preuve n’a été faite à l’effet que le docteur Dion ait fait quelque pression que ce soit sur le docteur Couillard pour qu’il modifie son évaluation, ou que le docteur Dion ait induit le docteur Couillard en erreur.  En cela, les faits sont différents de l’affaire Urgel Côté et C.I.P. Inc., CALP 08305-07-8807, 19 décembre 1990.»

 

[53.]         La Cour Supérieure[3] a d’ailleurs confirmé que la C.S.S.T. a compétence pour agir ainsi lorsque certaines informations requises pour rendre la décision ne lui sont pas transmises.

«Il ressort de façon non équivoque du dossier, que l’intimée était consciente qu’elle était liée par l’avis de l’arbitre médical et voulait rendre une décision en conformité avec cet avis.  Elle a jugé - et en ce faisant elle n’a certainement pas excédé sa compétence - que dans son avis du 26 septembre 1989 le Docteur Gagnon ne s’était pas prononcé sur une question qui était l’objet du litige, savoir la consolidation suite à la 9e rechute.  Elle a donc demandé par l’entremise du Ministère du travail que l’arbitre complète son avis et décide ce point.

 

(...)

 

Le fait de ne pas rendre une décision sur un avis ambigu ou incomplet et le fait d’obtenir des éclaircissements pour dissiper le doute ne constituent pas, dans le contexte de ce dossier, un excès de compétence ni une violation de la loi, mais c’est plutôt agir suivant l’équité, d’après le mérite réel et la justice du cas (art. 351 de la Loi).»

 

[54.]         La C.S.S.T., en l’espèce, a obtenu, du Dr Charette, les informations nécessaires et ce, avec son consentement tel que nous l’a explicité, le Dr Lemieux, médecin régional au fait de la procédure suivie dans les dossiers.

[55.]         La Commission des lésions professionnelles conclut donc que l’IMC du 18 février 1997 est valide et que les informations y rapportées liaient la C.S.S.T. aux fins de décider de la réclamation de 1996.

[56.]         La lésion professionnelle admise, par la C.S.S.T. est donc une entorse lombaire consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.  Aussi, la décision rendue le 10 mars 1997 à l’effet de déclarer le travailleur capable de retourner au travail le 22 janvier 1997 l’est en respect du Dr Charette qui a consolidé l’entorse à cette même date.

[57.]         Le suivi médical initié en mars 1997 l’est donc deux mois, à peine, après cette consolidation de la lésion initiale.

[58.]         Ce suivi comporte initialement les mentions suivantes : «douleurs à la jambe droite, séquelles de douleurs lombaires avec lombosciatalgie droite, séquelles de syndrome rotulien droit et rechute d’entorse lombaire» qui, de l’avis du Dr Normand (21 novembre 1997) est aggravé par les conditions personnelles dont le travailleur est porteur.  Le Dr Lemieux, lui-même, ne décèle alors aucun signe d’hernie discale, reconnaissant que leur constat ne s’est fait qu’un an plus tard, lors de l’examen du 15 avril 1998.

[59.]         Les différents diagnostics émis (rechute d’entorse lombaire et hernie discale) lient la C.S.S.T. dans le cadre de la réclamation initiée en mars 1997.  Les Dr Charette et Lemieux sont, en l’espèce, des médecins qui ont successivement pris charge au sens de la loi.  Leurs conclusions, dans le cas soumis, n’ont fait l’objet d’aucun arbitrage médical.

[60.]         Par conséquent, aux fins d’apprécier s’il y a survenance d’une récidive, rechute, aggravation le 18 mars 1997, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a relation avec la lésion initialement survenue (24 août 1996) et chacun des diagnostics émis (entorse lombaire et hernie discale).

[61.]         L’avis du Dr Lemieux concluant à un diagnostic d’hernie discale (L5-S1) en relation avec l’événement du 24 août 1996 s’appuie sur des trouvailles (examen clinique et résonance magnétique) effectuées deux (2) ans après celui-ci.  Un tel diagnostic n’a nullement été établi dans le cadre du suivi médical contemporain à la lésion initiale (24 août 1996) ainsi que lors de celui initié lors de la réclamation pour la récidive, rechute, aggravation (18 mars 1997).

