Décision

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Di Ruocco c

Di Ruocco c. Association de hockey mineur Les Étoiles de l'Est inc.

2007 QCCQ 5921

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-22-119860-065

 

DATE :

31 mai 2007

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

HENRI RICHARD, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

GINO DI RUOCCO, ès qualités de tuteur à Alexandre Di Ruocco

 

Demandeur

c.

ASSOCIATION DE HOCHEY MINEUR LES ÉTOILES DE L'EST INC.

-et-

LES PRÉDATEURS DE MONTRÉAL MIDGET AAA INC.

-et-

LIGUE DE DÉVELOPPEMENT DU HOCKEY MIDGET AAA DU QUÉBEC INC.

-et-

FÉDÉRATION QUÉBÉCOISE DE HOCKEY SUR GLACE INC.

« Hockey Québec »

 

Défenderesses

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Pour les fins du présent jugement, le demandeur Gino Di Ruocco sera désigné comme « M. Di Ruocco », Alexandre Di Ruocco comme « Alexandre », l'Association de Hockey Mineur Les Étoiles de l'Est inc. comme l'« Association », Les Prédateurs de Montréal Midget AAA inc. comme les « Prédateurs », la Ligue de Développement du Hockey Midget AAA du Québec inc. comme la « Ligue » et la Fédération Québécoise de Hockey sur Glace inc. comme la « Fédération ».

[2]                M. Di Ruocco, en sa qualité de tuteur à son fils Alexandre, poursuit les défenderesses pour les dommages causés à Alexandre suite au fait qu'il a été retranché de l'équipe des Prédateurs, le tout en contravention avec un engagement de le garder pendant toute la saison 2005-2006.

[3]                Une seule défense a été déposée par les défenderesses.  La Fédération et la Ligue plaident qu'elles n'ont aucune autorité ni aucun pouvoir décisionnel quant au choix des joueurs d'une équipe et qu'elles n'ont enfreint aucun règlement ni commis aucune faute envers Alexandre.

[4]                Les Prédateurs plaident qu'il n'y a eu aucune promesse faite à Alexandre lui assurant une place jusqu'à la fin de la saison 2005-2006 et qu'ils n'ont commis aucune faute en procédant à son retranchement.

[5]                Pour sa part, l'Association conteste l'action en invoquant le fait qu'elle n'avait aucune obligation de garder une place pour Alexandre une fois qu'il a décidé d'accepter l'offre des Prédateurs et qu'elle ne peut être tenue responsable de cette décision.

 

Les faits

[6]                Alexandre est né le 17 juin 1989.  Il avait donc 16 ans au moment des événements en cause.  Depuis l'âge de 6 ans, il pratique le hockey sur glace et a rapidement joint des équipes dites de compétition.

[7]                Alexandre est un gardien de but talentueux.  Au cours de la saison 2004-2005, alors âgé de 15 ans, Alexandre a joué pour l'équipe « Midget Espoir » qui est sous l'égide de l'Association.

[8]                Au mois d'août 2005, comme tous les joueurs des équipes Midget Espoir, Alexandre a été invité à participer au camp d'entraînement de l'équipe Midget AAA de sa région, en l'occurrence, les Prédateurs.  Sa candidature n'a pas été retenue puisqu'il a été, selon le langage utilisé dans le domaine du hockey, « coupé » (« cut »), ce qui signifie qu'il n'a pas été retenu ou qu'il a été retranché par les Prédateurs.  Peu de temps après, il a été invité à se joindre à l'équipe des Patriotes de Châteauguay où il a été de nouveau retranché après avoir joué cinq parties.  Cette équipe est aussi désignée comme étant une équipe de développement dans la catégorie Midget AAA.

[9]                Après un court séjour à Détroit, Alexandre est revenu à Montréal en septembre 2005 afin de poursuivre ses études. Suite à un camp auprès de l'équipe Midget AA de sa région, il a été choisi l'un des deux gardiens de but de cette équipe.

[10]            Vers la mi-septembre 2005, suite à une blessure à l'un des gardiens de but des Prédateurs, M. Claudio Cacciotti, alors directeur administratif auprès des Prédateurs, a communiqué avec M. Dominic Zotti, alors gouverneur auprès de l'Association, pour savoir s'il était possible qu'Alexandre puisse quitter son équipe Midget AA pour se joindre aux Prédateurs.  Cette conversation a eu lieu après que l'entraîneur-chef d'alors des Prédateurs, M. Patrick Côté, ait discuté avec l'entraîneur d'alors des gardiens de but des Prédateurs, M. Mario Baril, à l'effet qu'Alexandre constituerait un élément valable pour l'équipe en plus du fait qu'il était « dans notre cour », c'est-à-dire dans la région couverte par l'Association.

[11]            Vers le 19 septembre 2005, M. Zotti a téléphoné à M. Di Ruocco pour l'inviter à une rencontre tenue ce même jour avec MM. Sam Antinozzi, vice-président de l'Association, M. Pierre Lapointe, directeur général de l'équipe Midget Espoir et lui-même.  Au cours de cette rencontre, M. Zotti a fait part à M. Di Ruocco du vif intérêt que les Prédateurs portaient envers Alexandre afin qu'il se joigne à l'équipe à titre de gardien de but.  À l'audience, M. Claudio Cacciotti a clairement établi que l'offre visant Alexandre portait sur toute la saison 2005-2006 et qu'il s'agissait d'une « permanent position ».

[12]            Suite à cette rencontre, Alexandre a rencontré l'entraîneur-chef des Prédateurs, M. Patrick Côté et l'entraîneur des gardiens de but, M. Mario Baril.  M. Côté a alors admis à Alexandre qu'une erreur avait été commise au mois d'août précédent lorsque les Prédateurs avaient décidé de ne pas retenir sa candidature et de le retrancher.  Quoi qu'il en soit, il était clair pour MM. Côté et Baril qu'Alexandre ne se joignait pas aux Prédateurs afin de « boucher un trou », mais bien pour agir à titre de gardien de but pour toute la saison 2005-2006.

[13]            Le 28 septembre 2005, Alexandre a signé un « certificat de joueur » constituant ainsi son inscription officielle auprès des Prédateurs pour la saison 2005-2006  (pièce P-3).

[14]            Selon M. Di Ruocco et Alexandre, aucune décision n'aurait été prise de quitter l'équipe Midget AA de l'Association pour se joindre aux Prédateurs si une promesse formelle et claire n'avait pas été faite à l'effet que ce transfert serait permanent pour toute la saison 2005-2006.

[15]            Peu de temps après la venue d'Alexandre auprès des Prédateurs, M. Claudio Cacciotti a démissionné de son poste de directeur administratif de l'équipe.  Il a été remplacé par M. Luc Boucher qui a décidé, après être entré en fonction, de congédier l'entraîneur-chef M. Patrick Côté.

[16]            M. Joël Bouchard a remplacé M. Côté et, suite à de mauvaises performances d'Alexandre au cours de deux parties tenues lors d'une fin de semaine à Amos, M. Bouchard a décidé d'appeler un nouveau gardien de but qu'il connaissait déjà et, le 26 octobre 2005, de retrancher Alexandre de l'équipe.

[17]            Suite à la venue du nouveau gardien de but, l'entraîneur des gardiens de but au sein des Prédateurs, M. Mario Baril, a démissionné de son poste.

[18]            Malgré les protestations de M. Di Ruocco, la décision de retrancher Alexandre des Prédateurs a été maintenue.  M. Di Ruocco, agissant en sa qualité de tuteur à Alexandre, a retenu les services d'un avocat qui a mis en demeure les défenderesses par lettre datée du 18 novembre 2005 (pièce P-1).  Dans cette lettre, l'avocat des Di Ruocco invitait les parties à régler ce dossier dans les dix jours, à défaut de quoi, toutes les procédures utiles seraient entreprises.

[19]            Suite à cette lettre de mise en demeure P-1, quelques propositions ont été transmises à Alexandre:

1 -  Se joindre à une équipe Midget BB avec possibilité de participer à des parties d'essai avec des équipes Midget AA et possiblement Midget AAA;

2 -  Participer à une équipe Midget AA, mais uniquement pour les pratiques, sans aucune garantie de jouer.  À cet égard, la preuve est à l'effet qu'Alexandre a pratiqué avec une équipe Midget AA et a été empêché de poursuivre ses pratiques puisqu'il n'avait pas signé de "certificat de joueur" et n'était pas assuré.