[62.]         Le Dr Lemieux reconnaît que les symptômes associés à une hernie discale s’apparentent à ceux connus lors d’instabilité lombaire générée par d’autres causes et que, dans le cas soumis, le seul élément lui permettant d’appuyer son avis de relation, repose sur les notes du Dr Chamoun et datant du 25 août 1996.

[63.]         Or, cet avis ne peut revêtir toute la valeur probante requise compte tenu que les médecins qui ont successivement pris charge, en 1996, n’ont jamais retenu le diagnostic d’hernie discale.  Cet avis s’écarte malheureusement de la preuve au dossier.

[64.]         Par conséquent, il ne peut s’agir d’une récidive d’hernie discale.

[65.]         Par ailleurs, les Dr Charette et Normand confirment l’apparition de séquelles de douleurs lombaires de la nature de celles ressenties dans le cadre du suivi initié en août 1996.  De l’avis même du Dr Normand, il s’agit d’une rechute d’entorse lombaire s’expliquant par la présence des conditions personnelles.

[66.]         Cet avis, mis en parallèle avec l’ensemble de la preuve médicale au dossier, permet à la Commission des lésions professionnelles de conclure que la preuve médicale prépondérante établit que le travailleur a connu, en mars 1997, une réapparition ou une recrudescence des symptômes.  Il s’agit manifestement d’une récidive, rechute, aggravation au sens prévu par la loi.

[67.]         Quant à l’avis du Dr Rizkallah, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il abonde dans un tel sens puisque son examen effectué beaucoup plus tard (3 mai 1999) ne permet toujours pas d’identifier une pathologie d’hernie discale.  Par ailleurs, sa conclusion voulant qu’il n’y ait alors aucune pathologie d’entorse lombaire peut correspondre avec le fait que celle-ci soit consolidée à cette date depuis un certain moment.

[68.]         Compte tenu de la conclusion à laquelle la Commission des lésions professionnelles en arrive, la Commission de la santé et sécurité du travail devra obtenir, ultérieurement à la présente, les conclusions médicales (consolidation , atteinte permanente et limitation fonctionnelle) ayant trait exclusivement à une rechute d’entorse lombaire.  Ce n’est que subséquemment qu’elle pourra apprécier la capacité du travailleur à retourner à son travail.

[69.]         PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du travailleur M. Léo Béliveau;

INFIRME les décisions de révision administrative rendues le 10 septembre 1998;

DÉCLARE que le travailleur a subi une récidive, rechute, aggravation le 18 mars 1997, à savoir une rechute de l’entorse lombaire initialement subie le 24 août 1996;

DÉCLARE que le travailleur a droit aux indemnités de remplacement du revenu jusqu’à la décision de la C.S.S.T. statuant sur sa capacité de retour au travail;

DÉCLARE que la C.S.S.T. doit obtenir les informations requises à la détermination de la capacité de retour au travail, soit la date de consolidation de cet épisode de rechute, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, s’il y a lieu.

 

 

 

 

 

Me Carole Lessard

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

LAPORTE & LAROUCHE

Me André Laporte

896, boul. Manseau

Joliette, Québec

J6E 3G3

 

 

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

PANNETON, LESSARD

Me Isabelle Piché

432, rue de Lanaudière

Joliette, Québec

J6E 7N2

 

 

 

Représentant de la partie intervenante

 

 

 



[1]              Grandbois et Atelier Poly-Teck Inc., CALP, 65522-62-9412, 20 mars 1996, Marie      Lamarre

[2]              Pierrette Talbot et C.H. La Pietta et C.S.S.T. -Outaouais, 9763-07-8810, 23                janvier 1991, Anne Leydet

[3]              Produits American Bilthrite vs C.S.S.T-Estrie et Mario Béland, Cour Supérieure     450-05-00927-893, Juge Toth

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