[20]            Après consultation avec son père, Alexandre a refusé de se joindre à une équipe Midget BB, vu les risques plus élevés de blessure et son refus de vouloir prendre la place d'un autre joueur déjà inscrit.  De plus, il n'était pas question pour Alexandre de se joindre à une équipe Midget AA sans garantie de jouer, mais uniquement pour participer aux pratiques.

[21]            Vu la décision des Prédateurs de retrancher Alexandre, il s'est retrouvé sans équipe et a ainsi vu ses chances d'accéder à un niveau supérieur dans le domaine du hockey littéralement s'évanouir.

[22]            Vu son impossibilité de se replacer au sein d'une équipe de son niveau, Alexandre a vécu une période de découragement et de dépression.  Son style de vie a changé de même que sa manière de s'alimenter.  Selon son père, Alexandre n'est plus la même personne, n'a plus les mêmes objectifs, est désorganisé et a perdu son enthousiasme.

[23]            Le 16 février 2006, M. Di Ruocco, en sa qualité de tuteur à Alexandre, a intenté les procédures en la présente instance réclamant solidairement des défenderesses la somme de 20 000 $ pour les dommages causés à Alexandre et désignés comme « unjustified and unwarranted anxiety, deep sorrow and loss of quality of life, and more importantly have undermined Alex's dignity, both personally and professionally making Co-Defendants liable for all the damages suffered by him » (paragraphe 44 de la requête introductive d'instance).

 

Questions en litige

 

1 -  L'Association, la Ligue et la Fédération ont-elles commis des fautes envers Alexandre ?

 

2 -  L'équipe des Prédateurs s'est-elle engagée envers Alexandre à le garder pendant toute la saison 2005-2006 ?

 

3 -  Dans l'affirmative, quels sont les dommages subis par Alexandre ?

 

Analyse

 

[24]            À titre introductif, le Tribunal tient à souligner le travail remarquable des parties, de leur procureur et des témoins qui ont fait valoir leur position et ont établi les faits d'une manière posée, rationnelle et pertinente.  Les représentants des défenderesses ont démontré avec beaucoup de pertinence la structure organisationnelle du hockey au Québec et l'importance de la participation des bénévoles dans les différentes équipes, ligues, fédérations et associations.  Le Tribunal salue le travail remarquable des différents intervenants dans le milieu du hockey qui font en sorte que les jeunes québécois puissent participer et évoluer dans un sport bien organisé et structuré.  Le Tribunal note que toutes les défenderesses sont des organismes sans but lucratif, chacune d'elles étant constituée en vertu de la Partie III de la Loi sur les compagnies (L.R.Q., c. C-38).

[25]            Le présent dossier ne recèle pas, de part et d'autre, de la mauvaise foi ou de l'abus de droit.  Il s'agit d'un dossier qui porte essentiellement sur la relation entre Alexandre, un gardien de but manifestement talentueux et intelligent, et son ancienne équipe de hockey, en l'occurrence les Prédateurs.  De l'avis du Tribunal, la question essentielle à trancher dans le cadre du présent litige est la deuxième question, à savoir si l'équipe des Prédateurs s'est engagée à conserver Alexandre à titre de gardien de but pendant toute la saison 2005-2006.  Avant de répondre à cette question, le Tribunal disposera de la première question posée.

[26]            La défense de la Ligue et de la Fédération est au même effet.  Elles n'ont pas à dicter à leurs membres la composition de leur équipe ni à intervenir dans le choix des joueurs.  De plus, aucun règlement interne de ces deux organismes n'a été transgressé.

[27]            Selon la Ligue et la Fédération, Alexandre a vécu une situation courante causée par l'ajout et le retranchement de joueurs lors de camps d'entraînement ou jusqu'à la date limite prévue au règlement de la Fédération pour déposer la liste finale des joueurs.  À cet égard, le Tribunal réfère à l'article 5.4.3 du « Livre de règlements administratifs » pour la saison 2005-2006 de la Fédération qui se lit comme suit:

« Aucune équipe ne peut libérer un joueur entre le dix (10) janvier à midi (12h00) et la fin de la saison. »

[28]            En d'autres termes, la preuve a établi qu'entre le début de la saison, soit vers le début du mois de septembre de chaque année et le 10 janvier à midi, il est courant qu'un joueur puisse être retranché d'une équipe.  Après cette date, aucun retranchement n'est autorisé.

[29]            Finalement, la Ligue et la Fédération plaident que la décision d'Alexandre de ne pas évoluer dans la catégorie Midget BB est la sienne et que, année après année, des joueurs ayant évolué dans cette catégorie sont sélectionnés par des équipes de calibre supérieur (paragraphes 23, 24, 28 et 29 de la défense).

[30]            Avec respect pour la position de M. Di Ruocco et d'Alexandre, le Tribunal est d'opinion qu'aucune preuve n'a établi quelque faute que ce soit de la part de la Ligue ou de la Fédération.  Elles  ne sont pas impliquées dans la gestion quotidienne d'une équipe de hockey mais ont plutôt comme mission d'organiser, de structurer, de développer et d'encourager la pratique du hockey au Québec.  Leur représentant respectif, M. Claude Gauthier, vice-président et secrétaire de la Ligue et M. André Lalonde, directeur de la Fédération, ont bien expliqué au Tribunal les fonctions de ces organismes et le fait qu'elles n'étaient aucunement impliquées dans le choix des joueurs et leur retranchement.

[31]            Ceci étant, puisque aucune preuve d'une quelconque faute que ce soit de la part de la Ligue ou de la Fédération n'a été établie, le Tribunal n'a d'autre choix que de rejeter l'action intentée contre elles.  Cependant, aucuns frais ne seront accordés puisque la Ligue et la Fédération n'ont pas produit de défenses distinctes.

[32]            Quant à l'Association, il lui est reproché de ne pas avoir pris les dispositions nécessaires afin qu'Alexandre soit réintégré dans l'équipe Midget AA suite à son retranchement des Prédateurs en octobre 2005, le tout en contravention avec les articles 4.5.2 et 5.4.2 du règlement de la Fédération qui se lisent comme suit:

«          Processus de sélection

4.5.2        Le processus de sélection des joueurs est le suivant:

a)      Tout en conservant la liberté de choix du joueur et en respectant les règlements de domicile légal, les équipes des ligues de développement ont priorité pour la sélection des joueurs évoluant sur leur territoire; la libération des joueurs sélectionnés est automatique.

        Cependant, si le joueur ne signe pas avec l'équipe de développement, il doit retourner avec l'organisation qui détenait les droits sur les services de celui-ci.  Cet article est soumis aux procédures édictées dans le programme de développement.

b)         Les équipes de développement régionales doivent prendre leurs joueurs affiliés dans leur territoire de recrutement défini par la région et dûment qualifiés selon les tests d'éligibilité.

            Retour à l'équipe originale

5.4.2    a)    Un joueur libéré d'une équipe d'une ligue de développement doit retourner à l'équipe de sa région ou son territoire de recrutement tel que déterminé par son domicile légal.

            b)    Un joueur libéré d'une équipe junior avant le 10 janvier à midi (12h00), doit retourner à son équipe originale ou à l'organisation qui détient des droits sur les services du joueur, en vertu du règlement du domicile légal. »

[33]            M. Serge Beaudoin, président du Conseil d'administration de l'Association, a établi devant le Tribunal la position de celle-ci.  Lorsque Alexandre a décidé de se joindre aux Prédateurs, sa place au sein de l'équipe Midget AA a été libérée, si bien qu'un autre gardien de but, M. Destroismaisons, est venu combler le poste laissé vacant par Alexandre.  Dans ce cas, suite aux interrogations du père du gardien de but Destroismaisons, l'Association lui a donné l'assurance que son fils ne serait pas retranché et jouerait jusqu'à la fin de la saison 2005-2006.

[34]            Aussi, M. Beaudoin réfère à des règlements internes de l'Association qui auraient été remis aux joueurs et aux parents, à l'effet qu'il n'y avait aucune assurance pour un joueur de revenir dans l'équipe Midget AA de l'Association s'il décidait d'accepter une offre d'une autre équipe.  En vertu de ces règlements, dont copies n'ont pas été déposées en preuve, la direction de l'Association a donc décidé de refuser le retour d'Alexandre, suite à son retranchement par les Prédateurs.

[35]            Dans la lettre de mise en demeure P-1 datée du 18 novembre 2005 et adressée aux défenderesses, l'avocat d'Alexandre s'exprime notamment ainsi:


« Our client was told by Mr Côté  (ex-entraîneur-chef des Prédateurs) that they had made a mistake in releasing him in August and wanted to know if he was interested in coming back with Edouard-Montpetit AAA (Les Prédateurs) to complete the goalie duo with Mr Clermont.  Upon enquiry, our client was promised this was a final decision and that he would be with the team for all of this year, permanently.  That was very important for our client, as he was leaving his Étoiles de l'Est AA team to go to Edouard-Montpetit AAA, and he wanted to make sure he had his spot on the team.»

(soulignement du Tribunal)

[36]            Sans égard à l'application des articles 4.5.2 et 5.4.2 précités du règlement de la Fédération, la preuve prépondérante démontre que Alexandre savait qu'en quittant son équipe Midget AA pour les Prédateurs, il libérait son poste de gardien de but qui pouvait alors être comblé.  Quoi qu'il en soit, le Tribunal est d'avis que même si une faute pouvait être attribuée à l'Association en vertu de l'article 5.4.2 précité du règlement de la Fédération, cette faute n'a aucun lien direct avec les dommages subis par Alexandre.  Ce n'est pas le refus de l'Association de prendre les dispositions nécessaires afin que Alexandre puisse réintégrer l'équipe Midget AA qui a causé des dommages à Alexandre, mais bien la décision des Prédateurs de le retrancher.

[37]            Le Tribunal considère que l'Association, la Ligue et la Fédération devraient adopter des règles plus limpides pour régler des situations comme celle vécue par Alexandre, lorsqu'un joueur est retranché d'une équipe Midget AAA.  Quoi qu'il en soit, le Tribunal considère qu'aucune preuve prépondérante n'a établi quelque faute que ce soit de la part de l'Association envers Alexandre.

[38]            Tel qu'indiqué antérieurement, la question essentielle à trancher dans le cadre du présent dossier est de déterminer si l'équipe des Prédateurs s'est engagée envers Alexandre à le garder pendant toute la saison 2005-2006.  Sans aucune hésitation, le Tribunal répond par l'affirmative à cette question.

[39]            La preuve nettement prépondérante est à l'effet qu'un engagement formel a été transmis à Alexandre à l'effet qu'il serait l'un des gardiens de but des Prédateurs pendant toute la saison 2005-2006.  La source de cet engagement provient de M. Claudio Cacciotti, alors directeur administratif des Prédateurs.  Il a témoigné avec honnêteté et candeur à l'effet que lorsqu'il a approché M. Zotti, alors gouverneur de l'Association, il a clairement établi que le poste de gardien de but offert à Alexandre était permanent pour toute la saison 2005-2006.  Dans son témoignage, M. Cacciotti a utilisé les termes suivants:  « bring him up permanently ».

[40]            M. Di Ruocco et Alexandre n'ont pas inventé ou rêvé cet engagement formel en provenance d'une personne en autorité des Prédateurs.  Cette offre a été discutée avec M. Di Ruocco et a été ultimement transmise à Alexandre par M. Patrick Côté, alors entraîneur-chef des Prédateurs.  Le Tribunal considère que la preuve est non seulement prépondérante mais aussi non contredite à l'effet qu'Alexandre devenait l'un des gardiens de but des Prédateurs pour l'ensemble de la saison 2005-2006, ayant accepté l'offre transmise à cet effet.

[41]            Le Tribunal est d'opinion qu'en s'engageant ainsi, les représentants de l'équipe des Prédateurs l'ont engagée contractuellement envers Alexandre et qu'ils ne pouvaient revenir en arrière sans obtenir son accord.

[42]            Le Tribunal est d'avis qu'en s'engageant ainsi, les Prédateurs devançaient la date fatidique du 10 janvier, prévue à l'article 5.4.3 précité du règlement de la Fédération et assuraient ainsi à Alexandre qu'à compter de la signature de son « contrat », qui constitue un simple certificat de joueur (pièce P-3) signé le 28 septembre 2005, il avait l'assurance qu'il ne serait pas retrancher ou rétrograder.

[43]            La décision des Prédateurs de rétrograder Alexandre fait suite à la démission du directeur M. Claudio Cacciotti et du congédiement de l'entraîneur-chef M. Patrick Côté.  Le nouveau directeur, M. Luc Boucher, et le nouvel entraîneur-chef, M. Joël Bouchard, ont cru qu'ils avaient toute la latitude possible afin de remercier Alexandre de ses services en octobre 2005, avant la date fatidique du 10 janvier prévue audit article 5.4.3 précité du règlement de la Fédération.  Ce faisant, MM. Boucher et Bouchard contrevenaient à l'engagement formel pris par MM. Cacciotti et Côté à l'effet qu'Alexandre serait l'un des gardiens de but des Prédateurs pour l'ensemble de la saison 2005-2006.  La preuve démontre clairement que MM. Cacciotti et Côté possédaient toutes les autorités nécessaires, du moins en apparence, afin de lier les Prédateurs auprès de M. Di Ruocco et d'Alexandre.

[44]            Tel qu'indiqué antérieurement, le Tribunal n'a aucune hésitation à conclure que l'équipe des Prédateurs s'est formellement engagée envers Alexandre à le garder pendant toute la saison 2005-2006 et que cet engagement a été injustement et illégalement rompu.  À cet égard, le Tribunal considère que l'article 157 du Code civil du Québec, qui est de droit nouveau, trouve pleine application en rapport avec la relation contractuelle qui s'est établie entre Alexandre et les Prédateurs:

« 157.  Le mineur peut, compte tenu de son âge et de son discernement, contracter seul pour satisfaire ses besoins ordinaires et usuels. »

[45]            L'âge et le discernement d'Alexandre ne sont aucunement en cause.  Les loisirs constituent un des besoins de toute personne normalement constituée.  En l'espèce, pour Alexandre, contracter avec une équipe de hockey, afin de pratiquer son sport favori, vise à satisfaire des « besoins [1] ordinaires [2] et usuels [3] ». [4]

[46]            Selon le Tribunal, la décision de MM. Boucher et Bouchard de retrancher Alexandre de l'équipe des Prédateurs découle d'un manque manifeste de communication avec les représentants antérieurs de cette équipe.  Malheureusement, Alexandre a subi les conséquences de ce manque de communication et, par conséquent, d'organisation au sein de l'équipe des Prédateurs.

[47]            Malgré l'envoi de la mise en demeure P-1 datée du 18 novembre 2005, l'équipe des Prédateurs n'a pas révisé sa position quant au retranchement d'Alexandre.  Pourtant, il eut été si simple de communiquer avec MM. Cacciotti et Côté qui auraient démontré, comme ils l'ont fait devant le Tribunal, qu'un engagement avait été pris envers M. Di Ruocco et Alexandre pour l'ensemble de la saison 2005-2006.

[48]            En droit, le Tribunal conclut qu'une faute a été commise par les Prédateurs qui doivent être tenus entièrement responsables de tous les dommages subis par Alexandre et découlant de la transgression de l'engagement pris envers lui en septembre 2005.

[49]            En l'espèce, M. Di Ruocco, en sa qualité de tuteur à Alexandre, ne réclame aucun dommage exemplaire ni punitif.  La somme de 20 000 $ est réclamée pour les dommages essentiellement moraux subis par Alexandre.  L'évaluation des dommages n'est pas une science exacte.  Une large discrétion est laissée au Tribunal afin de compenser les dommages subis.

[50]            Alexandre a témoigné avec beaucoup d'aplomb des conséquences vécues suite à son retranchement.  Il a perdu sa saison de hockey et, ultimement, sa carrière a été sérieusement compromise.  Contrairement à certains allégués de la défense des défenderesses, la preuve est à l'effet qu'un joueur qui évolue dans une équipe Midget BB n'est jamais recruté dans une ligue junior majeur ou autre, sauf rares exceptions.  Selon les organigrammes déposés de part et d'autre, la participation à une équipe Midget AAA est un tremplin naturel vers une équipe de la Ligue de hockey junior majeur du Québec ou autre ligue concurrente.  Un joueur qui évolue dans une équipe Midget AAA est largement favorisé pour accéder à une ligue supérieure.

[51]            Avec raison, le procureur des défenderesses a souligné que même si Alexandre avait évolué avec les Prédateurs au cours de la saison 2005-2006, il n'y a aucune garantie qu'il aurait été recruté par une équipe d'une ligue supérieure.  Cependant, le fait que l'équipe des Prédateurs n'ait pas respecté son engagement envers Alexandre lui a fait perdre toutes ses chances d'accéder à une telle ligue.  Comme le disent les auteurs Baudouin et Deslauriers, en traitant de la perte de soutien futur suite au décès d'un enfant:

« La faute a cependant réduit à néant cette possibilité, cet espoir, cette espérance légitime de soutien ». [5]

[52]            Appliquant ce principe aux faits de la présente cause, le Tribunal considère que l'inexécution des obligations des Prédateurs a réduit à néant cette possibilité, cet espoir, cette espérance légitime qu'avait Alexandre d'accéder à des ligues supérieures de hockey.

[53]            Pour un jeune joueur talentueux comme Alexandre, la décision des Prédateurs de ne pas respecter l'engagement de le garder pendant toute la saison 2005-2006 constitue une sérieuse gifle et l'écroulement de ses espoirs et de ses rêves de continuer à gravir les échelons nécessaires afin d'accéder à des ligues supérieures.  Depuis l'âge de six ans qu'Alexandre a orienté ses activités afin de participer à des équipes de hockey qui l'ont mené au plus haut niveau du hockey mineur au Québec.

[54]            La décision de le retrancher a eu comme conséquence de changer complètement son style de vie.  Il ne possédait plus l'encadrement qui était nécessaire afin d'évoluer au sein d'une équipe Midget AAA qui favorise la réussite scolaire et le rendement sportif.  Afin de continuer à jouer au hockey, Alexandre a dû se joindre à une équipe dite de « garage » et même s'expatrier aux États-Unis.

[55]            Heureusement, Alexandre est une personne intelligente qui n'a pas arrêté ses études qu'il poursuit au Collège Champlain dans le cadre d'un programme d'études avancées en commerce international.

[56]            Après étude de l'ensemble de ce dossier et arbitrant le tout, le Tribunal considère que l'action de M. Di Ruocco, agissant ès qualités de tuteur à Alexandre, est bien fondée, jusqu'à concurrence de la somme de 7 500 $.


PAR CES MOTIFS, le Tribunal:

 

REJETTE la requête introductive d'instance du demandeur contre les défenderesses Association de Hockey Mineur Les Étoiles de l'Est inc., Ligue de Développement du Hockey Midget AAA du Québec inc. et Fédération Québécoise de Hockey sur Glace inc., sans frais;

ACCUEILLE en partie la requête introductive d'instance du demandeur;

CONDAMNE Les Prédateurs de Montréal Midget AAA inc. à payer à Gino Di Ruocco, ès qualités de tuteur à Alexandre Di Ruocco, la somme de 7 500 $, avec intérêts au taux de 5 % l'an à compter du 18 novembre 2005, y compris l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec;

LE TOUT avec dépens, mais uniquement contre Les Prédateurs de Montréal Midget AAA inc.

 

 

 

__________________________________

Henri Richard, J.C.Q.

 

Me David Assor,

(SPIEGEL SOHMER)

pour le demandeur

 

Me Roland Grand'Maison,

(LEGROS & GRAND'MAISON)

pour les défenderesses

 

 

 

Dates d’audience :

17 et 18 janvier 2007

 



[1]     Au singulier, le mot besoin est défini comme:  « Exigence née de la nature ou de la vie sociale. »  Au pluriel, besoins se définit ainsi:  « Les choses considérées comme nécessaires à l'existence, obtenues par de l'argent. », Le nouveau Petit Robert de la langue française, 2007.

[2]     « Conforme à l'ordre normal, habituel des choses; sans condition particulière », ibid.

[3]     « Qui est utilisé habituellement, qui est d'un usage courant. », ibid.

[4]     Voir à cet égard l'étude des auteurs Édith Deleury et Dominique Goubau, Le droit des personnes physiques, 3e édition, Éditions Yvon Blais, 2002, et plus particulièrement la section intitulée « Le domaine de la capacité des mineurs », paragraphes 461 et suivants.

[5]     Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, 6e édition, Éditions Yvon Blais, paragraphe 323.

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